Interview Siegfried Würtz : Qui est le chevalier noir ?

Interview Siegfried Würtz

Un entretien musclé signé BRUCE LIT

1ère publication le 13/11/19 – MAJ le 28/07/20

Siegfried Würtz est un lecteur du blog mais ces jours-ci il s’impose surtout comme le premier auteur d’une analyse de plus de 350 pages sur le plus célèbre des super-héros : Batman, un héros à la fois connu et méconnu tant les analyses de Wurtz bousculent toutes les certitudes que l’on pouvait avoir sur le chevalier noir.  Tant de pertinence et d’intelligence, c’en est trop : il est temps de le bousculer à son tour le Siegfried pour éprouver sa résistance au Brucelisme ! 

Tout ce vous avez toujours voulu savoir sur Batman sans jamais oser le demander... ©

Tout ce vous avez toujours voulu savoir sur Batman sans jamais oser le demander…
©Third Editions

Bonjour Siegfried. Tu es peut-être habitué à ce que l’on te déroule le tapis rouge, mais chez Bruce Lit, on est dans le genre brutal ! Alors vide tes poches, regarde la lumière et décline nous ton état civil !

Bonjour Bruce, merci de me faire sentir comme un truand « interrogé » par Batman ! Je préfère le tapis rouge, mais on va dire que je me sens mieux dans le thème…

Eh bien Siegfried Würtz, mâle cissexuel caucasien de 28 ans, études littéraires classiques, petits boulots, professeur contractuel de français en collège et lycée pendant un an et demi, désormais doctorant en littérature comparée à l’Université de Bourgogne Franche-Comté où je rédige une thèse intitulée Dieu est fasciste. Enjeux politiques, moraux et religieux de la représentation du lien entre pouvoir et responsabilité dans le comics états-unien de super-héros presque omnipotents depuis 1986. Et où, sur un plan plus pragmatique, je cherche un emploi, déjà le temps de la finir (je précise, des fois qu’un lecteur de Bruce Lit aurait un poste à pourvoir…).

Plus accessoirement, j’écris pour plusieurs blogs, sur les comics, le jeu de société et le cinéma (ma plus grand passion culturelle) notamment, en plus de nombreuses contributions universitaires sur mes sujets de prédilection, et j’ai co-organisé trois colloques, Littératures du jeu vidéo (avec Guillaume Grandjean et Paul-Antoine Colombani), 1993-2018 : Vingt-cinq ans de Vertigo (avec Isabelle Licari-Guillaume) et Sommes-nous (encore) dans l’âge moderne des comics ? (avec Sophie Bonadè et Guillaume Labrude), qui aura lieu les 6 et 7 mars à Nancy et où toi et tes lecteurs êtes évidemment les bienvenus ! Toutes les informations sont ici .

Comment un freluquet comme toi en est venu à écrire sur Batman qui fait deux fois ton gabarit ?

Deux fois dans ses interprétations les plus fluettes ! Justement, j’ai très vite été fasciné, en commençant à lire des comics il y a un peu moins de 10 ans, par la malléabilité des super-héros, le fait qu’ils puissent être traités comme des « signifiants mobiles », c’est-à-dire que malgré une forme similaire, on puisse leur faire porter des sens très différents sans pour autant trahir leur « essence » pour virer à la fanfic.

Peu après avoir commencé ma thèse, j’ai eu l’occasion de relire pour Third Éditions un livre consacré à Digital Devil Saga (spin-off de Shin Megami Tensei), et en discutant avec les créateurs de la maison, on a compris que leur désir d’étendre leur label Force (consacré à la pop culture, et plus seulement aux jeux vidéo comme le reste de leur catalogue) pouvait rejoindre mon intérêt pour les super-héros.

On a décidé assez vite auquel il serait pertinent de consacrer une monographie, pas forcément pour les 80 ans, qui étaient encore assez loin et avant lesquels j’étais d’abord supposé avoir fini le tapuscrit, mais surtout parce que Batman est de très loin le personnage le plus populaire de cette mythologie, et donc un cas parfait pour bien commencer une éventuelle série d’ouvrages, en même temps que la cristallisation de tout ce qui m’intéressait dans mes recherches.


SOS : Nolan !

Aussi surprenant que cela puisse paraître, il n’existe en France aucun ouvrage entièrement consacré au chevalier noir ! Tu as liquidé la concurrence ?  

Il n’existe aucun livre ayant la même démarche que moi, aucune monographie historique et analytique du chevalier noir, mais il existe au moins un autre essai sur le même sujet, la Batman, une légende urbaine de Dick Tomasovic, qui semble être un recueil de réflexions sur le personnage dans son ensemble, ainsi qu’un hors-série des Cahiers de la Bande Dessinée judicieusement publié en fin d’année dernière, et recueillant de nombreux articles sur des aspects très divers du héros et du mythe.

Je dois d’ailleurs avouer avoir désormais hâte de me les procurer, puisque je m’étais interdit de les lire tandis que j’achevais la rédaction de mon livre, craignant d’injecter artificiellement des données extérieures à un travail déjà très avancé, et de reprendre trop exhaustivement des chapitres déjà achevés au profit de petites additions qui auraient pu en casser la cohérence…

Et je suppose qu’il faut y ajouter certains de ces grands ouvrages généreusement illustrés à la Huginn & Muninn, qui peuvent constituer de très bonnes portes d’entrée pour des néophytes. Je n’ai pas d’exemple précis à l’esprit, mais j’en ai vu tellement sur les super-héros en général ou sur certains en particulier qu’il serait étrange qu’il n’y en ait aucun sur Batman. Même le Batman Anthologie d’Urban comprend des notules tout à fait intéressantes, rédigées par Yann Graf, et qu’il me paraîtrait injuste de ne pas citer.

Bref des ouvrages existent, pas beaucoup à ma connaissance, et étonnamment peu à avoir profité du boulevard des 80 ans, enfin quelques-uns tout de même. Si aucun n’a cependant tenté quelque chose d’aussi exhaustif que mon Qui est le chevalier noir ?, c’est à mon avis à cause de deux problèmes auxquels j’ai été le premier confronté. D’abord la longueur des recherches nécessaires. Même en m’appuyant sur des essais historiques anglophones (cf. ma bibliographie), il m’a fallu près de deux ans pour lire des centaines de comics (environ 1500 je dirais), une bonne centaine d’articles au plus bas mot, pour consulter une multitude d’ouvrages, regarder pléthore de vidéos, puis pour tenter de réunir les informations, de les trier, de les synthétiser, de les structurer… et bien sûr de les vérifier. Cela peut paraître tout bête, et c’était pourtant une des étapes les plus longues de mon travail, fact-checker l’intégralité de ce que je lisais, y compris dans des sources a priori fiables et documentées, idéalement en revenant aux sources primaires.

Ensuite, le risque d’étaler des faits, de faire un livre-wikipédia. Et la tentation est forte ! Il se passe après tout tant de choses dans les aventures de Batman et autour que l’on pourrait facilement remplir 350 pages de descriptions, de résumés et de dates, presque sans s’en rendre compte. Il fallait donc un objectif clair, en l’occurrence parler de Batman et seulement de Batman, le reste ne m’intéressant qu’en tant que cela permettait quand même de réfléchir à Batman. Et tant pis si certaines époques semblent évacuées, si certains comics importants sont à peine mentionnés, si certains personnages ne sont même pas cités : si cela ne montre pas le héros sous un jour nouveau, si ce n’est pas important pour comprendre son évolution, je devais m’autoriser à l’ignorer.

De sorte qu’il fallait une manière intéressante de traiter le héros, enfin une manière que j’espérais intéressante, en l’occurrence en posant des questions, en problématisant autant que possible ce que j’exposais, et donc en m’efforçant d’intriguer le lecteur puis d’apporter une réponse à peu près satisfaisante à la question posée (« d’où vient Batman », « quel rôle Bob Kane a-t-il joué dans sa création ? », « le personnage de Frank Miller est-il fasciste ? », « les films de Joel Schumacher sont-ils infidèles au personnage ? », etc.).

Tout cela exigeait de laisser libre cours à une part de subjectivité, qui ne devait pas être évidente pour tous les éditeurs (ou les auteurs d’ailleurs), et je suis ravi que Third ait fait confiance à ma subjectivité pour contaminer l’objectif.

Si tu devais nous persuader d’acheter ton bouquin là, tu utiliserais quoi comme argument principal ?

Parce que 350 pages de pur texte, un pavé sans remplissage illustratif, ça ne vous suffit pas ?

Je devrais peut-être parler de sa relative exhaustivité, notamment dans son approche pluri-médiatique, ou de sa rigueur (même si quelques coquilles se sont glissées çà et là, soupir…), mais je dois dire que ce qui me plaît moi-même dans les monographies de ce genre, au-delà bien sûr de la documentation, c’est le sentiment de dialogue avec l’auteur quand il tente de bousculer des idées reçues, manifeste certaines obsessions récurrentes (la dimension politique par exemple) qui font qu’on peut l’attendre au tournant, adopte régulièrement une démarche homogène (par exemple une tentative d’empathie avec Kane, Wertham, Miller, Schumacher…), témoigne finalement d’une certaine sensibilité, d’une personnalité dans ses goûts, par rapport à laquelle on apprend à se positionner. Mon maître en la matière est bien sûr Umberto Eco, sans doute la seule personnalité dont le décès m’ait vraiment affligé, tant il témoignait dans ses travaux et personnellement de curiosité et d’humilité malgré une érudition folle.

C’est son modèle que j’ai essayé de suivre autant que possible de suivre dans ce Qui est le chevalier noir ?, tenter de permettre une lecture vivante et personnelle plutôt qu’une succession de points désincarnés, engager une discussion (même si j’y suis très bavard, pardon) qui fasse réfléchir le lecteur, qu’il soit déjà passionné par Batman ou ne connaisse absolument rien au monde des comics d’ailleurs. Je me doute bien que j’en suis très loin, un essai monographique sur un super-héros n’est pas un recueil de poèmes, une lettre ou une véritable conversation, mais si vous sentez par moments que j’essaye, je serai content.

La mesquinerie de Bob Kane l'aura finalement épargné de la disette que connurent les créateurs de Superman. Photo libre de droit. Source Wikipedia https://fr.wikipedia.org/wiki/Bob_Kane#/media/Fichier:Bob_Kane_1966_photo.jpg

La mesquinerie de Bob Kane l’aura finalement épargné de la disette que connurent les créateurs de Superman.
Photo libre de droit.
Source Wikipedia 

Des derniers jeux vidéo en date, les films en remontant à sa création par Bob Kane, ton livre se veut le panorama le plus complet existant sur Batman. À ce propos, le portrait que tu brosses de Kane est peu flatteur. C’est même une véritable ordure…

Ah, c’est ce qui ressort de la lecture des paragraphes consacrés au personnage ? Je pensais à vrai dire qu’on me ferait remarquer au contraire une certaine complaisance, puisque je tente d’expliquer que sans sa malhonnêteté, Batman n’aurait peut-être pas eu une telle importance, ce qui est quand même loin de la doxa contemporaine pour laquelle Finger a tout fait, et Kane s’est contenté de lui voler tout ce qu’il pouvait. Il est vraiment regrettable que Finger soit décédé si vite, nous empêchant de savoir ce qu’il pensait vraiment de la cession des droits à Kane, à quel point l’usurpation pouvait être consentie par un auteur timide, souvent en retard dans la livraison de ses planches, et après tout lui-même d’une moralité douteuse à ses débuts, quand il pastichait un pulp parfois au mot près pour la première aventure de Batman !

Je ne tenais ainsi pas particulièrement à accabler encore Kane, mais il était indispensable de rappeler certaines vérités, au moins pour ceux qui le croient encore le seul auteur de Batman. Surtout je voulais tenter de comprendre d’où venait Batman, quel contexte éditorial et culturel, quels processus créatifs avaient modelé ce personnage. Et cela passe par la diminution de la contribution de certains et la mise en valeur de la contribution d’autres !

Dans un espoir de flatter la Macronie ambiante, tu vas jusque lister les personnages français qui auraient influencé la création du personnage ! Explique-toi !

La démarche de Xavier Fournier (notamment dans Super-héros, une histoire française) m’a beaucoup inspiré dans ces patagraphes, tant il évoque de figures françaises antérieures à Superman évoquant pourtant très fortement au lecteur contemporain l’imaginaire super-héroïque. Je n’ai pas essayé de reproduire une telle liste, parce que l’exercice aurait été inutilement long et peut-être stérile, mais simplement de décrire une petite poignée de héros normalement connus pour qu’une personne ne soupçonnant pas du tout ces points communs en soit saisie, et justement des héros déjà connus dans les États-Unis des années 1930 (notamment grâce au cinéma), donc potentiellement connus par les premier auteurs de Batman ou leurs sources états-uniennes.

Il ne s’agit bien sûr pas de désigner des références explicites, que rien ne pourrait confirmer, plutôt de montrer comment cette accumulation d’histoires similaires a constitué un archétype et créé un climat favorable à l’émergence du super-héros. C’est un aspect sur lequel je voudrais pouvoir travailler, la manière dont une culture populaire nationale peut infiltrer plus ou moins directement une autre culture populaire au point d’influer sur la création d’un personnage aussi endémique que le super-héros. En attendant, je me suis contenté d’essayer d’exciter la curiosité du lecteur sur ces questions, peut-être mènera-t-il lui-même ces recherches !

Sois calme, Ô Tornado ! ©Dc Comics

Pour les hérétiques qui ne verraient en Batman que le chevalier noir gothique tourmenté par son code de l’honneur, tu oses rappeler que dès son origine, Batman tire à la mitraillette et rencontre des Vikings, le roi Arthur ou Cléopâtre !

Triste époque oui… Il était important de rappeler que le Batman contemporain pouvait sur certains points différer radicalement du Batman des origines afin d’interroger la construction progressive du canon… malgré quelques errances, qui témoignent bien de la jeunesse d’un héros dont on ne soupçonne pas encore qu’il pourrait vivre 80 ans, et que l’on tire donc en tous sens pour grappiller quelques lecteurs très différents (et de plus en plus pour rassurer les parents). Tant que cela permet aux éditeurs de bien vivre, pourquoi rechercher à tout prix une originalité et une cohérence à un personnage qui devrait disparaître bien vite pour être remplacé par une prochaine mode ?

Tu oses battre le Grant Morrison sur son propre terrain, celui de SUPERGODS en démontrant à quel point les couvertures de Batman et Superman sont complémentaires….

Voilà un autre point sur lequel j’aimerais beaucoup des confirmations (ou des infirmations) des intéressés, tous décédés depuis longtemps, l’importance des couvertures d’une série pour l’autre série, par inspiration, opposition, mais aussi simplement médiatiquement, quand on constate par exemple l’absence de Superman sur certains Action Comics quand on lance Batman dans Detective Comics, comme si l’on essayait volontairement de mettre en avant ce nouveau héros en particulier… On en est réduit aux conjectures malheureusement, mais j’espère que celles que j’expose sauront également intriguer les lecteurs !

Comme je ne me souviens pas exactement des pages que Morrison peut consacrer aux couvertures, je n’ai peut-être pas du tout compris ta question, n’hésite pas à le signaler plutôt que de me laisser divaguer !

Parce que tu es fauché, tu n’as pas pu te payer de droits d’auteurs pour illustrer ton bouquin ! Pas trop frustrant ?

Ha ha, plus sérieusement, Third Éditions ne publie jamais d’images dans ses livres. Ce n’est pas qu’une manière de ne pas s’embêter avec les droits (bien que cela entre en ligne de compte), avec les négociations sans fin et le coût que cela représenterait, et donc le tarif déraisonnable des livres qui en résulterait (à la fois pour compenser les droits et pour permettre les reproductions en couleurs), c’est aussi que pour des monographies sur la culture visuelle (qu’il s’agisse de jeux vidéo, de films, de bande dessinée…) il faudrait des centaines de dessins pour bien illustrer le propos, pour que chaque analyse soit accompagnée de son versant visuel.

Soit il faudrait alors faire grossir les ouvrages dans des proportions ridicules (imagines-tu si mon livre faisait 600 pages au lieu des 350 déjà lourdes et denses que tu as dans les mains ?), soit il faudrait diminuer la part de texte, un choix que font d’ailleurs beaucoup d’éditeurs de beaux livres, mais qu’il serait hors de question d’appliquer dans une collection justement remarquable par son contenu textuel. Donc un peu frustrant au début bien sûr, mais finalement une contrainte que je trouve rafraîchissante, et rassurante pour le lecteur qui sait qu’on n’a pas cédé à cette facilité.

Un long chapitre est consacré à Wertham, le grand satan du comics que personne n’aime sans l’avoir lu ! Tu t’es donné cet effort ?

Oui… et je ne peux pas dire que son Seduction of the Innocent soit beaucoup plus aimable que l’image qu’on en a ! Jugements à l’emporte-pièce, sur-interprétations malhonnêtes, biais méthodologiques évidents, c’est un livre très partisan d’une certaine réaction plus que l’essai scientifique promis. Quand on a ces problèmes à l’esprit, on peut cependant lire quelques intuitions assez percutantes, et surtout déceler un personnage qui croit vraiment que la croisade qu’il mène aidera les jeunes esprits à mieux se développer, avec une candeur qui serait presque touchante si elle n’était si odieuse envers nos lectures. Aussi ai-je trouvé particulièrement intéressant de tenter de comprendre le personnage de Wertham, sans en rester à l’exorcisme habituel (et légitime) hurlé aussitôt que son nom est prononcé.

Pretty in pink ! ©DC Comics

Pretty in pink !
©DC Comics

Tu nous parles du Batman rose ?

Tu penses à la couverture de Detective Comics #241 ? Au risque de te décevoir, l’explication est beaucoup moins délicieuse que l’image. Dick Grayson se blesse au bras devant témoins, et Batman craint que ces témoins ne fassent le lien en voyant Robin arborer la même blessure. Au lieu de lui donner des manches longues ou de lui accorder quelques jours de repos, il décide logiquement… de porter chaque jour un costume de couleur différente, afin de détourner l’attention des passants de son protégé, puisqu’ils seront bien trop intrigués par le mystérieux motif du chevalier noir pour prêter la moindre attention à un Robin si vieux-jeu. Bon, j’exagère un peu, il faut que le moineau soit là pour identifier des voleurs, mais si le costume arc-en-ciel est vraiment seyant, vous vous sentirez surtout floués en lisant l’aventure de ne jamais voir Batman en rose !

Tu réhabilites en tout point la série kitsch avec Adam West !  Tu joues ta peau, là !

Peut-être, mais c’est vraiment dommage, parce qu’elle gagne à être vue, déjà pour rappeler la multitude d’interprétations possibles de Batman, y compris la vision kitsch de Dozier, pas forcément moins légitime que celle, évidemment plus en phase avec notre goût actuel, d’O’Neil et Adams par exemple. Certains épisodes en sont aussi extrêmement drôles, avec cet humour absurde (et volontairement absurde, il faut le noter) qui me rappelle souvent Dupieux à son meilleur (Wrong, une vraie pépite), surtout dans les premiers ou dans le film. La série est également moderne, assez progressiste (pour les détails, consultez le livre, je ne vais quand même pas tout vous dire gratuitement !), et a peut-être contribué à sauver Batman en le mettant au cœur de l’attention médiatique à une époque où ses ventes s’écroulaient (cette époque curieuse où Archie dominait systématiquement les autres comics). 

Tu ne caches pas ton admiration pour Frank Miller auquel tu consacres de longs chapitres. Tu pousses assez loin l’analogie entre Daredevil et Batman…

En relisant ses Daredevil après avoir étudié ses Batman, j’ai vraiment eu l’impression qu’il écrivait le diable de Hell’s Kitchen en ayant Batman à l’esprit. Bien sûr c’est peut-être juste une vue de l’esprit, une déformation « professionnelle », et on peut aussi penser que son Batman est une extension de son travail sur Daredevil avec les immenses libertés qu’on lui accorde suite à son succès, voire qu’au cours de sa carrière il a essentiellement développé un seul archétype, et que Daredevil et Batman ne sont eux-mêmes que des étapes avant Léonidas, Marv ou Martha Washington… Mais dans les éléments plus ou moins précis que je relève, il y en a qui à mon avis paraîtront assez convaincants au lecteur pour le pousser à se poser la même question de la transition entre les deux personnages.

Instantané de Siegfried sortant de son entrevue avec Bruce Lit ! ©DC Comics

Obsédé par le fascisme, tu tentes de démontrer que ces accusations ne sont pas cohérentes. Tu veux vraiment t’opposer à Alan Moore qui pense le contraire ?

Attention, je tente surtout de montrer pourquoi The Dark Knight Returns n’est à mon avis pas une œuvre fasciste, voire serait moins fasciste que la quasi-totalité des comics antérieurs, bien que de nombreux éléments puissent aisément laisser croire le contraire. Alan Moore l’a d’ailleurs préfacé, preuve qu’il en voyait le génie plus qu’un supposé problème politique. Les deux auteurs ont toujours eu des opinions divergentes, mais croyaient dans un nouvel ordre démocratique pour faire s’écrouler un État corrompu jusqu’à la moelle, et cette acerbité avait de quoi leur assurer une certaine admiration mutuelle. Les choses se sont compliquées avec 300, dans une moindre mesure avec Sin City, puis vraiment corsées après le 11 septembre qui a traumatisé Miller et révélé plus clairement que jamais une vision du monde « républicaine » au pire sens du terme, proche d’une alt-right sur certains points, surtout quand il a condamné Occupy Wall Street dans des mots si abominables qu’ils reviennent très souvent pour le condamner sans autre forme de procès (et qu’il a récemment déclaré regretter).

Évidemment, pour dire qu’il est fasciste, il faudrait s’accorder sur le sens de ce mot, étant entendu que Miller conchie les néo-nazis (auxquels il applique régulièrement un traitement très tarantinesque), satirise Donald Trump et s’attaque régulièrement aux oppressions sociales, mais qu’il semble (dans son œuvre au moins) vanter un certain homme providentiel, très viril, clairement au-delà de la foule qu’il guide vers la liberté et l’ordre… Après, cela fait des années qu’il n’a plus rien fait (et qu’on ne me parle pas de Master Race !), j’ai vraiment hâte de lire la suite de son Superman (qui commence assez bien) et surtout ses projets à venir sur Batman pour voir ce qu’il a gardé de sa verve et de ses opinions.

Comme un certain Alex N, tu soutiens que sans la Bat-Family, Batman serait parfaitement odieux.

Oh, Batman n’est jamais aussi odieux qu’avec la Bat-Family, Alex devrait entendre mes soupirs à chaque vignette où il se tait pour « la protéger », refuse de lui faire confiance quand elle lui propose son aide, aimant mieux se terrer dans sa solitude paranoïaque, souvent pour reconnaître ses torts à la fin de l’aventure et offrir de très beaux moments d’humanité. Mais quel calvaire pour en arriver là, surtout quand des auteurs différents usent et abusent du même schéma, aimant tant l’idée qu’ils ne voient aucun mal à le faire à nouveau régresser juste pour la satisfaction finale de le voir à nouveau aimable !

Cependant il a besoin de sa famille, c’est certain, et on le voit dès l’apparition de Dick, qui lui permet enfin de parler à quelqu’un de ce qu’il est en train de faire, de sourire pour la première fois et de manifester une affection sincère, bref de le rendre intéressant et attachant. La Bat-Family est ainsi un fabuleux moteur à intrigues et à émotions, qui tourne parfois un peu à vide et se répète beaucoup, mais offre aussi certains des moments les plus forts (osons-le mot, « authentiques ») de la carrière du chevalier noir. Sans elle, il ne serait pas si odieux que plat, et je doute fort qu’on lui trouverait autant de richesse et de modernité, ou même qu’il aurait si longtemps bénéficié des faveurs de la foule.

Jamais à une connerie près, Grant Morrison a déclaré ne pas aimer les dessins de McKean... ©DC Comics

Jamais à une connerie près, Grant Morrison a déclaré ne pas aimer les dessins de McKean…
©DC Comics

Sur le Batman de Morrison, tu nous en apprends des belles, notamment que le mégalochauve était très insatisfait des dessins de McKean !

Mais est-ce que cela t’étonne vraiment de lui ? Quand on lit son script, on s’aperçoit de la haute idée qu’il avait du projet, conçu comme très cérébral, exagérément ésotérique, bref propre à lui conférer une certaine stature dans le monde du comics mainstream. Mais pour dominer le lecteur, il aurait fallu qu’il domine aussi la forme, avec un artiste formidable et soumis (comme ont pu l’être Quitely ou Capullo). Ses dessins préparatoires montrent bien qu’il était très loin de vouloir un graphisme trop expérimental, seule une illustration sage pouvant sans doute mettre en valeur la complexité géniale de son esprit.

Or si la Passion de Batman dépeinte est évidemment marquante, on est surtout frappé par le travail remarquable de McKean, que l’on peut admirer inconditionnellement au détriment d’une écriture un peu prétentieuse… On imagine ce que Morrison a dû ressentir quand Moore a par exemple applaudi le dessin en manifestant un certain mépris pour l’histoire ! Heureusement pour lui, McKean a lui-même très vite jugé que son propre travail était surfait, et ils ont retravaillé ensemble peu après sur A Glass of Water, une courte histoire où le mégalochauve est à son meilleur et McKean, comme toujours, extraordinaire.

Une pensée m’a traversé l’esprit en lisant ton chapitre sur Damian Wayne : de même que chaque courant musical a été accompagné de sa drogue de prédilection, pourrais-tu affirmer que chaque itération de Batman a eu son Robin ?

Il y a sans doute de ça oui, puisque chaque nouveau traitement de Batman imposait naturellement de revoir sa relation à son univers, de sorte que son rapport avec Robin pouvait apparaître comme un excellent révélateur des mutations plus générales voulues par l’époque/les éditeurs/les auteurs. Le premier Robin apparaît après tout à une époque où l’on veut offrir aux lecteurs et à leurs parents un personnage rassurant, souriant, coloré. Quand arrive le « comics pertinent », et que Bruce quitte un temps le Manoir Wayne pour le penthouse, on éloigne Dick qui doit faire ses études afin de se recentrer sur le héros solitaire, puis on imagine les douloureuses tensions entre le héros et son fils adoptif, adolescent rebelle rêvant de voler de ses propres ailes et supportant de plus en plus mal l’insupportable Batman du début des années 1980.

Jason Todd s’annonce comme une bouffée d’oxygène, mais subit la détestation de Starlin qui en profite pour mettre en scène le plus grand échec du héros, avant que le doux Tim Drake, agréablement insipide, revienne prendre la place de Dick pour installer une nouvelle routine. Damian illustre dans son idée même la volonté de perturbation du canon de Morrison, une certaine modernité dans le rapport complexe à la filiation qu’il représente, et une manière de repenser Batman en creux – surtout quand il devient ensuite le Robin de Dick Grayson.

Et je ne parle même pas de ce que l’invention des Robins hors-continuité ou des terres parallèles dit de leur époque, à l’instar d’une Carrie Kelley essentielle à la dynamique révolutionnaire du Dark Knight Returns. Évidemment c’est esquissé à très grands traits avec beaucoup d’omissions et de caricature, mais je voulais seulement illustrer l’importance de repenser Robin pour repenser Batman, tant leur relation compliquée est éloquente sur une certaine vision du comics.

Toujours pour rester dans l’emblème de la pop culture, on pourrait dire que les affrontements pour savoir si Baman est un justicier rigolo ou inquiétant renvoient à savoir si Pink Floyd est toujours Pink Floyd avec ou sans Roger Waters…

J’ai toujours été plutôt The Wall (un miracle de rock) que The Division Bell, est-ce que cela répond à ta question ou pas du tout ? Comme je le disais plus tôt, les super-héros sont des « signifiants mobiles », et Batman est sans doute l’un des plus mobiles, parce qu’on peut écrire une vraie histoire du personnage dans des registres radicalement différents. Il ne s’agit pas seulement de dire que chacun peut donc trouver son Batman en cherchant bien que d’inviter les fans à apprécier la complémentarité de toutes ses interprétations. Parce qu’il ne se résume pas à une dichotomie « justicier rigolo »/ « justicier inquiétant », et qu’il y a peut-être un fossé plus profond entre Batman : Damned et The Dark Knight Returns qu’entre The Dark Knight Returns et la série de 1966…

Aimer « le Batman sombre » ou « le Batman rigolo » n’a ainsi pas grand sens, puisque cela supposerait qu’il n’existe que deux Batman quand il y en a en fait des centaines, qu’il faut faire un choix alors qu’on peut adorer un Batman sombre et en détester un autre, ou adorer un Batman sombre et adorer un Batman rigolo… J’invite ainsi souvent les novices en la matière à s’attaquer aux Black and White, des anthologies de récits courts, tous réalisés par des auteurs différents dans des styles différents (du cartoon à la méditation torturée), et donnant donc un bon aperçu (bien que lui-même très partiel) de la passionnante diversité des lectures du chevalier « noir » (ou rose, pourquoi pas).

Tu abordes tous les films en trouvant des qualités à la vision de Schumacher !

Oh je n’aime vraiment pas Batman Forever, ayant surtout grandi avec le bien plus homogène Batman and Robin… Mais même indépendamment de cette faute de goût impardonnable (et de l’enfance torturée que cela suppose), j’ai toujours trouvé qu’on faisait un peu vite le procès de Schumacher en le condamnant pour ces deux films sans du tout se pencher sur le réalisateur, sur ce qu’un homme d’âge mûr et un peu établi dans le monde du cinéma a bien pu trouver dans ce projet de pertinent avec sa vision d’auteur, lui qui n’a assurément pas signé que par opportunisme financier. Il avait quand même promis de faire de Batman 5 une adaptation libre de Year One, une œuvre qu’il voulait sérieuse, sombre et amère…

Oui...ce film a 1 admirateur et on l'a trouvé !

Oui…ce film a 1 admirateur et on l’a trouvé !

Puisque tu t’es intronisé spécialiste du chevalier noir, 5 histoires à lire absolument ?

Si tu t’attends à ce que je déterre cinq chefs-d’œuvre méconnus du fait de ma « spécialité », tu risques bien d’être déçu par mes cinq recommandations, connues et assez consensuelles. La première serait bien entendu The Dark Knight Returns, bouleversement esthétique, thématique et politique sur Batman qui a en plus cette qualité rare de pouvoir être apprécié quelque connaissance que l’on ait des comics, et donc relu et apprécié différemment au fur et à mesure que l’on développe cette connaissance.

En ce cas, on s’attendra assurément à ce que je cite The Killing Joke (évidemment le comics dans sa colorisation par Bolland de 2009, surtout pas le dessin animé, la colorisation de Higgins ou la version en noir et blanc), mais aussi crucial le titre soit-il sur le Joker, il m’apparaît davantage comme une introduction à l’univers du chevalier noir voire une introduction au potentiel du comics, que comme un texte apportant un véritable enrichissement sur ces thèmes, peut-être la raison pour laquelle Alan Moore lui-même avoue être déçu par ce travail.

Si on cherche une lecture procurant des sensations fortes, capable de susciter une certaine émotion, d’impressionner, on se tournera bien plus judicieusement vers le percutant et délicat Dark Victory (que j’ai toujours préféré à The Long Halloween, sans doute bêtement parce que je l’ai lu plusieurs fois avant de découvrir l’autre histoire) ou même vers Batman Murderer et Batman : Fugitive. Entendons-nous bien, ce comics a bien des défauts, sa longueur, son art très inégal, sa prévisibilité… Surtout, pour qui, comme moi, a vraiment du mal avec le Batman paranoïaque, il est un calvaire de tous les instants. Et pourtant, c’est précisément parce que l’on souffre si fort et si longtemps que la conclusion dans Gotham Knights #32 (daté d’octobre 2002, par Devin Grayson et Roger Robinson) apparaît comme une récompense aussi puissante au bout du chemin, qui fonctionne même mieux que les conclusions pourtant tout à fait recommandables aussi des runs de Starlin/Aparo et Snyder/Capullo sur Batman

Pour qui préfère lire une bonne histoire, structurée, satisfaisante dans ses enjeux et sa dramaturgie, plutôt resserrée, et livrant au détour d’une planche le coup de poing attendu, on se tournera avec le plus grand profit vers le génial Identity Crisis de Meltzer et Morales ou vers le JLA : Earth 2 de Morrison et Quitely (pour son traitement d’Owlman), qui prouvent bien que l’on peut avoir tout compris à Batman et à son potentiel sans même en faire le personnage central d’une intrigue. Un peu comme dans le Kingdom Come de Waid et Ross, qui de ce point de vue-là m’a fait moins forte impression tout en fonctionnant très bien.

Enfin, l’un des meilleurs comics sur Batman est sans conteste (ou presque sans conteste)… le Watchmen de Moore et Gibbons, où il est décliné en Rorschach, en Hibou, en Ozymandias et même un peu en Comédien. Le lire sous cet angle vous convaincra certainement qu’il y a encore tant de choses à dire sur et par le chevalier noir, ce qui est toujours rassurant dans des périodes créativement peu stimulantes, donnant l’impression d’avoir fait le tour d’un héros dont on a usé et abusé de toutes les dimensions.

Tu as pensé quoi de JOKER, le film ?

Pour le savoir, il faudra consulter sur un autre blog, Comics have the Power, le long article que je lui ai consacré chez Sonia !Eh oui, je profite de ce que tu me donnes la parole pour faire de la publicité pour la concurrence, qu’est-ce que tu vas me faire ?

Hum, t’as pas de muscles mais t’as du cran p’tit mec ; tu es libre de sortir mais attention regarde derrière toi : le dernier Siegfried en date a oublié de le faire ! 

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Comme chez Asterix, tout finit toujours par un banquet au Festiv’

—–

Le saviez-vous ? Est sorti depuis peu, un formidable bouquin analysant le personnage de Batman tout au long de ses 80 ans d’existence.
Bruce Lit a choppé son auteur Siegrfried Wurtz et lui tire les vers du nez dans une interview action ou vérité !

La BO du jour

40 comments

  • midnighter  

    excellente interview qui donne envie d’ acheter le livre

    je suis trop tenté de faire remarquer que l’ auteur, lui, apprécie IDENTITY CRISIS 😉

    en tout cas ses deux conseils de lecture où batman est avec la JLA sont très pertinents

    • Bruce lit  

      Merci Midnighter : n’hésite pas à investi dedans. Ce livre est plein de surprises et est le résultat d’un travail acharné et indépendant. C’est aussi une passionnante analyse de l’ère Miller.

      Chers lecteurs, vous aurez sans doute remarqué quelques différences de police pendant l’article. Le WordPress s’est révolté sur celui-là et malgré tous mes efforts, n’a rien voulu savoir !
      J’avoue que deux interviews de grande ampleur au même moment, celle-ci et celle de Dysart, ont fait que j’ai décidé de sacrifier la forme au fond si je voulais que tout ça sorte en temps et en heure.
      Car j’en ai encore d’autres en réserve notamment Jean Wacquet des éditions Le Téméraire et JM Lainé himself.
      Merci de ne pas m’en tenir rigueur !

    • Siegfried Würtz  

      J’ai beaucoup apprécié aussi l’ironie de publier consécutivement l’article de Tornado démontant Identity Crisis et ma recommandation du titre, que j’apprécie énormément, précisément pour sa dimension de thriller mélo à mon avis très réussie, et qui change agréablement des autres titres intitulés « Crisis » !

  • JP Nguyen  

    80 ans après, Batman sévit toujours. Mais que fait la police ? Réponse : un peu n’importe quoi dans l’article du jour.
    Chouette interview. Et je souscris totalement au point de vue des multiples déclinaisons plutôt qu’à l’opposition sombre/rigolo.

    • Jyrille  

      Huhuhu…

  • Kaori  

    En voilà une interview particulièrement « élevée » !
    Je crois que j’ai trouvé ce que je vais demander au père Noël cette année.

    Moi qui ai une profonde affection pour la Bat-Family, cet article m’a fait chaud au cœur et je suis d’accord sur bien des propos. Batman n’est jamais autant odieux qu’avec ses proches. BATMAN FUGITIF est en ce sens un vrai crève-cœur pour la fan de Dick Grayson que je suis, mais en même temps, c’est aussi pour ça que j’ai aimé le lire…

    Le coup des costumes arc-en-ciel m’a toujours fait sourire.

    Ah, et le Tim « doux et insipide » est bien trouvé, malgré toute l’affection que je lui porte !

    Je pourrais parler des heures entières de Batman et ses différentes personnalités en fonction du Robin qu’il a en face de lui, mais je vais m’arrêter là 😉 .

    Je suis allée lire la review sur le film JOKER : je ne suis pas d’accord avec tout, sauf une chose : ce n’est effectivement pas un « film de super-héros ».

    Ah et merci à Bruce pour cette semaine DC !!! (oui je sais ce que tu vas dire… ça vient, ça vient… je ferai partie du prochain train 😉 )

    • Siegfried Würtz  

      Très content de trouver place dans une semaine DC aussi, et merci pour ces adorables remarques !
      Je suis quand même très curieux de savoir sur quoi portent nos désaccords touchant Joker ?
      Et… Joyeux Noël 🙂

  • Jyrille  

    Je suis totalement impressionné, à la fois par l’intervieweur et par l’interviewé. Je note le colloque à Nancy, pas très loin de chez moi, le sujet me semble passionnant (et me rappelle toujours le texte de Ellis à la fin de Planetary sur les ères des comics, que Planetary faisait partie de l’ère baroque).

    J’avais été intrigué par la couverture de ce livre, mais cette interview donne carrément envie de l’acheter (misère), malgré son apparente aridité visuelle ! De plus j’apprends (ou je réapprends) ce que sont une monographie et un tapuscrit… Cela se dit même pour un texte tapé sur ordinateur ?

    Je me rappelle effectivement avoir revu des extraits de la série avec Adam West où l’humour était particulièrement savoureux et totalement en décalage avec le propos de base. C’est plus une relecture du personnage qu’une transposition.

    J’étais persuadé que les histoires de Batman Black and White allaient tomber à un moment ou un autre, j’en suis ravi ! Par contre, entre hier et aujou’d’hui, c’est la première fois que j’entends parler de Batman Murderer et Batman Fugitive, et ces deux articles tenderaient à me les faire dénicher… misère bis. Je trouve la comparaison du personnage avec ceux de Watchmen très à-propos.

    Siegfried, j’avais lu ta longue chronique un peu décousue sur le Joker, et je rejoins partiellement ton avis : très inspiré sur la représentation, le scénario et les personnages, tu oublies de parler de cinéma, mais ce n’est que mon impression.

    La BO : normal. Classique, le générique de la série télé. J’aurai mis la version de John Zorn personnellement : https://www.youtube.com/watch?v=Id0KDPV13hQ

    • Siegfried Würtz  

      Bonjour Jyrille et merci beaucoup pour ce commentaire !

      On peut effectivement parler de tapuscrit pour un texte tapé au clavier, le terme est évidemment beaucoup moins répandu que celui de manuscrit, mais j’aime (avec un évident snobisme) l’existence de cette distinction lexicale.

      Quant à la critique de Joker, le problème est en fait… le terme de critique, que je n’ai pas choisi. Mon article se voulait essentiellement une analyse des analyses du film, une tentative de réponse aux débats qu’il suscitait. Or si l’on exclut la question de la représentation de la folie, où à mon avis la forme est très importante pour comprendre les problèmes du fond, ces débats ne portaient pas beaucoup sur Joker en tant qu’oeuvre cinématographique, sinon pour les habituels et déprimants commentaires de goût (c’est magnifique, c’est vain, c’est moche).

      Si j’avais voulu livrer une « critique » de Joker, j’aurais sans doute davantage parlé cinéma… d’autant que j’adore ça, mais deux semaines après la sortie du film, après avoir lu tout et son contraire, j’ai préféré reléguer mon appréciation esthétique de la photographie, de la colorimétrie et du montage à la conclusion pour me focaliser sur ce qui me paraissait plus important à ce moment-là.

      Mais je suis entièrement d’accord avec une certaine confusion générale de l’article, à tenter de comprendre point par point les opinions, leurs nuances et leurs contradictions, je ne suis pas parvenu à produire un texte aussi élégant que je l’aurais voulu, et après m’être longuement battu, ai préféré le publier en l’état que jamais…

      Je suis ravi que certaines des pistes évoquées t’aient malgré tout paru intéressantes, et bien sûr que l’interview t’ait plu. Au plaisir de te rencontrer éventuellement à Nancy !

      • Jyrille  

        Je relirai sans doute ton article, mais maintenant que tu le dis, il est clairement une réponse à toutes les tribunes qui avaient pu se faire entendre lors de sa sortie. Pas simple…

        On verra pour Nancy si je peux, ce serait un chouette article pour Bruce ! Oui je sais, il me l’a déjà ordonné… mais je suis anar aussi 😀 En tout cas si je me bouge, je serai ravi de te rencontrer !

  • Eddy Vanleffe  

    interview fleuve passionnante… sur un personnage passionnant qui aura passé tout un siècle à évoluer avec ses auteurs tout comme Tintin quelque part…
    on ne peut que s’incliner et aller acheter le bouquin…
    là où j’ai un peu divergé c’est sur le Batman partout dans Watchmen… en fait il est tellement protéiforme le Batou qu’il est à peu près TOUS les vigilants à la fois… même Fatalis (trauma-maman et volonté de contrôle despotique sur un tout petit territoire-disparition derrière une identité qui fait peur).
    il est chef de résistance ou loi martiale. rien que pour ça on voit qu’on peut le décliner de toutes les manières.
    Du coup Watchmen ne devient qu’un gigantesque duel entre Superman/Manathan et Batman/les autres ou le divin contre le terrestre…
    ça pose tout un tas d’idées marrantes mais un peu faciles à mon goût.

    Black and White, bien joué, très bonne idée de décocher cette carte là pour convaincre des milles et un visages de Batman tout en laissant à chacun la possibilité de choisir sans hiérarchie…
    encore bravo de réhabiliter toutes les facettes… et je suis d’accord pour la sélection d’histoires aussi…

    • Siegfried Würtz  

      Ha ha pour Watchmen c’est évidemment un peu rhétorique, on peut tout à fait penser que Moore n’a pas tant pensé à Batman, qu’il n’avait pas besoin de cela… Disons que je trouvais la référence amusante pour montrer que Batman était si protéiforme qu’on pouvait le voir partout… et finalement, en relisant Watchmen sous cet angle, l’oeuvre m’est effectivement apparue comme une nouvelle preuve du potentiel du chevalier noir (qu’il y soit réellement ou non) tant on l’y voit quand on l’y cherche.

      Et franchement…

      Le milliardaire sans super-pouvoirs mais supérieurement athlétique, intelligent et pragmatique ? L’inventeur qui adopte un costume évoquant une créature volante nocturne, conçoit un véhicule volant à son effigie dans la cave où il place également sa combinaison ? On pourrait se prêter au même jeu avec le Comédien ou Rorchach, mais ce serait un peu plus du jeu, quand pour Ozy ou le Hibou, il me paraît difficile de nier qu’il y a quand même quelque chose qui dépasse la coïncidence ou l’influence inconsciente, non ? Très content de voir que cette petite idée, que je trouvais moi-même piquante, suscite également des réactions amusées ici !

      • Chip  

        Pour Rorschach, Moore l’a cité explicitement comme une lecture prosaïque de ce que serait Batman dans un univers réaliste.

        Pour le Comédien, l’attrait de la violence pourrait jouer (coucou le Fixer encore), mais ça contredirait la farouche volonté d’indépendance de Batman (ou son hybris de milliardaire libertarien et son habitus antiétatique, c’est selon).

        (Sinon on pourrait disserter sur la sexualité du Chvalier Noir et chercher des parallèles avec le Juge Masqué 🙂 )

        • Bruce lit  

          C’est également un article à venir, un défi Nikolavitch notamment : Et si Wertham avait raison ?

          • Siegfried Würtz  

            Hâte de lire ça, je défends quelques-unes de ses idées dans ma thèse justement !

      • Eddy Vanleffe  

        sache que je vais lire ton livre avec attention, je suis assez impatient de mettre la main dessus je dois dire…
        j’espère pouvoir partager mon ressenti de lecture par le suite…

  • Chip  

    « Enfin, l’un des meilleurs comics sur Batman est sans conteste (ou presque sans conteste)… le Watchmen de Moore et Gibbons, où il est décliné en Rorschach, en Hibou, en Ozymandias et même un peu en Comédien. » Coeur avec les batarangs.

    Toutefois, ça implique donc que les batmans dérivés sont des lectures tout aussi valides que les originaux(tm), et donc que l’abominable Fixer de Holy Terror est bien un Batman. J’ai une relation compliquée avec Miller (notamment parce qu’il a une relation compliquée avec sa santé mentale). Donc je vais devoir lire. Vous faites chier, j’avais pas besoin de rajouter un livre à lire!

    • Siegfried Würtz  

      Tiens, tu vas aimer ou détester les pages que je consacre à « comprendre » (qui n’est pas justifier, comme le rappelait un bien-aimé ministre) All-Star Batman & Robin, the Boy Wonder et Holy Terror, hâte d’avoir ton retour sur cette partie forcément un peu polémique (mais que j’ai pris énormément de plaisir à approfondir) !

  • Tornado  

    Et bien voilà une interview qu’elle était passionnante.

    J’ai plein de trucs à dire :

    – Batman sombre ou rigolo ?
    Figurez-vous qu’un type comme moi fana de lectures Dark est parfaitement capable d’aimer les deux.
    Mon Batman préféré est celui de Killing Joke par exemple : Monolithique, iconique, presque’une idée plus qu’un homme. Du coup c’est tout ce qu’il se passe en face de lui, et par rapport à lui qui devient intéressant. Et puis il y a tout ce décorum gothique/Dieselpunk/art-déco qui est hyper envoûtant.
    Mais j’adore aussi la série TV des 60’s. Je suis fan ! J’ai le coffret blouré et le film aussi. C’est drôle, c’est frais, c’est fun. J’aime beaucoup ça aussi. Et puis il y a le décorum pop-art, comics strips, 60’s envoûtant…
    Pour tout dire, je préfère largement la série TV « régressive » des 60’s aux comics old-school soit disant modernes que furent ceux de O’Neil/Adams, Englehart/Rogers, Starlin/Aparo, qui pour moi, malgré leur « canonisation » du Batman iconique définitif sont avant tout des purges infantiles pour enfant de six ans à moitié (« bim ! bzng ! arghhh ! badaboum !« )… Hem, pardonnez-moi je viens de tomber dans les escaliers…

    Je déteste la Batfamily. L’interview montre bien en quoi elle a eu son importance dans la mythologie du personnage et dans les comics de super-héros en général. En cela, merci de me faire comprendre pourquoi tant de lecteurs attachent de l’importance à ces personnages secondaires de l’univers de Batman qui m’ont toujours été imposés, personnellement, comme des parasites. Sauf quand c’est écrit par de très bons auteurs (j’ai par exemple adoré Robin Year One et Batgirl Year One de Chuck Dixon. Et l’introduction de Robin dans Dark Victory était magnifiquement écrite aussi). Mais pour le reste je ne changerai pas : Mon Batman préféré est celui de l’aube, solitaire et mystérieux…

    – Miller fasciste :
    Que ça fait du bien d’entendre le contraire ! Miller n’est pour moi pas un facho du tout. Certes, il est passé par la case « seignor en voie de radicalisation » qui nous guette tous au tournant de la 40/50aine. Mais sur Dark Knight Returns, quand on lit attentivement la chose, surtout après ses Daredevil vachement sociaux, on voit bien qu’il la joue davantage provoc et agitateur, que facho. Il se moque des bienpensants et de la démagogie de l’époque où l’on essayait d’imposer l’idée odieuse que tout le monde était une victime de la société, y compris les pires meurtriers. Personnellement je me suis bien reconnu dans sa démarche car, étant volontiers anar, j’aime bien ruer dans les brancards extrémistes de la pensée unique à chaque fois que je le peux, qu’ils soient de gauche ou de droite !

    – Le Batman de Schumacher :
    J’ai tenté de revoir Batman Forever récemment. C’est pire qu’une purge. C’est irregardable du début à la fin. C’en est presque incompréhensible tant il y a de moyens, d’acteurs brillants et de gens talentueux convoqués au générique !
    Du coup je me suis dit que le film était arrivé pile à une époque charnière où le cinéma devait se chercher avant de passer à une nouvelle époque et un nouvel état d’esprit. Je ne vois pas d’autre raison.
    Du coup j’en arrive à ma conclusion en disant que tout ça m’a donné très envie de lire le bouquin ! 🙂

    Mon Top 5 :
    – The Killing Joke
    – Dark Knight return
    – Year One
    – Long Halloween/Dark Victory/Catwoman When In Rome
    – Arkham Asylum
    Et pour 5 de plus :
    – Batman Haloween Special (les trois récits)
    – Cris Dans la Nuit
    – Mask
    – Faces
    – Batman et les Monstres/ Batman et le Moine Fou

    Il me reste tant de Batman à lire ! Je n’ai toujours pas lu le Batman de Morrison ni celui de Snyder (je me suis arrêté là, d’ailleurs. Je n’ai plus rien acheté depuis en ongoing). Et je n’ai toujours pas lu non plus le run de Rucka, celui de Dini, celui de Winick, et plein d’autres de la même période !
    J’ai également renoncé à No Man’s Land, Murderer et Fugitive. Car je n’achète désormais plus que du one-shot…

    • Chip  

      « seignor en voie de radicalisation » 🙂 🙂

      Sur le fond, il est trop libertarien pour être idéologiquement, consciemment fasciste. Mais ce qui frappe au fur et à mesure de sa carrière c’est l’absence progressive de recul face à la caricature qu’il représente. DK est formellement proche de Robocop et pratique beaucoup la satire, mais quelque part dans le chemin vers 300, donc du côté de Sin City, on dirait que Miller a confondu la réalité et la représentation qu’il en faisait.

      (En ce sens, son parcours a pour moi des échos de Ellroy, lui aussi styliste du noir, qui a plongé dans la caricature pour finir par en ressortir, sans y perdre totalement son goût de la provoc)

      Il me reste à lire deux livres de plus pour avoir une opnion plus informée et à jour, mais vous ne me ferez pas taire. Bande de fascistes.

      • Tornado  

        Je parlais du Miller de DKR, au moment précis où il écrit DKR. Après je ne sais pas, je n’ai pas lu…

        • Siegfried Würtz  

          Merci beaucoup pour ton commentaire enthousiaste et gratifiant ! Je crois qu’on est d’accord sur à peu près tout, y compris une préférence personnelle pour le Batman vraiment dark qui n’efface pas un plaisir face à des interprétations plus cartoon (et Miller nous donne « raison » en avouant aimer beaucoup le show de 1966) et pour les histoires solitaires (malgré l’appréciation d’histoires qui font intervenir la Batfamily quand elles sont vraiment bien écrites). Et Batman Forever est clairement irregardable, même s’il s’explique par rapport à une contexte créatif particulier – Schumacher avait d’ailleurs annoncé vouloir faire un Batman 5 sombre et terre-à-terre inspiré de Year One quand le 4 a été massacré, preuve qu’un contexte différent pouvait faire appel à des talents différents du même réalisateur. Un peu paradoxalement, j’aime bien mieux son Batman & Robin, bien qu’il efface tout ce qui pouvait être vu comme un peu mature dans l’opus précédent, parce qu’il y assume un fun outrancier et pop assez proche d’un Batman d’Adam West remis à la sauce des années 1990, assez décomplexé pour susciter moins de réticences qu’un Batman Forever entre deux chaises… Vraiment hâte d’avoir ton retour sur le livre du coup, et surtout curieux de voir s’il parviendra à te faire lire quelques autres titres (notamment le reste du cycle Miller) !

          • Tornado  

            Merci aussi pour ton retour sur commentaire 🙂
            J’ai oublié de dire que je suis également très fan de la série animée des 90’s (les épisodes de Bruce Timm et Paul Dini en particulier), qui fait le point d’équilibre idéal entre les deux pendants du Batman un peu enfantin et le Dark Knight moderne. Je suis d’ailleurs entrain de me refaire toute la série en la montrant à mes enfants, qui l’adorent.
            Je n’ai pas encore revu Batman & Robin, Batman Forever m’ayant quand même refroidi… Mais tu éveilles ma curiosité et m’encourage à m’y remettre !
            Pour ce qui est de lire le Miller après DKR c’est toujours un peu remis à plus tard… Je ne pense pas lire Holly Terror. Vraiment pas envie. Mais 300 et surtout Sin City, c’est comme Maus : Mais qu’est-ce que j’attends pour lire tout ça bon sang ! 😀
            Au plaisir de rediscuter avec toi. L’interview a forcément donné envie à tout le monde de lire ton livre !

    • Bruce lit  

      Merci. Quand on connait ta réticence à lire des interviews, un exercice qui ne t’enchante pas, ce retour laudateur est très agréable.

  • Eddy Vanleffe  

    la dialectique sert aussi parfois a vouloir prouver ce qu’on veut prouver…
    on pourra écrire autant de livres qui prétendent Batman fasciste que d’autres le contraire…

    Quand Miller a « dérivé », il a fait beaucoup de mal à ses fans, et je me demande si on ne cherche pas à le dédouaner pour nous dédouaner en tant que lecteur…c ‘est insupportable de considérer Miller comme fasciste… moralement parlant…
    et puis il faut aussi se méfier de ce mot qui est galvaudé à force d’être brandi à tout bout de champ…
    après pour la connivence des héros et de leur système de valeurs vis à vis du fascisme, il existera toujours une zone de gris…
    pour moi je partirais de l’expression « l’enfer est pavé de bonnes intentions »…le fascisme en dehors d’u système politique m’apparaît souvent comme la forme dévoyée d’un idéal voulant réparer ce qui est considéré comme un désordre.
    En ce sens, des vigilants et des demi-dieux qui usent de violence pour parvenir à rétablir une certaine idée d’ordre et de morale donneront toujours le bâton à ceux qui voudront y voir du fascisme…

    • Siegfried Würtz  

      Ma thèse (intitulée « Dieu est fasciste », en cours de rédaction) porte justement sur le « fascisme » des super-héros, à quel point on emploie alors ce terme de façon galvaudée ou légitime, sur quels corpus il paraît intéressant de réfléchir avec cet angle et sur quels corpus on est dans la vaine spéculation sur-interprétative, voire cela peut s’avérer erroné… Le super-héros pose effectivement des problèmes politiques passionnants dans son essence-même !

      • Eddy Vanleffe  

        Le super héros est un témoin privilégié de l’évolution des mœurs et des pensées du 20e siècle depuis la seconde guerre au moins, ce qui a donc conditionné l’enfance de nos parents et donc notre éducation.
        de ce fait la connexion avec son public est terriblement forte…

        par exemple:
        polémiques toujours il y a eu, mais le fait que chaque décision éditoriale soit devenue un enjeu de buzz, de succès ou de condamnation bien avant la parution du livre sur les étals est un signe à mon avis aussi d’une tendance en ce moment à ne plus vouloir évoluer et de vouloir conserver les choses telles quelles…

        Ta thèse aussi sera publiée en librairie?

        • Siegfried Würtz  

          Probablement pas, cela demanderait beaucoup d’efforts de réécriture pour un tarif de toute façon déraisonnable et un public très limité. Mais j’aimerais beaucoup utiliser toutes les pistes de ma thèse pour un livre sur Superman, ses pastiches et les enjeux politiques de sa représentation (le corpus de ma thèse), pour un résultat proche de mon livre sur Batman, mais probablement encore plus analytique et un peu moins factuel. Enfin je vais déjà finir ma thèse avant de me lancer dans les 50 projets dans lesquels je rêve de m’investir…

        • Eddy Vanleffe  

          fascisme/superman?
          projet à mettre sur Ulule…

  • JB  

    J’ignorais que la série d’Adam West avait besoin d’être réhabilitée… Elle est parfaitement dans le ton du Silver Age avant l’arrivée de Dennis O’Neil & co. Et puis cela me rappelle ma frustration de partir à l’école sans jamais voir la résolution des cliffhangers des épisodes.
    J’aime bien le mot doux laissé à Grant Morrison. Je reste cependant dubitatif sur l’évocation de Watchmen. Ces parallèles sont-ils évoqués dans l’ouvrage ?

    • Siegfried Würtz  

      Je donnais samedi encore une conférence sur Batman en festival, où la seule mention de la série de 66 a provoqué des rires moqueurs. Un phénomène qui existe peut-être surtout auprès des plus jeunes générations, qui ont grandi avec le Batman des années 1980 ou plus tard et n’imaginent pas un autre traitement, voire une génération Y qui n’en n’a jamais entendu parler que par le Joueur du grenier…

      Pour Watchmen, je ne fais le parallèle dans l’ouvrage qu’en passant, parce qu’il m’aurait fallu un gros travail d’archéologie textuelle pour tenter de voir jusqu’où le parallèle était légitime (par exemple à quel point Moore l’avait revendiqué) et ce que cela pouvait dire de Batman, bref j’aurais dû beaucoup digresser pour parler d’une oeuvre extérieure au canon dans un livre déjà bien long… mais on l’a un peu abordé plus haut, dans les commentaires de cet article !

      • JB  

        S’il y a eu influence, je me demande si c’est Moore qui s’est inspiré du Chevalier Noir ou Ditko, Pete Morisi et Joe Gill qui l’ont utilisé pour créer Ted Kord, The Question, Peter Cannon et Peacemaker..

    • Siegfried Würtz  

      Oh et j’oubliais de dire que la série de 66 ne me paraissait pas tant dans le ton des comics contemporains que cela, surtout après la tentative maladroite d’Infantino de réhabiliter une vision un peu plus sérieuse du personnage après 1964. Mais avec le succès de la série, le comics a bien sûr dû s’aligner temporairement vers quelque chose qui pouvait ressembler aux excès de l’ère Schiff… Je reste quelque part convaincu que la série de 66 était pourtant le meilleur traitement possible de Batman dans ces années-là. Un traitement plus noir aurait pu être franchement ridicule – une légende veut d’ailleurs que ce soit le visionnage du serial de 1949 et son comique involontaire qui auraient influencé la démarche de Dozier pour le second degré surréaliste de sa série…

  • Bruce lit  

    « Mais est-ce que cela t’étonne vraiment de lui ? Quand on lit son script, on s’aperçoit de la haute idée qu’il avait du projet, conçu comme très cérébral, exagérément ésotérique, bref propre à lui conférer une certaine stature dans le monde du comics mainstream. Mais pour dominer le lecteur, il aurait fallu qu’il domine aussi la forme, avec un artiste formidable et soumis (comme ont pu l’être Quitely ou Capullo). Ses dessins préparatoires montrent bien qu’il était très loin de vouloir un graphisme trop expérimental, seule une illustration sage pouvant sans doute mettre en valeur la complexité géniale de son esprit.

    Or si la Passion de Batman dépeinte est évidemment marquante, on est surtout frappé par le travail remarquable de McKean, que l’on peut admirer inconditionnellement au détriment d’une écriture un peu prétentieuse »

    Siegfried, mon nouvel ami pour la vie !

    • Siegfried Würtz  

      J’aime beaucoup Transmet et assez le Ellis de Authority, No Hero et Black Summer, donc je crains que cette amitié pour la vie soit fort intermittente ^^

  • Présence  

    Mazette, quelle interview ! Et quel interviewé ! Dès la temrinologie Signifiant mobile, j’ai bien compris qu’il allait falloir du temps de cerveau disponible. 1.500 comics + fact-checker : respect total. J’aime bien le mot tapuscrit que je ne pense jamais à utiliser. J’ai été pris par surprise par patagraphe.

    L’articulation de l’interview permet de s’enfoncer progressivement dans la richesse et la densité du livre, de mettre en lumière la profondeur et l’originalité de la démarche, ainsi que les points de vue adoptés par l’auteur. Une interview passionnante de bout en bout.

  • Chip  

    À propos du terme « signifiant mobile », que je découvre à l’occasion, vraisembablement à l’instar des autres lecteurs, il me semble même en-deça de la réalité. Signifiant rebondissant, comme une balle, plutôt, dont on ne sait jamais dans quel sens il va foncer. Astier parlait de la légende arthurienne comme d’un vieux chewing-gum qu’on se refile, mais c’est dégueulasse et personne ne fait ça. En tout cas j’espère. Beurk.

  • Jyrille  

    Mauvaise nouvelle, le colloque sur les supers devant se tenir à Nancy a été annulée.

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