Le Bel au Bois Dormant

Le Château des Etoiles, par Alex Alice

Un article de  : TORNADO

VF: Rue de Sèvres

1ère publication le 13/06/16 – MAJ le 29/02/20

Jules Verne Style

Jules Verne Style

Cet article portera sur les deux premiers tomes de la série Le Château des Etoiles, entièrement réalisés par Alex Alice qui officie au scénario, au dessin et aux couleurs.
Nous parlons de « deux premiers tomes » car, si le récit ne devait au départ pas dépasser ce nombre, il semblerait que le succès de la chose ait conduit l’auteur et son éditeur à poursuivre l’aventure…

1) La conquête de l’espace : Volume I

Lorsque ce livre est publié en septembre 2014, il s’agit du premier tome d’un dyptique intitulé Le Château des Etoiles. Il est composé de trois segments (formant une seule et unique histoire) prépubliés au préalable sous la forme de trois fascicules grand format (trois gazettes !) proposant d’authentiques articles soi-disant d’époque rédigés par Alex Nikolavitch (Le Château des Etoiles, Tome 1 : Le secret de l’éther, Le Château des Etoiles Tome 2 : Les Chevalier de l’Ether et Le Château des Etoiles, Tome 3 : Les Conquérants de l’éther).

L’histoire : Au XIX° siècle, dans le nord de la France, une famille d’explorateurs se passionne pour la conquête de l’éther, cette substance merveilleuse, cinquième élément composant la sphère céleste, qui permettrait aux hommes de « voguer » jusqu’aux planètes lointaines…
Particulièrement intrépide, la mère du jeune Séraphin entreprend une ascension en ballon à 11 000 mètres, malgré les suppliques de son époux. Elle n’en reviendra jamais.
Un an plus tard, Séraphin et son père sont convoqués par un mystérieux mandataire allemand. Ce dernier aurait retrouvé le journal de la disparue. Nos héros se mettent donc en route pour la Bavière…

Le célèbre château de Neuschwanstein, personnage à part entière du Château des Etoiles…

Le célèbre château de Neuschwanstein, personnage à part entière du Château des Etoiles…©Rue de sèvres

Parfois, on commence à lire un livre et l’on se dit, avec certitude : « Celui-là, c’est un chef d’œuvre ». Ce premier tome du Château des Etoiles fait partie de cette espèce en voie de disparition, et demeure d’une qualité optimale de la première à la dernière vignette. Universel, totalement hors du temps et des époques, porté par la grâce, le récit d’Alex Alice est d’une telle évidence qu’il pourrait avoir été écrit il y a deux siècles, au temps de Jules Verne et H.G. Wells, qui apparaissent ici comme les principales sources d’inspiration.
Passionnant de bout en bout, le scénario parvient à mêler l’imaginaire le plus divertissant aux explorations scientifiques les plus exigeantes, le tout baignant dans une toile de fond historique des plus minutieuses.
Steampunk jusqu’à la lie, le récit d’Alex Alice est un véritable manifeste de toute la littérature rétro-futuriste de l’époque victorienne…

Imagerie romanesque optimale teintée de steampunk !

Imagerie romanesque optimale teintée de steampunk !©Rue de sèvres

Pour autant, l’originalité de la saga est de ne pas se dérouler dans les habituelles strates de la littérature consacrée. Nous faisons ainsi une croix sur le voyage à Londres pour lui préférer celui de la Bavière, et précisément du Château de Neuschwanstein (jamais directement nommé dans le récit), qui offre immédiatement aux aventures de nos héros un cadre féérique (c’est quand même celui qui inspira le Château de La Belle au Bois Dormant !). Chef d’œuvre de l’architecture éclectique de l’époque romantique, le bâtiment devient ainsi l’un des personnages principaux de la saga, au même titre que son prestigieux propriétaire, qui n’est autre que le roi Louis II de Bavière…

Parsemé de trouvailles rétro-scientifiques aussi classiques qu’élégantes, superbement mises en images dans plusieurs double-pages façon archives réelles, le récit est également rendu addictif grâce à un trio de jeunes protagonistes aussi attachants que naturels. Et le lecteur de tout âge y trouve refuge en un clin d’œil…

On suit donc les péripéties de Séraphin, Hans et Sophie en bande-dessinée comme on suivait dans le temps à la télévision celles d’Esteban, Tao & Zia dans Les Mystérieuses Cités d’Or (l’éthernef ressemble tout de même étrangement au fameux Grand Condor de la série animée !), en goûtant les plaisirs simples de la littérature enfantine. A moins qu’il ne s’agisse tout simplement de littérature universelle…

L’Ethernef ! Le vaisseau des étoiles !

L’Ethernef ! Le vaisseau des étoiles !©Rue de sèvres

Tout en demeurant parfaitement classique dans ses fondements, la saga du Château des Etoiles bénéficie ainsi d’une fraîcheur incomparable et, grâce à un sens de l’équilibre d’une maniaquerie absolue, parvient à transcender tous les clichés qu’elle véhicule. Le dessin directement colorié à l’aquarelle, absolument magnifique, achève de nous éblouir.

Si le second tome tient ses promesses avec une fin lyrique et un développement cohérent, nous tenons la réponse au fantasme de tous les lecteurs amateurs de récits rétro-futuristes héritiers du legs de Jules Verne. Et tout comme les plus luxueuses éditions dédiées à ce dernier, celle du Château des Etoiles, avec sa splendide couverture en relief, est un bien beau rempart contre la tendance à lire les bande-dessinées de manière virtuelle…

En route pour les étoiles !

En route pour les étoiles !©Rue de sèvres

2) La conquête de l’espace : Volume II

Ce second chapitre du diptyque Le Château des Etoiles est publié en septembre 2015 et toujours entièrement réalisé par Alex Alice.
Comme pour le premier tome, celui-ci est composé de trois segments (formant une seule histoire) également prépubliés sous la forme de trois gazettes : Le Château des étoiles, Tome 4 : Les naufragés du ciel, Le Château des étoiles, Tome 5 : Les secrets de la face cachée et Le Château des étoiles, Tome 6 : Le Roi-Lune.

L’histoire : Après avoir échappé aux sbires du chambellan et du roi de Prusse, nos trois jeunes héros auto-surnommés les « chevaliers de l’éther », guidés par le professeur Dulac et par « Ludwig », le roi Louis II de Bavière, se dirigent vers la face cachée de la lune à bord de leur éthernef !
En secret, et alors que l’équipage commence à douter de sa survie à plus ou moins long terme, le jeune Séraphin se met à rêver que sa mère, disparue dans sa quête de l’éther il y a plus d’un an, ait pu survivre quelque part sur l’astre lunaire…

Into the road to the dark side of the moon !

On the road to the dark side of the moon !©Rue de sèvres

Le premier tome était d’une perfection rare. Le second est incontestablement en dessous. Mais très légèrement…
Les aventures de nos jeunes héros sont toujours aussi attachantes et passionnantes. Et si la première partie nous faisait voyager au cœur de la Bavière en plein XIX° siècle, celle-ci monte de plusieurs crans en emmenant ses lecteurs dans l’espace, et plus exactement sur la mythique face cachée de la lune ! Ce mystérieux côté de notre satellite sera d’ailleurs l’occasion de découvrir mille et une merveilles, toutes plus étonnantes et originales les unes que les autres.

Portée par un souffle épique digne des plus grands récits d’aventure, cette équipée lunaire fait également preuve d’une délicieuse poésie, révélant toute la dimension science-fictionnelle du fameux « Château des étoiles » qui, bien que faisant écho à celui de Neuschwanstein (qui servait de décor à tout le premier tome), est d’une toute autre teneur !
Ce faisant, Alex Alice parvient à donner corps au « grand mystère » du voyage dans l’espace, entre science, fantaisie et mysticisme. Impressionnant !

Certes, nous ne revenons pas du voyage avec les clés du mystère de la création et de l’univers, mais nous avons effleuré, l’espace d’un instant, un ailleurs vertigineux. Quelque chose de l’ordre de l’au-delà et du merveilleux, dans tous les sens du terme (loin, ailleurs, et même au-delà de notre dimension !). Le Château des étoiles que découvrent nos héros sur la face cachée de la lune est ainsi à l’image du secret de l’éther : Un mirage éthéré que nous ne pouvons qu’apercevoir furtivement…

Un alunissage spectaculaire…

Un alunissage spectaculaire…©Rue de sèvres

Comme c’est parfois le cas avec certains auteurs, le lecteur suit ainsi les aventures de ses héros tout en se laissant porter par leurs trouvailles et leurs inventions abracadabrantesques, sans chercher à douter un seul instant de la véracité de ces éléments. Cela s’appelle le pouvoir de l’imagination, et il convient de remarquer à quel point Alex Alice maitrise son sujet.

Mais on peut tout de même regretter quelques faiblesses auxquelles l’auteur ne nous avait pas habituées dans le tome précédent…
Tout d’abord, toutes les pages ne sont pas aussi belles. Et l’on peut percevoir, parfois, que le délai de publication oppressant a certainement obligé Alex Alice à « compresser » certaines planches, qui fourmillent de vignettes et de texte, comme s’il fallait faire avancer le récit de manière un peu précipitée. Ces quelques pages, parfois confuses et mal dégrossies, contrastent avec d’autres, somptueuses et flamboyantes, faisant un peu fléchir le niveau général de l’album.

L’autre point menant à la relative déception concerne le dénouement du récit. Car on apprend alors que les aventures de nos héros ne sont pas terminées et qu’ils reviendront dans d’autres albums. Ce postulat, effectivement accompagné d’un certain nombre d’éléments de l’intrigue toujours irrésolus, atteste d’un réel manque de sincérité envers le lectorat, parti dès le départ pour deux albums seulement. Certes, le récit ne se termine pas sur un cliffhanger et apporte une résolution claire au voyage de nos héros. Mais le nombre d’inconnues en ce qui concerne le sort de plusieurs personnages est pour le moins frustrant, nous obligeant à poursuivre les aventures des « chevaliers de l’éther », au risque de voir la qualité de la série se diluer avec le temps.

Plus fort que H.G. Wells : Les premiers hommes (et enfants) dans la Lune !

Plus fort que H.G. Wells : Les premiers hommes (et enfants) dans la Lune !©Rue de sèvres

Est-ce le succès retentissant de la série qui aura encouragé l’auteur à poursuivre son œuvre ? Est-ce ce même succès qui aura réveillé l’avidité de l’éditeur, incitant pour le coup Alex Alice à continuer sur sa lancée ? Ou est-ce tout simplement que notre auteur ne maitrise pas le dénouement de ses créations (je ne suis pas près d’oublier le final calamiteux de la série Le Troisième Testament, dont le concept était si prometteur !).
Quoiqu’il en soit, ces déceptions demeurent très relatives car, en l’état, ce premier dyptique de la série (est-ce désormais une série ?) est d’une qualité et d’une richesse qui le porte à des années lumières au dessus du tout venant de l’édition de la bande-dessinée.

Parmi tous les thèmes qui parcourent le récit, on retiendra en particulier celui du « château » non pas comme un lieu, mais comme une métaphore de la volonté de l’homme de s’élever en direction du ciel, et par extension de l’espace (la forme pointue et longiligne du château de Neuschwanstein se prêtant particulièrement bien à la démonstration), à la recherche de ses mystères, qu’ils soient de cet univers ou d’un autre… Car depuis que l’homme construit des édifices, il a toujours été question de dépasser les limites et, comme pour corroborer cette thèse, on peut s’apercevoir qu’une nation comme celle des Etats-Unis, par exemple, a toujours mené de concert la construction de ses vertigineux buildings avec celle des fusées destinées à partir à la découverte de l’espace…
Nous découvrons par ailleurs que le Château des Etoiles est une véritable uchronie, pétrie de réflexions sur la nature humaine et sur les dérives d’une science exercée sans conscience.
Incontestablement mon plus gros coup de cœur de la saison 2014/2015 ! Raison pour laquelle je suis sans doute aussi critique quant à ce second tome tant attendu…

Ainsi, malgré ces quelques défauts sur la seconde partie du dyptique, ce premier récit de l’univers des Chevaliers de l’éther nous emmène tellement loin près des étoiles que nous en revenons des étoiles plein les yeux, et qu’il est donc impossible, en définitive, de lui en adresser moins de cinq…

 L’adieu au château des étoiles ?

L’adieu au château des étoiles ?©Rue de sèvres

26 comments

  • Tornado  

    Ouf… Tu n’as pas idée… Je suis en plein dans les cartons pour cause de déménagement. Et… C’est vraiment monstrueux. Je ne suis pas certain de pouvoir tout lire un jour…
    Je vais quand même revendre pas mal de trucs. Les deluxe New Avengers de Bendis, voire même les Civil War. Je ne suis pas sûr d’avoir envie de me relire ça, en fait. Tous ces trucs connectés… Autant ne garder que quelques runs auto-contenus.
    Ce qui est sûr, c’est que je suis devenu beaucoup plus sélectif. J’achète désormais beaucoup moins de choses.

    • Matt  

      Bah après faudrait lire ce que tu as avant d’acheter surtout^^ Tu découvriras peut être que tu vas en revendre la moitié et hop tu auras de nouveau de la place pour être moins sélectif et tenter des trucs.

      J’ai ma petite pile personnelle aussi mais en ce moment c’est du genre ; l’intégrale de Murena, celle de Harbinger, les marvel knights (avec les inhumains de Jenkins), le premier cycle de 6 tomes du Prince de la nuit, tous les tomes de Angel wings, Shi Xiu et Sarah.
      J’arrive encore à faire le compte, donc c’est raisonnable^^ Mais je trouve déjà que j’en ai beaucoup. Faut pas que ça grossisse trop parce qu’après c’est limite la corvée, on veut lire rapidement les trucs pour faire baisser la pile et c’est pas de bonnes conditions pour lire ça.

  • Tornado  

    Ah ! j’ai la série du Prince de la Nuit aussi. Mais j’ai tout lu (il y a longtemps) !

    • Matt  

      Si tu l’as gardée, j’imagine que c’est bien^^
      C’est le dessin et l’aspect « film de la Hammer » que la série semble avoir qui m’ont attiré.
      Curieusement, je ne suis pas trop friand des BD de vampires même si je suis fan, principalement parce que je dessine moi-même des BD sur les vampires et je n’ai pas forcément envie de découvrir que mes idées ont déjà été utilisées dans d’autres BD (ce qui est surement le cas). D’ailleurs je m’inspire de trucs comme entretien avec un vampire ou les jeux vidéo Vampire the masquerade tirés du jeu de rôle, donc je sais que je n’invente pas grand chose. Mais ça pourrait être pire. Je pourrais découvrir que mes personnages, mes histoires, ont déjà été faites…
      Et comme je ne fais pas du « vampire traditionnel » mais plutôt des histoires de vampires qui cohabitent avec les humains et cachent leur nature, qui trafique du sang pour faciliter leur vie discrète (ce sont les persos principaux, et certains sont gentils), eh bien je préfère des BD de vampires qui sont de type traditionnel. Au moins je sais que ce sera différent de mes trucs^^

      Et inutile de me lister des BD qui ressembleraient à mes idées ! Pas de torture, please. Je sais qu’il y en a.

  • Tornado  

    Et bien, pour le coup, Le Prince de la Nuit, si mes souvenirs sont bons, c’est du vampire très, très, voire peut-être même un peu trop classique. En revanche, niveau ambiance, c’est assez prenant.
    Je ne listerais donc pas de BDs, mais as-tu vu le très drôle « Vampires en toute Intimité », un film néo-zélandais super rigolo réalisé en found-footage ?

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