Une véritable intelligence émotionnelle

Sunstone 2 par Stjepan Šejić

Le rouge est mis

Le rouge est mis©Image Comics

AUTEUR : PRÉSENCE

VO : Image

VF : Panini

Ce tome fait suite à Sunstone Volume 1 qu’il vaut mieux avoir lu avant pour saisir les allusions au début de la relation entre Lisa et Ally. Il contient la suite de l’histoire de cette relation ; il a été publié en 2015, sans prépublication mensuelle pour le récit.

Il est écrit, dessiné, encré et mis en couleurs à l’infographie par Stjepan Šejić qui a également réalisé le lettrage.

Il met en scène 2 jeunes femmes amoureuses l’une de l’autre et pratiquant le sadomasochisme (BDSM = Bondage, Discipline, Domination, Soumission, SadoMasochisme).

Dans la scène d’introduction, Lisa Williams évoque la confiance nécessaire entre partenaires, pour pouvoir entretenir une relation BDSM. La scène passe ensuite au club BDSM Crimson, dans lequel Alan et Chris (associés dans une entreprise artisanale de fabrication d’ameublement et dispositifs BDSM) prennent un verre pour voir comment Jane et Christine utilisent leur dernière réalisation sur scène. Parmi les clients, se trouve également Tom (le mari de Cassandra la sœur de Chris), attablé avec Anne une artiste tatoueuse.

Après une longue semaine d’attente, Lisa Williams retrouve enfin Allison Carter à son domicile. Mais Lisa est un peu déçue car les anglais ont débarqué. Au cours de la soirée, Ally raconte à Lisa comment elle a rencontré Alan. Le lendemain soir, les 2 jeunes femmes sortent au Crimson (le club BDSM) où elles retrouvent Chris, Tom et Cassandra. Lisa est fascinée par le spectacle.

Le test de confiance

Le test de confiance©Image Comics

C’est avec grand plaisir que le lecteur retrouve ces 2 charmantes amoureuses encore au tout début de leur relation (dans les apartés Lisa précise qu’elle écrit ce récit alors que leur relation dure déjà depuis 5 ans). Les dessins présentent la même apparence que dans le premier tome. Šejić détoure les formes avec des traits donnant l’impression d’avoir été rapidement tracés, un peu tremblés, d’une épaisseur qui n’est pas uniforme, pas toujours jointifs, comme si l’artiste n’avait pas pris la peine de repasser ses traits pour le dessin définitif.

Malgré tout cette apparence ne provoque pas un ressenti désagréable car il ne s’agit pas non plus de traits de construction ou d’esquisse. Les dessins présentent une apparence finie, juste un peu brut de décoffrage par endroit. Alors que ce tome fluctue entre comédie dramatique et comédie de situation, les compétences professionnelles de l’artiste n’en ressortent que plus. En particulier, Šejić fait preuve d’un vrai talent de metteur en scène pour les dialogues. Le lecteur n’éprouve jamais l’impression de se taper des pages entières de têtes en train de parler, grâce à un véritable jeu d’acteurs, à des cadrages qui permettent de ne jamais oublier où se situe la scène, et un langage corporel parlant, avec des visages expressifs.

Enquête de satisfaction des utilisatrices

Enquête de satisfaction des utilisatrices©Image Comics

Sur ce dernier point, Stjepan Šejić explique en fin de volume qu’il a modifié ses dessins par rapport à leur première version parue sur devianart, en atténuant les expressions faciales pour leur faire perdre leur exagération comique, et les ramener dans un registre plus naturel. En ce qui concerne les décors, l’artiste varie le degré de précision du dessin, en fonction de la nature de la scène. À condition d’y prêter attention, le lecteur peut constater que les arrière-plans peuvent aller de la précision quasi photographique (la bibliothèque où Ally montre son torse à Alan), jusqu’à des fonds de couleur uniforme, en passant par des aménagements grossièrement esquissés par 3 ou 4 gros traits de pinceaux très épais. S’il n’y prête pas attention, il ne s’en apercevra pas car Šejić ajuste cette précision en parfaite adéquation avec la séquence.

À quelques rares reprises, le dessin peut repasser dans un registre quasi photographique (y compris pour les personnages), créant ainsi un effet saisissant de réalisme, impliquant le lecteur dans le concret de ce qui est représenté. Pour ce tome, Stjepan Šejić a choisi de recourir de manière limitée à la nudité (essentiellement des poitrines féminines et en petit nombre). Cela ne signifie pas pour autant que la dimension sexuelle du récit s’en trouve diminuée.

Bâillon-boule + bas nylon

Bâillon-boule + bas nylon©Image Comics

Dès la page 3, le lecteur a droit à un dessin pleine page représentant une bouche avec un bâillon-boule (avec un excès de la salive en train de couler), caressée par un pied gainé dans un bas. Il n’y a pas besoin de nudité pour évoquer cette pratique BDSM. La page suivante montre les 2 professionnelles, l’une étant sanglée et suspendue dans un portique conçu et réalisé par Alan et Chris.

Ainsi dès la deuxième scène, Stjepan Šejić rappelle à son lecteur que la dimension sadomaso constitue une part essentielle de la relation entre Ally et Lisa, mais aussi avec les autres personnages qui gravitent eux aussi dans ce milieu, ou en périphérie. L’auteur s’amuse avec des tenues moulantes et latex, avec des modèles de bâillon-boule élaborés, avec des pratiques de shibaru (ou kinbaku, art d’entraver avec des cordes), réalisant des bordures de cases en corde. Une image représente Ally attachée, avec des pinces à téton, ne laissant pas de doute quant à la douleur ressentie. Il s’agit toujours de pratiques consenties, mais pas anodines pour autant. Šejić évoque d’ailleurs la formation nécessaire pour les pratiquer en toute sécurité, sans mettre en danger la santé du soumis.

Des bordures de cases évoquant le bondage

Des bordures de cases évoquant le bondage©Image Comics

À la lecture du premier tome, le lecteur se demandait quelle orientation l’auteur donnerait à son récit. L’âme de l’histoire réside toujours dans la relation amoureuse entre Ally et Lisa. Cette dernière écoute sa partenaire lui raconter sa rencontre avec Alan, comment ils ont pu échanger sur un tabou tel que la sexualité, et plus difficile encore sur des pratiques jugées déviantes. Šejić met en scène avec délicatesse et sensibilité les hésitations à entrer en contact avec un autre, les efforts à fournir pour vaincre sa réticence (superbe surprise qu’Ally réserve à Alan pour le convaincre).

Comme dans le premier tome, le lecteur peut également constater que les difficultés de parler d’une pratique comme le bondage sont identiques à celles concernant n’importe quelle activité sortant peu ou prou de la norme sociale (la lecture de comics passé l’âge canonique de 15 ans par exemple). Šejić ne se contente pas d’une démarche démagogique pour flatter son lectorat, il met en lumière avec justesse les mécanismes psychologiques et affectifs qui entrent en jeu : l’obligation subie de ne pas pouvoir parler de sa passion avec le premier venu, la détermination à capter l’attention d’une personne qui s’adonne à la même passion.

Qu'est-ce que tu dessines ?

Qu’est-ce que tu dessines ?©Image Comics

Dans le cadre du développement de la relation entre Ally et Lisa, Šejić montre aussi le moment où Lisa prend conscience qu’Ally a sa propre histoire personnelle, son propre vécu, que ce n’est pas une personne neuve qui n’attend qu’une autre personne pour pouvoir exister.

Comme dans le premier tome, il sait montrer et faire partager les moments d’intimité émotionnelle, les moments de réconfort affectif, et les moments de gêne (quand Lisa se rend compte que c’est la période de ses menstruations). Il fait preuve d’une sensibilité inattendue à plusieurs moments, y compris dans les instants les plus banals (par exemple quand Lisa s’aperçoit qu’elle a oublié ses serviettes hygiéniques et qu’elle doit en demander à Ally).

Le visiteur mensuel

Le visiteur mensuel©Image Comics

L’auteur surprend son lecteur à mi-parcours de ce tome avec une longue discussion dans laquelle Allison s’épanche longuement sur une séance BDSM (avec une certaine Marion) dans laquelle des complications sont apparues. La première surprise est que cette séquence est amenée avec de grosses ficelles : traumatisme revenant du fait d’une stimulation trop importante mise en œuvre avec de gros sabots, longue discussion artificielle dans les toilettes.

La deuxième surprise est que Šejić aborde les pratiques SM par un angle que le lecteur n’attendait pas et qu’il réussit à retenir l’attention du lecteur par la justesse et la finesse du propos, malgré le dispositif artificiel.

Des arrière-plans photographiques discrets et intégrés

Des arrière-plans photographiques discrets et intégrés©Image Comics

L’auteur met en évidence l’une des responsabilités qui va de pair avec une position dominante, et une forme de perte de contrôle inattendue dans sa nature. Il évite les clichés et montre avec adresse une facette psychologique de la soumission, et une autre de la domination, dépassant ainsi la simple dimension de divertissement de cette pratique, et de sa qualité de dispositif narratif.

Avec ce deuxième tome, Stjepan Šejić confirme la bonne surprise du premier. Ally et Lisa conservent tout leur capital sympathie, leur relation continue de se développer conformément aux schémas amoureux classiques, avec une vraie sensibilité affective. Il continue d’éviter de tomber dans les clichés du voyeurisme, sans pour autant rendre inoffensives les pratiques BDSM. Dans la deuxième partie, la narration perd du naturel dans un dispositif de confession artificiel, mais gagne en profondeur et en gravité par l’intelligence du propos sur un aspect des pratiques BDSM. L’aspect visuel est toujours aussi gracieux et finement soupesé, même si tous les personnages sont élancés et graciles.

Les couvertures des 5 premiers tomes

Les couvertures des 5 premiers tomes©Image Comics

21 comments

  • Bruce lit  

    Bon je vais faire mon chiant (ou mon Bruce, ce qui équivaut du pareil au même….). J’ai lu le premier tome et vraiment, je n’ai pas été convaincu….
    C’est joli au regard, c’est effectivement atypique comme démarche, mais pour ma part, je trouve ces deux personnages un peu cruches, ce qui n’aide pas à l’empathie. Mais surtout, ce sont ces longs pavés de textes qui commentent ce qui se passe à l’image qui m’ont désintéressé de Sunstone.
    Ton article me confirme que ce tome continue sur cette lignée : dans le premier Lisa avait envie de pisser. Là ce sont ces menstruations…. Je ne me rappelle même pas d’une intrigue secondaires, si ce n’est des personnages auto centrés qui semblent avoir tout dit d’eux mêmes au bout de 5 épisodes. Ce qui montre la limite de la portée de cette histoire : tout repose sur l’adhésion ou non du lecteur sur le couple d’Abby et Lisa.
    Sorry ….and happy 100 st issue !

    • Présence  

      Avoir une opinion argumentée n’est pas synonyme d’être chiant. Je t’en suis reconnaissant, car ça m’offre l’occasion d’en rajouter sur une lecture qui m’a fait une forte impression.

      N’étant pas une femme, j’aurai dû mal à juger du degré de mauvais goût qu’il y aurait à parler de menstruation. D’un autre côté, je crois me souvenir que les plages publicitaires à la télévision n’évite pas vraiment le sujet (tampons et autres serviettes hygiéniques). Par contre, en tant qu’individu, je peux tout à fait ressentir la déception et une étrange forme de culpabilité quand mon état biologique (par exemple un bon rhume, ou un peu de fièvre) m’empêche de tenir mes rendez-vous, qu’il s’agisse d’obligations professionnelles, ou d’une sortie avec des amis (comme pour Lisa).

      2 personnages un peu cruches – A mes yeux, elles sont surtout prévenantes, et soucieuses de respecter leur partenaire. J’y vois plus une forme d’empathie attentionnée, qu’une volonté craintive de séduire.

      Les pavés de texte – C’est factuel : il y en a. Cet outil narratif reste un bon moyen pour entrer dans la tête du personnage et avoir accès à son point de vue. A mes yeux, il ne s’agit pas d’une simple description de ce que montre l’image, mais d’un commentaire orienté qui apporte un éclairage sur la personnalité du protagoniste.

      L’intrigue – Nous l’avions déjà évoqué : je n’ai pas besoin qu’il y ait une intrigue dans toutes mes lectures. Une étude de caractère me va bien aussi. Dans ce deuxième tome, j’y ai également vu une progression narrative dans la mesure où l’auteur commence à développer les effets des pratiques BDSM. Ce n’est qu’un frémissement, mais c’est plus manifeste que dans le premier tome.

      Effectivement la personnalité et l’état d’esprit d’Abby et Lisa me les rend fort sympathiques. En prime, je suis fasciné par le développement de leur relation, par la manière dont elles la construisent ensemble, et par ces pratiques BDSM réprouvées par la société, comme peut l’être toute passion (pourquoi pas la lecture des comics), dans laquelle un individu s’investit plus que la moyenne (= plus que la normale). Je trouve que Stjepan Šejić montre bien ces mécanismes. Le récit gagnerait en épaisseur si en plus il les analysait.

      PS : j’ai dû mal à compter les annonces de vacances ou d’anniversaire de création ou de saison comme des articles que j’aurais rédigés… c’est pourquoi je n’arrive pas à un total de 100 (mais je suis prêt pour les 100 prochains).

      • Bruce lit  

        Oui, tu dois être réellement à 98…. Mais j’ai pu ainsi tricher sur le teaser. Je vois que je en suis pas le seul à tenir les comptes 🙂

        Attention ! Parler de Menstruations n’est pas une preuve de mauvais gout. Je dis seulement que ces personnages ne me touchent pas. Et leurs interminables monologues intérieurs encore moins…. Je n’attendais pas non plus du grand spectacle, mais un peu de tension dramatique que je n’ai jamais trouvé, outre la construction d’une relation poco à poco que tu as très bien démontré mais qui ne me convainc pas. Quand bien même, les personnages doutent et se rassurent, on peut pas dire que le suspense autour de leur relation dure plus de 10 pages.

        • Présence  

          Ces personnages ne me touchent pas. – C’est que l’auteur n’a pas bien fait son travail de créateur.

          Pas de tension dramatique – C’est vrai qu’il n’y en a pas, mais à nouveau ça ne me manque pas (une fois de temps en temps). Il n’y a aucun suspense dans leur relation dès la première séquence du premier tome puisque Lisa indique qu’elle écrit ces lignes 5 ans après le début de ladite relation, et qu’elles sont toujours ensemble.

          Comptage – Tu nous as grandement facilité la tâche puisqu’il suffit de cliquer sur le mot clef à notre nom pour voir apparaître tous les articles présents sur le site.

  • Jyrille  

    J’ai vu le premier tome en VF, et même si le dessin est très agréable (il me rappelle un peu celui de Arthur de Pins, pourtant ils diffèrent beaucoup, peut-être à cause du traitement informatique) je ne suis pas certain d’avoir envie de lire cette histoire. J’ai l’impression qu’il ne se passe pas grand-chose. En tout cas, merci Présence d’analyser encore finement une oeuvre atypique !

    • Présence  

      De mémoire, les dessins d’Arthur de Pins comporte une plus grande part d’exagération à des fins comiques, les rendant absolument irrésistibles.

      Il ne se passe pas grand chose. – Je comprends bien la remarque qui rejoint celle de Bruce sur l’épaisseur de l’intrigue. D’un autre côté, j’ai toujours beaucoup de mal avec cette formulation (que j’ai souvent utilisée, mea culpa), parce qu’en plus de 100 pages il se passe forcément quelque chose. Effectivement dans ce récit, l’enjeu n’est pas celui d’une aventure grand spectacle, mais il se passe beaucoup de choses, qu’il s’agisse des pratiques BDSM, ou de l’évolution de la relation entre Ally et Lisa.

  • Tornado  

    Un comicbook conceptuel, dont la mise en forme, en harmonie avec le sujet, propose une expérience de lecture sensuelle. Davantage un exercice de forme que de fond (une insistance sur l’expérience de lecture plus que sur l’histoire qui est racontée). C’est ce que me disent les images et les réactions des copains.

    Je ne suis pas étonné que Présence ait aimé, sensible comme il est à cette formulation conceptuelle que permet l’art séquentiel !
    Je suis par contre nettement plus méfiant à l’égard de « l’effet tribu » (ou « effet mouton », c’est selon), qui fait que cette BD est entrain de créer l’émeute au pays des lecteurs de comics…

    • Présence  

      Décidément, vous avez tous après l’histoire (ou l’intrigue) ! 🙂 Non, il n’y a pas de karaté. Non, Madame Bovary, ça n’aurait pas été mieux avec une course de calèche. Oui, j’exagère exprès.

      Tu as raison : la mise en forme est conceptuelle, ce sur quoi je n’ai pas assez insisté (manque de formation sur le sujet, en ce qui me concerne). Je persiste à penser qu’il y a un fond psychologique assez juste sur le développement d’une relation amoureuse, qui dépasse les clichés romanesques prêts à l’emploi, et sur la manière dont une passion commune (en l’occurrence le BDSM) permet de créer un lien affectif entre individus (un peu comme la lecture de comics pour les personnes qui fréquentent ce site).

      • Tornado  

        Pas de soucis. Le manque de ressorts narratifs propres à une « histoire » au sens classique du terme n’est pas gênant si l’oeuvre est bonne (sans jeu de mot graveleux) et que cela raconte quand même quelque chose.
        Si effectivement ça parle, de manière satisfaisante, « d’une relation amoureuse, qui dépasse les clichés romanesques prêts à l’emploi, et sur la manière dont une passion commune (en l’occurrence le BDSM) permet de créer un lien affectif entre individus (un peu comme la lecture de comics pour les personnes qui fréquentent ce site) », alors d’accord.

        Parce que, par exemple, je me souviens d’une série « Hawkeye » par Matt Fraction de sinistre mémoire (qui avait levé une émeute chez la « tribu »), qui ne racontait aucune histoire, mais qui en plus ne parlait pas de grand chose, et surtout pas de manière satisfaisante et encore moins profonde (pas de jeu de mot) !
        Je ne dis pas ça pour te chambrer car tu as aimé « Hawkeye ». Sincèrement. Je dis ça pour rebondir sur le sujet :
        On peut créer juste un récit conceptuel dont la forme est plus importante que le fond. Mais alors il faut que ce soit vraiment bon ! Qu’il y ait quelque chose à se mettre sous la dent (not a pun), et pas un simple « état d’esprit cool avec des zolis dessins ». Dans ce dernier cas, je ne peux décemment pas accepter qu’il y ait eu autant de lecteurs criant au chef d’oeuvre (je parle pour ce « Hawkeye » que j’ai trouvé vraiment mauvais, avis perso).

        Bon, je ne sais pas si j’ai été clair…

        • Présence  

          Dans mon souvenir, tu as déjà indiqué que tu recherches en bande dessinée, qui est différent de ce que tu recherches en film (ce qui explique que Sunstone ne t’attire pas). En essayant de reformuler mon sentiment, Sunstone propose une tranche de vie de ces 2 femmes. Il n’y a pas besoin d’une intrigue, ou d’une résolution. Rien que le fait que l’auteur réussisse à me faire ressentir les émotions de ses personnages (pourtant très éloignées de ma personne) suffit à mon plaisir de lecture.

          Par rapport à tes observations, dès que j’essaye de ranger dans une catégorie un élément narratif (fond / forme), j’éprouve de grandes difficultés à ne pas le mettre dans les 2, ou entre les 2. Puisque Bruce l’a rappelé récemment, je vais me référer à l’Art Invisible de Scott McCloud. Dans son pragmatisme américain, il proposait une autre formulation. Pour lui, une bande dessinée (comme toute autre oeuvre d’art) peut naître de la volonté d’exprimer une émotion ou un concept, ou de raconter une histoire, ou alors d’un désir de travailler sur la forme, sur la matière ou le matériau. Pour le cas particulier de Sunstone, j’ai l’impression que l’intention de l’auteur est d’abord de raconter l’histoire du développement d’une relation amoureuse, et que pendant sa réalisation, Stjepan Šejić l’a habillée avec, par exemple, des bordures de cases en corde. Mais je ne suis pas dans sa tête, et peut-être qu’il a d’abord envisagé la relation amoureuse sous l’image de chaînes ou de liens physiques, et qu’après il a pensé aux attaches utilisées dans une relation BDSM. Qui sait ?

          Je n’ai pas dit mon dernier mot sur Hawkeye, il me reste le dernier tome à lire.

  • JP Nguyen  

    A propos des menstruations : la sagesse populaire dit  » Mieux vaut faire les choses dans les règles. .. on a vite fait de se retrouver dans la m….  »
    C’était mon instant poésie, désolé.

    A propos de Sunstone : ça a l’air plein de qualités, bien exposées dans l’article, mais ce n’est juste pas ma tasse de thé.

    • Présence  

      Je connaissais pas cette maxime… et je crois que je n’aurais pas osé la citer dans cet article. C’est un défi pour moi que d’arriver à la recaser au bureau…

  • Présence  

    Totalement hors sujet, mais instructif sur la dimension du marché des comics en France, à commencer par le nombre de lecteurs, avec quelques ordres de grandeur sur les chiffres de vente, une vidéo de Thomas Rivière

    https://www.youtube.com/watch?v=quEVgReLGYU

    • Jyrille  

      Merci beaucoup pour la vidéo Présence ! Je ne connaissais pas du tout, c’est instructif. Je n’avais pas idée que ce fût un marché si restreint.

      Pour en revenir à la bd du jour, tu m’as un peu plus convaincu dans tes commentaires, mais pour l’instant, je vais tout de même ne pas craquer… Ma liste de To buy est déjà énorme !

  • JP Nguyen  

    Sinon, Tornado, je partage ton point de vue sur Hawkeye. Je n’avais pas trouvé ça top, malgré le concert de louanges qu’a reçu cette série…

  • Matt  

    Article avec lequel je suis 100% d’accord.
    Perso, j’ai ressenti la lecture un peu comme Présence. Je n’ai jamais spécialement ressenti le besoin qu’il y ait une tension, des intrigues annexes etc. ça sonne vrai, les personnages sont touchants. Il ne se passe pas forcement des trucs horribles ou des choses passionnantes dans la vie des gens. Ils vivent c’est tout, ils ont des émotions, etc. Bref j’aime bien.

    Un petit bémol cela dit sur la 2eme partie, comme Présence le mentionne. Le processus de « confession » est un peu lourd, amené avec de grosses ficelles. D’une certaine manière, j’ai même craint que l’auteur essaie justement de mettre en place un truc tragique histoire de faire naitre une tension dramatique forcée qui me paraît inutile.
    Mais en effet l’analyse des effets de ce genre de pratique donne plus de profondeur. C’était peut être juste moyennement bien amené dans le récit. Je trouve justement qu’un intérêt de cette BD est un traitement sur un ton léger (mais sérieux) du sujet. Du coup pas besoin de trop de pathos.

    Bon après j’espère juste que ça ne va pas trop s’attarder sur les pratiques du club dont il est question dans ce tome. Parce que bon…c’est tout de suite un côté moins mignon je trouve quand on mêle ça à une sorte d’exhibitionnisme en public (il n’y a pas de nudité certes, mais c’est tout de suite moins « touchant » comme délire)

    • Présence  

      Je désespère de voir arriver le tome 3 chez mon revendeur habituel (pour une raison inconnue il ne l’a pas encore reçu), donc je ne l’ai pas encore lu. Je ne pense pas que le récit puisse rester mignon, non pas à cause de l’exhibitionnisme, mais du fait de la nature du SM. Une relation amoureuse peut générer une souffrance psychologique, et les ustensiles déjà apparus dans le récit provoquent une souffrance physique. Même dans le cadre de leur relation entre adultes consentantes, il y a déjà une souffrance physique qui donne un autre éclairage sur leur relation mignonne ou gentille (sans mépris ou condescendance de ma part).

      • Matt  

        Que le récit ne reste pas mignon, ok. Mais disons que je préférerai que ça reste centré sur le couple plutôt que sur les pratiques en général en public comme on le voit un peu dans ce tome.

    • Bruce lit  

      @ Matt et Présence On est bien d’accord : j’aime aussi les films / BD où rien ne semble se passer. J’ai particulièrement aimé le Big Man de Mazzucchelli, une BD quasiment muette où il ne se passe presque rien. Je dirais simplement que la voix intérieure de ces deux personnages ne me touche pas, et pire qu’elle m’ennuie. Cela n’a rien à voir avec le Lesbianisme (voir mon avis sur Strangers in Paradise ou la vie d’Adèle) ou les personnages féminins (j’ose espérer avoir fait comprendre que ce blog aimait les femmes), ce sont vraiment ces deux nanas qui m’ont un peu gonflé. C’est tristement si simple….Comme dans la vie….Coup de foudre ou coup foireux….

      • Matt  

        Oh après c’est sûr. Je comprends bien que ça ne parle pas à tout le monde. Je ne pensais pas aimer non plus avant de lire. C’est une question de feeling oui. Si les persos te saoulent, forcement ça ne marche plus.

  • PierreN  

    « Sinon, Tornado, je partage ton point de vue sur Hawkeye. Je n’avais pas trouvé ça top, malgré le concert de louanges qu’a reçu cette série… »

    Je me rappelle que Matt, Tornado et JP ont dernièrement discuté du Hawkeye de Fraction (et notamment l’arc illustré par Annie Wu) dans la section commentaires d’un article, mais je n’arrive pas à le retrouver.
    J’ai pris le Marvel Icons de Panini qui reprend tout le run est ça m’intéresse d’avoir accès à autre perspective, avec pour une fois des avis pas spécialement élogieux sur cette série très populaire.

Leave a reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *