Transformer (American Born Chinese)

 

American Born Chinese Par Gene Luen Yang

Un article de BRUCE LIT

1ère publication le 09/07/14 – MAJ le 11/07/20

VO : First Second

VF : Dargaud 

Un héros incomplet dès la couverture

The Yellow Kid  ©Dargaud / First Second

American Born Chinese (ABC) est une Graphic Novel écrite et dessinée par Gene Luen Yang, américain d’origine chinoise. Bardée de prix plus prestigieux les uns que les autres, voici une histoire, ou plutôt trois histoires qui finissent par se rejoindre dans le dernier chapitre.

Nous y suivons d’abord les aventures du jeune Jin, seul chinois dans une école californienne. En dépit d’une passion commune avec les autres enfants de son age pour les Transformers, Jin est rejeté du fait de ces origines. Malgré ses efforts pour s’intégrer tout ce qu il fait le ramène aux faces de citron, au chien du voisin qui n’est pas comestible et au canard laqué.Mal dans sa peau, Jin décide de surmonter sa timidité en invitant la fille la plus populaire de sa classe au cinéma.

Le récit est entrecoupé des aventures du roi singe qui cherche a s’approcher des dieux via les arts martiaux. Voici une légende chinoise millénaire inspiratrice aussi bien d’opéras que du fameux manga Dragon Ball qui lui doit beaucoup. A force de vouloir s élever, le roi singe oublie sa nature intrinsèque ce qui lui vaut d être moqué puis châtié par les dieux. Sa rédemption prendra une forme bien étrange ! Et enfin, l’irrésistible Shing Tok caricature implacable et folklorique du chinois prononçant les « r » en « l », habillé traditionnellement avec de longues dents de lapin, premier partout en classe et franchement insupportable.
Toutes ces histoires sont donc indépendantes les unes des autres et finissent par converger habilement vers la résolution de l’intrigue métaphorique voire surnaturelle…

Shin Tok séclate en classe. En français, il chante du Claude François...

Shing Tok s éclate en classe. Ricky Martin en anglais, Claude François en français… ©Dargaud / First Second

Luen Yang est plutôt habile dans le sous texte. Notre petit chinois qui voudrait être comme les autres vénère les Transformers, robots capables de prendre une apparence autre que celle d’origine. Le fameux singe veut également s’élever au dessus de sa condition simiesque en se montrant plus fort, plus astucieux que les hommes quitte à en payer le prix fort : oublier son identité !

A la transformation classique liée au passage adolescent, Jin rencontre donc un double obstacle, celui d’être d’une race minoritaire dans un pays à la culture diamétralement opposée à la sienne. Une culture qu’il voudrait oublier mais que son environnement n’a de cesse de lui rappeler.

Rassurez vous : Jin ne sombre ni dans le terrorisme, ni dans l’antiaméricanisme primaire et ne commet pas de meurtres de chiens à la fin. Le récit de Yang est bourré de comique de situation, d’ironie non amère, de beaucoup de recul aussi bien sur ses souffrances autant que sur l’ignorance de ses tourmenteurs.

Jin se demande dou vient la camionnette dOptimus Prime. Une question que tous les fans de Transformes se ont posé un jour !

D’où vient la camionnette d’Optimus Prime ? Une question que tous les fans de Transformers se sont posée un jour !©Dargaud / First Second

Voilà une forme de militantisme beaucoup plus puissante à mon gout que le brûlot coup de poing qui culpabilise son lecteur qui n’ a qu’une envie : oublier et passer à autre chose. Au contraire, Yang fait preuve d’autodérision et place son lecteur dans une position confortable face à un divertissement intelligent mélangeant mythologie populaire, discours social et souvenirs d’années lycée dans lesquels tout le monde peut se reconnaître. La mise en forme est certainement plus réussie que le fond qui reprend le Connais toi, toi même de Platon où déjà le philosophe conseillait à l’être humain de ne pas chercher à vouloir  égaler les dieux.

La mise en page de Yang est très aérée, ludique, ses couleurs chaleureuses, l’identité visuelle de chaque personnage frappante permettent une immersion immédiate dans l’histoire.  Tout y raffiné, élégant, le comique visuel sachant tourner ses personnages en dérision sans les humilier. Yang à l’image de son héros a réussi à intégrer à son graphisme les codes du Comics indépendants et ceux du Manga pour un former un tout homogène.

Une histoire qui parvient à être surprenante et poétique tout en étant très prévisible. Le tout est mignon comme tout sans être niais. On aurait aimé un peu plus de développement de l’histoire car le format poche donne une impression mensongère de  consistance de l’histoire. 270 pages oui, mais avec 4 case par page, l’auteur va un peu vite en besogne. Mais au final, Jin Yang nous permet de réviser nos contes et légendes asiatiques en les mettant en corrélation avec la vie moderne de son héros déchiré entre deux identités. Et réussit le tour de force de concilier folklore et vie urbaine d’un ado dans une banlieue américaine.

Le résultat pétri de sensibilité et d’humanité est à ranger entre Couleur de peau : miel et la Saison des billes.

祝贺你成功 ! Bravo !

L’amour et ses effets identiques quelle que soit notre couleur de peau ©Dargaud / First Second

7 comments

  • Matt & Maticien  

    Voilà qui me parait une excellente lecture!
    PS. Je n’avais jamais fait le lien entre Dragon Ball et les aventures du roi singe mais maintenant cela me semble évident!

  • bruce tringale  

    Toriyama a toujours admis être parti de cette légende pour le personnage de Goku. Les emprunts sont effectivement flagrants !

  • Présence  

    Pas de culpabilisation, mais de l’autodérision divertissante : je suis très admiratif des auteurs (ou comiques) qui réussissent à raconter leur histoire, sans que ce soit aux dépends d’un groupe d’individus.

    Le roi singe oublie sa nature intrinsèque. – J’en suis au tome 9 d’Homunculus, et Hidéo Yamamoto aborde le même thème, celui de l’individu ayant évolué et s’apercevant que ses actions sont en décalage avec ce qu’il perçoit être sa nature intrinsèque.

  • bruce  

    Que pense tu des dessins ?

  • Présence  

    Facile : ils sont très simples à lire, un peu dépouillés, et un peu infantiles, manquant d’une vraie personnalité, même s’il y a un parti pris graphique affirmé.

    Bien sûr, il faut immédiatement effacer ce que je viens d’écrire car ça ne vaut rien, c’est un tissu de conjectures sans fondement. A la lecture de ton commentaire, ce choix graphique semble en totale adéquation avec la narration qui refuse la culpabilisation ou la mise en accusation d’un groupe d’individus. Je ne peux que supposer qu’ils sont en cohérence avec la nature du récit. Il est également impossible d’apprécier la fluidité du découpage des séquences. Il est vraisemblable que dans le cadre du récit, je les aurais assez appréciés.

  • Nicojpn  

    J’ai… litteralement deteste Boxers & Angels du meme auteur. Un recit (ou plutot une propagande) pro chinoise ecrite sans grand talent et avec un semblant de moral plutot bidon sur la fin…

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