Un charmant petit monstre

Blanche-Neige, Rouge Sang par Colleen Doran d’après Neil Gaiman

Un article de BRUCE LIT

VO : Dark Horse Books

VF : Black River

©Dark Horse Books ©Black River

Blanche-Neige, Rouge Sang est une adaptation d’une nouvelle de Neil Gaiman par l’illustratrice américaine Colleen Doran avec qui il avait déjà collaboré pour la légendaire série Sandman.
Une autre source d’inspiration de cette histoire complète parue en VF chez Black River, est l’illustrateur irlandais Harry Clarke que Colleen Doran remercie en préface et en postface.

Alors que la prochaine adaptation de Blanche-Neige n’en finit plus de déclencher les pires spéculations : (woke or not woke ? That is not the question…), voici venir une histoire surprenante signée Neil Gaiman qui, avec son comparse britannique Alan Moore, a donné aux comics une inclination mature via le légendaire label Vertigo.

On se rappellera que Gaiman du temps de sa splendeur (il n’écrit quasiment plus de bande dessinées, toutes celles qui sortent étant des adaptations menées avec son aval) était l’auteur du contrepied : dans Sandman le Dieu des rêves était un jeune homme dépressif quand celui de la destruction était un peintre chaleureux et rigolard. On se rappellera surtout que sous son égide, La Mort devenait une jeune gothique adorable avec qui l’on ne pouvait qu’être pressé de converser.

©Dark Horse Books ©Black River

Dans cette version de Blanche-Neige, Gaiman s’amuse à tacler toutes nos certitudes pour finaliser un conte assez noir et triste : Et si la reine n’était pas cette affreuse matrone et que son obstination à tuer Blanche tenait au fait que la gamine soit un vampire menaçant d’engloutir son royaume dans la peur ?!

Entièrement raconté en voix off, celle d’une reine emplie de sagesse et de discernement, le conte revient sur tous les grands moments de l’histoire de Blanche-Neige en distordant nos certitudes : l’enfant est en fait un vampire qui, après avoir tué son père, a réchappé à la première tentative d’assassinat de sa belle-mère.
Comme tous les personnages Gaimaniens, la reine ploie sous ses responsabilités et désespère de se débarrasser de ce charmant petit monstre dépourvu de parole et qui ne recule devant rien -meurtres, parricide, inceste- pour arriver à ses fins.

Doran limite au maximum les cartouches de texte pour fournir des illustrations saisissantes de poésie macabre et de sensualité : le cœur arraché de Blanche qui continue de battre au dessus du lit de sa belle-mère, des scènes érotiques pleines d’élégance, la beauté inquiétante et impénétrable de Blanche, tout ceci s’exprime sur des pleines pages dans un sens de lecture vertical rappelant les enluminures des contes de fées.

Toutes ces informations visuelles se superposent sans en télescoper aucunes avec un confort de lecture n’ayant d’égal que le malaise croissant que ressent le lecteur face à la perversion de ses repères littéraires. En manipulant son lecteur, Gaiman parvient à l’amener à ressentir un maximum d’empathie envers celle qui catalyse la haine populaire depuis des siècles.

Une incroyable exploration visuelle d’un voyage au pays de l’horreur insoupçonnée, celle où son héroïne n’est plus blanche comme neige et où le rouge est la couleur du péché : celui d’avoir haï à tort une reine aussi grande que ce petit bout de BD.

©Dark Horse Books ©Black River

57 comments

  • JB  

    Merci pour cette découverte.
    J’en ai profité pour parcourir le récit. J’ai beaucoup aimé l’inversion du « Cœur révélateur ».
    Je garde l’impression que l’auteur laisse planer le doute sur la fiabilité du récit de la Reine : quelques scènes comme la Reine songeant à faire tuer les Nains parce qu’ils vendent des cristaux sans valeurs, ou encore la mention fugitive d’un sort jeté lors de la première rencontre avec le Roi, laissent entendre qu’elle est moins héroïque et bienveillante qu’elle le prétend.
    Pour autant, Gaiman me semble coller de très près à la version des frères Grimm : l’aspect nécrophile du Prince, ou encore la punition finale, qui est pour le coup moins sadique que dans le conte.

    • Bruce Lit  

      Intéressante analyse.
      Quelle est la punition finale du conte ?

      • JB  

        La marâtre est invitée à « danser » au mariage de Blanche Neige et du Prince, chaussée (de force) avec des souliers de fer chauffés à blanc.

  • Nicolas  

    Je hais Neil Gaiman. Je suis très déçu et en colère. Quand allons nous enfin descendre cet animal de son piédestal et le reconnaître pour ce qu’il est : un individu méprisable qui cache ses penchants derrière une logorrhée d’écriture qui dure depuis 35 ans.

    Enfin je sais pas. Rien que ce conte sur Blanche Neige révèle ses obsessions à travers le fil de sa narration. Merlin l’enchanteur se sera révélé pire que Mordred en fin de compte.

    • Chip  

      Je comprends le sentiment de trahison. En revanche, au-delà de l’homme et de ses probables travers, je pense que ses divers discours, soit implicites via le récit et les thèmes, soit explicites sur la place des femmes en tant que personnages, autrices et lectrices ne révèlent pas de la simple posture et ont contribué à faire avancer les choses.

      Le problème n’est pas tant l’homme que sur le piedestal, justement, sur lequel on l’a mis, et je dis ça alors que j’ai été et reste profondément touché par ses oeuvres. Ca n’est hélas ni le premier, ni le dernier.

      Désolé taulier, mais il semblait couru d’avance que ça serait abordé.

      • Jyrille  

        Je ne suis pas au courant, Gaiman aussi a été accusé de harcèlement ?

        • Chip  

          Version courte: oui.

          • Jyrille  

            Merci. Désespérant. Et toujours complexe à démêler le vrai du faux.

          • Jyrille  

            Merci pour le lien. Un article conséquent (j’imagine pas le boulot), de grande tenue mais aussi édifiant. Je signe régulièrement moi-même des NDA (non disclosure agreement) pour le boulot. Rien à voir donc. Et je comprends désormais pourquoi je n’en avais pas entendu parler.

            Je pense que la célébrité rend fou, beaucoup doivent se sentir intouchables et au-dessus des lois. Le chanteur de Rammstein aussi s’est vu accusé de consommer des groupies, il me semble.

  • Jyrille  

    Un très tour d’horizon d’une oeuvre que je n’ai pas voulue essayer : les dessins sont très beaux mais le propos ne m’intéresse pas, cela semble être une récréation pour tous les auteurs. Je suis certain que c’est agréable à lire, mais 5 étoiles, vraiment ? Merci en tout cas pour la présentation, j’en sais désormais plus sur cette oeuvre.

    « Alors que la prochaine adaptation de Blanche-Neige n’en finit plus de déclencher les pires spéculations » Je ne suis pas du tout au courant non plus ! Une version live ? Celles avec le Chasseur n’étaient pas assez bien (et je ne les ai toujours pas vues alors que je suis sûr que c’est fun) ?

    • Bruce Lit  

      Dessin – Histoire – Twist- réalisation : j’ai adoré de bout en bout.
      5 Etoiles largement méritées pour un plaisir de lecture optimum.

    • Nicolas  

      Les fan girls qui ont eut le malheur de rencontrer Till Lindermann en back stage ont été choquées par sa violence et son besoin de dominer. Il sublime ses pulsions sexuelles à travers le chant.

  • Tornado  

    Je me le suis pris mais pas encore lu. Dans le même format j’avais bien aimé UNE ÉTUDE EN ÉMERAUDE. Ce sont des petits one-shot qui tirent le meilleur parti d’une interprétation sous la houlette de certains dessinateurs de comics. Aujourd’hui je ne demande pas mieux. Je comprends les 5 étoiles.

    • Bruce Lit  

      Ah, pour le coup Etude en Emeraude m’avait fait bailler.
      Mais effectivement, on est au coeur du comics indépendants pour adultes tel que nous l’aimons. Et pourtant Gaiman m’a bcp déçu ces dernières années.

      • Nicolas  

        Ne jamais avoir d’idoles.
        Déceptions assurées.

        • Bruce Lit  

          Nicolas,
          Tu es comme moi sensible à la cause des femmes mais tentons de relativiser.
          Si demain, tu apprenais que Claremont s’était conduit comme un porc, tu rejetterais tout ce que les Xmen t’ont apporté ? On pourrait dire : « ah, mais alors on avait tout sous les yeux avec Chris, notamment ses fantasmes de viols sur des étudiantes ».
          Et bien pour Gaiman, c’est pareil pour moi. J’attends que justice soit rendue. En attendant, avant d’apprendre ces dégueulasseries, c’est un auteur qui a changé ma vie et ma vision des choses. Son oeuvre est plus importante que sa petite braguette.
          Et enfin, comme Nick Cave j’y vois une leçon d’espoir paradoxale : même les pires monstres peuvent commettre de la beauté et l’oeuvre de Gaiman en est parsemée.

          • Nicolas  

            Ah Chris Claremont.

            Je pense que ce monsieur aurait très bien put sublimer des phantasmes envers les adolescentes à travers ses comics : les tenues BDSM de Rachel, la thématique du viol dans New Mutants (Karma, Mirage, Magik). Il devait certainement avoir des petites idées sur sa vision de l’adolescence, ayant été élevé dans un kibboutz avec tout un entourage féminin.

            Comprends Bruce que j’adore les oeuvres de Claremont circa années 80-90 et je sais faire la part entre l’oeuvre et le scénariste. De ce fait il me faut adopter la même attitude avec Gaiman j’imagine.

            Les pires monstre peuvent accomplir de la beauté ? A travers la sublimation oui.
            Sublimer (definition): Psych.
            Transposer (des pulsions) sur un plan supérieur de réalisation (art, action…), de façon consciente ou non.

            Faut-il s’effrayer du subconscient de Gaiman après avoir lu « 24 Heures » et « Collectors » ou apprécier pleinement les contes horrifiques du scénariste. Tout comme les arc narratifs des New Mutants pendant la période Sienkewicz.

          • zen arcade  

            « Et enfin, comme Nick Cave j’y vois une leçon d’espoir paradoxale : même les pires monstres peuvent commettre de la beauté et l’oeuvre de Gaiman en est parsemée. »

            Je ne comprends pas la référence à Nick Cave dans le contexte.

            Sinon, pour revenir sur le sujet, je dirais que l’admiration est un sentiment qui ne fait plus nécessairement recette aujourd’hui, et quand je parle d’admiration, je ne parle évidemment pas d’un aveugement de fan, mais qui me semble beau dans notre époque qui carbure au cynisme. L’admiration, c’est le corollaire de l’émerveillement. L’admiration, c’est quelque chose qui nous maintient en éveil, qui aide à mainteir la curiosité.
            Mais qu’est-ce que j’admire en fait quand je lis Sandman ? Est-ce que j’admire Gaiman ?
            En fait non.
            J’admire deux choses. J’admire l’oeuvre elle-même, évidemment. Et j’admire aussi le fait qu’un être humain ait pu concevoir et réaliser une telle oeuvre.
            L’art redonne foi en l’humain. Et c’est sans doute d’ailleurs aujourd’hui pour moi la seule chose qui y parvienne.
            Mais est-ce que j’ai de l’admiration pour Gaiman lui-même? Non, Gaiman, c’est en premier lieu quelqu’un que je ne connais pas.

          • Bruce Lit  

            Une question avait été posée à Nick Cave sur la fameuse distanciation entre l’homme et son oeuvre. Il avait alors répondu ce que je viens d’écrire.

          • zen arcade  

            Ok, merci.

            Tant qu’on est à parler du grand Nick, j’en profite pour dire que son récent concert avec les Bad Seeds à Anvers était absolument extraordinaire.
            Il ne joue pas dans la même catégorie que tous les autres.
            Il y a lui et puis, loin derrière, il y a les autres.

            Et c’est justement suite à ce concert que je m’étais posé ces questions sur le sentiment d’admiration.

          • Bruce Lit  

            Bob Dylan était au concert parisien

          • Jyrille  

            Je ne sais pas comment était la salle à Anvers, mais à Paris, c’était la plus grande de France (40 000 places). Pas sûr que j’aurais aimé le revoir dans ces conditions, au-delà du tarif déjà un peu élevé (mais tout est cher maintenant, les concerts ont bondi à ce niveau). Et puis après une écoute je ne suis pas convaincu par le dernier album mais bon, en concert, il ne m’a jamais déçu, le grand Nick.

            @Pat6 Tu n’y es pas allé ?

          • zen arcade  

            Il y avait deux dates à Anvers dans une salle à chaque fois comble d’une capacité d’un bon 20000 places.
            J’y suis allé avec ma fille et on est arrivés assez tôt si bien qu’on s’est retrouvés en plein centre de la salle au troisième rang. On était donc à moins d’un mètre de la scène. On a vécu le concert comme si on était dans une petite salle.

            Pour ce qui est du dernier album, j’ai également des réserves. Ce n’est pas son meilleur, c’est clair (même si je le réévalue après le concert). Il n’est certainement pas du même calibre que Carnage, le précédent (avec Warren Ellis).
            Mais sur scène, les morceaux prennent un relief et une consistance toute autre. On sent que les morceaux ont été conçus pour la scène, c’est manifeste.
            Il joue l’album pratiquement en intégralité et ses morceaux s’intégrent de manière organique avec les classiques dans une set-list très bien pensée.
            Pas un seul des morceux du nouvel album ne fait pâle figure par rapport aux classiques. C’est assez impressionnant. Un morceau comme Conversion devient même un des moments les plus forts de l’ensemble du concert.
            Et pour moi, c’est ça la force de Nick Cave.
            C’est un artiste dont la production actuelle est toujours vivante et vibrante, On ne va pas voir Nick Cave en concert pour assister à un best of routinier qui évacue rapidement les dernières productions qui n’intéressent personne au proft des veiilles scies que tout le monde est venu écouter. Comme tant de vieux groupes artistiquement morts le font, jouant exclusivement la carte d’un public nostalgique venu pour voir ses idoles momifiées.
            Non, Nick Cave, c’est l’ici et le maintenant constamment réinventé. Et c’est aussi pour cela qu’il est et reste le plus grand.
            Je dirais même que la ferveur qu’il met à défendre ses nouveaux morceaux se répand sur la manière qu’il a d’interpréter les anciens.

            Pour ce qui est du prix des places, à Anvers, c’était 75 euros en fosse. Ca ne me parait pas extravagant dans le contexte actuel. Et bon, on ne vas pas faire un ratio euros/ minutes de concert mais bon, plus de 2h30 extraordinaires sur scène, ça rentabilise quand même l’investissement. 🙂

          • Jyrille  

            Merci pour le retour Zen, ça avait l’air top ! A Paris il n’y avait qu’une seule date je crois, et pour avoir tes conditions, j’aurais dû prendre congé. En effet, 75 euros devient la norme (j’ai payé ça pour les Smashing Pumpkins cette année), sachant que dans une petite salle comme l’Atelier (1000 places), Mr Bungle cette année et les Pixies l’année prochaine, c’est 65 euros.

            C’est très intéressant ce que tu dis sur la réinterprétation des titres, il est clair que Cave a tendance à s’aligner sur son groupe, sur les musiciens qui l’accompagnent. Mais il joue toujours de vieux titres également et comme tu le dis, tout s’harmonise. Si je peux le revoir, j’irais.

            En attendant je dois réécouter ses précédents disques dont Caranage et également le dernier, donc.

          • zen arcade  

            C’est la première fois de ma vie que je débourse 75 euros pour un concert de rock. Et ça risque d’être la seule.
            En fait, c’est ma fille qui m’a demandé si ça m’intéressait qu’on aille voir Nick Cave ensemble. Je ne l’avais plus vu en concert depuis plus de 25 ans.
            Ca m’a intéressé justement pour les raisons que j’écrivais plus haut, à savoir que je considère qu’il est toujours un artiste vivant.
            Mon critère de base, c’est de savoir si j’ai ou non plus envie d’entendre les nouveaux morceaux que les anciens. Si ce n’est pas le cas, je reste chez moi.
            L’année dernière, ma fille m’avait proposé d’aller voir les Pixies et je lui avais dit non. Pourtant, les Pixies, c’est le groupe que je regrette le plus de ne pas avoir vu à l’époque. Mais je lui ai dit que je n’en profiterais pas parce que je passerais mon temps à me dire que ça aurait été mieux il y a 30 ans.
            C’est pour ça aussi que ça ne m’intéresse pas du tout d’aller voir aujourd’hui des groupes comme les Smashing Pumpkins par exemple. Je les ai vus plusieurs fois dès leurs débuts (je me souviens de m’être éclaté le nez dans le pogo lors de la tournée Gish). Les voir aujourd’hui ne m’intéresse pas du tout.

          • Jyrille  

            Mes concerts les plus chers, et qui remontent à longtemps maintenant : Prince à la Rockhal, 100 Euros, Springsteen dans un stade en Allemagne, 90 euros et Björk à la Rockhal, 80 euros.

            Les Pixies, je suis pas super motivé pour y aller, mais c’est à l’Atelier et surtout pour accompagner un pote qui ne les a jamais vus. Je les avais vu une fois, Belfort 2004. Les Smashing, je ne les avais vus qu’à Belfort en 97, j’avais complètement abandonné l’idée de les revoir et cette année, sachant qu’en effet ils refaisaient pas mal de titres de leurs albums de 93 et 95, je n’ai pas hésité : Chamberlain est de retour à la caisse. Et je ne regrette pas du tout, ce fut excellent, plus de deux heures de spectacle avec une grosse moitié d’anciens titres fédérateurs et une autre avec de nouveaux morceaux. En plus il y avait Interpol en première partie mais las, ce fut décevant.

          • zen arcade  

            Je carbure rarement à la nostalgie.

            « C’est ainsi, nous avons nos moments que le bonheur bénit, puis la joie disparait, elle se change en passé, en passé qui ne revient jamais. Et la mélancolie est notre souvenir des bonheurs disparus. »

            Jon Kalman Stefannson – Ton absence n’est que ténébres (p. 336)

            Lu ce matin.
            Moi, je carbure à la mélancolie.
            Et Mellon collie et son infinite sadness, c’était il y a presque 30 ans. Ca ne sera plus jamais aujourd’hui. C’est la mélancolie d’un bonheur disparu.
            Ou bien les Smashing Pumpkins pourraient-ils peut-être encore me désarmer avec un sourire ?
            I used to be a little boy
            So old in my shoes
            And what I choose is my choice
            What’s a boy supposed to do ?

            Ahhh, the years burn….

          • Jyrille  

            Je ne ressens pas du tout cette nostalgie. Je la ressens parfois, mais comme je réécoute régulièrement des disques que j’aime et ai aimés, même il y a trente ans, ça ne me déprime pas : ils ne sont pas qu’uniquement attachés à un moment ou une période. Ils peuvent même en avoir plusieurs, lorsque les enfants prennent le relais par exemple.

            Les Smashing ont su nous donner le sourire, car même les amis avec lesquels j’étais ont adoré. Dans la troupe, il y avait un pote qui n’avait jamais aimé avant cette année et d’autres dont ce n’est pas la musique habituelle. Tout le monde était conquis, avec la banane. Oui, ils ont fait Disarm.

            Cave, je l’ai vu sur la tournée Push the sky away, ce fut fabuleux, et sur la tournée suivante, ce fut excellent. Je n’ai pas réussir à voir autant de groupes que toi dans les années 90 et pourtant je ne me gênais pas pour y aller dès que possible.

          • zen arcade  

            Je crois que je me suis investi trop intensément dans tous ces trucs à l’époque pour supporter de le faire à moitié aujourd’hui.
            Faut que je puisse faire bien les choses ou alors c’est pas du tout. Je ne peux pas me satisfaire de réactiver mollement des choses qui appartiennent à une autre vie.

          • Chip  

            Rockhal, atelier, tu habites pas loin des ces salles? Il y a un nombre conséquent de concerts de moyen / niche à énorme qui passent là – principalement Rockhal, je suis extrêmement envieux.

          • Jyrille  

            @Zen : je peux comprendre, mais je ne ressens pas les choses de cette façon. J’apprécie sans pour autant devenir accro comme dans ma jeunesse. C’est moins important, d’une certaine façon, mais toujours très plaisant et nécessaire, ce bonheur d’écouter des disques.

            @Chip : oui je vis en Lorraine. Mais je suis envieux des Belges qui ont toujours eu beaucoup plus de concerts que nous. Et ça continue.

          • zen arcade  

            J’ai toujours eu une approche très radicale. Qui se répercute d’ailleurs dans ce que j’aime.
            J’ai besoin de fonctionner comme ça.
            J’essaie aujourd’hui d’appréhender les choses de manière plus cool, mais c’est compliqué et c’est pas ma nature. 🙂
            Je me souviens à l’époque, j’allais le plus souvent voir les concerts avec le même ami et il m’avait dit que quand on aurait vu Fugazi, il arrêterait les concerts rock. Et un jour, on est allé voir Fugazi et ça a été son dernier concert. Concert magnifique, d’ailleurs. Ca devait être aux alentours de 1996.
            Ca avait du sens de terminer sur ce groupe de manière aussi abrupte, parce que c’est difficile de trouver un groupe à l’attitude aussi radicale.
            Et moi, j’ai commencé à lâcher à ce moment-là aussi.
            J’ai fréquenté d’autres gens qui écoutaient d’autres choses. Je me suis mis à écouter surtout du jazz, de l’électro, du hip-hop.
            Et puis, j’ai revu Fugazi deux ou trois ans plus tard et je me suis ennuyé. Et je me suis rendu compte que c’était fini.

          • Chip  

            Ah j’ai un bon ami lorrain et je l’envie pour sa proximité avec Esch, mais il m’est arrivé plus d’une fois de l’accueillir à l’occasion de concerts bruxellois effectivement. En volume la Belgique a pas mal de choses mais pour certains styles et niveaux de notoriété le barycentre se déplace à Anvers on dirait; le point fort du Luxembourg à ce niveau c’est la densité de concerts, ça n’est peut-être pas un point de passage obligé mais c’est quand même très fréquenté.

            Par ailleurs, pour les goûts un peu voire très niche, Verviers et son Spirit est moins loin qu’à la fois Paris et Bruxelles suivant où tu es.

          • Chip  

            Absolument plus aucun rapport avec Gaiman ou Blanche-Neige.

  • Nicolas  

    Merci Chip. C’est le piédestal sur lequel il est posé qui empêche la communauté comics de se poser de vraies questions et de voir Neil Gaiman pour ce qu’il est. D’où une analyse de fond très poussée du site Comicsblog sur la question. Je crois que personne n’ose toucher « l’intouchable » mais il faut bien voir Gaiman pour ce qu’il est : un pervers sexuel entouré de son aura d’écrivain et d’auteur de la série « magistrale » Sandman. Malheuresement indéboulonnable.

    • Fletcher Arrowsmith  

      Je me suis désolidarisé récemment d’un blog où j’ai bien compris que l’on ne touchait pas à l’icone Gaiman. Par contre les autres tous des salauds.

  • Fletcher Arrowsmith  

    Bonjour.

    je rejoins Nicolas sur ce que je pense actuellement de Gaiman. C’est un auteur que je boycotte désormais (c’est à dire je n’achète plus rien de lui) et je ne l’aurais pas programmé cette semaine.

    Je n’aurais pas su que c’était Gaiman à l’écriture je pense que j’aurais déjà acheté cet album. Déjà pour la revisite du conte (je vais y revenir) et puis pour les planches magnifiques de Colleen Doran.

    Sur la revisite : un sentiment étrange m’a habité à la lecture de ton introduction. L’humanité tremble à la sortie prochaine d’une adaptation d’un film à la manière du mot en w mais par contre cela semble passer crème sur le type d’adaptation présenté. Drôle de monde, à géométrie de plus en plus variable, binaire et clivant.

    Pour finir sur une note positive : superbe article notamment dans sa mise en page, les illustrations de la surdouée Colleen Doran aidant. Concis et inspiré comme je rêve de faire un de ces jours. Les premières réactions sont également intéressantes et ludiques.

    • Nicolas  

      Merci Fletcher.
      Je comprend que tu boycotte et j’aime ta réflection sur un monde à géometrie variable.
      Comment concilier la beauté de récits comme Death the High Cost of Living et Black Orchid avec ce que nous savons de l’auteur ?
      Apprécier ces récits tout en sachant que Neil Gaiman faisait souffrir les femmes qui avaient le malheur de l’approcher.

      • Jyrille  

        « un sentiment étrange m’a habité à la lecture de ton introduction. L’humanité tremble à la sortie prochaine d’une adaptation d’un film à la manière du mot en w mais par contre cela semble passer crème sur le type d’adaptation présenté. Drôle de monde, à géométrie de plus en plus variable, binaire et clivant. »

        Je ne pense pas que ce soit la bonne conclusion : ici, on parle d’un comics pour adultes, présenté tel quel, qui n’est pas bon marché et que tu ne trouveras pas en grande surface, qui ne risque donc pas pris pour ce qu’il n’est pas (une nouvelle version pour enfants). L’adaptation d’un film, c’est tout autre chose, surtout que ce film est sans doute prévu pour être vu par le plus grand nombre, c’est-à-dire pour attirer les familles. L’impact n’est donc pas le même.

        • Fletcher Arrowsmith  

          Alors je vais clarifier ma pensée. Pour moi c’est du pareil au même. Quelque soit la revisite, l’adaptation, la transformation c’est identique à mes yeux quelque soit le support. Je m’en fiche que cela soit mercantile ou mal fait du moment que l’on a le « droit de le faire ». Je m’insurge par contre en cas d’idéologie nauséabonde ou de propagande par exemple.

          Cela ne m’empêche pas d’avoir mes propres opinions. Et donc oui je ne comprends pas et je me battrais contre les cris d’orphée sur des œuvres dite « w@$*  » (je refuse ce mot) car elles sont à priori grand public. Et mon avis à moi ? Et si j’estime que les livres que je lis sont grand public.

          Et je me répète, je pense réellement que ce Blanche Neige, Rouge Sang est une œuvre importante et intéressante. L’article et son rédacteur apportent ce qu’il faut d’arguments pour s’en convaincre (je le suis d’ailleurs). Mais par contre je me refuse à faire de différence entre un comics hors big two (disont les choses) et une adaptation cinématographique dans son traitement de fond et son adaptation, quelque soit leur qualité et défaut.

          • Jyrille  

            Je ne suis pas sûr de te comprendre. Tu t’insurges sur le fait qu’une adaptation passe crème et l’autre non ? C’est bien parce que l’impact médiatique n’est pas le même, et que dans un cas les gens s’en foutent (le comics) et dans l’autre, c’est à destination des enfants, donc ça gueule dès que possible (quelle que soit la polémique de toute façon. C’est d’ailleurs tellement systématique que je me demande si ça ne fait pas partie du business plan media, de lancer une polémique pour en faire parler).

            Maintenant tu peux considérer que ce que tu lis est grand public, pas de souci, mais je pense que les éditeurs te sortiront des chiffres qui contredisent cette assertion.

          • zen arcade  

            « les cris d’orphée »

            Les cris d’orfraie, en fait. 🙂

          • Bruce Lit  

            Tant que c’est pas Michel…(Onfray)

          • Chip  

            En même temps les cries d’Orphée pour le créateur de Sandman c’est adapté.

      • zen arcade  

        « Comment concilier la beauté de récits comme Death the High Cost of Living et Black Orchid avec ce que nous savons de l’auteur ?  »

        Est-ce nécessaire de concilier quoique ce soit ?
        Personnellement, je pense que si l’on pose la question en ces termes, c’est inconciliable.
        Les artistes ne sont pas toujours à la hauteur de leurs oeuvres. Ce n’est pas nouveau. C’est même une banalité.
        Il appartient à la justice de déterminer dans quelle mesure Gaiman doit répondre de ses actes.
        Pour ce qui est des jugements moraux, chacun fera avec sa sensibilité.

        • Bruce Lit  

          Les chansons sont plus belles que ceux qui les chantent – JJ Goldman

  • Présence  

    Comme Tornado : je me le suis pris mais pas encore lu.

    J’avais bien aimé la série indépendante Distant soil de Colleen Doran. Elle a également adapté deux autres nouvelles de Neil Gaiman : Troll bridge, Chivalry. Elle a d’ailleurs beaucoup travaillé avec cet auteur.

    Du coup, c’est un peu dur de penser qu’elle devient une victime collatérale des agissements de Neil Gaiman.

    en.wikipedia.org/wiki/Colleen_Doran

    • Bruce Lit  

      Elle s’est exprimée sur le sujet ?

      • Présence  

        Aucune idée. Ce n’est pas la première personne à se retrouver dans cette situation : une création fruit d’une collaboration dont l’opprobre de l’un voue l’œuvre collective aux gémonies. Il suffit de penser aux accusations portées contre un réalisateur de film, ou contre un acteur assurant le premier rôle.

    • Bruce Lit  

      Je me rappelle de Muriel DOURU militante féministe qui a dessiné la bio de Nicolas Hulot et a dû se fendre par la suite d’un communiqué de presse.

  • Bruno :)  

    Bon, je ne suis au courant de rien au sujet de la vie privée de l’hauteur, auquel je me suis peu intéressé tant sa lecture ne me bouleverse pas, malgré toute sa richesse -de lecture, justement !- ; mais si l’oeuvre ne véhicule (clairement ?!) aucun message de nature franchement suspicieuse (propagande militante haineuse ou simplement mensongère…), je ne vois pas l’intérêt de la condamner officiellement. Après, bien sûr, chacun fait ce qu’il veut avec elle, d’un point de vue purement personnel.
    Je ne connais pas non plus cet ouvrage mais, au delà du sujet évoqué, qui ne m’enthousiasme pas trop, les planches postées me laissent un peu dubitatif… La composition n’est pas très adroite, je trouve, sans aller chercher le dessin en lui-même. Et les couleurs dégradées ne me semblent pas suffire à remplir les vides : les à-plats sont beaucoup plus efficaces, pour ce genre de graphisme « décoratif/enluminé » (voir P.Craig Russell).

    Intéressante, l’anecdote au sujet de l’éducation de Chris Claremont : ça pointe assez clairement ce que je perçois, à présent, de sa sensibilité envers la gent féminine -aspect de son travail plus ou moins découvert en lisant les articles de ce blog : merci Bruce & Cie ! De mon côté, mes inclinations et la propension à la « sur-virilisation » (les poils partout !) des dessinateurs de la grande époque, avaient focalisé mon attention dans une direction tout à fait autre :))

    Dans cette optique-là, il est toujours très intéressant (dans un deuxième temps, pour ne pas trop colorer subjectivement les premières impressions) de s’amuser à appréhender une œuvre en essayant d’y retrouver précisément les aspects les plus personnels, et liés à son vécu, d’un auteur. J’avais lu quelque part qu’il était un enfant adopté : sa facilité à réunir les X-Men en véritable famille doit s’être probablement nourrie de ça, dans la justesse des rapports affectifs mis en scène (à la grande époque, veux-je dire !) : n’allant pas de soi mais définitivement positifs et enrichissants pour l’individu, tout en lui fournissant une saine base de réaction humaines plausibles et moralement délimitées, via le groupe, au niveau des scénarios.
    Bon, même dans les Seventies, il y a eu des ratés (SNIKT ! Le garde de la Citée Du Dieu Soleil…).

    Je ne sais pas jusqu’où peut fonctionner le côté « cathartique » de la démarche créative, par contre. J’ai moi-même pas mal sublimé (ma quasi vie entière…) ce qui m’obsédait dans mon vécu -pas vécu, d’ailleurs et justement !- sans vraiment parvenir à régler le truc. Je veux dire : obtenir des retours enthousiastes sur ce qu’on produit n’en garantit pas la légitimité/validité créative. L’art a ceci de particulier qu’il n’offre rien d’autre, pour son créateur, que ce qu’il a, quand il est utilisé pour lui-même et pas à d’autres fins plus concrètes (le passe-temps auto-justifié, les sous ou la notoriété ou, plus ordinairement -ça n’est pas un jugement !-, la caution même de sa réalisation via l’appréciation de l’autre).
    Mais l’artiste derrière l’oeuvre a-t-il tant d’importance que ça, en rapport avec elle, sinon dans sa dimension humaine, qu’il nous faut envisager séparée de sa création pour véritablement le considérer, lui, en tant qu’individu ? Nous ne connaitrons jamais vraiment ces personnes ; et quelle importance, d’ailleurs : j’aurais adoré pouvoir serrer dans mes bras Franquin, Claire Brétécher -qui se serait probablement hérissée !-, Bill Watterson et Ralf König (entre autres…) pour m’avoir tant fait ressentir fort les choses ; mais eux peuvent très bien s’en passer.

  • Eddy Vanleffe  

    Moi et Gaiman, ça fait deux…pour une seule raison, Je m’ennuie comme un rat en le lisant…
    Les deux premières intégrales de Sandman que j’ai m’ont semblé, être une thèse d’étudiant sur la mythologie mondiale et une sorte de source universelle à laquelle quelques être auraient eu l’opportunité de s’abreuver.
    cet aspect démonstratif m’éloigne des anglo-saxons et de leur façon de concevoir et d’écrire une bd adulte.
    Je ne vais jamais nier son talent etc…mais ça ne me touche pas.
    Le dessin est par contre très séduisant et pourrait me pousser vers le livre (c’est important le dessin, sinon on lirait autre chose)

    *Blanche neige, je ne comprend pas le délire de Disney sur ce truc, déjà refaire en film les chefs d’œuvres animés, je ne comprend le concept, donc woke ou pas woke, je m’en tamponne tant le conte lui même s’en tamponnait et qu’on peut pas écrire une recette de cuisine avec des outils de bâtiments. c’est juste pas le même monde et cette volonté qu’ont les ricains à tout transformer en Los Angeles est une forme à mes yeux de nouveau colonialisme à l’échelle mondiale.
    L’adaptation du Problème à trois corps sur Netflix n’a pas fait que des heureux en Chine. ils n’apprécient pas forcément qu’on vienne piétiner leurs œuvres avec des burgers.
    En plus une version bad ass a déjà été fait ( avec escamotage du prince en prime).

    POur Neil Gaiman et ses soucis de braguette, j’ai rien à dire. Je ne suis pas Judge Dredd, ni Dieu ni encore moins un inquisiteur de la sainte foi du CV plus blanc que blanc. s’il est puni il fera de la taule et il aura le temps d’écrire des trucs que je lirais toujours pas.

    • Chip  

      Il y a deux choses et demie sur lesquelles je veux rebondir (bump) :

      0,5) Ca n’est pas une simple histoire de braguette. La question n’est pas qui a sucé qui, c’est qui a agressé qui. Réduire les agressions à des questions de vie privée, c’est soit une confusion, soit une tentative de minimisation, soit une lourde maladresse.

      1) Content pour toi que tu n’aimes pas Gaiman, dans le contexte des accusations, dans le même sens qu’on puisse jeter The Artist Formerly Known As Puff Daddy, R. Kelly ou Trois Cafés Gourmands dans les oubliettes sans que ça me cause le moindre souci (à ma connaissance Trois Cafés Gourmands ne sont accusés de rien mais c’est de la simple hygiène).

      En revanche quand ça concerne un artiste qui te touche, ça n’est pas nécessairement si simple. Des fois, ou pour certains, ça l’est. Des fois, c’est moins simple. J’aime toujours passionnément la voix de Bertrand Cantat, mais clairement sur les 20 dernières années je l’ai très très peu écoutée, alors que pour Michael Jackson ça ne change rien, sachant que je suis persuadé – ça n’est pas le cas de tout le monde – qu’il est coupable d’au moins une partie de ce dont on l’accuse. Sur ce rapport intime qu’on a avec l’art produit par des humains, et donc par halo la personne en question, il est difficile d’être peremptoire ou perpendiculaire, dans un sens ou dans l’autre.

      2) Sur la justice (et l’accusation à peine masquée d’être des inquisiteurs), il faut bien avoir en tête que pour le spectre qui va du harcèlement au viol (pour lequel on peut utiliser le sigle VSS mais celui-ci aplatit les intensités), celle-ci est perçue – on peut facilement argumenter que c’est à juste titre – comme déficiente. Par ailleurs, les conséquences sociales et professionelles pour les auteurs, reconnus coupables ou non, sont parfois dramatiques, mais pour ceux qui ont longtemps disposé d’une grosse notoriété et d’un gros capital social, c’est souvent loin d’être le cas, et c’est là qu’intervient la volonté de jeter l’eau propre (désolé, mais ce lapsus est juste merveilleux) sur des personnalités influentes et qui auraient trop bénéficié voire abusé de cette influence. Et souvent une excuse publique plus ou moins bien branlée suivi d’un vague silencede quelques mois suffit pour retrouver sa carte de relative respectabilité, et des fois même pas : Nicolas Bedos, a reçu des brevets de respectabilité alors que l’encre de sa condamnation n’était même pas sèche, c’est le pouvoir d’un réseau.

      Les accusatrices s’en prennent, on en conviendra, plein la gueule – même Gisèle Pélicot y a eu droit, et difficile de trouver une victime aussi « parfaite » – et le slogan « croyez les victimes » ne veut pas dire que personne ne peut mentir, mais vient en regard de la « présomption d’innocence » médiatique, je mets des guillemets parce qu’elle n’est pas toujours invoquée à bon escient, en termes journalistiques il s’agirait juste du respect du contradictoire, le concept juridique ne s’applique qu’à la justice et que je sache, personne n’a emprisonné un accusé de VSS de manière privée et avant un jugement – quoique pour Morandini vous avez ma permission. Dansle cadre de l’affaire Gaiman, j’ai vu des fans qui auraient accueilli les accusations avec un doute raisonnable mais une oreille attentive si il s’était agi de n’importe qui d’autre réutiliser le même sac d’outils que j’ai vu cent fois se déployer déjà. Je me suis d’ailleurs abstenu d’intervenir dans ce cadre quand tout était chaud car je sais qu’il y a une part de déni et de réactance quand ça touche à l’intime, fût-il parasocial.

      Également, ce genre d’argument contre le tribunal populaire, s’il peut s’entendre dans certains cas – il peut exister d’authentiques lynchages, même si heureusement très rares, ou de simples campagnes de harcèlement – ne peut pas être utilisé dans l’absolu : les sphères sociales, politiques et judiciaires interagissent, et la sphère culturelle, à l’évidence, également. Chacun peut décider individuellement, personne n’est en mesure de forcer un quidam à avoir et exprimer un avis sur un sujet en particulier, en revanche on ne peut pas espérer ou demander que tout le monde se taise et/ou attende une éventuelle décision de justice. C’est là que j’en profite pour dire qu’il ne s’agit pas d’une attaque contre toi, Eddy – ou un autre, et ce que tu as exprimé comme position personnelle qui est parfaitement acceptable, mais la limite des arguments utilisés à grande échelle.

      Je sais que dans les discussions de ce genre (censurer ou pas, célébrer ou pas, mettre en contexte ou pas, etc) on invoque souvent Céline, l’équivalent littéraire du point Godwin, mais je pense qu’on n’a tout simplement pas le même rapport entre des évènements passés et ceux que l’on voit se dérouler sous nos yeux – une vraie lapalissade quand je me vois l’écrire. Céline aura toujours été un antisémite virulent (au passage Simenon s’en sort bien, lui, dans la conscience collective), Gide et Montherlant auront toujours violé des enfants au Maghreb, si demain on en apprenait le dixième sur un auteur contemporain, qu’on l’aime ou non, ça n’est pas la même limonade.

      Voilà, un bon pavé, César, je m’excuserai presque d’entretenir cette discussion et ce alors que l’ouvrage recensé est encore au milieu de ma PAL, mais je pense que le sujet mérite justement d’être discuté et pas juste balayé, et j’espère avoir apporté quelques éléments, en tout cas, j’y ai mis du mien.

      • Jyrille  

        J’applaudis des deux mains et sans opprobre aucune ce commentaire, Chip. Merci beaucoup.

      • Eddy Vanleffe  

        On est d’accord c’est hors sujet pour ce livre qui doit être vu comme un objet à part en tant que tel.
        Pour le reste, je ne tiens pas à polémiquer outre mesure, je n’exprime même pas vraiment d’opinion. Je ne fais qu’ironiser sur les fans en PLS alors qu’ils avaient revêtu leur toges de vertueux quand c’était Piskor ou Ellis.
        Nous ne sommes sans doute pas pareils et je me moque de ces auteurs et des auteurs d’articles que je visais. c’est mon mode de fonctionnement. Je fais de la dérision…tout le temps et sur tout… au maximum.
        Sur le reste, je ne sais même pas comment te répondre… parce que tu me brandis sorti de nulle part, l’affaire Pellicot quand même… ce qui fait de moi quelqu’un qui « balaye » les viols d’un revers de main…
        ok….
        C’est pour ça que je n’aime pas et n’aimerai jamais les leçons de morales. Je ne parle jamais de ce qui me scandalise dans la société sur des endroits comme les réseaux, les blogs etc…
        ils ne sont pas faits pour ça à mon sens.
        Corto a une belle phrase. « Je ne suis pas assez sérieux pour donner des leçons mais je le suis trop pour qu’on m’en fasse. »
        Ne me fais de leçons!
        Nous ne perdrons rien, ni l’un ni l’autre à ne plus jamais échanger, Merci.
        Eddy

        • Chip  

          J’ai bien fait de préciser qu’il ne s’agissait pas d’une attaque et que je réagissais sur le type d’élements de language qu’on peut entendre! Mais là je vais m’adresser spécifiquement à toi, pour des raisons évidentes. J’ai essayé de construire et de nuancer, pour contrer cette image de Judge Dredd-Torquemada etc qui, il faut bien l’avouer, n’est pas spécialement sypmpathique non plus, et qu’on peut prendre pour une leçon de morale aussi, non? Je ne dis pas que je l’ai pris comme ça, ça n’est pas le cas, je dis que si tu appliques la même grille de lecture à ton commentaire qu’au mien, une réaction épidermique est tout à fait possible.

          Et je pense que c’est le fait de te sentir agressé qui te fait mal prendre l’évocation de Gisèle Pélicot, puisque je l’utilise pour illustrer le fait qu’une victime de VSS (pour le coup tout le spectre) ne sera jamais assez « parfaite » pour ne pas être bassement attaquée, que ce soit durant un procès, d’après les compte-rendus, ou médiatiquement – heureusement très peu dans son cas, j’espère qu’on a atteint un changement de cap. Bref, ça ne sort pas de nulle part, c’est argumenté et construit, peut-être mal, mais il n’y a pas d’insulte ici.

          De même, et à la relecture j’admets que la formulation est malheureuse : « balayer » voulait ici dire balayer le fait de parler du problème qu’on peut avoir en tant que lecteur vis-à-vis des vices probables ou avérés des créateurs, soit le problème plus large, tel que je l’ai vu faire, notamment donc chez des fans de Gaiman, dont je suis, prompt à dénoncer les comportements sexistes. Ca doit être le seule paragraphe que je n’ai pas surgonflé de réécriture, comme tu le vois je suis loquace, et notamment quand j’aborde un sujet délicat je rajoute, je contextualise, y a trop d’adverbes, je laisse? le style se fait ampoulé, ça fait certainement prétentieux, OK, je peux vivre avec ça. J’aurais dû encore en rajouter? Aucune idée.

          Je ne me suis pas décarcassé à pondre un pavé juste pour montrer que je suis un être moralement et intellectuellement supérieur ni pour te dénigrer, mais parce que précisément je respecte ce blog et ses lecteurs – on va faire le suce-boule : ce que j’admire chez Bruce, c’est qu’il donne la voix à des opinions et goûts différents, voire opposés, et que ça n’est pas qu’une posture. Et aussi il sent très bon.

          Je ne suis pas au-dessus de mépriser ou insulter quelqu’un, ou de ne pas discuter de bonne foi. Je ne suis pas non plus si misérable que je refuse de reconnaître mes torts, voire de m’excuser quand je vais trop loin, après avoir maugréé, voire boudé; cependant ici je ne vais pas le faire car je pense que ça n’est pas justifié. Je voulais juste apporter des éléments de preuve de bonne foi : il n’est certes pas agréable de se faire percuter personnellement par un commentaire, et je pensais avoir mis les formes pour éviter que ça soit le cas. Nous ne cherchons ni l’un ni l’autre le drama, je reste ouvert à la discussion sur le fond. Si tu ne veux pas échanger nous n’avons aucune raison de le faire, ça sera peut-être dommage mais pas grave. Je ne m’interdis pas de réagir dans le futur à tes commentaires, de manière prudente sans doute, voire cauteleuse.

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