Magneto Testament par Greg Pak et Carmine Di Giandomenico
Première publication le 28 mars 2014. Mise à jour le 03 février 2017.
: BRUCE LIT
VO : Marvel
VF : Panini
Magneto Testament est une mini série en quatre épisodes scénarisée par Greg Pak et illustreé par Carmine Di Giandomenico. Les couvertures sont de Marko Djurdjevic. Chose rare, Stan Lee quitte son rôle de bouffon médiatique pour livrer une postface très émouvante. Panini a réédité l’histoire dans un bel écrin Marvel Dark.
Magneto est l’un des personnages les plus passionnants du l’univers Marvel. Certains forums le considèrent même comme le plus grand vilain des Comics Books. Ni bon, ni tout à fait mauvais, sa présence dans les Xmen induit souvent des combats souvent aussi physique qu’idéologiques.
Lorsqu’il apparait pour la première fois chez les Xmen, Magneto est le stéréotype du vilain qui n’est là que pour s’opposer aux bons : impitoyable, veule, menteur, manipulateur. Il faudra attendre une quinzaine d’années pour que Chris Claremont le recréateur des Xmen tel qu’on les connait et que l’on aime, remodèle entièrement le personnage.
C’est ainsi qu’au cours d’un combat somme toute routinier contre les hommes de Xavier, il est sur le point de tuer Kitty Pryde, l’adorable benjamine de 13 ans et Juive de surcroît. Il s’agit à mon sens de la plus belle scène des Xmen sous l’ère Claremont: Magnéto, d’habitude si arrogant fond en larmes, en proie à un syndrome post traumatique et craque durant un combat : du jamais vu !
Impuissant aux pieds d’une Tornade prête à l’exécuter, il confie être un rescapé de la Shoah et que la haine éprouvé envers ses bourreaux se répercute surs ses choix idéologiques.Traumatisé par le fait qu’une race ait pu disparaitre à cause de la haine, il jure de protéger les mutants afin d’éviter que ne se reproduise le massacre.
Si ces intentions sont nobles, les méthodes radicales du Maître du Magnétisme en choquera plus d’un. Lui même admettra en s’attaquant à une enfant être devenu ce qu’il s’est juré de combattre : un despote raciste pas si différent d’Hitler. En plus d’une réflexion passionnante induisant que les victimes peuvent devenir des bourreaux, Claremont invente progressivement un passé à ce personnage après 20 d’existence chez Marvel: Magneto a vu toute sa famille exterminée à Auschwitz, il en est un des rares survivants avec Magda la femme qu’il a sauvé.
De retour à la vie civile, des militants communistes le persécutent et causent accidentellement la mort de sa petite fille. Fou de douleur, Le jeune Magneto cède à la rage qui l’habite en déployant pour la première fois ses pouvoirs. Terrorisée par cet homme qu’elle pensait aimer, Magda abandonne un Magneto désemparé qui rencontre en Israel un jeune Thérapeute idéaliste : un certain Charles Xavier …
Claremont que l’on a jamais assez remercié pour les aventures des Xmen qui nous ont tant fait rêver, fait rentrer la Shoah dans les Comics Books. Alors que le monde des comics voue une adulation parfois agacante envers Alan Moore et Frank Miller, le choix de Claremont de transformer un vilain d’operette en une victime de l’histoire qui se révolte, est une une étape majeure de l’évolution du Comic Book que l’on oublie souvent.
Magneto : Testament raconte l’histoire du jeune Magnéto en détail, ce qui n’avait jamais été fait. Question de maturité ? Le Comics code en vigueur jusqu’en 2000 empêchait il la représentation des chambres à Gaz en format BD ? Manque de courage artistique ? Toujours est il, qu’avec ce livre, Marvel frappe un grand coup et prouve que le Comics Books n’est pas seulement un vecteur de combat titanesques pour adolescent attardé ; Spiegelmann avec Mauss et Joe Kubert avec Yossel ont prouvé que Bande Dessinée pouvait s’accorder avec l’Histoire.
Attention ! Ici les pouvoirs de Magneto ne sont pas encore apparus . Qu’on ne s’attende pas à de l’Inglorious Basterds où l’on fait voler les Nazis ! Le projet , mené de main de maitre par Greg Pak est de se servir du seul personnage de BD Américaine ayant connu ces atrocités pour raconter aux jeunes générations le carnage Nazi.
Max est donc un jeune juif d’une dizaine d’années au moment des premières lois raciales. On y suit ses premières humiliations , son histoire d’amour tragique avec Magda , une jeune Gitane , puis de fil en aiguille , les réquisitions , l’étoile jaune , la traque des commandos de la mort et la déportation . La dernière partie de Testament se situe donc à Auschwitz où le jeune Max est un homme par la force des choses et devient « Sonderkommando » , c’est à dire un prisonnier afféré aux taches jeter les corps de ses frères dans les fours crématoires …
Voilà , c’est terrible , c’est dur , c’est réaliste, c’est audacieux pour une industrie qui a tendance à ressusciter ses morts dès que les ventes chutent , on en ressort KO et les dessins sont bouleversants. Plus qu’un background à un personnage passionnant, Testament est une splendide oeuvre, courte, mais terriblement efficace. L’édition Française est très bien même s’il manque le petit QCM présent dans l’édition Américaine demandant aux jeunes lecteurs de faire part de leurs impressions.
Elle a cependant le mérite d’offrir une traduction de qualité et une Postface émouvante et militante de Stan Lee ( Lieber de son vrai nom). Seul reproche : la couverture est poignante mais pêche sur un petit détail : il aurait été impossible dans la réalité pour Max de laisser sa main sur la clôture électrifiée ….
Testament est à double tranchant : Comme chez Garth Ennis, Pak se sert d’une personnage de fiction pour entrer dans la grande Histoire. Soyez prévenus : ceci n’est pas une histoire des Xmen. Il est même possible de la lire sans rien y connaitre au monde mutant.
Par contre, pour peu que l’on soit sensible à ce type de récit ultra réaliste et adulte, le lecteur sera récompensé au centuple et laisse entrevoir ce que Marvel aurait à offrir avec un peu plus d’audace artistique. Une histoire qui aurait pu être labellisée: Xmen… MAX ! Une option réaliste, mature, engagée de Marvel Knights (la même mouvance de celle qui permit à Garth Ennis d’écrire un Punisher confronté à la géopolitique post 11 septembre) bientôt abandonnée au profit de crossover plus débiles les uns que les autres, qu’aucun devoir de mémoire pour le coup ne nous force à nous rappeler…
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La BO du jour
De la cendre à la cendre, de la poussière à la poussière, fondu au noir, seule reste la mémoire
https://www.youtube.com/watch?v=LCMDb5F_OKg
Un récit très fort aussi bien dans le texte que les dessins. Greg Pak a vraiment eu une riche idée en limitant le côté super-héroïque à une seul planche, pour moi cela renforce le côté humain de l’histoire ET du personnage qui est devenu ce qu’il est en subissant un drame humain sans qu’aucun élément issu de la mythologie Marvel ne vienne interférer, comme dans X-Men: First Class par exemple où sa colère vient en partie de ce qu’un autre mutant fait subir à sa mère.
Si faire de Magneto un survivant de la Shoah a été une trouvaille incroyable de la part de Claremont, ouvrant des portes à des développements intéressants et surtout jamais vus pour l’époque, cela entraîne également son lot de « bugs » dans la continuité, notamment au sujet de l’âge de Magneto, même si pour expliquer sa relative « jeunesse » l’argument d’un rajeunissement supposé est sortie : rappelez-vous, à la fin des années 70 Magneto et sa Confrérie sont renvoyez à l’état de bébés par Alpha le Mutant Ultime dans la série Defenders, avant de retrouver leur taille adulte plus tard, ce qui laisse penser certain que Magneto n’aurait pas forcément regagné le grand âge qu’il avait précédemment. Une plus grosse incohérence se pose pour l’âge de ses enfants, nés de Magda qu’il a connu du temps des camps et qui aurait accouché d’eux logiquement dans les années 50 ; si j’ai pu trouver de vagues suppositions d’un placement en état de stase (après tout ils ont été élevés à Wundagore chez le Maître de l’Evolution), aucun auteur ne s’est à ma connaissance plongé sur cette question (même pas Kurt Busiek, le pape de la réparation de la continuité Avengers !).
Cette série a fait réagir de nombreux amateurs des mutants par la révélation du vrai nom de Magneto, mais ils semblent oublier pour la plupart qu’il avait déjà été établi de longue date qu’Erik Lensherr n’était qu’un pseudonyme et que donc cette révélation colle… sauf peut-être si on se rappelle que le personnage est également souvent désigné comme « Magnus » sans qu’il n’ait jamais été dit que c’était un pseudonyme, même si cela paraît évident vu la ressemblance avec « Magneto » et le sens latin (puissant, grand) du mot (quoiqu’on ne serait pas à une heureuse coïncidence près dans les comics, on a bien un maître des arts mystiques qui s’appelle Strange).
Si le choix paraît de faire de Magneto un survivant de l’Holocauste a fait sens depuis dans les histoires qui ont été écrites à ce sujet, cela peut paraître tout de même plus maladroit quand on voit comment il a pu être écrit dans les années 60 et 70 où il n’était pas question de Seconde Guerre mondiale dans ses origines, il était alors un super-vilain mégalomane lambda dans ses manières d’agir, et il était alors question pour lui de diriger des « mauvais mutants », loin de l’ambiguïté qu’on lui connaît aujourd’hui. Mais bon, si on se bornait à vouloir toujours faire coller à 100% ce qu’on écrit dans l’instant et ce qui a été fait sur des décennies, le medium n’avancerait pas et beaucoup de très bonnes idées n’émergeraient jamais.
C’est vrai que je n’avais jamais reflechi à l’âge des jumeaux ! D’ailleurs les enfants de Magnus sont les grands absents du run de Claremont. Xavier lui aussi rajeuni du fait de son crops de rechange après l’attaque des Broods.
Merci de ta visite !
Malgré tout le travail qu’il a fait sur Magneto, Claremont n’a jamais fait apparaître ses enfants ni même exploité leur existence de quelque façon que ce soit, d’après ce que j’ai pu trouver suite à une rapide recherche sur le net c’est tout juste s’il fait dire à Magneto dans un numéro des New Mutants que ses enfants l’ont renié… Tout ceci laisse à penser que Claremont n’a pas aimé la révélation de la filiation entre Magneto et les jumeaux, et qu’il se serait servi de cette brouille pour les écarter sans scrupule de ses plans, ce qui est vraiment dommage quand on voit avec quelle passion il a géré des mélodrames familiaux tout au long de son run…
L’âge de Xavier est un vrai casse-tête aussi : d’abord vétéran de la Guerre de Corée et en âge d’avoir connu Magneto jeune, avec cette histoire de clone rajeuni pour expliquer sa relative forme physique, on a depuis eu informations contradictoires, entre Grant Morrison qui fait dire à Jean Grey que Xavier a découvert ses pouvoirs trente ans plus tôt (on est alors entre 2002 et 2004, je n’ai pas l’épisode sous les yeux pour vérifier la date exacte) et X-Men (vol.3) #11 (2011) qui propose une histoire situé (de mémoire) à la fin des années 50 avec un Xavier qui ressemble déjà beaucoup à celui que l’on connaît… Il y a de quoi se perdre… Sans compter les incohérences que cela créé lorsqu’on recoupe le parcours de Xavier et les femmes qu’il a rencontré, Moïra comme Gabriel Haller n’ont jamais semblé avoir un grand âge, la première étant pourtant été fiancée à Xavier avant son départ à la guerre et la seconde ayant eu un enfant (Legion) de lui à l’époque de son désaccord avec Magneto, Legion étant d’ailleurs trop jeune pour être né il y a plus d’une vingtaine d’années… Les joies des casse-têtes du monde des comics !
Si on a pas le titre, on peut presque oublier que cette histoire est une mini série comics sur le passé tragique de Erik Lensherr alias Magneto, le «mauvais» mutant des X-Men de Marvel. Ce recueil pourrait être une BD sur l’histoire terrifiante vécu par un jeune adolescent juif et sa survie durant l’Holocauste. D’ailleurs ici, Magneto ne porte pas le nom d’Erik Lensherr mais celui de Max Eisenhardt et il n’est aucunement question des pouvoirs qu’il va acquérir plus tard dans l’univers de la Maison des Idées. On suit le futur Magneto de 1935 à 1945, période durant laquelle il développera son instinct de survie en période de génocide. Une histoire noire, violente, grave, crue mais tellement réaliste sur les événements de la Shoah et le travail d’extermination des juifs et tziganes par les nazis. Greg Pak livre ici un travail historique très documenté et inspiré magnifiquement illustré par l’artiste italien Carmine Di Giandomenico grâce au regard d’un personnage fictif.
En plus de ce récit, une postface de Pak, ainsi que des liens sur la documentation ayant servi à son travail. Les couvertures de Marko Djurdjevic sont toutes présentes. Celui-ci est suivi par quelques planches de Neal Adams, Joe Kubert et J. David Spurlock retraçant la vie de Dina Gottliebova-Babbitt, rescapée d’Auschwitz et des abominations du Dr Mengele, dont le salut ne vint que pour son don pour le dessin. Ainsi que sur son combat inachevé afin de récupérer ce qui fut son travail dans l’enfer des camps.
Beaucoup d’émotion à sa lecture. Sans doute le premier recueil issu des comics qui m’a fait tirer quelques larmes. On comprenait déjà les motivations du combat livré par Magneto, de par ses traumatismes du passé, vus dans d’anciens comics ou dans les films de la licence mutante de la 20th Century Fox, on le comprend d’autant plus avec cette œuvre. Bouleversant ! 5/5
Welcome Kit,
Ton commentaire est un parfait additif à l’article ! La postface concernant Dina m’avait également beaucoup ému tout comme l’afterword de Stan Lee qui pour une fois ne disait pas de conneries ! Bien sûr, Testament n’ a pas la profondeur d’un Maus, mais oui, il s’agit d’une oeuvre d’une très grande qualité et d’une belle intégrité artistique.
Tu as tout à fait raison sur le fait que la dénomination de « Max » au lieu d' »Erik » permet une autre mise à distance par rapport au matériel super heroïque.
Je n’ai jamais franchi le pas de m’acheter ce volume. Le dessin me rebute un peu. Comme sur le scan de l’article d’hier montrant Magda et Erik où on a l’impression qu’ils ont le même visage mais avec une perruque différente. Sur le scan « le juif et la gitane » aussi d’ailleurs.
Je vais surement me faire taper dessus parce que tu vas me dire que ce n’est rien face à la force et l’importance du récit. Mais bon…
Tu disais que Claremont a fait la moue concernant cette histoire ?
Peut être que ce n’est pas ce qu’il imaginait.
Alors tu as grand tort vraiment Matt 🙂
Tout ce que touche Carmine Di Giandomenico est d’or ! L’histoire de Battling Jack Murdock et son Spider Man Noir sont MAGNIFIQUES. J’aime ses visages un peu félins. Ses dessins sont pleins de sensibilité.
//CLaremont : comme dit dans l’article de Patrick, il trouve que survoler la jeunesse de Magnus est préférable à la raconter. Sauf que Greg Pak a effectué un travail d’une rare justesse historique. Et je m’y connais….
Rends toi compte quand même ! C’est du MArvel quoi ! L’éditeur qui proposera par la suite des trucs assez…infantiles quoi. POur être poli…
J’ai tendance à penser comme Claremont pour le coup. Les origins stories, je ne suis vraiment pas fan. Surtout quand c’est parfois pour sortir des trucs clichés insipides (je persiste à dire que Thanos Rising de Aaron pue la m…)
C’est rarement pour moi les récits qui racontent en détails le passé d’un personnage mystérieux. Garder une part de mystère c’est bien.
Mais bon ok je verrai. Je me le procurerai peut être ce Testament.
Il y avait un film allemand sympa hier soir sur la 23. La vague. Ou comment un projet d’école pour établir une communauté prend la direction du régime fasciste. Avec de vrais bons arguments sur l’intérêt des communautés et de l’uniformisation (les inégalités sociales sont effacées, la solidarité entre membres est de mise) mais qui mène à l’intolérance envers la différence et démontre bien un concept d’enfer pavé de bonnes intentions.
Ah oui très bon film !
Avec un prof qui porte un teeshirt Ramones quoi !
Euh…alors ça j’ai absolument pas fait gaffe^^
C’est un signe-discret mais signifiant- du passage de l’anarchiste punk au fasciste rigide.
Bonsoir.
J’ai crû voir cet album en librairie. C’est bien celui édité en format géant ?
Bonjour Zack, en effet !
Génial, merci.