Enfer et Dame Nation….(From Hell)

From Hell par Alan Moore et Eddie Campbell

Première publication le 06/02/15- Mise à jour le 14/11/21

Par : BRUCE LIT

VO : Knockabout Comics

VF : Delcourt

Trust me, Im Doctor !

Trust me, Im Doctor !©Delcourt

Cet article éventre des spoilers majeurs. 

From Hell a été publié initialement en 10 épisodes entre 1991 et 1996. Il s’agit d’une histoire complète à laquelle s’ajoutent de nombreuses annexes qui permettent à Alan Moore de repêcher ses lecteurs perdus par la surabondance de références historiques, architecturales, mystiques, littéraires et picturales.

Delcourt a édité le volume complet de 500 pages en 2000 avec une traduction remarquable de Jean Paul Jennequin.  Une réédition en couleurs vient de sortir chez Delcourt. 

Je me rappelle de la première lecture de From Hell comme si c’était hier. Terrassé par un chagrin d’amour, j’envisageais de me noyer dans ce pavé pour oublier… Avec le temps, je réalise l’ironie de la chose : lire cette atroce histoire de femmes massacrées pour oublier celle que l’on  aime…

Très vite, je pris From Hell en grippe ! What the fuck was that ? Moi qui voulais lire une histoire simple, un truc divertissant autour de l’identité de Jack L’Éventreur,  je me retrouvais avec les divagations mystiques d’un vieux toubib, des flics archi-nuls qui tombaient sur le coupable via un invraisemblable coup de bol à la fin et une interminable visite archéologique de Londres dont je me foutais éperdument (alors qu’il s’agit du chapitre le plus important !)… Je revendais alors ce pavé indigeste du haut de mon arrogance juvénile, jurant, grand Dieu, que From Hell c’était de la merde hallucinogène d’un auteur junkie !

Le vrai William Gull et ses faux airs de Bonaparte.

Et puis 15 ans passèrent et plus je côtoyais des amateurs de Comics, plus je me disais que j’avais loupé quelque chose. LADIES AND GENTLEMEN, une fois n’est pas coutume javais TORT ! Quel bonheur de l’avouer !  Plus que toute oeuvre, From Hell est réellement un roman en images, avec des couches de lectures infinies. Et pas si ardu pour qui se donne la peine et la patience d’en venir à bout, Moore se montrant pédagogue avec son lecteur !

Donc, back from the start : En 1888 à Londres, un descendant royal, le Prince Eddy, a un enfant avec une vendeuse de bonbons. Ses amies prostituées, avec à leur tête une certaine Mary Kelly, pensent innocemment se faire quelques sous en faisant chanter la Couronne. En leur envoyant son médecin, William Gull, nettoyer l’affaire, la reine Victoria est loin de se douter qu’ elle a ouvert les portes de l’Enfer !

Le Prince Eddy n'a pas fait attention à sa quéquette....

Le Prince Eddy n’a pas fait attention à sa quéquette….©Delcourt

Gull est un chirurgien de renommée. C’est aussi un Franc Maçon versé dans les sciences occultes persuadé que les lignes temporelles de notre humanité sont bâties comme une arche, que les coïncidences n’existent pas et que Londres, construite dans le sang, exige des sacrifices humains.

En dessinant dans le sang de ses victimes un pentagramme à travers Londres, Gull est convaincu d’être investi d’une mission qui maintiendrait en respect les forces du Chaos. En tuant les prostituées les unes après les autres, il pense en effet freiner l’ascendance féminine sur les sphères hiérarchiques britanniques,  préserver la Couronne du Chaos,  et éviter a tout prix les décollations  royales. Rien de personnel donc, Gull se voyant d’avantage comme l’outil du Destin.

Pendant un long chapitre, Gull n'est présenté qu'en vue subjective ! La tension monte !

Pendant un long chapitre, Gull n’est présenté qu’en vue subjective ! La tension monte ! ©Delcourt

De meurtre en meurtre, il devient le tueur en série le plus célèbre de l’humanité. Jamais pris, son identité restera un mystère au fil des siècles et Moore brosse sa vérité historique au fil d’un processus intellectuel passionnant reposant sur des archives, des témoignages, des séquences imaginaires plausibles et  des concomitances mystiques. C’est ainsi qu’il établit une correspondance audacieuse entre le premier meurtre de Gull et la date de conception d’Adolf Hitler !

Une séquence  montre en effet s’accoupler papa et maman Hitler tandis que Jack prémédite son meurtre. Puisque durant tout l’ouvrage il est établi que l’histoire se répète à intervalle régulier, quoi de plus naturel que les actes du plus célèbre tueur en série donnent naissance au plus célèbre criminel contre l’humanité ?  Que l’ homme qui assassinait le sexe faible engendra celui qui haïssait les faibles ?

Les parents d'Hitler travaillent dur.....

Les parents d’Hitler, ce soir là, auraient mieux fait de regarder un DVD… ©Delcourt

Pourtant, à la différence de la Moustache Furieuse, William Gull a, de l’aveu même de Moore, un versant sympathique qui, à défaut d’empathie,  inspire tout du moins le respect. On peut comprendre ce qui attira Alan Moore chez ce personnage : Gull est un monument de culture tout aussi capable de disserter de poésie que de  chirurgie, d’architecture ou de franc maçonnerie.

Moore effectue un tour de force à se glisser dans la peau de l’assassin sans que celui ci n’ait l’air d’un illuminé notoire. Les liens qu’il fait entre magie, histoire et sciences occultes sont suffisamment érudits pour que Gull soit pris au sérieux. Pour autant que ses meurtres apparaissent barbares, Gull les accomplit sans cruauté ni sadisme : il ne viole, ni ne torture ses victimes (quel gentleman, hein ?).

Et Gull inventa la chirurgie esthétique....

Et Gull inventa la chirurgie esthétique….©Delcourt

Malgré cela, on est gré à Alan Moore de ne pas installer son lecteur dans un syndrome de Stockholm qui nous ferait apprécier la présence de l’éventreur. Gull reste un être hautain, froid et méprisant des classes inférieures, capable d’éventrer une prostituée sans remord pour ensuite se coucher paisiblement et embrasser madame. Moore effectue d’ailleurs des pieds de nez amusants à son lecteur : l’ignorance de son cocher que Gull déplore  fait écho à celle du lecteur lambda obligé de se référer aux annexes du bouquin pour saisir la portée des références.

A la fin de ouvrage, Gull est pris de visions et voit le vingtième siècle venir, notamment la froideur et la perfection de l’ère informatique. Il déclare alors avoir accouché du siècle qui viendra. C’est pourtant immédiatement au nazisme que l’on pense : Gull précède les expériences et les crimes des nazis au nom d’un Reich pur et du maintien des seigneurs en haut et des esclaves en bas. Ces criminels de masse, instruits pour la plupart, qui accomplissait en leurs meurtres de manière rationnelles et dépassionnés (pas tous hein !).  Et à plusieurs reprises, Moore décrit le terreau antisémite de l’époque visant, faute de preuves, à imaginer un coupable forcément juif !

Les cavaliers de lApocalypse

Les cavaliers de l’Apocalypse…©Delcourt

Car, aussi brillante soit elle, From Hell, n’est pas qu’une enquête visant  à mettre en lumière  l’identité d’un tueur légendaire. C’est aussi et surtout la description des conditions de vie épouvantables des femmes de cette époque obligées de se prostituer pour vivre. Une scène est particulièrement éprouvante : celle où Gull dort comme un bébé le matin de son premier meurtre juxtaposée à ses futures victimes dormant sur le trottoir, côte a côte, attachées par une corde à linge pour ne pas tomber par terre. Pour un lecteur contemporain, l’image de ces femmes traitées comme des bêtes et réveillées sans ménagement comme dans un poulailler est insupportable.

From Hell raconte cette étrange époque, où la société mue par l’industrialisation qui donnerait naissance à notre ère, reste encore régie par des habitudes barbares et une vision des femmes au mieux comme pondeuses au foyer, au pire comme esclaves sexuelles. Et ne parlons même pas du traitement de celles considérées comme malades mentales….

Lancêtre de Bjork accusée dhystérie....

L’ancêtre de Bjork accusée d’hystérie ? ©Delcourt

From Hell, c’est aussi l’histoire de la lutte désespérée d’une caste qui, pour s’accrocher au pouvoir, confond intérêt particulier et bien public.  La reine Victoria est montrée comme un être impitoyable qui signe des fatwas; la police, informée par Gull en personne du déroulement des meurtres, démissionne pour ne pas compromettre les francs maçons. Et Gull, lui-même est impitoyablement éliminé pour ne pas laisser de traces.

Pour autant, Moore, en suscitant l’indignation de son lecteur contemporain, ne sombre pas dans le misérabilisme et la démagogie  riches = pourris, pauvres = gentils.  Au contraire, l’Angleterre d’en bas est aussi veule et cruelle que celle d’en haut. En se délectant des détails des meurtres sordides, en affluant aux enterrements par pur voyeurisme, en se faisant prendre en photos sur les lieux des crimes, Moore rappelle le goût du public pour les monstres et la violence. Il convoque par trois reprises à cet effet, le tristement célèbre John Merrick, l’Homme Elephant immortalisé par David Lynch, attraction dans un premier temps de la populace d’un cirque puis de la bourgeoisie dans un hôpital.

Les apparitions fantomatiques de l'homme éléphant...

Les apparitions fantomatiques de l’homme éléphant…©Delcourt

Mary Kelly et les autres victimes ne sont pas sanctifiées : alcooliques, vulgaires, vénales, sales chacune de ces vies ôtées est une tragédie sur patte. Au point que l’éventreur prédit qu’il n’a fait qu’abréger les misères de ces marginales. Quant à l’inspecteur Abberline, sa silhouette voûtée et ventripotente traduisent une honnêteté et un certain humanisme mis à mal par le sabotage de ses supérieurs hiérarchiques.

Du début à la fin, il pédale dans la semoule et ne dispose d’aucun indice. Lorsque par le plus grand des hasards, il démasque Gull, il est à son tour écrasé par le poids de la société et dissout son honnêteté dans ses intérêts financiers. Le film qui en sera tiré lui donnera à l’écran le visage de….Johnny Depp…

Gull passe aux aveux face à Abberline qui nen demandait pas tant !

Gull passe aux aveux face à Abberline qui n’en demandait pas tant !©Delcourt

Lorsque From Hell se termine, il est facile de déterminer qui est le personnage principal de cette histoire : il ne s’agit ni de Mary Kelly, ni d’Abberline, ni de Jack l’éventreur mais bien de Londres, une ville monstrueuse, hantée par son passé qui, comme un Dieu cruel, exige les organes de ses morts et le sacrifice de ses vivants.

La démarche de Moore n’est pas éloignée d’un Kubrick qui dans son Spartacus faisait dire à Cassius (de mémoire) : il ne suffit pas d’aimer Rome pour bien la servir, mais de ramper à ses pieds pour mieux y mourir. Comme le réalisateur de 2001, Moore raconte une odyssée de l’humanité. Le tueur en série fait ici figure de symptôme sociologique crée par une société impitoyable créant son prédateur pour éliminer les plus faibles.  Il est le révélateur des pires travers humains : l’appât du gain, le gout du pouvoir, la soumission aux pulsions sexuelles, la lâcheté, la falsification de preuves et les mensonges de la presse.

Une visite guidée de Londres bien sinistre....

Une visite guidée de Londres bien sinistre….©Delcourt

A bien des égards, From Hell est la conclusion terriblement pessimiste d’une trilogie entamée par V pour Vendetta et Watchmen : comme V et Veidt, William Gull est un homme seul qui va bouleverser les fondements d’une société. Si les deux premiers faisaient assaut d’idéalisme et d’humanisme, Gull, lui provoque le changement en voulant maintenir la couronne en place.  Une fois sa mission accomplie, Gull sort de son rôle comme d’une transe et devient un vieil homme pathétique qui meurt en regardant son infirmière s’accoupler avec un aide soignant ! lui ! le tueur de catins !

From Hell est certainement l’une des oeuvres les plus sombres de Moore. Aidé par le trait charbonneux de Campbell qui ne lésine pas dans l’édification de décors sinistres, tout ce petit monde n’en finit pas de se faire souffrir mutuellement en voulant pourtant s’éviter. Du flic désabusé au gentleman tueur, la nature humaine privée des droits de l’homme édictée par la révolution française est montrée dans toute sa cruauté et ses bas instincts.

Lost Girls qui occupera Moore seize années de plus (!)  adoucira ce propos bien sombre avec cette fois ci, des femmes accomplissant une sexualité heureuse, libérées de toute domination masculine et une fin similaire débouchant sur la première guerre mondiale qui précipita notre monde….En Enfer….

Gull découvre les obélisques du XXème siècle

Gull découvre les obélisques du XXème siècle©Delcourt

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Et puisque c’est encore les vacances, que diriez-vous d’une visite guidée de Londres en compagnie de Willaim Gull, le Jack l’éventreur d’Alan Moore. From Hell, un monument de la culture comics chez Bruce Lit.

La BO du jour : Voici la maison que Jack a bâtie :

28 comments

  • Lone Sloane  

    Quelle semaine! Tu déroules magistralement ton fil dans cette chronique. Tout à fait d’acord avec toi sur l’identification du personnage central de From Hell, à savoir Londres. J’ai le souvenir de cette longue balade en calèche et la description architecturale de la ville suivant les symboles maçons qui on présidé à sa construction. L’évocation de Lost Girls et la conclusion sur la première guerre mondiale sont brillants. A Bruce la perfide Albion et Alan Moore reconnaissants…
    Et vivement que le XV de la rose se fasse martyriser par les poireaux gallois ce soir…

  • Matt & Maticien  

    Chronique mythique pour livre intense. Bravo.

  • Twhip  

    Tu m’as donné envie de le relire ! Quel « monument » ce comics ! 😉

  • Présence  

    Avant toute chose : respect et bravo pour ce commentaire courageux. Vu le monument qu’est cet ouvrage et sa densité narrative, je me serais senti découragé (avant de même de commencer) à l’idée de lui rendre honneur.

    Ton commentaire a fait resurgir de nombreuses images dans mon esprit, à commencer par cette séquence où des individus sont assis sur des chaises en tenant une corde, pour dormir la nuit.

    De son propre aveu aussi, Alan Moore avait commencé avec l’idée d’une enquête (ou d’une reconstitution) véritable pour étayer la thèse de l’identité de Jack L’éventreur. Dans le dernier chapitre (Gullcathcer), il indique qu’il s’est laissé prendre au jeu et qu’il s’est aveuglé lui-même comme tous les autres experts en ripperologie, que son hypothèse en reste à l’état d’hypothèse, sans certitude.

    Un autre élément qu’il met en avant et qui m’avait bien est sa volonté d’embrasser (et de décrire) la société de l’époque dans TOUS ses aspects. Il parle d’une approche holistique englobant tous les points de vue possible, et tous les liens avec les personnalités de l’époque (même Buffalo Bill) pour montrer les ondes se propageant dans la société, à partir des crimes commis par Jack l’éventreur.

    • Nikolavitch  

      surtout, la lecture des notes montre qu’au fond, Moore se fiche totalement de l’identité du tueur. Il SAIT qu’en fait, ce n’est pas Gull, mais Gull est le personnage parfait pour ce qu’il a en tête : l’autopsie d’une époque, qui demeure une référence culturelle pour l’Angleterre contemporaine, et dont il s’ingénie à montrer le côté obscur. C’est très subversif, sur le fond, From Hell…

  • Jyrille  

    Je ne sais pas quoi ajouter aux commentaires précédents, que je rejoins dans leur ensemble : monument, courage incroyable de ta part, chronique intelligente et parfaitement menée, soulevant toutes les pistes, conclusion brillante etc…

    Je regrette juste un peu que tu ne parles que peu du dessin. Quant au fameux chapitre 3 long de 90 planches, c’est celui qui m’avait fait abandonner sa lecture la première fois. La seconde, me référant sans cesse aux annexes (100 pages !), sa lecture en VF m’avait pris une semaine.

    En fait tu me donnes envie de le relire. Et j’aime aussi que tu n’occultes pas le message final qui m’avait fait l’effet d’un coup de poing, parfaitement huilé par Moore, ajoutant de ci de là des détails qui prennent sens qu’au bout de 350 planches : la naissance du XXème siècle et de ses extrêmes.

    Encore chapeau bas, cette semaine aura vraiment été puissante, imposante, importante.

  • Bruce lit  

    @ Présence : Le courage était quand même motivé par le fait que je ne l’avais pas lu depuis 15 ans ! Ca aide un peu. Ce que j’ai aimé de cette approche holistique, c’est que rien n’est laissé au hasard effectivement. Le lecteur peut se rattacher à de multiples éléments d’interprétations et les hypothèses de travail de Moore restent très crédibles. Mon obsession pour le nazisme m’a a fait effectivement occulter le passage Buffalo Bill.
    @ Cyrille : C’est volontairement que j’ai occulté le volet dessin. Tout d’abord par manque de vocabulaire. Je ne le répéterai jamais assez : je suis plus sensible au scénario qu’à l’image. Le travail de Campbell est grandiose : il produit un monument de BD, un édifice dans l’édifice. Maintenant je me sens peu qualifié pour en parler. je dirais tout de même qu’il permet une immersion dans l’histoire mais qu’en ce qui concerne les visages féminins, j’avais parfois du mal à savoir qui était qui. tout juste étais je capable de reconnaître Mary Kelly par sa frange sur les yeux.
    Le côté gore n’est pas très effrayant, je trouve. On n’y voit pas grand chose. Et il y a par moments certaines planches illisibles.

  • JP Nguyen  

    Voilà un autre pavé que je n’ai pas encore lu. Il est est disponible dans ma médiathèque. Pas sûr que j’ai super-envie, en fait. Le dessin semble austère et le scénario foisonnant mais froid. L’approche un peu clinique de Moore a tendance à me détourner de ses oeuvres, si bien construites et documentées soient elles. En lisant cet article (très bien écrit Boss, c’est pas la question), je perçois comme un fond de misanthropie qu’on retrouve dans d’autres bouquins de Moore. Mais n’ayant pas lu l’oeuvre peut être me fourvoie-je totalement.
    Toujours est-il que je trouve que les personnages de Moore sont souvent peu attachants. Dans leur écriture, il semble que A. Moore manque d’amour. (désolé, c’est plus fort que moi).
    Promis, je ne fais pas exprès d’être la voix discordante! Et peut être après l’avoir lu ferai-je un jour mon mea culpa . That were just my two cents.

    • Bruce lit  

      La misanthropie de Moore : voici un point délicat. Je le situerai comme Marlon Brando, Bob Dylan ou Roger Waters qui témoignent de misanthropie en induisant de l’humanisme dans leurs oeuvres.
      Je ne suis pas d’accord avec toi ceci dit. Moore prend nettement fait et cause pour des minorités opprimés. La lettre de Valérie dans le camp d’extermination dans V est quand même vibrant d’humanité. Tout comme les réactions de Lorie après la bombe. Comme Jackie dans Top 10, coeur solitaire. Tout comme l’inspecteur ( me rappelle jamais son nom) dans V qui demande pardon aux noirs exterminés dans V.

      • JP Nguyen, grosse faignasse de lecteur  

        Je n’identife pas tous tes exemples, Bruce, mais je suis d’accord avec toi pour avec ceux que je reconnais.
        Mais j’avais écrit « un fond de misanthropie qu’on retrouve dans d’autres bouquins de Moore », pas « dans tous les bouquins de Moore »… 😉

        • Bruce lit  

          C’est effectivement chez Morrison que je trouve des personnages froids, vidés de toute substance. Chez Moore, jamais 🙂

  • Jyrille  

    C’est marrant, c’est bien la première fois que quelqu’un dit que Moore fait des personnages froids… D’habitude on dit ça de Morrison 🙂

    Je rejoins un peu JP car il faut vouloir se lancer dans l’aventure From Hell où effectivement les personnages ne sont pas très attachants. Tous survivent ou meurent dans Londres la brumeuse…

    • Nikolavitch  

      y a toujours une espèce de distance chez Moore, oui, vis à vis de ses personnage. de ce point de vue, il me fait beaucoup penser à Kubrick (que Bruce cite d’ailleurs dans l’article). ça fait sans doute partie, justement, de ce que j’aime chez Moore, d’ailleurs.

      • Bruce lit  

        Salut Alex,
        Par curiosité, il t’est déjà arrivé de voir arriver un pavé comme From Hell et de te dire « au secours, j’y arriverais jamais » !
        (C’est ce que je me suis dit quand j’ai tenté de lire le bouquin en VO avant de flipper ma mère)….
        Bien entendu , te connaissant j’imagine au contraire que c’est un challenge de plonger dans l’angleterre victorienne.
        J’ai une autre question alors : dans ce genre de cas, tu ne te dis pas : « merde, Jennequin m’a piqué une trad’ ? « .

        • Nikolavitch  

          à l’époque où c’est sorti, j’aurais même pas tenté le coup de le demander à l’éditeur, celui-là.

          quant au coup des pavés auxquels je m’attaque pas, c’est plutôt « le sujet m’intéresse pas assez pour que je m’en inflige tant de pages » qui est le facteur déterminant. (d’où m’on incapacité à me lancer dans des tas de mangas dont on me dit « si si c’est super »)

      • Jyrille  

        C’est vrai que dans tous les Moore que j’ai lus, il n’y a jamais d’attachement à ses personnages, même dans Top 10, Petits meurtres ou Jack B. Quick.

        • Bruce lit  

          Objection : Que ce soit avec les personnages de Jackie dans Top 10, Evey dans V ou même Rosemary Almond et Eric Finch, on sent que Moore est du côté de ces personnages. Même une ordure comme Adam Susan est humanisé in extremis. Je n’ai jamais comrpis cette accusation de froideur chez Moore. Pudique, sûrement, mais il y a chez lui de grands élans humains : Lorsque Daniel et Laureen traumatisés par la bombe font l’amour, le personnage de Wilhemina qui est tout bonnement le meilleur personnage féminin de Moore, à la fois fragile et déterminée. Gordon dans The Killing Joke solide dans ses convictions malgré le viol du Joker.
          Dans Lost Girls il peint un portrait admirable de trois femmes tourmentées mais pures dans leurs dépravations. Je ne connais pas bcp de scénaristes d’arriver à celà. Kubrick méprisait ses personnages, ça oui. Moore, non, non,non !

        • Matt  

          Mon problème avec ce comics est plus simple : c’est atroce visuellement, je galère à reconnaitre les personnages. Et la police d’écriture est l’exemple parfait de ce que je déteste. C’est à peine lisible, tordu, compressé, on dirait que c’est écrit à la main par quelqu’un incapable d’écrire droit. Et je me fous complètement de tout argument qui dirait que c’est voulu pour l’ambiance, parce que pour moi, tout ce que je vois, c’est que c’est une véritable corvée à lire.
          Lu une fois. Bon…content de l’avoir fait quand même pour le sujet intéressant, mais plus jamais !

  • Tornado  

     » Le tueur en série fait ici figure de symptôme sociologique crée par une société impitoyable créant son prédateur pour éliminer les plus faibles. Il est le révélateur des pires travers humains : l’appât du gain, le gout du pouvoir, la soumission aux pulsions sexuelles, la lâcheté, la falsification de preuves et les mensonges de la presse. »
    J’ai gardé cette phrase en tête pour résumer la qualité de ton article inspiré.
    En lisant ces lignes, j’ai immédiatement fait le parallèle avec notre monde moderne. Par exemple, je m’y suis retrouvé : Mon métier est un parfait écho de ce que tu décris : Bien que travaillant pour la fonction publique, mes supérieurs hiérarchiques sont clairement mes ennemis, ce qui est hallucinant quand on y pense ! Je suis un pion qu’ils utilisent lorsqu’ils le peuvent, afin d’asseoir leur position privilégiée, afin de la garder. S’il faut me sacrifier pour ça, il le feront.

    Je n’ai lu « From Hell » qu’une seule fois, il y a une quinzaine d’années. Je l’avais adoré et j’avais mis au moins trois semaines avant de le terminer. Je me souviens du long chapitre où Gull fait visiter Londres à Netley, son cocher simplet. La longue montée, semblable pour le lecteur à un trip sous acide (je n’ai jamais pris d’acide mais c’est pour l’image). Je l’avais lu deux ou trois fois d’affilée ! Un monument de narration séquentielle ! Dense, profond, incroyable !

    • Bruce lit  

      La visite de Londres avec Netley : rien que ce chapitre est une histoire en soi. Mieux ce sont des histoires dans l’histoire un peu à la manière de la BD de Joe Orlando dans Watchmen. Je reste convaincu que si, comme moi il y a 15 ans, l’on saute ce passage on ne comprend plus rien à l’histoire.
      Tes supérieurs hiérarchiques sont des francs maçons ??? 🙂
      En contre exemple, je dirais que tout dépend de la conception du pouvoir de tout à chacun. Je travaille en collaboration étroite avec le Maire de mon lieu de travail ( je l’ai même eu hier au téléphone !), et que c’est une liberté folle de pourvoir proposer des alternatives à un politique à l’écoute.
      Pour faire référence au Sandman de Gaiman, je dirais que l’horreur de From Hell provient de la résistance de cette société au changement. Pour se maintenir au pouvoir, la Reine Victoria va faire basculer son pays dans l’horreur. Il me semble quelque part avoir lu qu’Alan Moore était d’obédience socialiste. J’ai effectivement été frappé des analogies avec V for Vendetta : ce Londres cauchemardesque, ces anglais vivant dans la rue, ces putes soumises au pouvoir, ce pouvoir autoritaire qui déshumanise ses sujets, ces conscience de classe endormies… Il ne me surprend pas que V ait eu cet impact politique.

      • Matt  

        « Tes supérieurs hiérarchiques sont des francs maçons ???  »

        Les miens l’étaient.
        Croyez pas que ça n’existe plus, hein.
        Il y a des luttes de pouvoir qui n’ont pas de sens. Des directeurs du personnel qui ont plus de pouvoir que les maires de plusieurs communes. Et du coup des élections très bizarres avec des résultats que les gens semblent connaître à l’avance, et des supérieurs hiérarchique qui se plient aux ordres de mecs soi disant moins haut gradés.
        Ces couillons font même des mails avec des police d’écriture similaires aux trucs du 15eme siècle. Ils sont bien dans leur délire. Mais parfois ça se remarque.
        Un papier qui traine innocemment sur un bureau demandant de verser la cotisation pour la loge franc maçonnique…oups.

        La démocratie est une illusion^^

  • Tornado  

    Au, et au fait, un point important :
    Il est désormais parfaitement établi que la théorie du complot autour de l’affaire « Jack l’éventreur » est totalement fausse !
    Ce qui n’enlève rien, j’espère que tout le monde est d’accord, à la qualité de l’oeuvre d’Alan Moore.

    • Bruce lit  

      Tu as l’air bien informé ! Peux tu m’en dire plus, ça m’intéresse ! Cette histoire de William Gull serait du flanc ?

      • Nikolavitch  

        pour plein de raisons, elle tient pas (et Moore le dit lui-même dans les annexes). Gull n’est a priori pas dans le coup.

        • Matt  

          Oui ils disent la même chose dans les bonus du film.

          Par contre qui a vu le film Jack l’éventreur avec Michael Caine ? Datant de 1988 (donc avant le comics), le film proposait la même théorie sur Gull.

          Alors kikicé qui a inspiré qui ? Alan Moore fait-il mention de ce film ?

  • Tornado  

    Absolument. Il faut lire le « Livre Rouge de Jack l’Eventreur ».
    C’est passionnant et ça se lit d’une traite.
    J’en parle dans mon article sur le film (d’ailleurs il faut que tu changes le lien « From Hell » afin que l’on arrive directement sur TON article, et non plus sur Amazone)…

  • midnighter  

    j’ adore les 100 pages d’ annexes
    notamment le passage où il explique l’ accumulation des théories sur l’ affaire

     » si jamais quelqu’ un trouve des similitudes avec le découpage du bétail et les hélicoptères noir et le découpages des prostituées, ils nous pondront une théorie où les petits gris sont dans le coup 😉 « 

  • Twhip  

    Merci je découvre ! Je kiffe le ton de l’écriture.
    Tu es tout seul ici ?

    Si tu ne connais pas, tu peux regarder mes vidéos avec JP : « En direct de l’asile »
    tu peux retrouver ma chaîne sur Youtube à MC TWHIP ! Enjoy !

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