Daredevil : Echo, par David Mack
Team-up : TORNADO & PRESENCE
VO : Marvel Comics
VF : Panini Comics
1ère publication le 13/03/19 – MAJ le 04/01/23
Cet article est consacré au comic book DAREDEVIL : ECHO, entièrement réalisé par David Mack en 2003 sous le label Marvel Knights. Edité chez nous dans la collection Graphic Novel, il s’agit en réalité d’un arc narratif de la série DAREDEVIL publié initialement entre deux sagas du run de Brian M. Bendis et Alex Maleev. Soit les épisodes #51 à 55 de la série régulière.
Pour bien apprécier la chose, il est conseillé de lire auparavant la saga TRANCHE DE VIDE (épisodes #9 à 11 et 13 à 15), écrite par David Mack et dessinée par Joe Quesada, dont nous vous avons déjà parlé ici , et qui introduisait le personnage nommé Echo (devenu Ronin par la suite).
Cet article vous propose le regard croisé de deux contributeurs du blog, car il fallait bien ça afin de faire honneur à cette oeuvre unique en son genre…
TORNADO : Sixième Sens
Le pitch : Une jeune femme sourde mais capable des plus extrêmes prouesses physiques, sensorielles et artistiques, ancienne ennemie puis maîtresse de Daredevil, revient chez elle pour une quête initiatique à un moment clé de son existence…
Commençons par le dire : Daredevil ne fait qu’une très courte apparition dans cette histoire. C’est la jeune Maya Lopez, héroïne tragique et sourde depuis l’enfance, qui tient le haut de l’affiche. L’ensemble de ces épisodes ne se lit ni ne se regarde comme une bande dessinée traditionnelle. On ne peut pas dire qu’il y ait une véritable progression narrative, et encore moins un enchaînement de cases et de bulles comme dans les autres lectures de ce genre. Mais plutôt une succession de tableaux, composés de façon à être perçus comme une série de pensées, et accompagnés de mots…
Le lecteur de comics lambda amateur de bonhommes en slip et de bastons homériques peut fuir immédiatement. A moins bien sûr d’aimer aussi les créations introspectives et les procédés narratifs différents (après tout, on peut bien aimer les deux !).
Cet album est une arme absolue qu’il faut garder sous la main afin de la dégainer à la moindre rencontre de personnes pour qui l’univers de la bande dessinée en général et des comics de super héros en particulier relève d’une lecture pour ados attardés. Mais attention, ne nous méprenons pas : Les pages d’ECHO ont beau dérouler de superbes compositions alliant l’abstraction la plus pure à la figuration la plus virtuose, elles ont beau abonder de références aux arts plastiques dans ce qu’ils ont de plus prestigieux (Picasso, Van Gogh, Klimt, Kahlo…) et en mettre plein la vue dans une débauche de créativité décomplexée telle qu’on peut en trouver dans le scratchbooking du premier voisin bobo venu, rien n’est gratuit, racoleur ou même prétentieux. Il s’agit au contraire d’une pure expérience de narration sensorielle, dans le sens où elle fait appel à la sensibilité du lecteur dans une volonté de lui faire dépasser le stade du simple regard, le tout pensé dans le but unique d’être accessible et enrichissant pour tous, telle une invitation au voyage.
Si vous êtes attentif et réceptif à cette générosité et ce talent déployés rien que pour vos yeux, vous saurez admirer les rouages d’un album de bande-dessinée conceptuel parmi les plus beaux et les plus originaux de la création, dans lequel le texte et la composition picturale ne sont nullement dissociables. Conçu sur la double thématique paradoxale de l’écho et du silence, chaque case est répétée plus loin, petit à petit, jusqu’à disparaitre (l’écho) et la moitié du texte se cache ici et là sous les images, de façon à ce que le lecteur les cherche (le silence). Soit la mise en page et le découpage narratif les plus époustouflants de mémoire de lecteur, ou quand on vous répète que le plus important dans l’art séquentiel (et par extension dans l’appréciation critique d’une bande-dessinée), c’est la construction d’une planche, l’écriture du texte et l’articulation entre les mots, les images et le cadre. Et si vous voulez voir ce que cela peut donner quand l’ensemble tient du génie, c’est ici que cela se passe.
Voici donc une œuvre qui démontre l’immense et inépuisable richesse du 9ème art. Loin des clichés inhérents aux comics mainstream les plus ineptes, elle nous rappelle à quel point ce médium a su évoluer et se diversifier au point de voir grandir en son sein les artistes les plus divers et les plus épatants de notre temps.
A ranger dans sa bibliothèque à côté d’ Arkham Asylum et du Batwoman de J.H. Williams III.
PRESENCE : Que Faire de Ma Vie ?
Maya Lopez est sourde. Elle a revêtu pendant une courte période un costume et porté le nom d’Echo. Wilson Fisk l’avait envoyé se battre contre Daredevil et elle était tombé amoureuse de Matt Murdock. Avec ce tome, David Mack revient au personnage pour une histoire complète qu’il écrit et illustre.
Sous la forme d’une introspection, Maya Lopez cherche sa voie. Elle se souvient de son père, des histoires qu’il lui racontait grâce au langage des signes quand elle était encore enfant. Elle se rappelle du temps qu’il a fallu pour que son entourage se rende compte qu’elle était sourde, et non pas attardée. Elle se remémore sa découverte des œuvres d’art picturales et du sens qu’elle leur a accordé. Elle repense à la manière dont sa surdité innée a façonné sa vision et sa compréhension du monde et de la question qu’elle se posait sur le son provoqué par les nuages ou par la queue d’un chien en train de remuer.
En fait Maya Lopez est à un moment de sa vie où elle ne sait plus que faire. Sa liaison avec Matt Murdock est arrivée à son terme. Les liens qui l’unissaient à Wilson Fisk se sont révélés faux et artificiels. Elle décide donc de se rendre dans la réserve indienne où son père l’emmenait parfois passer quelques jours. Elle y retrouve un vieil indien, un homme médecine avec qui son père entretenait des relations amicales. Elle le retrouve à peine plus âgé que dans son souvenir et elle lui demande comment accomplir une quête de la vision, un rite de passage indien.
David Mack est un créateur complet (scénario et illustration) qui évolue dans une classe où il n’y a que lui. Il a acquis une maîtrise sans pareille de tous les styles graphiques de l’esquisse la plus pure à la peinture abstraite. Il aborde des thèmes philosophiques et spirituels. Il marie les deux aspects de son art (histoire et illustration) dans une fusion où la forme compte autant que le fond et transmet également autant d’information. Son œuvre principale est la série KABUKI et parfois son génie produit des pages tellement denses en information, complexes en structure et intellectuelles que le lecteur peut se sentir perdu.
Pour cette histoire, il utilise toutes ces techniques au service d’un récit accessible, sans rien perdre de sa profondeur. Il a franchi un nouveau palier pour atteindre un mode de communication qui n’appartient qu’à lui, mais qui est accessible à tous. Par contre, Daredevil n’apparaît que le temps d’une poignée de pages et les autres super-héros n’ont qu’un rôle secondaire (sauf Logan) ; il s’agit avant tout de l’histoire d’un moment charnière de la vie de Maya Lopez, jeune femme sourde et surdouée, artiste géniale.
Je suis tombé en pamoison devant la beauté et la richesse de certaines pages. J’ai été transporté par cette quête de sens à donner à sa vie, de recherche de direction et de repères qui m’ont éclairé d’un point de vue que j’ai trouvé valide et intelligent. Et j’ai été diverti par ce conte pour adultes qui ne repose ni sur la violence, ni sur la provocation, et encore moins sur une gratification sexuelle immédiate.
David Mack déroule un conte, presqu’une légende dans laquelle une femme capable de tout faire, une artiste exceptionnelle, un individu qui a surmonté son handicap (sa surdité) au point de mieux comprendre son prochain que les bien-entendants, ne sait pas quoi faire de ses dons.
David Mack aborde des thèmes complexes sans jamais perdre son lecteur, ni paraître pédant ou présenter son point de vue comme une vérité universelle. Il traite de la manière dont le langage forme la réalité et la limite, de la transmission de sens des parents aux enfants, d’une approche du sens de l’histoire de l’art pictural, de la fonction des contes pour les enfants, de la forme des mythologies modernes, du développement intérieur de chacun, de la relation à autrui, de mes obligations d’être humain, des conséquences de mon agressivité, etc. David Mack ne révolutionne pas la philosophie, il ne propose pas une pensée unique miraculeuse ; il donne à voir son cheminement intérieur, ses propres interrogations et l’orientation qu’il a donné à sa vie après avoir acquis une maîtrise quasi-parfaite des techniques picturales qui s’offraient à lui. Ces différentes thématiques s’imbriquent les unes dans les autres pour constituer un gestalt lumineux, intelligent et simple. Il n’y a finalement que lorsque qu’il satisfait à ses obligations contractuelles de lier son héroïne à l’univers Marvel que la narration retombe ; heureusement cela ne concerne que 13 pages. En fait aussi improbable que cela puisse paraître, seule l’apparition de Wolverine s’intègre harmonieusement au récit.
David Mack est un créateur complet et ses illustrations racontent aussi bien les actions de Maya Lopez et les lieux dans lesquels elle évolue, que ses états d’âme, ses sensations, sa façon de penser, sa vision du monde et les sentiments qu’elle éprouve. David Mack est à l’opposé du dessinateur cherchant à épater le lecteur en étalant un catalogue de tous les styles qu’il sait imiter. Au contraire, chaque style n’apparaît qu’en fonction de la narration. Chaque style sert à évoquer un état d’âme, conjurer une ambiance, refléter l’état d’esprit de Maya Lopez. Il est facile de se focaliser sur les hommages à Picasso, à Vincent van Gogh ou à Gustav Klimt. Mais il ne s’agit pas pour Mack de dresser un catalogue de sa culture picturale : il s’agit de montrer comment Maya Lopez a cherché à comprendre des langages autres que parlés en étudiant les arts. Chaque planche est une composition sophistiquée étudiée pour refléter un amalgame du monde extérieur et du monde intérieur de l’héroïne. Chaque page est d’une beauté confondante, chaque image apporte une myriade d’informations que le langage écrit est incapable de transcrire.
C’est la raison pour laquelle (malheureusement, je m’en rends compte) ce piètre commentaire est incapable de faire honneur à cet incroyable voyage intérieur doté de visuels d’une richesse extraordinaire et d’une spiritualité intelligente, à mille lieux d’un new-age de pacotille. Je suis ressorti de cette lecture plus intelligent et plus sensible à ce qui m’entoure, avec une proposition constructive et pertinente de quoi faire d’une partie de ma vie (proposition qui me parle et dont j’ai déjà pu apprécier la richesse). Merci monsieur David Mack.
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BO : The Beatles : A Day in the Life
Parfois, en découvrant une œuvre, on se rend compte que l’on n’a pas perdu sa journée….
Les titres auxquels vous avez échappé :
– « Echoes » (PF FFO)
– « Maya la Belle »…
Au final, il valait mieux que ce soit toi qui conçoive le titre, plutôt que moi, car j’aurais manqué d’ambition.
J’en profite pour te remercier d’avoir ainsi recyclé un article lui donnant plus se saveur grâce à ce regard croisé. Cela génère une impression étrange de redécouvrir un texte que j’ai écrit il y a autant de temps, et dont j’avais oublié tous les détails mais pas le sens général.
J’avais zappé cet arc car il était en dehors du run de Bendis-Maleev mais avec un tel concert de louanges par Tornado et Présence, il faudra que je m’y ré-intéresse…
C’est une expérience de lecture totale bien décrite par Tornado. L’auteur (David Mack) est tout entier impliqué dans sa création. Cependant le lecteur n’éprouve pas un sensation d’obsession malsaine, mais au contraire d’ouverture sur le monde, de liberté de s’aventurer jusqu’au bout d’une idée, d’une richesse extraordinaire de chaque page, sans qu’elles n’en deviennent étouffantes.
» A moins bien sûr d’aimer aussi les créations introspectives et les procédés narratifs différents (après tout, on peut bien aimer les deux !). »
Bah ouais. Tiens par rapport à ton premier paragraphe, je me questionne : pourquoi dans un film t’es vachement moins réceptif à des procédés narratifs différents ? Enfin il me semble que tu trouves souvent ça « prétentieux » au ciné.
C’est marrant mais je n’arrive plus à me rappeler si j’ai lu ce comics. Je crois pas en fait…
Non parce qu’après le run de Kevin Smith, il y avait aussi des épisodes dessinés par Quesada qui faisait des trucs artsy comme ça pour introduire Maya. Mais le passage de Mack n’était pas inclus dans les deluxes. Mais j’avais du le feuilleter je sais plus où.
Bon…bref…^^
ça a l’air beau. ça a l’air un peu chiant à lire aussi^^ Faudrait pas que ça fasse 400 pages. ça me fait aussi penser au one shot de Hickman sur the living mummy.
Ce tome comprend 5 épisodes de 20 ou 22 pages, avec les couvertures et autres, il s’agit de 128 pages au total.
L’introduction de Echo a lieu dans le récit intitulé Parts of a Hole (Tranche de vide en VF, épisodes 9 à 11 et 13 à 15), effectivement dessiné par Joe Quesada, avec un encrage de Jimmy Palmiotti, mais avec un scénario de David Mack. A la lecture, il semblait que Quesada essayait de faire du David Mack light, ou alors que Mack lui avait fourni un découpage et des esquisses préalables.
Je parle de l’arc « Parts of a Hole » (« Tranches de Vide » en VF) dans mon article sur le run de Kevin Smith (voir lien plus haut en début de CET article).
Matt, entant que prof d’arts plastiques, je serais bien mal avisé de ne pas être ouvert à la diversité de création et de narration. Au cinéma, certains de mes films phares optent pour des procédés narratifs très, très, très différents (« Mort A Venise », « La Cité des Femmes », « Blade Runner »).
Ce dont je parlais avec toi en mp, c’était à propos de l’approche de l’horreur au cinéma. Dans ce genre précis, je reste très sensible à une approche classique, et très hermétique à certaines approches plus artistiques (notamment dans le cinéma oriental). Et parce que je ne veux pas paraitre prétentieux, je n’ai pas mis en avant que j’ai un poil d’expérience lorsqu’il s’agit de renifler une approche prétentieuse ou au contraire une approche plus intègre. J’ai étudié des notions qui me permettent d’en démêler les rouages, disons, un tout petit peu plus que le commun des mortels, même si mon niveau reste tout de même modeste parce que je ne suis pas non plus quelqu’un qui sait tout, et je peux aussi me tromper.
Pour « Echo », j’affirme qui ‘il n’y a rien de prétentieux et tout d’intègre. Mack est un artiste plasticien qui a intégré le medium de la bande-dessinée, et qui choisit le même angle d’approche que s’il créait une oeuvre picturale, tout en la fusionnant avec l’écriture séquentielle. Tu as tout à fait raison de comparer les planches d’Echo au one shot de Hickman sur « The Living Mummy ». C’est exactement pareil et je pense que Hickman est énormément influencé par Mack pour le coup. On est d’accord qu’il ne faut pas que toute la BD soit comme ça sinon ce serait chiant. Mais que ça puisse exister de manière ponctuelle, on aurait tort de le bouder parce que ça nivèle notre medium de prédilection par le haut. Et c’est dommage de faire le dos rond ici.
Je serais quand même curieux de savoir comment on peut estimer que la démarche est prétentieuse ou pas^^
Au pire gratuite et mal foutue, oui, quand ça ressemble un peu trop à du copier/coller genre « je veux faire comme Lynch » mais ça peut être une démarche du genre « je suis fan, je veux m’en inspirer, mais je foire un peu », et pas « yeah je suis trop fort je fais du vrai art »^^
Je sais que ça existe hein ces gens, mais je sais pas comment les dénicher moi. Résultat j’ai tendance à penser qu’ils essaient tous de se la péter, Lynch inclus, et tous les adeptes de l’art contemporain moche et bizarre.
Mais comme je sais que j’ai tort parce que j’ai souvent discuté du sujet, au final je me retrouve obligé de laisser à tout le monde le bénéfice du doute, et j’essaie de ne plus dire que quiconque est prétentieux.^^
Pour contraster : autant j’aime bien cet arc et ce genre de narration (les baffes que j’ai prises adolescent avec Dave McKean, donc, et Sienkewicz (New Mutants, Elektra Assassin), autant je trouve malgré tout que Mack en met toujours plus que nécessaire – je ne sais pas si c’est dans le but d’épater ou au contraire parce qu’il s’abîme en lui-même.
Je pencherais plutôt pour la deuxième hypothèse : il se laisse guider là où vont ses pensées et les réintègre sous forme artistique, comme un flux de pensées devenu visuel. Du coup, mon ressenti (qui m’est très personnel) n’est pas qu’il cherche à épater ou qu’il s’abîme en lui-même jusqu’à s’y perdre, car chaque page et chaque case forme un tout cohérent, et chaque mot inscrit dans le dessin participe à transcrire l’état émotionnel du protagoniste en scène.
Très étonné du chapelet d’éloges que vous dressez à ce comics art-déco prétentieux et sans DD en plus !
Le débat du jour ^^ : qu’est-ce qui fait qu’une œuvre est prétentieuse ou pas ?
Bon ok on connait déjà la réponse : la sensibilité de chacun. Mais c’est pas drôle.
À la lecture, je n’ai ressenti aucune prétention, aucune case réalisée juste pour tirer profit d’une compétence artistique. À l’opposé d’une telle démarche, David Mack raconte une histoire, raconte le cheminement du développement personnel de Maya Lopez, et pour chaque séquence, il puise dans ses compétences, pour choisir celle qui est le plus adaptée à ce qu’il souhaite exprimer.
Ce que j’ai ressenti à la lecture, c’est que le cheminement de Maya Lopez, ses interrogations, sa frustration dans des impasses, c’est le cheminement de l’auateur lui-même. Loin d’un exercice de style stérile et un peu vain, David Mack transcrit ses propres doutes, ses propres questionnements, ses propres choix de vie, avec une honnêteté d’une rare franchise, sans pédanterie ou sentiment de supériorité.
Ah !
Le retour des teamups avec mes vieux briscards à la une !
Je suis complètement passé à côté de ECHO à l’époque où c’était encore facile de trouver ça en album. Je trouve les dessins magnifiques et Maya Lopez très sensuelle. J’aimais beaucoup comment Quesada la dessinait et Mack bien entendu. Le côté amerindienne sans doute.
Pour le reste, ma sensibilité n’est sans doute pas la même que la tienne Tornado, parce que j’ai toujours eu l’impression de ce beau livre d’image un peu bobo que tu décris au détriment d’une vraie lecture de DD.
Ma grille de lecture a bcp changé ces dernières années et j’aurai surement plaisir à tenter de lire ça. Je dis tenter car les 4 volumes de KABUKI que j’ai lus m’ont laissé totalement hermétique à la maestria de David Mack. C’est tout de même un plaisir de se dire, et là je suis d’accord avec toi, que ce genre d’artiste ait pu oeuvrer dans du mainstream (notamment avec Brian Minus Bêtise- j’ai gardé d’ailleurs l’histoire avec Leap Frog, un grand moment de décompression soporifique, heureusement magnifiée par Mack). Je pense bien évidemment pour ceux qui aimerait plus de David MAck et moins de Ramos…mais il est vrai que cet exercice de style contemplatif ne sied pas à la violence des super-héros.
@¨Présence : tiens, pour une fois, Présence dis « je » au lieu du lecteur. Il parle même d’émotion et de cheminement personnel ! Diantre !
Si je voulais lire entre les lignes, je dirais que tu as déjà employé le « Que faire de ma vie » pour le magnifique SHOPLIFTER qui raconte aussi l’histoire d’une nana douée en tout et qui ne réussit en rien. On sent l’empathie et l’affinité que tu as avec ce personnage aussi bien massacrée par Brian Morveux Bidule que mal dessinée par Leinil Francis Yu.
Ce n’est pas un piètre commentaire, mais bien un récit personnel comme j’aimerais en lire plus souvent de ta part.
Et vos deux avis conjugués m’enragent : j’ai loupé ce truc !!!
Et j’en rajoute dans l’analyse inconsciente de ce bel article : le choix de BO si appropriée puisque Maya est sourde, Tornado lui envoie la chanson de Beatles avec les ultrasons dedans !!!!
Bien vu : le thème de ce récit est effectivement très proche de celui de Shoplifter. Comme tu peux t’en douter, je n’avais même pas pensé à faire ce rapprochement. 🙂
L’emploi du Je correspond à mes débuts de commentateur obsessionnel. L’emploi du forme plus impersonnel m’incite à considérer ce que je lis avec un peu plus d’ouverture d’esprit. Pour autant, le point de vue de ce lecteur reste tout autant personnel, juste exprimé différemment. Aujourd’hui, si je refaisais cet article, j’aborderais les mêmes thèmes et je les encenserais avec le même enthousiasme… mais en plus long bien sûr. 🙂
Première remarque avant de me faire cramer : Echo, telle que dans le scan « Maya Lopez, c’est elle », c’est une top model brésilienne que tout le monde connaît. Adriana Lima. Je vous laisse chercher et je reviens plus tard, je n’ai pas fini la lecture…
Hem… je ne connais pas Adriana Lima… 🙂
Bill Scienkiewicz est évidemment un bon point de comparaison. Je ne saurais dire quel album dessiné par lui peut rivaliser avec Echo, Arkham Asylum et Batwoman, par contre. Il me semble qu’il n’a pas fait de chefs d’oeuvres de cette trempe, même si « Love & War » et « Elektra Assassin » sont des créations au dessus du lot du mainstream de base.
Bon, peut-être que pour Batwoman je m’emballe aussi un peu. Le scénario n’est pas si génial que ça. Mais la combinaison du texte et des images, c’est quelque chose.
Stray Toasters (pour Bill) ?
Pour Adriana Lima, tu dois l’avoir vue dans des pubs pour Gemey ou des trucs comme ça. Pour Batwoman, je crois en avoir fini la lecture, tout n’est pas génial, mais le dessin est top lorsque fait par JH Williams III. En tout cas la lecture n’est pas désagréable, peut-être que je vais relire les cinq tomes à la suite.
Merci pour les infos sur Sienkiewicz ! Je dois avoir Love and war en VO dans un Daredevil il faut que je vérifie. Les comics à la base de LEGION m’intéressent aussi, j’hésite à investir.
Ah Présence, j’ai acheté et lu la réédition du tome 3 de Péchés Mignons ! Toujours aussi cool et co-signé par Maïa Mazaurette.
Je ne connaissais pas du tout cette oeuvre mais vous donnez très envie. Cela fait longtemps que je tourne autour de David Mack (cf. mon avatar), que je vois Kabuki sans jamais oser l’acheter. J’ai adoré tous les dessins que j’ai pu voir de lui et ce que je vois ici ne déroge pas à la règle. Je suis d’accord pour dire que cela fait penser à Arkham Asylum (Dave McKean) et Batwoman (JH Williams III), mais j’y vois un peu de Larcenet aussi, finalement.
Bref, j’ai très envie et vos commentaires se complètent très bien, je vais voir si il est facilement trouvable… C’est comme certains Bill Senkiewicz que j’aimerai me procurer.
La BO : chef d’oeuvre.
Je pense qu’il est beaucoup plus simple de débuter par cette histoire de Echo, à la fois plus accessible pour les thèmes, et plus aboutie pour la partie picturale, que par Kabuki, un peu plus brouillon dans les premiers tomes.
Mes premiers contacts avec le pages de David Mack ont évoqué les mêmes références : Bill Sienkiewicz et Dave McKean. D’un point de vue technique, David Mack est plus expert que Sienkiewicz. Sur le plan émotionnel, il sait transcrire des émotions plus subtiles et plus ténues. La narration de Mack et ses thèmes de prédilections sont moins poétiques que ceux de McKean, et ses pages sont utilisent moins les effets de collage, c’est-à-dire l’association visuelle d’origine hétéroclite. JH Williams III n’est pas un auteur complet comme peuvent l’être les suscités. Il est plus aventureux dans la composition de des pages, l’agencement des cases pour former des motifs visuels.
Je ne serai pas aussi enthousiaste avec ce livre qui, malgré tout, ne m’a pas laissé indifférent.
C’est incontestablement beau et poétique.
Mais je n’utiliserai sûrement pas ce comic comme arme absolue pour défendre la bande dessinée comme le ferait Tornado! Tout simplement parceque cela n’a rien à voir avec l’art séquentiel .
J’ai peut-être une sensibilité différente des chroniqueurs mais cette œuvre ne m’apporte pas les émotions que je recherche en lisant une BD et encore moins les émotions que j’éprouve en contemplant un tableau dans un musée.
Alors certes David Mack utilise à merveille des techniques picturales et des références à de grands maîtres. Mais malheureusement pour lui il n’est qu’ un bon technicien , il n’a rien du génie. Il n’a rien inventé et sûrement pas révolutionné le 9eme art.
C’est pour cela que ce comic m’a laissé une impression bizarre !
J’avoue que je n’arrive pas à voir en quoi cela n’a rien à voir avec l’art séquentiel. Bien sûr il y a des pages qui se peuvent se lire pour elle-même, déconnectées du reste, mais il y aussi des échos d’une page à une autre, des reprises de motifs, un écoulement du temps et une histoire qui progresse. Cette remarque m’échappe.
Un bon technicien : à mes yeux il est plus que bon. Il n’a pas forcément inventé quelque chose mais ses techniques aboutissent à des pages dont je n’ai pas souvenir d’avoir vu l’équivalent avant ou après. Il raconte son histoire avec sa sensibilité et sa voix personnelle. A la réflexion, je ne suis pas sûr d’avoir compris tes remarques. David Mack ne révolutionne par le 9ème art, mais il ne se contente pas de resservir la même soupe tiède que beaucoup d’autres. Derrière la technique, il y a une démarche personnelle intègre, pour reprendre le mot de Tornado.
À mon sens cela n’a rien avoir avec l’art séquentiel car ce que j’attends avant tout en BD c’est du mouvement, une dynamique dans l’hIstoire.
Si c’est pour représenter de belles peintures figées je préfère aller les contempler au musée.
Mon impression bizarre est que Mack est un peu comme un peintre raté qui n’a pas percé dans cet art et qui essaie de l’introduire dans un média qui n’a pas grand chose à voir. Ou en tout cas dans ma manière de voir. Mais cela n’engaHé que moi bien entendu
Merci pour ces explications : je comprends mieux ce jugement de valeur. Il est vrai que je ne suis pas autant attaché au mouvement.
Merci, mais rassure toi, cela n’enlève rien à la qualité de la chronique et à l’argumentation développée. Et je comprends tout à fait que le livre ait autant plu. Je voulais simplement intervenir pour aussi donner mon opinion qui est un peu différente .
Je sais que sur ce blog on peut le faire. Les intervenants sont assez intelligents pour comprendre.
Et du coup, je me dis que cet article aurait mérité un écho à 3 voix. Merci énormément pour cette lecture très différente de celle Tornado et de la mienne, et tout aussi passionnée.
Pourquoi la Bd serait-elle l’art du mouvement ? Ce sont des images fixes. Concept complètement embrassé par David Mack. La BD, c’est un art multiple. C’est l’art de raconter une histoire avec des images, comme au cinéma mais sans le son et sans… le mouvement. Il y a de la place pour Hergé, Art Spiegelman, Druillet, Dave McKean (pas le genre à mettre beaucoup de mouvement non plus) ET David Mack. Celui-ci n’a rien d’un peintre raté et je connais des hordes de peintres non ratés qui sont moins bons et moins inventifs. Ce qui me chagrine, en revanche, c’est que ses tentatives d’amener autre chose aux comics de super-héros déclenchent toutes ces hostilités. A l’arrivée nous sommes perdants car il y a de plus en plus de Ramos et de Skottie Young. Et de moins en moins de David Mack. Il y a de plus en plus de marasme chez Marvel. Et de moins en moins d’oeuvres à glisser dans nos bibliothèques.
Chacun a droit à ses goûts et ses critiques. Mais venir essayer de me convaincre qu’il y a dans ce comics de la prétention et un artiste raté qui se la pète, c’est inutile. J’ai la perception aigüe et l’intime conviction de l’exact contraire.
Pourtant Will Eisner et Kirby l’on bien expliqué. L’impression de mouvement est primordiale dans l’art séquentiel !
Et non des images fixes à la suite ne font pas la BD. La plupart des artistes que tu cites ont un minimum de maîtrise du mouvement. Ou alors on lit pas les mêmes BD.
Par contre tu as raison Mack n’est peut-être pas un peintre raté. Il devrait persévérer dans la peinture il a des chances d’etre reconnu 😉
D’autre part je n’ai rien contre le réalisme et je ne suis pas fan de Ramos ou Young.
Je ne suis pas non plus contre le fait d’apporter quelque chose d’autre à la BD. Mais faut-il encore que ce quelque chose fonctionne. L’expérience d’Echo n’a pas fait boule de neige et encore une fois n’a pas révolutionné l’art séquentiel. À contrario Eisner et Kirby oui.
Mack est un peu comme un athlète de demi fond qui essaie de courir le 100 mètres. Il a la technique mais cela ne suffit pas.
Et si on disait juste que ça dépend des goûts ?^^
C’est bizarre cette idée de hiérarchiser les auteurs (même Présence s’y met) en fonction de leurs techniques ou de leurs choix.
Y’a des BD qui bougent, et y’a des BD qui bougent moins et puis voilà.
Je pense que des images figées à la suite peuvent faire une BD, oui.
J’aime beaucoup le travail d’Emmanuel Civiello par exemple sur Korrigans et surtout la dynastie des dragons, deux courtes sagas de fantasy franco belges.
Et pourtant ses planches sont des peintures un peu figées. Mais merde c’est beau ! Et ça raconte quand même une histoire, alors why not ?
Qu’on n’adhère pas est une chose, mais vous n’allez pas lancer une guerre de religion pour savoir quelle doctrine de la BD est la plus légitime hein !
@Matt – Quand je hiérarchise les auteurs, il s’agit d’indiquer que certains maîtrisent mieux certaines techniques que d’autres. Ceci ne me semble pas déplacé. Scott Adams (l’auteur de Dilbert) est incapable de réaliser des illustrations à la peinture comme celles de David Mack. Cela n’empêche en rien que les strips de Dilbert me font rire et que je les trouve excellents. En me le représentant mentalement, je ne pense pas que les techniques picturales de David Mack seraient appropriées pour raconter un gag de Dilbert.
@Surfer – L’expérience d’Echo n’a pas fait boule de neige. – Je pense qu’il y a 2 raisons à cela. (1) Peu de dessinateurs maîtrisent les techniques picturales permettant de faire fonctionner une narration de ce type. (2) Tous les récits ne se prêtent pas à ce genre de narration, voire comme tu le dis c’est peut-être à réserver à l’introspection. Le fait que j’ai trouvé que ça fonctionne bien sur ce récit (et sur les derniers tomes de Kabuki) me fait dire que David Mack avait pour objectif de raconter une histoire, avant d’en mettre plein la vue à toutes les pages.
De toute façon, il me faudra bien plus que la simple citation de deux auteurs pour me convaincre que « la BD c’est du mouvement ». Chaque activité artistique, chaque medium est un laboratoire de création et d’invention. Il y a des tableaux sans figure, sans limites de cadre, il y a des films sans début ni fin, sans couleur, sans son, sans histoire, des musiques sans rythme, sans accords, des sculptures sans socle, sans dessus et sans dessous, ou bien sens dessus dessous. C’est l’apanage de l’art que de créer, et de ne pas se limiter à des postulats définis. En cela, la démonstration de Surfer est insuffisante et David Mack, en revanche, s’inscrit bien dans la démarche d’un artiste, quel que soit son medium.
@Matt, personne n’hiérarchise les auteurs !
Nous avons simplement un échange pertinent , je l’espère en tout cas, sur ce qui fait l’essence même d’une BD.
Scott McCloud disait dans « l’art invisible » que la pellicule d’un film s’apparente à la bande dessinée. Je suis tout à fait d’accord et cela résume tout.
Comment veux-tu raconter une histoire si, à chaque case, les personnages font leur plus belle pose ? Il faut de la vie… du mouvement !
Toi même tu l’as dit: Il ne faut pas qu’il y ait beaucoup de pages parceque c’est chiant !
Sur Écho de Mack les illustrations figées passent plutôt bien car c’est de l’introspection. Mais cela limite à un type d’histoire. Une bonne conception de BD devrait pouvoir tout raconter.
Personne ne remet en cause le talent de David Mack! La question est de savoir si il est approprié à la BD..
Pour info, au départ, si je suis intervenu, c’est pour dire que ,à l’inverse de Tornado, je n’utiliserai pas cette œuvre comme arme absolue pour défendre la BD. Selon moi elle n’est pas du tout représentative et j’essaie d’expliquer pourquoi
Je ne suis pas entièrement convaincu sur l’idée de mouvement. Par exemple, j’aime beaucoup la collection de la petite bédéthèque des savoirs, des ouvrages de vulgarisation sur des sujets divers. Il n’y a donc pas d’histoire, mais une forme d’exposé sur un thème (le féminisme, le rugby, le roman-photo, le conflit israélo-palestinien…). Ces exposés sont présentés sous forme de bande dessinée : le plus souvent des cases juxtaposées en bande, parfois des dessins sans bordure. A mes yeux, il s’agit bien de bandes dessinées.
Idem. Je ne suis pas convaincu du tout, et pense même le contraire. Exemple avec Alpha Directions de Jens harder.
@Tornado, j’espère que dans la réponse que j’ai donné à Matt, tu trouveras les éléments qui justifient ma position. Si ma ma démonstration est insuffisante je pourrai difficilement faire mieux. En tout cas elle me semble honnête et légitime.
Je ne suis pas là pour décortiquer l’art en général. Ce n’est pas mon but, je n’ai pas les compétences ni cette prétention
Je veux simplement exprimer mon ressenti et ce que j’attends lorsque je lis une BD
Oui, oui, c’est une discussion, pas de soucis. Entant que prof d’arts plastiques, j’ai sûrement une grille de lecture différente et, après tout, si on n’est pas d’accord, c’est pas si grave ! 🙂
@Surfer : alors déjà entre « mouvement » et « poses » y’a des nuances. Les dessins peuvent sembler figés sans être poseurs ou iconiques.
Mais après oui ça peut être chiant si c’est trop long, mais ça peut très bien passer sur une mini série. Je suis d’accord qu’il ne faudrait pas que toutes les BD soient comme ça. Mais l’intérêt aussi du monde de la BD, pour moi en tous cas, c’est la diversité des styles^^
Totalement d’accord avec vos propos : toutes les bds ont le droit d’exister. Je suis plutôt un fervent défenseur du mouvement, mais dans le trait, dans l’expression, et ici cela ne me dérangerait sans doute pas puisque j’adore Dave McKean et d’autres… De plus, je pense fortement à Là où vont nos pères, qui est une suite de dessins plutôt figés et sans aucun texte. Et pourtant c’est une des plus belles bds de ma collection sans doute.
@Jyrille, Ton exemple pour plaidoyer en faveur de Mack dénote du bon sens !
Là où vont nos pères (qui est aussi une de mes BD préférées) n’a pas besoin de texte car on comprend tout. La suite de dessins dont tu parles crée de la vie… du mouvement.
Et certaines planches en gaufrier de 12 cases décortique ce mouvement avec minutie et à la perfection !
Par contre, si on enlève le texte d’Echo, on ne comprend plus rien! C’est bien là la différence.
Qu’on l’accepte ou pas, la recherche de l’expression du mouvement est une constante de la représentation du réel en images. A son origine au milieu du 19ème siècle, la BD emprunte à d’autres arts comme la peinture, la statuaire , la photographie des techniques pour atteindre ce but.
Elle continue de trouver des solutions novatrices pour résoudre une gageure: parvenir a ce que des images fixes donnent l’illusion du mouvement, donc de la vie.
CF: N°6 des cahiers de l’image narrative (Eric Albert, Thierry Mary et François Rodes)
@Surfer – Par contre, si on enlève le texte d’Echo, on ne comprend plus rien. – Ça ne me choque pas du tout. Comme tu le sous-entend, on peut analyser une bande dessinée sur un axe avec 2 extrémités : d’un côté des bandes dessinées sans texte, de l’autre des bandes dessinées avec des dessins qui n’apportent quasiment pas d’informations (un dialogue avec des visages neutres par exemple). En tant que lecteur, j’ai des préférences quant à l’endroit où se place le curseur entre ces 2 extrêmes, mais si l’auteur me raconte quelque chose d’intéressant (même avec un niveau technique basique), je peux apprécier une BD indépendamment de l’endroit où la narration visuelle se situe sur cet axe.