Vivons heureux en attendant la mort !

Zombies par Olivier Peru et Sophian Cholet

Où est Charlie ?

Où est Charlie ?©Soleil

VF : Soleil

Zombies est une série française scénarisée par Olivier Peru et dessinée par Sophian Cholet parue entre 2011 et 2013 aux éditions Soleil.

Cet article portera sur la trilogie originale : La divine comédie (1er volume), De la brièveté de la vie (2ème volume), Précis de décomposition (3ème volume).

La préquelle (La mort et le mourant) fera l’objet d’un article ultérieur.

1/ La Divine Comédie : un début éclatant

Puisqu’à l’ère des I-Phones, le numéro de Dieu continue de sonner aux abonnés absents, que les pays riches s’interrogent sur leurs modes de consommation, que la pénurie d’eau promet de beaux remake de Mad Max, rien de surprenant à ce que le survivalisme devienne une norme culturelle universelle.

Pour Georges Romero, le père (mais pas l’inventeur) de la culture zombie contemporaine,  la mort des grands idéaux politiques, nous amène à nous interroger sur notre humanité, ce qui la compose…et la décompose. Les Zombies deviennent alors un vecteur symbolique de la race humaine en perdition, prétexte aux questionnements sur les fondements des sociétés humaines, du progrès, de la nature bonne ou mauvaise de l’homme.

Les auteurs assument ouvertement la filiation de leur série avec Walking Dead

Les auteurs assument ouvertement la filiation de leur série avec Walking Dead©Soleil

Depuis quelques années, la série de référence reste en ce domaine The Walking Dead  qui prouvait que l’on pouvait faire du beau avec du sang, des tripes et des zombies.  Tout en revendiquant sa filiation avec sa grande soeur américaine, Zombies n’en est pour autant pas une pâle copie frenchie. Au contraire, à bien des égards, la série prend le contrepied de Walking Dead. La narration de Zombie est axée sur le personnage de Sam, un survivant qui semble immunisé aux morsures zombies, qui, de ce fait pense être devenu une bête et qui croit sa petite fille toujours en vie.

Ce premier volume possède d’indéniable qualités : La voix off  de Sam qui nous attache immédiatement à lui et privilégie le monologue intérieur aux dialogues. Les auteurs en moins de 60 pages ont bien dosé leur récit avec une ouverture et une clôture haletantes. Les scènes d’actions sont biens découpées, avec une prédilection pour les cases panoramiques qui renforcent l’aspect cinématographique de l’action.  Et contrairement à Robert Kirkman, Peru  donne à Zombies des respirations humoristiques voire geeks qui allègent le récit.

Un peu dhumour pour oublier la mort....

Un peu d’humour pour oublier la mort….©Soleil

Il se passe beaucoup de choses dans ce premier arc : ouverture en trompe l’oeil rappelant celle de Kickass, découverte du personnage principal et de ses motivations, amitiés avortées par la mort omniprésente, la relation très forte entre Sam et le petit garçon , la rencontre avec des survivants nettement plus organisés que dans Walking Dead qui prévoient de reconstruire la société humaine.
C’est d’ailleurs sur ce point, que la lecture de Walking Dead diffère de Zombies. Dans le premier les hommes sont centrés sur leur survie, dans la seconde ils sont prêts à se battre pour que les morts retournent sous terre et reconstruire une vie civilisée.

Le dessin de Cholet peut rappeler le travail de Philippe Francq sur Largo Winch. Pourtant le fan de Comics ne sera pas rebuté par le trait de Cholet qui fait de gros efforts sur les décors et dont certaines planches aidées par  les couleurs de Simon Champelovie rappelleront les blockbusters Marvel House of M et Siege dessinés par le français Olivier Coipel. Étrangement,  Cholet dans les scènes de transition dessine en plans américains des visages sans figures, ce qui est plutôt paresseux puisque il n’a pas à livrer 22 pages par mois ! Dommage car il réussit à donner une identité visuelle à ses personnages et ses zombies.

Malgré un titre  déferlant à  La Divine Comédie  de Dante complètement hors sujet, ce premier volume fit grand bruit à sa sortie et fédéra une meute de fans affamés par la suite de ce blockbuster français

Not enough guns....

Not enough guns….©Soleil

2/ De la brièveté de la vie : le toujours difficile second album

Après un premier album réussi et prometteur, nul besoin de préciser que la série Zombies était attendue au tournant.  Nos amis se sont organisés pour vivre au grand large sur des bateaux et des îles avoisinantes, la zombaille étant disposée à la noyade.  Sam, quant à lui,  organise une expédition en hélicoptère pour sauver son fils adoptif. Bien sûr, rien ne va se passer comme prévu : on découvre que les zombies se dirigent par millions vers nos survivants tandis que Sam dans un cliffhanger insupportable est abandonné à la fin du volume 2  dans une situation désespérée.

Les humains de Zombies continuent d’être très offensifs avec des moyens que Rick Grimes n’ a pas dans Walking Dead : des hélicoptère, des bombes, des armes scientifiques et même des ultras sons !  Alors que chez Kirkman les héros sont démunis, sans nourriture, sans eau ni électricité, devant prendre des décisions morales insupportables les rendant progressivement fous, ceux de Zombies sont organisés, bien armés et envisagent reconstruire une communauté nationale. Les zombies de Peru ont également appris à cavaler façon 28 jours plus tard et à nager ; ils commencent à adopter des techniques d’attaque et de regroupement.

Un fleuve de zombies !

Un fleuve de zombies !©Soleil

Ce deuxième album, très bavard a le mérite d’affiner le trait ; il est clair qu’il s’agit désormais de raconter la guerre entre deux factions avec chacune ses forces et ses faiblesses. Les personnages et intrigues secondaires se développent , ce volume gagnant en cohérence ce qu’il perd en action.

Il semblerait d’ailleurs que Cholet ait eu plus de temps pour finaliser ses planches. Il continue de soigner ses décors, ne laisse plus de personnages sans visages et doit composer avec un nombre plus important de phylactères. Son découpage s’en ressent avec une multiplicité de cases plus petites que dans le premier album . La couverture est superbe.

Zombies confirme tout le bien que laissait augurer le premier tome. Loin de plagier The Walking Dead, la série développe un contenu original et s’avère complémentaire de sa grande soeur américaine. Les nombreux dialogues -réussis par ailleurs- augurent d’un affrontement désespéré pour le tome 3.

Sam, en bien mauvaise posture....

Sam en bien mauvaise posture….©Soleil

3/ Précis de décomposition : un titre évocateur….

Différé à de nombreuses reprises, le troisième album manqua de putréfier par tant d’attente, les lecteurs avides de connaître le destin de Sam et ses amis. L’album s’ouvre d’ailleurs sur les remerciements des auteurs et des aveux larvés de ce qui semblent avoir été d’un accouchement dans la douleur de cette fin de cycle. En clôture, ils promettent une préquelle ainsi qu’un nouveau cycle. Ce qui n’est pas le moindre des mérites des auteurs de vouloir renouveler la série avec de nouveaux personnages dans d’autres pays.

C’est avec tout ces éléments qu’il convient de jauger la fin d’un premier arc ouvert brillamment avec La divine comédie. A l’inverse des héros SDF de Walking Dead, Zombies fait le pari d’une guerre totale avec des milliers d’humains survivants dotés de moyens conséquents afin de repousser l’invasion de zombies retors.

Le même en ouverture du volume 3

Le même en ouverture du volume 3©Soleil

Maline, bien dialoguée, dessinée souvent à l’américaine, ce troisième tome souffre malheureusement d’un certain délitement de l’intrigue. C’est ainsi que l’on est passé progressivement du destin d’un individu , Sam et Josh, aux grandes figures de la communauté. Si le héros vit des moments de bravoure, il est finalement dilué dans un jungle de personnages, un torrent d’action pas déplaisant mais qui, comme les éclats d’une grenaille, s’éparpille un peu partout. C’est très très bavard, certaines scènes sont loin d’être indispensables et la fin ouverte frustrante, plusieurs questions persistantes étant restées sans réponses.

Si d’un point de vue du dessin, ce troisième tome est le mieux finalisé, le scénario qui n’arrive pas à doser les destins individuels- collectif , la conclusion de l’arc initial- début d’une nouvelle intrigue, laisse un goût amer de déception d’une série au potentiel incroyable. Comme si tourmentés en coulisse, les auteurs avaient dû ranger précipitamment leurs jouets si patiemment déployés.

Des survivants bien organisés menés par un star du cinéma Zombie ! ©Soleil

On perçoit de temps à autre les fulgurances du passé lorsque  des personnages majeurs disparaissent lorsque l’on s’y attend le moins. Mais un dernier épisode ne peut pas se permettre ce rythme haché, ces scènes bancales et ce sentiment de redite. Et puis c’est quoi cette voix off dont on n’arrive pas à identifier le récitant ?

A sa sortie, les impressions autour de la fin de cette première trilogie furent mitigées ce qui ne dissuada pas le sympathique Olivier Peru de continuer son entreprise avec un autre dessinateur pour entamer un deuxième cycle de Zombies en Europe, avec un premier arc à Paris !  Au final, cette trilogie bourrée de bonnes idées, refusant de faire le surplace reproché par fais à la série de Kirkman, déçoit autant qu’elle enthousiasme. Sans doute qu’une fois terminée, la cohérence ou non de l’univers de Peru sera t’elle plus évidente.

Allons Zenfants du putride !

Allons z’enfants du putride !

6 comments

  • Tornado  

    « Les zombies de Peru ont également appris à cavaler façon 28 jours plus tard et à nager ; ils commencent à adopter des techniques d’attaque et de regroupement. »
    Purée, ma femme, qui est une puriste au rayon zombies, dirait « pfff ! c’est pas des zombies ça ! ».
    C’est à cause d’elle que je regarde la série TV Walking Dead en stressant à mort. Car s’il y a bien un truc que je trouve flippant et hyper malsain, c’est bien les zombies !

    Je trouve néanmoins que l’on tourne en rond sur la mythologie zombiesque depuis Romero. Avant lui, le zombie était lié aux rites vaudou, puis au gothique chez la Hammer. Depuis, il est systématiquement lié au post-apo et au survival avec parabole anticipationnelle. Quand on y réfléchit, sur le fond, il n’y a rien de neuf chez les zombies depuis les années 70 !

    J’ai regardé une émission sur Michael Jackson il y a quelques jours. Et alors que le clip « Beat It » est devenu une atrocité kitschissime irregardable, celui de « Thriller », réalisé par John Landis, a magnifiquement bien vieilli. Se réclamant du gothique de la Hammer davantage que du post-apo à la Romero, voilà le zombie que je préfère !

  • Présence  

    A nouveau un commentaire bienvenu car pour avoir vu des piles de cette série dans ma FNAC préférée, je me demandais bien de quoi il retournait.

    Ton article m’a laissé une étrange impression, comme si cette série avait bénéficié de l’appel d’air créé par Walking Dead, pour le thème des zombies, avec une intrigue différente lui permettant de sortir de son ombre tutélaire, mais sans réussir à aboutir quelque part.

  • Bruce lit  

    Le teaser de Présence:
    « Vivre ou survivre » 2/5
    Est-ce que les français sont capables de parler zombies en BD ? Oui, Sophian Collet et Oliv Peru ont réalisé une trilogie qui dispose de sa propre personnalité, et de sa propre intrigue, originale par rapport à Walking Dead de vous savez qui.

    @Tornado: intéressant. Il existe quelques comédies Zombies comme Fido ou Shawn of the Dead. En quoi verrais tu un changement de style audacieux ? Un film à la Hammer serait envisageable ? Ah oui, je me rappelle de zombies vs Hitler que j’avais bien aimé.
    @Présence: Oui et non. Zombies aboutit à une fin nette et précise à l’inverse de WD qui dure depuis trop longtemps au goût de certains. Par contre, le manque d’épaisseur d’une intrigue prometteuse et de personnages attachants aboutit à ma déception d’une série quand même intéressante.
    @Présence

  • Sophian CHOLET  

    « Étrangement, Cholet dans les scènes de transition dessine en plans américains des visages sans figures, ce qui est plutôt paresseux puisque il n’a pas à livrer 22 pages par mois ! »
    Alors primo, rappelons qu’il s’agissait de mon tout premier album. Secundo, il y a entre 8 et 10 cases par page et beaucoup plus de décor et de personnages que chez la plupart des productions outre-atlantiques, donc parler de « paresse » me semble un poil excessif. Tertio, c’est arrivé sur deux ou trois cases dans tout l’album simplement parce que je n’avais aucune idée de ce que mon format de travail allait devenir une fois imprimé et que je voulais éviter de surdétailler les cases, mea culpa ; c’est une simple erreur d’appréciation de ma part et les cases ont d’ailleurs été complétées pour le tirage de tête. Les réimpressions à venir du premier tome bénéficieront bien évidemment de ces corrections.

    « Il semblerait d’ailleurs que Cholet ait eu plus de temps pour finaliser ses planches. »
    Pas spécialement en fait, j’ai juste essayé de ne pas réitérer les erreurs du premier tome, notamment cette histoire de visages qui m’avait été reprochée dans une des chroniques du premier tome.

    • Bruce lit  

      Wow ! Mr Cholet himself !!
      C’est une chronique écrite il y a longtemps, peut être marquée par le coup de la déception. Tes remarques sont intéressantes Sophian, car elles dénotent de l’écart obligatoire, injuste et salutaire entre le travail de l’artiste (discipline, rigueur, perfectionnement) et l’oeil du public détaché de tout cela. Je te rassure, si tes dessins ne m’avaient pas plu, je n’aurais pas acheté un seul volume de Zombies.
      Et tout ceci est vu avec une grille de lecture qui a sûrement évolué depuis 3 ans, date de la rédaction. Ceci était aussi écrit bien avant le facebook du blog, où j’écrivais dans mon coin, sans avoir aucun retour que celui de mes potes et encore moins d’imaginer celui de l’artiste. Donc Mea Culpa, pour le ton peut-être un peu dur (modéré par la notation quand même). En tout cas, merci de ta visite et d’être sport !

  • Jyrille  

    Et bien merci Bruce car je n’ai jamais entendu parler de cette série. Ni vu, ni lu quoi que ce soit. Je suis un ermite en fait ?

    Bon ça a l’air bien sympa cela dit. Faut voir, à l’occasion, à offrir.

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