CREEPY CARRIE

Encyclopegeek : Carrie

1ère publication le 16/02/16. Mise à jour le 02/09/18

AUTEUR: 6 PATRICK FAIVRE

Cette encyclopegeek abordera le mythe de Carrie, le roman de Stephen King puis le film de Brian de Palma.

L’histoire de l’infortunée Carietta White, alias Carrie, a fait le tour du monde. Dérivée en 3 films, un téléfilm et une comédie musicale, le drame imaginé par Stephen King fait partie intégrante de la culture populaire !car_01

Au cas où vous auriez passé ces 40 dernières années en hibernation je vous résume succinctement l’histoire : Carrie, une adolescente de 16 ans, est le souffre-douleur de ses camarades de classe et plie sous le joug d’une mère tyrannique obsédée par la religion.
Poussée à bout, après une moquerie encore plus cruelle que les précédentes, elle va finir par se servir de son don singulier de télékinésie pour détruire son école et la ville entière.
Dans un déluge de feu et de sang elle donne libre court à sa rage et à sa frustration trop longtemps contenues…
De victime elle devient à son tour bourreau.

Ce roman a fait de son auteur une star internationale et l’un des romanciers les plus connus à travers le monde. Pourtant le parcours fut tout sauf évident pour Monsieur King…

La genèse du mythe

En 1972 le moins que l’on puisse dire c’est que la situation financière de Stephen et de sa femme Tabitha n’est pas brillante. Le salaire de professeur d’Anglais de Monsieur n’est pas suffisant pour nourrir leurs deux enfants et il doit travailler dans une blanchisserie pendant les vacances scolaires.
Sa femme quand à elle travaille dans l’équipe de nuit d’un Donut shop.

Stephen a déjà écrit plusieurs livres dont Marche ou crève, Rage ou Running man, mais tous ont été refusés par les éditeurs. Il n’a pu caser que quelques nouvelles dans différentes revues pour de très faibles rémunérations.
L’auteur en arrive à douter sévèrement de son talent alors qu’il commence à écrire son nouveau roman : Carrie. A tel point qu’il jette littéralement à la poubelle le début de son manuscrit ! C’est sa femme qui sauve le script de la décharge et l’encourage à finir son livre. Derrière chaque homme célèbre il y a, parait-il, une femme ; dans le cas de King il doit clairement sa carrière au jugement de son épouse !

Le fait est que dans ce roman King mettra beaucoup de sa propre histoire. Notamment l’absence de son père, enfui alors qu’il était encore gamin, une mère contrainte à faire des ménages dans un institut psychiatrique, une nounou sadique et maltraitante qui l’enferme régulièrement dans un placard… L’histoire ne parle pas des rapports qu’entretenait le petit Stephen avec ses copains de classe mais sans être un grand psychanalyste on peut aisément supposer qu’il n’était pas la star des boums…

L’auteur racontera que lorsqu’il travaillait comme surveillant dans un collège, alors qu’il nettoyait le vestiaire des filles, il vit une boite étrange au mur. Son collègue lui expliqua que c’était un « Pussy plug » (littéralement un « Bouchon à foufoune »). Il n’en fallait pas plus au jeune Stephen pour se demander ce qui se passerait si une fille avait ses premières règles au milieu des autres élèves.

The red right hand

The red right hand / © MGM. Source : Fieldingonfilm 

L’auteur a également admit s’être inspiré pour créer son personnage de Carrie de deux adolescentes qu’il a connu alors qu’il était encore à l’école. L’une d’elle était une fille un peu étrange qui portait toujours les même vieux vêtements avec des cheveux noirs et un ruban rouge. Comme il se doit, elle était la parfaite tête de Turc de ses camarades de classe. Mais un jour après Noel, à la surprise générale, elle revient totalement transformée avec un nouveau look…
La seconde fille était issue d’une famille profondément religieuse au comportement trouble. Toutes les deux moururent quand elles étaient encore dans la vingtaine et l’une d’elle à la suite d’un suicide ! Manifestement le livre partait sur des bases très saines…

Quoiqu’il en soit après avoir achevé son œuvre, King ne croyait toujours pas au potentiel de son livre et ne l’envoya à aucune maison d’édition. Le hasard voulu qu’un ami éditeur chez Doubleday lui écrive un courrier pour Noel lui demandant de ses nouvelles. En guise de réponse Stephen lui envoya son manuscrit !
Trois semaines plus tard il reçu une lettre lui disant que son texte était intéressant mais qu’il devrait en revoir une bonne cinquantaine de pages. Il s’exécuta et renvoya son roman.
Doubleday publie finalement le roman le 5 avril 1974, rencontrant le succès qu’on lui connait.

Welcome to the doll age

Ma rencontre avec le premier roman de Stephen King remonte au début des années 80, je devais avoir à peu de chose prés le même âge que Carrie. J’ai été parfaitement bouleversé par le destin tragique de cette adolescente harcelée et poussée à commettre l’irréparable.

Comme bien souvent dans les romans de King, l’histoire se base sur un personnage décalé et rejeté. Romancier de la marge, l’auteur nous décrit régulièrement des laissés pour compte lui permettant de faire une critique acerbe de la société Américaine où la différence n’est que rarement la bienvenue (en Europe nous ne sommes guère mieux logés ceci dit…).
La cruauté des adolescents est mise en avant, mais le monde des adultes en prend lui aussi pour son grade. Entre famille dysfonctionnelle, père absent, mère castratrice et enseignants distants… Les milieux scolaires aussi bien que familiaux sont présentés comme monstrueux.

« Au mur, dieu me regarde, avec son visage de pierre. Il me dit qu’il m’aime, mais s’il m’aime pourquoi suis-je si seule ? »

« Au mur, Dieu me regarde, avec son visage de pierre. Il me dit qu’il m’aime, mais s’il m’aime pourquoi suis-je si seule ? »© MGM. Source : Underregion54 

Personnages torturés, action se déroulant dans le Maine (état où King est né et où il vit encore), apartés décalés pour donner un rythme particulier au récit… Bref tous les éléments du roman de Stephen King sont déjà en place !

Horreur ? Erreur !

Paradoxalement on présente généralement ce roman comme un livre d’horreur, alors même qu’aucun élément horrifique en tant que tel n’est présent dans le livre !
Ici point de tête qui explose, point de tripes rependues sur les murs… L’horreur est bien plutôt quotidienne et concrète, celle d’une pauvre adolescente martyrisée par sa mère aussi bien que par ses camarades. Une horreur de proximité en quelque sorte.
Si Carrie n’avait pas développé de pouvoir de télékinésie, on parlerait ici simplement d’un fait divers tragiquement banal.

Par ailleurs, King parvient à retranscrire à la perfection le mal-être de l’adolescence. Le besoin de se comprendre soi-même et de comprendre les autres. Dans le cas présent ce besoin de compréhension et d’apprentissage sont tout simplement niés et refusés par la mère de Carrie qui la maintient volontairement dans l’ignorance. Enfermée dans une sorte de bulle où seule la religion existe. En voulant protéger sa fille du péché, elle l’empêche tout simplement de vivre !

Formalisme et féminisme

La première chose qui étonne à la lecture de ce roman c’est son coté formel ! Jugé initialement trop court, l’auteur rajoutera postérieurement, pour étoffer son livre des extraits de journaux, des passages de livres (notamment celui de l’une des rescapées) et surtout des extraits du rapport de la « Commission Carrie White ». Ces insertions expliquent le phénomène de télékinésie et le restituent dans un contexte rationnel. Ces interruptions épistolaires donnent également des informations supplémentaires sur la psychologie des personnages. L’intégration de ces extraits à la trame narrative principale est très réussie et permet de rythmer d’avantage le récit tout en approfondissant le sujet.

Eve was weak !

Eve was weak !© MGM. Source : DVDClassik 

King se livre à un véritable exercice de style car plusieurs points de vue se mêlent pour donner une vision globale de l’action : celui de Carrie, celui de ses professeurs ou des élèves de sa classe. Les articles journalistiques nous offrent un moment de recul au milieu d’une narration plus conventionnelle.
Une fois de plus la forme nous rapproche d’avantage du fait divers que du roman fantastique.

D’entrée de jeu King fait table rase du suspens, on sait dés le début du roman que Carrie connaîtra une fin funeste. Plutôt que la surprise