Before Watchmen par Darwyn Cooke
Première publication 4/06/14- Mise à jour le 15/05/16
VO: Vertigo
VF: Urban
AUTEUR : TORNADO
Before Watchmen: Minutemen est une mini-série entièrement réalisée en 2012 par Darwyn Cooke. C’est l’histoire des Minutemen, le premier groupe de justiciers masqués qui s’est illustré durant les années 40, imaginé par Alan Moore dans son mythique Watchmen. Soit les archétypes des super-héros de l’âge d’or des comics, derrière lesquels on peut reconnaître d’illustres figures de papier, tel Captain America ou le Fantôme du Bengale !
A l’origine, il y a les extraits de l’autobiographie de Hollis Mason, intitulée Sous le Masque, qu’Alan Moore avait inséré entre les épisodes de la série Watchmen. Il s’agit de l’histoire des Minutemen, racontée par le premier « Hibou », qui a fait partie de ce groupe « historique » en parallèle avec sa carrière de policier.
Nous suivons donc la formation de l’équipe, son ascension et sa chute, de la fin des années 30 au début des années 60. Durant six épisodes, Darwyn Cooke s’efforce de lire entre les lignes de cette autobiographie fictive et parvient à livrer un récit tout à fait personnel, à la fois lié à celui d’Alan Moore de manière fidèle (sans incohérences ni contradictions), et à la fois parfaitement autonome.
Accumulant les trouvailles narratives qui lui permettent de s’émanciper de ce que racontait jadis Alan Moore, l’auteur de Parker réussit à livrer un récit qui n’appartient qu’à lui tout en demeurant passionnant, ce qui relève du tour de force lorsque l’on pense à quel point le défi (passer après Alan Moore sur sa propre création considérée comme le plus grand comicbook de tous les temps !) devait être intimidant.
Fidèle à lui-même, Cooke réitère tout ce qui faisait le sel de sa magnifique série La Nouvelle Frontière, en liant la fantaisie des super-héros de l’âge d’or et de l’âge d’argent de l’Histoire des comics (des années 1930 aux années 1970) avec l’Histoire des Etats-Unis.
Ce parti-pris passionnant lui permet ici encore de faire des merveilles en donnant du sens à son uchronie. On retrouve ainsi les mêmes thématiques que sur La Nouvelle Frontière : la présence des surhommes assimilée à une menace potentielle se cachant derrière un masque, au même titre que le cinéma assimilait à la même époque la « terreur extraterrestre » à celle du communisme, préfigure autant la « chasse aux sorcière » bien réelle de l’histoire des USA que le fil rouge des événements relatés dans Watchmen !
A côté de cette solide et passionnante toile de fond, Cooke réussit également à faire vibrer son récit grâce à une patine rétro délicieuse contrebalancée par un sens dramatique absolument saisissant. C’est ainsi que, tout en faisant évoluer une poignée de personnages superbement caractérisés, l’auteur parvient à faire cohabiter des séquences d’une nostalgie sucrée avec quelques moments éprouvants d’une violence insoutenable, que le dessin de type cartoon réussit à peine à tempérer. Un sacré talent de conteur, qui fait monter un suspense haletant construit autour d’un mystère de plus en plus intriguant au fur et à mesure que l’on avance avec les épisodes.
Evidemment, le style graphique de Darwyn Cooke est une véritable déclaration d’amour à toute une époque et à son esthétique. Il y a tout autant de Jack Kirby que de Roy Lichtenstein dans ses dessins, en passant par les cartoons de la même période. Son style peut faire penser à ceux de Paul Dini sur Batman et de Michael A Oeming sur Powers, car il partage le même goût pour les images « rétro ». Un style « vintage » qu’il va renforcer par tout un univers aux frontières des « pulps », des comics et du cinéma de science-fiction.
Un autre élément peut être ajouté aux multiples qualités de l’art de Darwyn Cooke. Il s’agit de sa classe narrative : le bonhomme parvient à entrecroiser les trajectoires et la continuité d’une multitude de personnages dont les aventures furent à peine esquissées dans les écrits d’Alan Moore. Pour adresser tous ces renseignements au lecteur, Cooke utilise le procédé très efficace (depuis les jours de gloire de Frank Miller) de la voix-off, et choisit bien évidemment de centrer son récit sur le personnage du Hibou. La construction de la mini-série se révèle au bout du compte maitrisée de bout en bout.
Préférant adresser des clins d’œil conceptuels aux planches d’Alan Moore et Dave Gibbons plutôt que de les singer, Cooke insère régulièrement dans les siennes le motif du « cercle », repris en boucle dans Watchmen (le smiley du « Comédien », ou encore « l’Horloge de la fin du monde », que Cooke avait déjà cité dans La Nouvelle Frontière).
Ce faisant, l’auteur parvient à préserver l’esprit de Watchmen au détriment de la lettre, s’assurant en définitive de livrer une œuvre personnelle et autonome, tout en rendant hommage au « plus grand comicbook de tous les temps ». On est prié de retirer son chapeau…
Au départ, mon intention était de faire l’impasse sur cette entreprise commerciale que représente la franchise Before Watchmen. J’ai fini par céder à la tentation de lire la mini-série de Darwyn Cooke à cause des nombreuses critiques extrêmement positives rédigées ici et là. Alors je ne sais pas ce que valent les autres mini-séries de l’univers Before Watchmen, mais en tout cas, celle-ci mérite franchement le détour…
J’ai été obligé de le commander en ligne, mais je l’ai. En fait, ça va, il ne fait que 6 épisodes, cela semble court, j’avais peur de voir un pavé… Mais non, ce sont les Before Watchmen qui mélangent tout qui sont conséquents.
Voilà, je l’ai finie. Mon premier Darwyn Cooke. J’ai adoré. Cooke prend un chemin différent que celui de Lindelof pour la série télé, mais finalement ils se rejoignent au moins sur un point. En fait je pense que je devrai relire Watchmen pour certains détails que j’ai sans doute oubliés.
Graphiquement c’est terrible, il y a des constructions de planches vraiment belles, de belles couleurs un peu passées, et les dialogues sont tops. Merci Tornado de m’avoir convaincu, même si je ne chercherais pas à lire les autres tomes de cette série.
J’ai relu ton article : je suis d’accord sur tout.