Remettre de l’ordre pour avoir la sensation de contrôler quelque chose

Revival, tome 3 –  par Tim Seeley et Mike Norton

Une couverture peu parlante

Une couverture peu parlante © Image Comics

 AUTEUR : PRÉSENCE

VO Image

VF Delcourt 

La série Revival est une série à suivre indépendante de toute autre, réalisée par la même équipe de créateurs depuis le début en 2012. Tim Seeley écrit les scénarios, Mike Norton réalise les dessins et l’encrage. La mise en couleurs est effectuée par Mark Englert.

À Wausau, une petite communauté du Wisconsin, plusieurs individus sont revenus d’entre les morts. Ils ne se nourrissent pas de cervelles, mais ils souhaitent reprendre leur place dans la société, leur famille, malgré des dégénérescences mentales plus ou moins marquées.

Un patelin rural avec son élevage de bestiaux

Un patelin rural avec son élevage de bestiaux © Image Comics

Le personnage principal est Dana Cypress : policière, mère de Cooper (une dizaine d’années), séparée de Derek Hinch le père. Em ( sa sœur) fait partie des revenants, mais sans avoir déclaré son état, car elle a été assassinée peu de temps avant le phénomène de retour à la vie. Wayne Cypress (le père de Dana et Em) occupe les fonctions de chef de la police.

La petite ville de Wausau est toujours sous le coup de la quarantaine du fait de l’épidémie de résurrection. Dans la séquence d’ouverture, Martha se laisse porter par l’eau glacée de la rivière, en se remémorant une partie de fer à cheval avec son père. Dana Cypress  s’occupe de Cooper, tout en rassurant Derek Hinch (le père de Cooper) sur sa sécurité, et en jetant un coup d’œil à la bande dessinée qu’est en train de faire Cooper avec ses crayons de couleurs.

Les dessins de Cooper: à la fois un résumé et un aperçu de l'état d'esprit de Cooper

Les dessins de Cooper: à la fois un résumé et un aperçu de l’état d’esprit de Cooper © Image Comics

Ibrahaim Ramin se rend à la mosquée pour constater qu’elle a été vandalisée. Le professeur Aaron Weimar reçoit Joe Meyers (un ressuscité) pour une consultation psychanalytique, au frais du contribuable. Em décide d’aller aider au tri des morceaux de cadavres répandus sur l’autoroute, pour reconstituer chaque corps. Maureen, la représentante du CDC (Centers for Disease Control and Prevention) apprend à Ken Dillisch (le maire de Wausau) que l’eau utilisée pour abreuver les bêtes comprend une part d’eau lourde. May Tao poursuit son investigation journalistique sur la disparition des 3 frères Check. Lester Majak chante du heavy metal. Em raccompagne la petite Jordan Marie Borchardt (une enfant ressuscitée) chez elle, en voiture, avec un spectre comme passager clandestin.

Chaque nouveau tome exige du lecteur un petit effort de mémoire pour se souvenir de l’identité de la trentaine de personnages qui peuplent ces pages. Toutefois l’effort n’est pas aussi difficile que ça, parce que ces personnages ont déjà acquis une épaisseur significative, et que le lecteur s’y est déjà attaché. Em n’est pas une simple adolescente un peu attardée dans sa rébellion, elle est capable d’attention pour Cooper ce qui la rend crédible. Dana Cypress est une jeune policière, loin d’être infaillible, s’occupant de son fils en essayant de garder une relation adulte avec son ex-mari. Elle est capable de prendre du recul sur les actions qu’elle accomplit. Sous des dehors exubérants, Lester Majak recèle des niveaux de complexité intrigants.

Les 2 sœurs Em et Dana Cypress

Les 2 sœurs Em et Dana Cypress © Image Comics

Seeley arrive même à dépeindre Cooper comme un véritable enfant, avec des réactions plausibles d’enfant, sans en faire ni un adulte miniature, sans le ravaler à l’état de simple dispositif narratif artificiel. May Tao est une jeune journaliste ambitieuse, mais elle aussi en proie à des doutes et des arrières pensées, loin de tout manichéisme. Le lecteur prend peu à peu conscience qu’il s’est déjà investi émotionnellement dans ces personnages humains et faillibles, déjà très familiers. Il est donc presque surpris de constater que Seeley n’oublie pas son récit et les différentes intrigues entremêlées.

À l’opposé d’un récit installé dans un statu quo confortable, celui-ci avance significativement à chaque épisode, en développant les conséquences des événements passés. Ainsi la disparition des frères Check n’est pas oubliée et le lecteur constate le désarroi de leur mère, tout comme il découvre qui était leur père. Cet élément est un bon exemple de la façon dont Seeley a trouvé un bon équilibre entre les personnages et l’intrigue.

Quelques habitants sont très attachés à leur droit de se défendre

Quelques habitants sont très attachés à leur droit de se défendre © Image Comics

La série Revival n’est pas qu’une suite de rebondissements et de scènes chocs assemblés autour de personnages superficiels. Il s’agit bien de leur histoire, de leur ville, de leur passé. Du fait de cet équilibre, les découvertes ne se résument pas à de simples artifices narratifs pour relancer l’intrigue et maintenir l’attention du lecteur. Seeley dépasse le cadre du simple thriller horrifique, malgré des coups de théâtre brutaux. Le lecteur est donc rapidement captivé par une intrigue dense et retorse, et des personnages complexes et étoffés.

Les dessins de Norton présentent une apparence réaliste un peu simplifiée, en particulier pour les visages, pas toujours très jolis. Il prend soin de donner des morphologies crédibles et variées aux individus, ainsi que des traits facilement reconnaissables. Il sait aussi dépeindre des enfants de manière crédible. Il apporte un soin visible à concevoir des environnements pensés dans le détail, qu’il s’agisse des scènes d’intérieur ou d’extérieur. Il est possible de détecter un niveau de simplification parfois un peu trop important dans un élément de décor. Mais lorsque le besoin s’en fait sentir, Norton se montre capable d’être plus précis (par exemple l’intérieur de l’hôpital). Fait appréciable, Norton réalise des décors naturels crédibles, qu’il s’agisse des espaces boisés, ou des étendues neigeuses.

Une narration visuelle impeccable

Une narration visuelle impeccable © Image Comics

Là où Norton se révèle être le dessinateur de la situation, c’est dans les moments horrifiques. Tout d’abord il maîtrise sa mise en page de manière à surprendre à chaque fois le lecteur, ce qui n’est pas si simple à faire dans le cadre d’une bande dessinée, encore moins quand le lecteur sait qu’il y aura des moments chocs. Ensuite, malgré la simplification, les dessins ne perdent rien en horreur, qu’il s’agisse des coutures rouge sang du blouson d’Em, des larmes de sang de Joe Myers, ou de l’automutilation de Jordan Marie Borchardt.

Plongé dans ce thriller de bonne facture, le lecteur s’implique dans cette intrigue bien fournie. Arrivé au quatrième épisode, il a le plaisir de constater que Seeley est également capable d’insérer quelques réflexions opportunes sur la nature humaine. Cela commence par les réflexions de la petite Jordan sur la pression que subissent les enfants du fait des attentes des parents. Il y a l’introspection du journal intime de Dana sur sa soif de connaître les secrets des autres, très éclairante sur le besoin de savoir pour conforter son assurance. Encore plus surprenant, il y a les réflexions d’Aaron Weimar sur ses aspirations d’écrivain, et sa vision romantique de l’amour qu’il porte à sa femme.

Avec ce troisième tome, Tim Seeley et Mike Norton franchissent un nouveau palier dans la qualité de leur narration pour un récit de genre (horreur) utilisant avec habilité les conventions correspondantes (de vrais moments horrifiques), avec des personnages très humains (empathie assurée), une intrigue dense réservant un lot de surprises, et des considérations personnelles s’élevant au-dessus des stéréotypes convenus. Il n’y a qu’à voir la facilité avec laquelle ils montrent comment Edmund Holt réussi à profiter de la psychose ambiante pour justifier ses prises de position réactionnaire les plus nauséabondes.

Des manifestations surnaturelles fugaces et inexpliquées

Des manifestations surnaturelles fugaces et inexpliquées © Image Comics

12 comments

  • Bruce  

    Welcome back Présence !
    Cet article m’a donné envie de me lancer et je n’ai pas été déçu. C’est plutôt pas mal avec une ambiance entre Fargo et Stephen King. Les personnage ont une vraie personnalité. J’ai parfois pensé aussi aux frères Luna pour le scénario. Je suis plus réservé sur le dessin pas très accrocheur, spécialement pour les couvertures hideuses.
    Question : j’ai le tome 4 qui crossover avec Tony Chu. S’agit il du dernier volume ou la série continue ?

    • Présence  

      Non, ce n’est pas le dernier tome. J’ai acheté le tome 5 le mois dernier (pas encore lu), et la série n’est pas finie. À ma connaissance, Tim Seeley n’a pas évoqué de longueur (en termes de nombre d’épisodes) pour sa série.

    • Présence  

      J’espère qu’un lecteur du site répondra à ton cri.

      N’ayant pas vu la série TV « Les revenants », je me garderais bien de te contredire.Il n’est pas impossible que les 2 séries aient été conçues concomitamment, sans que les créateurs de l’une aient conscience du travail des autres. De même, il est vraisemblable qu’en cherchant bien on retrouve des histoires basées sur le même principe dans la production littéraire ou cinématographique du vingtième siècle (ou même avant).

    • http://www.comics-et-merveilles.fr  

      Ayant vu et apprécié la saison 1 de la série (version française puisque les américains se sont mis à l’adapter), je confirme que le point départ est similaire mais en lisant l’article (je ne connais pas du tout Revival), les deux histoires semblent partir dans des directions bien différentes. Sinon, l’article donne forcément très envie mais la peur de me diversifier me terrifie en ce moment 🙂
      Quant aux revenants, je crois que la saison 2 est en approche sur Canal +

  • Jyrille  

    Ca a l’air sympa. Je ne suis pas friand du dessin d’après ce que je peux en voir, mais je remarque que les scans des planches montrent effectivement une narration solide et que les tons sont surtout bleutés (normal pour ce genre d’histoire). Je ne connaissais pas mais ça peut être intéressant.

    • Présence  

      Les tons bleutés correspondent également à la neige qui recouvre les environs de Wasau.

  • Yuandazhukun  

    L’histoire me plait bien à moi aussi ! Un vrai mouton ! Comme les autres camarades le dessin me rebute un peu…après ce serait pas la première fois que ce qui m’apparaissait pas très beau au départ m’enthousiasme par la suite ! Merci Présence pour, comme toujours, un article aux petits oignons !

    • Présence  

      J’avais eu la même réaction concernant les dessins : pas tout à fait assez détaillés, pas tout à fait assez consistants. Mais à la lecture, il s’avère qu’ils racontent bien l’histoire, malgré leur apparence un peu diaphane.

  • Bruce lit  

    En lisant actuellement le tome 4, je trouve le dessin fonctionnel et M.A est vraiment craquante. Les spectres par exemple n’ont pas une apparence très travaillée. Et parfois les couleurs m’intriguent; spécialement pour les personnages asiatiques qui sont verdâtres…Mais c’est une très bonne série.

    • Présence  

      Ouah ! « Revival » est classée par le chef dans la catégorie des « Très bonnes séries »… et pourtant il est dans la catégorie des « lecteurs très difficiles ». 🙂

  • Sylvain  

    Bonjour,

    Entièrement d’accord pour les couverture harcover françaises, c’est une honte lorsque l’on sait à quel point les couvertures kiosques sont magnifiques !

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