Focus : La métamorphose d’Actarus
Accours, vers nous BRUCE LIT
1ère publication le 21 / 11 /19 – MAJ le 01/05/2021
In Memoriam Shunsuke Kikuchi. Merci pour ces fabuleuses musiques.
Ce Focus passera en revue les étapes de la métamorphose d’Actarus, le pilote de GOLDORAK , ce qui en fait sa spécificité dans la culture geek ainsi que ses rapports avec la culture super-héroïque.
Je crois bien que GOLDORAK est mon premier souvenir conscient. Nous sommes un lundi de l’an de grâce 1978. J’ai donc 5 ans et rentre de l’école en ayant une seule envie : voir ce Goldorak dont j’entends parler en permanence dans la cour de récréation. Ça tombe bien, un épisode arrive justement ce soir là. Je lâche la main de ma maman pour embrasser mon père, qui, ayant consacré sa vie à l’artisanat, fait ses comptes comme tous les lundis. Je laisse fondre un BN à l’huile de palme dans mon verre de chocolat chaud et demande comme un petit garçon poli, si je peux allumer la télé dans le salon familial. Ma mère n’ayant à coeur que mon bonheur appuie sur l’interrupteur tandis que mon père baisse la musique qu’il utilise toujours en fond sonore pour oublier les joies de sa comptabilité, souvent du Mozart, du Brahms ou du Tchaïkovski. Je m’assoie sans savoir à quoi m’attendre. Je ne vais pas être déçu.
D’abord, un constat; en fait Goldorak, ce n’est pas le héros, mais un robot, ce qui explique ce nom si bizarre, contraction frenchie de GOLDFINGER et MANDRAKE. Le héros, c’est Actarus et je l’aime tout de suite.
Il faut comprendre qu’à l’époque, les programmes pour enfants c’est WATOO-WATOO, LE MANÈGE ENCHANTE OU L’ÎLE AUX ENFANTS, des émissions inoffensives et déjà sans aucun charme à mes yeux. Il y a ces voix débiles, il ne s’y passe rien, et j’ai déjà l’impression qu’on prend les gosses pour des cons avec ces monstres gentils et toute la guimauve qui va avec.
Tout à coup, Actarus bouleverse mon enfance : il est beau, il est fort mais faillible, il a un grand coeur mais est sans pitié au combat, il a une voix juste incroyable, celle de Daniel Gall qui officiera ensuite pour un autre héros malheureux et incompris, le Dr David Banner dans le show TV HULK. Et surtout, il est triste. Après un combat, Actarus ne fait pas la teuff avec ses potes, ne parade pas à la télé ou ne tient pas les comptes des gens qu’il a tué. Non, silencieux, il joue de la guitare classique en égrenant, les yeux rivés vers le ciel, des arpèges mélancoliques.
Pour les enfants de ce qui vont êtres les années 80, GOLDORAK est le premier BLOCKBUSTER animé comme JAWS puis STAR WARS le furent au cinéma. Des combats aériens contre des vilains charismatiques (mais complètement demeurés ), une animation phénoménale enhardie par le génie de Shingo Araki (le dessinateur qui fera des miracles sur l’adaptation animée de ST SEIYA), des musiques inoubliables de Shunsuke Kikuchi. (qui rendra jouissifs les affrontements dantesques de DRAGON BALL Z), c’est dire si le casting de GOLDORAK égalait la trinité magique de STAR WARS : Lucas- McQuarrie-Williams.
Le générique original dément avec bruitages et voix de petits japonais
Nous avons tous en mémoire cette fameuse séquence, systématique , obligatoire, attendue de la transformation d’Actarus le gentil garçon humble et discret en pilote impitoyable de l’Antérak.
Qu’avait-elle de si particulière cette métamorphose ? Tout d’abord, elle est parfaitement découpée avec ce qu’il faut de réalisme et de fantaisie. L’urgence de la situation est palpable : Actarus court le long de couloirs désert, avec un gros plan de son regard inquiet non pas pour lui, mais des dégâts que Véga inflige à des innocents pendant son absence. Il n’y a pas une minute à perdre, Actarus est un héros d’astreinte ! Le gars peut pas souffler ou s’absenter à moins de 10 km du labo, de quoi avoir envie de jouer du fado effectivement…
Après s’être jeté dans un vide ordure secret (sic), il parcourt un deuxième couloir sur un trolley qui lui permet d’accéder à son robot que l’on devine enfoui dans les profondeurs du laboratoire de Procyon. Arrivé au terme de ce deuxième tunnel, le voilà flottant dans les airs, hurlant : MÉTAMORPHOSE ! Ses habits civils s’estompent alors mystérieusement pour laisser place à la tenue de combat du Prince d’Euphor qui n’a plus qu’à pénétrer , sans l’ombre d’une fracture, dans son robot et choisir quelle sortie emprunter.
Un vrai quizz pour les gosses de l’époque : laquelle va-t’-il choisir ?
Tout comme le fameux pivotage qu’Actarus effectue sur lui-même lorsqu’il s’éjecte de la navette de Goldorak (vous trouverez sur le net des thèses les plus fantasques sur les raisons de ce volte-face, tuées dans l’oeuf par l’explication amusée de Go Nagai : Actarus surveille ses arrières), cette transformation pose plus de questions que de solutions : Actarus est-il capable de piloter Goldorak sans cet uniforme ?
On peut supposer que non, outre l’inconfort de piloter un robot en pattes d’eph’, Goldorak est un robot à commande vocale que l’on suppose actionné par le casque de notre héros. On se rappelle que dans l’épisode 25, Alcor manque de se faire électrocuter par le robot qui ne reconnait que l’empreinte de son pilote et sûrement son costume.
Rappelons en effet que Actarus est de sang royal, tout comme son costume et ses écussons le laisse supposer. Le rouge et le noir, la couleur de la royauté d’Euphor ? Probablement, puisque ce costume provient directement de sa planète et qu’Actarus le porte pour convaincre Aphélie dans LES AMOUREUX D’EUPHOR qu’il est bien son prince. Malgré ces explications, les mystères de la transformation d’Actarus restent entiers et demandent à son public une suspension d’incrédulité : mais il sort d’où ce costard et pourquoi Actarus ne le revêt-il pas avant son saut de l’ange ?
C’est ici notre deuxième point : le héros de GOLDORAK emprunte ici les conventions propres aux super-héros, les mêmes qui nous aident à accepter que Iron-Man transporte à l’époque son armure dans sa valise et que les dorures de ses avants bras sortent de ses épaulettes, que Spider-Man peut respirer tranquille sous son masque (ouais, vous avez pas essayé, marmots, de rester 1/4 d’heure sous une cagoule sans risquer l’asphyxie face à vos parents terrorisés ?), que Superman se change dans des cabines téléphoniques et que personne ne le reconnaît avec ses petites lunettes.
Si le costume d’Actarus devrait avoir un équivalent dans le monde Marvel, on penserait immédiatement aux molécules instables des 4 Fantastiques, cette matière qui s’adapte aux pouvoirs de celui qui les porte et se comporte comme une seconde peau.
C’est ce qui fera la magie du costume noir de Spiderman, capable à son retour des GUERRES SECRÈTES de transformer ses habits civils en tenue de combat, comme un certain Actarus ! Allez-savoir : si ça se trouve, le Beyonder est né sur Euphor !
Toujours est-il que les vrais fans de super-héros le savent : on les adore quand on les voit en costume mais sans leur masque et plus d’une fois Actarus retirera son casque tout en restant appareillé.
L’influence du super-héros ne s’arrête pas qu’au costume, car selon l’adage de Stan Lee, ce n’est pas celui-ci qui fait le héros mais bien celui qui le porte. Et de ce côté, c’est d’avantage vers l’univers DC qu’il faut chercher. Car Actarus, c’est Superman et Batman à la fois.
Comme l’homme de Krypton, Actarus est orphelin d’une planète détruite et se réfugie sur Terre où il s’intègre et qu’il jure de protéger. De sang royal, l’un vit à la campagne avec Ma et Pa Kent, l’autre devient Palefrenier dans un ranch, ce qui lui vaut dès les 1ers épisodes, les railleries de Alcor, son exact inverse : arrogant et tête brûlée.
Enfin si Supermant est vulnérable à la Kryptonite, Actarus souffre d’une blessure mortelle au bras qui le rend de plus en plus fragile au fil de la série dès qu’il est exposé à de la radioactivité.
Mais notre héros doit aussi à Batman son vaste laboratoire , le matériel hightech, ses caves secrètes et ses sorties caverneuses. On y verra aussi sans doute une similitude avec les Xmen, qui attendaient tranquilos qu’on vienne les attaquer dans leur manoir pour se défendre sans aucune initiative d’une attaque préventive dont nos héros ont enfin l’idée dans le dernier épisode de la série !
Quant aux méchants, ils laissent supposer de la même molesse que les Terminators : Pourquoi ne pas envoyer des escadrons de Golgoth sur toute la planète au lieu d’un seul par épisode dans le même secteur protégé par Goldorak ?
Dernier point pour analyser la place de Goldorak dans la sous-culture : cette métamorphose d’Actarus, c’est un vrai clip de pop où les images et le son (même transformé par les adaptations françaises) fuuuuuusionnnnent elles-aussi et ouvrent la voie aux transformations de ST SEIYA et DRAGONBALL Z : la couleur des vêtements de Seiya qui change une fois l’armure portée ou ceux de Vegeta et Goku qui se modifient lors de leur fusion !
Et c’est sans doute ici qu’il faudra trouver le succès increvable du robot géant avec le public français, qui, il faut le dire se faisait gentiment chier avec les adaptations ringardes même pour l’époque , des dessins animés de l’Araignée ou des FF : la fusion d’un programme avec les attentes de son public vers une alternative et, déjà, une préoccupation écologique puisque Vega cherche à exploiter les ressources naturelles de notre planète. Ce qui rendrait aujourd’hui un reboot inutile, vu désormais l’état de la Planète Bleue que Actarus s’était juré de protéger…
Autre emprunt aux super héros, la chevelure de Hulk ? Sans doute à force de partager le même doubleur de David Banner !
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La BO du jour : regarde moi changer…
Au-delà de la qualité de l’article, qu’il est agréable de replonger, comme tu le fais, dans ces souvenirs d’enfance et de se rappeler des émotions, des impressions laissées par la première rencontre avec les héros contemporains de nos culottes courtes. Merci pour cette madeleine de Proust que nous prenons plaisir à croquer à pleines dents avec toi (accompagnée d’un verre de lait bien sûr !).
Concernant le manège enchanté, je me fais souvent une réflexion similaire lorsque je tombe sur des idioties comparables (les teletubies pouahhh !). Je me fais donc un devoir de faire découvrir à mon fils les perles de notre enfance et ne peux que sourire lorsque je vois dans ses yeux naître les petites étoiles de l’émerveillement…
Merci pour ce nouveau témoignage, nous vous invitons à réagir par ailleurs à ces liens :
http://www.insulaeuropea.eu/2019/01/10/goldorak-en-clair-obscur-40-ans-dune-serie-culte-en-france-laventure-continue/
http://invincible-goldorak.forumactif.org/t1367-conference-au-japan-tours-festival-2019
http://invincible-goldorak.forumactif.org/t1360-conference-a-japaniort-2019
Et vous serez bienvenu(e)s sur notre pages Facebook : Francorak
Superbe article qui me parle beaucoup comme à d’autres puisqu’en 78 j’avais 6 ans et que l’arrivé très soudaine de Goldorak sur nos écrans fut pour moi aussi un choc difficile à expliquer à ceux qui sont nés plus tard. La rapidité avec laquelle ce dessin animé est devenu une obsession pour tous les enfants que nous étions semble irrationnelle. Mais ce qui a également été rapide, c’est la publication d’articles alarmistes mettant en garde les parents. Ma mère lisait Le Monde chaque soir, était abonnée à Télérama… Bref, elle a découvert le dessin animé avec des papiers avertissant de l’extrême violence (dépourvue de toute morale!) que vendait Goldorak sans oublier une animation laide, vulgaire et bas de gamme. Il m’a donc dans un premier temps été interdit de regarder cette ignominie. Je savais que faire une crise ne servirait à rien alors j’allais me cacher dans ma chambre pour pleurer.
A chaque lendemain de diffusion je faisais semblant d’avoir visionné l’épisode de la veille, comme absolument tout le monde dans ma classe l’avait fait évidemment. Avec ce qu’elle avait lu, ma mère s’imaginait qu’Actarus était un héros ultra violent qui créchait des tirades du genre de « tu vas crever infâme vermine! » avant de broyer ses ennemis à l’aide de son monstrueux robot aux couleurs obscènes.
Après quelques semaines d’un régime particulier où dès le début du générique j’étais sommé d’éteindre le téléviseur et aller dans ma chambre jouer, ma mère a visiblement éprouvé une certaine pitié en me voyant avaler mes Pépitos sans joie aucune et m’a dit : « Bon, voilà ce qu’on va faire… Je vais regarder l’épisode d’aujourd’hui avec toi. Si à la fin je te dit que c’est non, c’est non. » Je me souviens encore de l’emballement de mon coeur à ce moment là. Je savais qu’à la fin de l’épisode ma mère m’interdirait d’en regarder d’autres mais je m’en fichais presque car j’allais enfin pouvoir regarder un épisode de Goldorak que je n’avais donc jusque là fait qu’admirer follement sur des images fixes de magazines comme Télé Junior qui en faisait déjà une promo outrageuse. Le lendemain à l’école je pourrai parler de l’épisode sans mentir car je l’aurais vu moi aussi !
On a donc regardé Goldorak ma mère et moi. Je me souviens quel’épisode m’a bouleversé. Vraiment. Il y avait une tension terrible. Une engueulade entre Actarus et Alcor, des tensions avec le professeur Procyon, un Golgoth nouvelle technologie (lol) concrètement bien plus puissant que Goldorak. Il faudrait vaincre par son adresse et sa ruse car la force ne suffirait pas. Bon sang ! A la fin de l’épisode j’étais amoureux fou de ce dessin animé. Je comprenais l’hystérie des copains et l’éprouvais. Le générique de fin terminé, j’ai regardé ma mère en mode « je m’en fiche car quoi que tu dises je viens de voir un épisode ». Elle a compris mon regard car je me souviens qu’elle a sourit et m’a dit « C’est très chouette. Je ne vois aucun problème pour que tu regardes. » Et j’ai donc sombré sans aucune retenue comme tous les enfants de mon âge dans l’univers de Goldorak.
J’aurais néanmoins juré à l’époque qu’une fois devenu adulte bien sûr je trouverai ça parfaitement débile et inintéressant. Mais non. Et visiblement nous sommes des milliers d’enfants des années 70s dans le même cas. J’écris ces mots dans mon bureau où se trouvent également la poupée d’Actarus réasliée par Ceji Arbois ainsi que mon vieux Goldorak de métal dans sa soucoupe Mattel que ma mère commanda à La Redoute pour mon Noël.
Youpi, revoilà Alex Sindrome qui prend le temps de nous lire alors que son nouveau disque est en plein mastering !
Merveilleuses anecdotes que tu racontes là avec apprentissage de la frustration, tout ça…Ta mère a fait exactement ce que préconise le psychiatre Serge Tisseron spécialiste des programmes pour enfants et des écrans : dans l’idéal, il est bon que l’adulte soit aux côtés de l’enfant pour partager et protéger, expliquer, mettre des mots.
Je viens de finir de m’avaler les 117 épisodes des Chevaliers du Zodiaque avec ma fille de 8 ans et mon fils de 3 ans. Ce sont des moments de transmission que j’ai adoré avoir avec eux surtout avec le petit que j’ai protégé de l’amputation de Shura ou l’aveuglement de Shiryu. Nous avons commencé hier les Captain Flam.
Oui tu as tout as fait raison bien sûr concernant le comportement de ma mère qui fut (pour une fois) exemplaire sur ce coup là ! Elle a encore regardé un ou deux épisodes avec moi parla suite histoire d’être sûre mais elle trouvait que le procès fait à la série était concrètement délirant et injustifié. La violence n’était jamais développé par le héro avec plaisir et il était même régulièrement démontré que c’était tout l’inverse. Actarus répugnait à faire du mal ou donner la mort. Il ne s’y résignait que lorsqu’il n’y avait pas le choix et comme tu l’as si justement dit d’ailleurs, lorsqu’il est contraint d’aller rejoindre le robot géant, il a toujours ce regard à la fois concentré et… inquiet. Tout le contraire du héro sûr de lui assoiffé de baston. Plus tard je suis devenu amoureux d’Albator puis d’Ulysse 31 et ma foi voilà encore deux série qui encore aujourd’hui brillent par leur intelligence il me semble et qui prônaient tout sauf l’agressivité gratuite ou la loi du plus fort. Deux séries d’ailleurs que ma mère a validé sans problème et même personnellement apprécié pour ce qui concerne Ulysse 31 qu’elle jugeait particulièrement bien fichue.
Vraiment une analyse penetrante. Je me suis régalé.
Ça y est, je me suis enfin décidé à montrer Goldorak à mes enfants. Ils sont fans ! 😀