Sympathie pour les Lascars (Épisodes choisis de THE FLASH par Geoff Johns)

Un article de JB VU VAN

VO : DC Comics

VF : Panini Comics, Urban Comics

Humains, trop humains
© DC Comics

Cet article portera sur plusieurs épisodes de la série THE FLASH lancée en 1987, et faisant partie du run de Geoff Johns sur la série. Nous allons nous intéresser aux numéros 182, 190, 197, 212 et 218, chaque histoire se focalisant sur l’un des ennemis de Flash. Les artistes de ces numéros sont Scott Kolins, Justiniano, Steven Cummings et Peter Snejbjerg. L’encrage de ces récits est assuré par Dan Panosian, Walden Wong, Doug Hazlewood, Wayne Faucher et Peter Snejbjerg .

Panini a d’abord publié quelques-uns de ces numéros dans le seul album Flash de la collection Big Books, puis dans DC Universe n° 6 et 12. Urban Comics a depuis réédité ce run dans son intégralité dans la collection GEOFF JOHNS PRESENTE FLASH, les histoires qui nous intéressent se trouvant dans les tomes 2 à 5.

Quand on vous dit “supervilains”, vous pensez à quoi ? Au génie maléfique, qui prépare la conquête du monde. Au sombre manipulateur prêt à torturer psychologiquement le héros. Ou même à la brute, la créature si puissante qu’elle va laisser le protagoniste aux portes de la mort. Les “Rogues”, ou Lascars dans certaines VF, sont d’une autre trempe. Captain Cold, Mirror Master, Heatwave, Captain Boomerang, Pied Piper et les autres sont plutôt les prolos du crime. Leur but : gagner de l’argent facilement et rapidement, en évitant de tuer des civils et en narguant le bolide. Ils excluent même de leurs rangs les antagonistes les plus sadiques de Flash, comme le Reverse Flash, Abra-Kadabra ou Gorilla Grodd, certains allant jusqu’à passer de l’autre côté de la barrière pour devenir chasseurs de primes, travailler dans le social ou même rejoindre les forces de l’ordre !

Les Lascars sont ainsi tout sauf manichéens. Mais dans les années 90, ils ont beaucoup perdu en crédibilité, notamment après une virée en enfer dans le prologue d’Underworld Unleashed. Et, oscillant entre héros et criminels, ils ont eu tendance à perdre de leur mordant pour le lectorat. Dès le début de son run, Geoff Johns tâche de rendre aux Lascars leurs lettres de noblesse. Prisonnier dans un monde où Flash n’a jamais existé, Wally West doit ainsi faire équipe avec Captain Cold qui, dans une scène mémorable, montre son caractère impitoyable en utilisant son arme pour geler la mâchoire d’un policier et son poing pour la briser en morceaux ! Vers la fin de son run, Johns prépare des guerres entre plusieurs factions de Lascars : entre les vétérans et de nouveaux venus rassemblés par une certaine Blacksmith, puis entre les Lascars criminels et leurs anciens compagnons repentis. En préparation de ce bouquet final, l’auteur consacre plusieurs numéros à certains de ces ennemis de Flash en dévoilant leur parcours et leur tourments, dans un style qui rappellera à beaucoup à FANTASTIC FOUR n°258, numéro que Byrne avait consacré à Fatalis, une histoire fondamentale pour illustrer le point de vue d’un antagoniste !

Promis, je vais tâcher de limiter au maximum l’analyse numéro par numéro ! Mais il est intéressant de noter des structures similaires et des variations entre chaque récit. Les 5 numéros choisis partagent en effet la particularité de ne pas faire avancer l’histoire en cours, et de ne pratiquement pas utiliser le personnage de Flash dans le “présent” du récit. En effet, chaque partie se focalise sur l’un des antagonistes de Flash, notamment sur les raisons qui l’ont conduit vers la criminalité, ce via une série de flashbacks. À chaque fois, c’est une tragédie personnelle qui servira de bascule dans la vie du personnage. C’est d’ailleurs souvent la figure du père, réelle ou non, qui est au centre du drame.

Une pulsion incontrôlable
© DC Comics

Erreurs aux conséquences fatales, parents physiquement ou émotionnellement abusifs, troubles de la personnalité : chaque histoire pousse le lecteur à voir les Lascars sous un autre jour, comme les héros, ou au moins les protagonistes, de leurs propres histoires. Ont-ils vraiment fait de mauvais choix ou sont-ils victimes de la fatalité ? Sont-ils dignes de pitié, de pardon, voire de rédemption ? Le lecteur reste juge. Mais la page finale de la plupart des récits semble donner une réponse. Coeur brisé, résignation ou fuite vers des paradis artificiels : chacun semble avoir une épiphanie sur la réalité de sa situation, et peu sont heureux ou même satisfait de leur sort.

La mise en page et la colorisation de ces différents flashbacks vont fournir au lecteur des clés de lecture. Pour Captain Cold, ces pages apparaissent bancales, annonçant que le personnage se ment à lui-même, ce qu’il réalise à la fin de FLASH n°182. On notera également un découpage de cases évocateur : alors que le père de Leonard Snart, ivre, frappe son fils, l’espace entre les cases (la gouttière, j’apprends des choses !) prend l’aspect d’une bouteille stylisée. Pour Pied Piper / Le Joueur de flûte (FLASH n°190), la bordure des cases fait penser à un album photo. Mais des trous dans ces mêmes contours sont utilisés pour montrer que son esprit a été manipulé.

Enfances détruites par un père alcoolique
© DC Comics

Le personnage central de FLASH n°197, dont le récit marque les débuts en tant qu’ennemi de Flash, a des souvenirs n’utilisant que les couleurs jaunes (principalement) et rouge pour les bordures, donnant au lecteur des indices sur l’identité qu’il finit par adopter. Plus ponctuellement, l’élément décisif qui va servir de tournant dans sa vie est marqué par un coup de feu dont l’impact déforme même la bordure de la case ! Le numéro sur Mirror Master (FLASH n°212) est peut-être le plus timide avec une gouttière intégralement verte et des couleurs plus ternes pour les flashbacks. Un choix qui finit par être clarifié par le personnage lui-même : sa rencontre avec Flash ravive les couleurs de ses souvenirs, et il finit par décider de fuir la réalité ! Le dernier numéro, FLASH n°217, garde la même idée : les souvenirs montrent des images proches du noir et blanc, que viennent trancher les couleurs jaunes et orangées des flammes déclenchées par le futur Heatwave, une tendance qui prend fin lorsque le personnage rejoint le monde coloré des Lascars et lui offre, sinon une échappatoire, au moins une excuse pour sa monomanie.

Pour autant, plusieurs épisodes cassent la formule générale. Le numéro consacré à Pied Piper laisse apparaître Flash dans ses dernières pages pour préparer le numéro suivant. FLASH n°197, malgré le titre “Rogue Profile”, ne fait pas figurer un ancien ni un futur membre des Lascars, juste quelqu’un s’apprêtant à devenir un ennemi du bolide écarlate. L’histoire de Mirror Master se conforme au format global mais se distingue du reste par une suite immédiate dans FLASH n°213, tranchant avec le côté autonome/one-shot des autres numéros. Des variations qui, avec les mises en pages précitées, permettent finalement de confirmer qu’on ne peut enfermer ces personnages dans des cases nettes et tranchées, qu’ils font preuve d’une complexité empêchant toute catégorisation !

Si Geoff Johns a repris d’autres comics comme GREEN LANTERN ou SUPERMAN, puis d’autres responsabilités au sein des créatifs DC, l’héritage de son run sur FLASH restera son travail sur les Lascars, qui se verront consacrés plusieurs mini-séries (souvent pour des crossovers) jusqu’au récent ROGUES de Joshua Williamson, ainsi que des personnages mémorables dans les séries TV FLASH et LEGENDS OF TOMORROW.

Des balles aux conséquences terribles
© DC Comics

BO du jour :

4 comments

  • Eddy Vanleffe  

    Souvenirs souvenirs…
    Dans le désormais lointain magazine DC Universe (seule alternative viable et mémorable à une sorte de « STRANGE DC » ), cette petite « pause » sur les Villains m’avait permis d’appréhender l’univers de Flash comme celui du « Spider-Man » DC (titre disputé entre lui et Nighwing), le héros local dont les ennemis sont des « ‘bras cassés » tragiques, mesquins, mais concevables et humains.
    De grandes pages de comics mainstream à son meilleur.
    Sans multivers, sans crossovers bordéliques et sans 3eme degré méta foutant out en l’air en permanence.
    Depuis, j’aime Wally West bien plus que l’Original qui a repris ses droits depuis (mais sans moi)

    Il fallait bien JB pour nous en parler.

  • JB  

    Merci pour la lecture !
    C’est vrai qu’on n’est pas loin du Shocker ou du Gibbon. Et Wally West était moins psychorigide que Barry Allen (ce que même les Rogues reconnaissent dans la série). Dommage qu’il en ait tellement pris dans la tronche avec DC Rebirth…

  • Fletcher Arrowsmith  

    Hello

    bien qu’étant team Wally, je n’ai pas accroché au FLASH de Geoff Johns. Aucune empathie pour les Lascars. Narration qui m’a ennuyé (on dira que Geoff Johns n’est pas mon scénariste préféré). Et puis je n’aime pas Scott Kolins comme dessinateur.

    En fait quand j’ai voulu me mettre réellement à DC, c’était loin d’être mon type de lecture.

    L’article est très bon notamment sur l’analyse des planches et ce qu’elles révèlent ou dissimulent.

    Je ne connaissais pas la BO. Cela va très bien avec l’ambiance de l’article. Good choice.

    • JB  

      Je ne suis pas forcément un inconditionnel de Geoff Johns, ses New52 ou encore l’univers Ghost machine m’endorment. Mais avant qu’il ne se prenne d’une frénésie de réinvention qui rivalise avec celle de John Byrne, je le trouve très bon dans son approche des personnages. Sinon, je suis un fervent défenseur de Kolins devant l’éternel pour ma part 🙂
      Merci d’avoir bravé ces 2 repoussoirs pour subir en plus ma prose derrière (merci pour ta lecture) !

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