Un Spector Gadget ! (Moon Knight)

Moon Knight : From the Dead par Warren Ellis et Jordie Bellaire

 1ère publication le 05/01/15- Maj le 22/01/22

 Un article de : JP NGUYEN

VO : Marvel

VF : Panini

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Les petites histoires d’Ellis & Moo©Marvel Comics

Cet article porte sur les 6 premiers épisodes de la série Moon Knight relancée en 2014, par Warren Ellis, Declan Shalvey et Jordie Bellaire.

Dans le firmament des super-héros Marvel, Moon Knight occupe une place particulière, loin des grandes stars, c’est un personnage plutôt satellite (sic). Au niveau des pouvoirs et du look, c’est une sorte de Batman habillé en blanc. Là où ce justicier gagne en originalité, c’est qu’il n’utilise pas une seule identité secrète mais trois !

En effet, l’ancien mercenaire Marc Spector a développé deux autres personnalités de substitution : celles du millionnaire Steven Grant et du chauffeur de taxi Jack Lockley.

Les précédents relaunchs de Moon Knight en 2006, 2009 et 2011 : une présence à éclipse sur les stands des comic-shops.

Les précédents relaunchs de Moon Knight en 2006, 2009 et 2011 : une présence à éclipse sur les stands des comic-shops.©Marvel Comics

Apprécié par un noyau dur de fans, Moon Knight n’a jamais été suffisamment vendeur pour assurer le maintien d’une série régulière sur le long terme. En mars 2014, ce héros à la popularité cyclique est donc l’objet d’une énième relaunch, scénarisé par Warren Ellis.

Ce dernier prend le parti de la concision en alignant six one-shots. Des histoires courtes, aux titres brefs (Slasher – Sniper – Box – Sleep – Scarlet – Spectre) et plutôt orientées action.
Dans cette nouvelle itération, Warren Ellis choisit non pas de multiplier les identités secrètes mais plutôt les identités costumées. Marc Spector est donc tour à tour Moon Knight, super-héros à la cape blanche ou Mister Knight, détective en costume trois-pièces immaculé portant une cagoule ornée d’un croissant de lune sur le front.

Mister Knight, ou Elijah Snow avec une cagoule

Mister Knight, ou Elijah Snow avec une cagoule©Marvel Comics

Dans « Slasher », Ellis prend deux pages pour rappeler les grandes lignes du personnage et lui fait faire une entrée pleine de style, dans une ruelle de New York pour venir en aide au Détective Flint, du NYPD, sur une scène de crime où git un cadavre mutilé à l’arme blanche. Prompt à collecter et analyser les indices, Mister Knight remonte très vite la piste du meurtrier et lui règle son compte vite fait bien fait. Le numéro se termine sur un flashback d’une visite de Marc Spector chez le médecin, où il lui est expliqué qu’il ne souffre pas d’un simple désordre dissociatif de l’identité mais que son cerveau a été colonisé par la conscience du dieu Khonshu !

Dans « Sniper », Moon Knight doit arrêter un ex-agent secret qui exécute ses anciens collègues reconvertis dans la banque. « Box » confronte le fils de Konshu à des fantômes punks qu’il va devoir combattre grâce à une armure mystique lui permettant de toucher les créatures spectrales. « Sleep » le voit venir en aide au Docteur Skelton, chercheur sur le sommeil, dont les patients sont atteints de démence inexpliquée.

Séquence hallucination

Séquence hallucination©Marvel Comics

L’histoire suivante est de la pure action, le justicier rentre dans un hôtel délabré de six étages pour libérer une petite fille kidnappée, « Scarlet», aux mains d’une quinzaine de ravisseurs. Enfin, « Spectre » raconte le parcours d’un policier aigri, jaloux de Moon Knight et qui se décide à lui ravir sa place en endossant l’identité du Black Spectre.

A certains moments, on retrouve un peu l’ambiance de Planetary, Mister Knight étant confronté à des phénomènes paranormaux dont l’origine n’est pas toujours clairement explicitée dans le récit, laissant planer un parfum de mystère. On retrouve alors la grande marotte de Warren Ellis, qui est de mêler la science et le surnaturel (dans l’explication de la démence de Marc Spector ou la révélation finale de « Sleep »). A d’autres moments, on est plus dans du pop corn comics, où ça bastonne gaiement, comme si Jason Statham avait élu domicile dans les pages d’un comic-book.

l’image prend très souvent le pas sur le texte, comme ici, à la fin de « Box »

L’image prend très souvent le pas sur le texte, comme ici, à la fin de « Box »©Marvel Comics

Même si elles réservent quelques petits « twists », les intrigues sont assez simples et c’est surtout grâce aux artistes Declan Shalvey et Jordie Bellaire qu’on passe un bon moment.
Quel que soit son costume, Moon Knight est toujours dessiné en noir et blanc, quasiment sans teinte intermédiaire, ce qui lui donne d’emblée une présence particulière sur la page. Une aura renforcée par sa prestance et son assurance, étant donné qu’il arrive toujours à dominer ses adversaires.

Pour parachever la coolitude du personnage, Ellis le dote de gadgets high tech : une limousine et une aile volante commandées vocalement. De son côté, Shalvey soigne le design en multipliant les croissants de lune, que ce soit dans les boutons du costume de Mister Knight ou dans les protections de bras et de jambe de Moon Knight.

L’aile volante : un « Spector-Gadget »

L’aile volante : un « Spector-Gadget »©Marvel Comics

Grâce une mise en page maîtrisée et parfois originale, le découpage des scènes est efficace et sait s’adapter aux divers registres choisis par Warren Ellis. Les décors sont bien posés, seuls les personnages secondaires peuvent décevoir au niveau des visages, peu marquants. Les couleurs de Jordie Bellaire viennent booster le tout en ajoutant de la définition, du relief à certains éléments et en installant les ambiances.

Six petits épisodes et puis s’en vont, Ellis et Shalvey auront fait un bon boulot mais on garde l’impression d’un travail de commande de la part de Warren Ellis, qui ne se sera pas fortement investi dans le personnage de Moon Knight. En effet, alors que j’ai lu pas mal de critiques dithyrambiques sur ce relaunch, je suis pour ma part un peu déçu.

Sans fil conducteur ni mise en place de méta-intrigue, sans enjeu personnel pour le héros, le lecteur n’a pas l’occasion de s’attacher au chevalier de la lune et l’enthousiasme initial va en décroissant. Les bonnes idées et les quelques fulgurances ne dissipent pas un sentiment de verre à moitié vide, à l’image des couvertures du titre, dont seule la partie supérieure est dessinée. Tout cela laisse augurer d’un arrêt probable de la série dans quelques lunes, suivi d’un futur relaunch un peu plus tard. (A moins que l’équipe créative suivante, Brian Wood et Greg Smallwood, ne se mettent à envoyer du bois ?).

On aurait rêvé d’un run plus long et plus ambitieux, on aura seulement eu droit à un bel exercice de style. C’est comme ça chez Marvel NOW, faut sans doute pas demander la lune, non plus.

Les six illustrations de couverture réunies

Les six illustrations de couverture réunies

17 comments

  • Jyrille  

    Très bon article, je ne connais pas du tout ce personnage. Bon par contre le titre est un peu faible 🙂

  • JP Nguyen  

    Pour le titre, j’avais aussi pensé aux « Petites histoires d’Ellis et Moon ».
    Sinon, en réfléchissant à une BO pour l’article, je trouve que Goodnight Moon de Shivaree irait pas mal : des petites histoires à lire avant d’aller dormir…

  • Bastien  

    Bonjour,
    Merci pour cet article qui est très intéressant.
    Pour ma part j’ai trouvé que d’avoir que des one shot était plutôt sympa.
    Ca permet de se mettre à la série n’importe quand et de ne pas à avoir a se rappeler de quoi était fait, l’épisode précédent avant de lire le comics.
    Le problème comme tu l’as évoqué est le manque d’ampleur que cela impose.
    Un vrai dilemme même si pour ma part j’ai trouvé que ces épisodes étaient une bonne distraction.

    Bonne journée.

  • Bruce lit  

    J’ai le souvenir de Moon Knight en couverture avec Spider Man sur un vieux Strange sur fond bleu et me rappelle avoir lu un article de Comic Box demandant si ce personnage était le Batman de Marvel. Avec ton article, c’est probablement la + grande source d’informations que j’ai sur ce personnage. J’avoue ne pas être du tout tenté par un héros millionnaire et ses gadgets, ni par le nom de Warren Ellis qui, mis à part ses Thunderbolts n’a jamais su me convaincre. J’ai déteste Spider Jerusalem, son run pour Excalibur, son Ghost Box pour les Xmen, son Fell, moyennement apprécié son BLack Summer et tout le jargon scientifique l’accompagnant. Et trouvé léger, son Extremis Par contre j’avais plutôt bien aimé son roman Artères Souteraines.

  • Jyrille  

    J’aime beaucoup Ellis. J’ai adoré Transmetropolitan, Fell (un seul tome en VF non ?), mais surtout ses Authority et Planetary. Tu devrais peut-être essayer ces derniers, Bruce. Ah et un one shot en VO que Présence m’avait fait découvrir, dans un univers steampunk, Mais le titre m’échappe, là…

  • Tornado  

    Pour ton dernier paragraphe, JP, le nombre de jeux de mots autour de la « lune », des « croissants » et du « bois » est absolument hallucinant ! 😀
    Et sinon c’est rigolo tout plein ce titre « Un spector Gadget » !

    Je vais me le prendre quand il va sortir, dans 10 jours. moi j’adore les exercices de style et les courts récits. Je suis fan de ce type de BD. De l’art séquentiel total. Et Warren maitrise le truc (voir « Global frequency » !).

    Quant à moi, Warren est mon scénariste préféré tout de suite après Alan Moore, et juste avant Garth Ennis.
    Je suis un fan total. J’adore son style et son art du découpage et des dialogues. Il y a toujours une classe et une intelligence dingue avec ses scénarios. Et il maitrise les concepts science-fictionnels au moins autant que Moore et Morrison.
    Cela ne m’étonne pas que son travail ne plaise pas à Bruce, car il véhicule tout ce qu’il déteste !
    Mais quand même : Planetary est du niveau des travaux d’Alan Moore pour ABC Comics. The Authority est grandiose. Transmetropolitan est un grand moment de SF. Et j’en passe et des meilleures (il reste encore 4 jours à lire des articles sur Warren !).

  • JP Nguyen  

    J’avoue que les jeux de mots sont mon péché mignon et qu’entre la lune et l’équipe créative en « Wood » succédant à Ellis/Shalvey, je me suis fait plaisir.

    Concernant ces épisodes, ma notation peut sembler basse mais c’est parce que, pour moi, au-delà d’un plaisir de lecture évident lors de la découverte, ces numéros ne me paraissent pas présenter un potentiel de relecture énorme. Mais je reconnais tout à fait la maestria de Ellis et des artistes.

    Le père Ellis est quand même ultra prolifique et on pourrait tenir des mois rien que sur ses oeuvres. Je ne connaissais pas Aetheric mechanics mentionné plus haut par Cyrille. En lecture moyennement récente, j’ai bien aimé ses Gravel même si le dernier cycle ressemblait un peu à une arnaque intellectuelle…

  • Tornado  

    La pire arnaque, c’est « Doktor Sleepless » : Série inachevée avec 2 tomes que j’ai payé 13 euros chacun, et que je ne lirai jamais puisque la série a été abandonnée en cours de route…

    • JB  

      Il me semble que la série est avec Fell l’une des victimes du crash de l’ordi d’Ellis qui y a perdu ses données. Je crois qu’il a également perdu son père dans les mêmes temps, ce qui ne l’a pas motivé à reprendre tout à zéro. Il a d’autre part mal vécu le harcèlement de fans qui le poussaient à terminer Planetaru dans ses circonstances.

      • Fletcher Arrowsmith  

        Il aurait annoncé depuis s’être remis à l’écriture de FELL. Mais avec les affaires sur son dos, Ben Templesmith a démenti il me semble, comme si il ne voulait pas être compromis.

        En France un seul tome de 7 épisodes chez Delcourt. Il existe un 8ème épisode uniquement en VO. Je crois que Delcourt compte ressortir FELL avec les 8 épisodes.

  • Lone Sloane  

    Ca me donne envie de relire le run assez abscons mais iconique (et pas sa mère) de Charlie Huston et David Finch, sorti en Deluxe il y a 2 ans, avant de découvrir ce qu’a fait Ellis de ce personnage.
    Bruce, si tu as aimé Artères souterraines, je te conseille Gun Machine, sorti l’année dernière. Un polar bien construit, avec whondunnit qui se transforme vite en chasse à l’homme urbaine sans se prendre trop au sérieux.

  • Manu  

    Je n’ai jamais été fan de Moon Knight… J’ai bien lu deux-trois trucs sur lui, mais ça a toujours donné un effet bof sur moi. Ça n’avait pas assez de profondeur à mon sens. Peut être que je me trompe? Mais je n’ai pas eu envie de creuser plus que ça…

  • Fletcher Arrowsmith  

    On aurait rêvé d’un run plus long et plus ambitieux, on aura seulement eu droit à un bel exercice de style => c’est exactement cela. Ne donnons pas non plus du génie quand ce n’est finalement qu’un bon comics (c’est déjà cela), bien exécuté et qui fait parfaitement le job avec oui un petit truc en plus, la partie graphique.

    Mais c’est finalement assez plaisant à lire. Et surtout Warren Ellis a ré inventé le personnage de manière original sans le dénaturer complètement (coff coff Hickman). Sa version a fait école puisque Brian Wood, Cullen Bunn et surtout Jeff Lemire ont pris la suite en gardant cette nouvelle approche.

    C’était aussi l’époque où Warren Ellis ne faisait que des arc de 4 ou 6 numéros pour Marvel. Il a récidivé avec SECRET AVENGERS (souvent incompréhensible) et KARNAK. On peut se demander quel était l’intérêt pour Marvel et les lecteurs.

    Mais Warren Ellis a également signalé qu’il aimait bien démontrer que l’on pouvait encore écrire des comics sous la forme 1 épisode = 1 histoire, sans décompression à la Bendis ou Remender. Dans PLANETARY cela fonctionne à merveille. FELL est écrit ainsi, volontairement (j’aime beaucoup FELL surtout pour Ben Templesmith). Et donc son MOON KNIGHT suit la même trajectoire.

    • Présence  

      L’intérêt pour Marvel : à chaque fois, Warren Ellis a posé les bases d’une nouvelle version du personnage ou de l’équipe, reprise et développée par ceux qui ont repris le titre.

      Je garde un excellent souvenir de ses 6 épisodes de Secret Avengers :

      http://www.brucetringale.com/clair-net-et-presque-sans-bavure/

      • Fletcher Arrowsmith  

        Pas complètement convaincu. Pas de story line, pas de sub plot ou de vision sur le long terme (avec 6 numéros c’est compliqué en effet). Comme pour Moon Knight un bel exercice de style, avec pour une fois des Avengers dans des situations différentes. Mais compliqué d’avoir de l’empathie pour tout cela. Il y a un côté un peu vain dans l’exercice.

        Attention tout comme Moon Knight c’est des épisodes que je relis avec plaisir, je reste un coeur de cible et surtout très intéressé.

  • Chip  

    Mon amour de Moon Knight a une raison : Bill Sienkirwicz dont c’était le premier boulot comics – et quel boulot, dès les premiers épisodes en backup de Hulk magazine! L’écriture de Doug Moench a vieilli, mais le choc esthétique est resté.

    Dès son apparition en tant que héros, MK a été malmené dans sa continuité, retconné dès son premier numéro officiel, et puisqu’il est régulièrement éclipsé, ça a donné l’occasion de le réinventer, transformant une des ses faiblesses en force. Long préambule pour expliquer en quoi j’aime le run de Ellis : il a su conserver le halo de mystère et laisser briller l’interprétation iconique – littéralement avec Shalvey – du personnage.

  • Eddy Vanleffe  

    Je relis en ce moment cette prise en main de Moon Knight.
    C’est un personnage compliqué.
    Le gros point fort le plupart des persos iconiques de Marvel, c’est qu’on peut les résumer à la fois sur leur personnalité, les enjeux et leur motivations sur quasiment deux phrases (l’accroche titre était un art en soi chez Marvel).
    Je vous défie de faire ça avec Moon Knight (agent secret/Batman de marvel/schizo/Trouble dissociatif/mercenaire/Konshu etc…) Le personnage est bordelique et manque d’un truc particulier sous l’accumulation de choses particulières justement)
    Sans rien renier, Warren Ellis effectue un boulot pas évident du tout. et il y parviens.
    Il iconise le personnage (preuve, son Mr-Knight reste auteurs après auteurs et trouve sa voie sur le petit écran), donne une atmosphère particulière qu’on ne retrouve pas sur un autre personnage et lui donne la vocation de protection des voyageurs nocturnes…
    Son boulot est de débroussailler, sans rien renier et d’aller de l’avant…
    Après un travail de concision très ciselé, il laisse les commandes à Brian Wood qui fait du liant avec tout ça en amenant un arc, des persos récurrents et une continuité approfondie bienvenue.
    Non Moon Knight après les délires ultra-violents et gratuits de Charlie Hutson, le Moon Knight et ses amis imaginaires de Bendis revient de loin.
    Lemire va aussi creuser la même voie et finalement c’est jed Mc Kay qui va tirer les marrons du feu en ajoutant la composante West Coast Avengers d’une manière très organique.
    J’aime bien ce nouveau héros en fait et je verrais si j’ai envie de faire de la spéléologie dans son historique éditoriale que Panini édite en intégrale.

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