Adapter Dune ?
Un article de ALEX NIKOLAVITCH1ère publication le 28/06/21- MAJ le 12/09/21
DUNE sort à la rentrée au cinéma, une grosse superproduction signée Denis Villeneuve, qui a montré qu’il est capable de faire des films aussi ambitieux que complexes. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas son style parfois très contemplatif, même ceux qui ont détesté son BLADE RUNNER 2049 reconnaissent son immense qualité visuelle.
Mais pourquoi encore un DUNE ? Ce projet d’adaptation est rien moins que le quatrième depuis la sortie du roman. Il y a eu la tentative inaboutie de Jodorowsky dans les années 70, un truc pharaonique qui a accouché par la suite d’ALIEN, de l’INCAL et des META BARONS, ainsi que d’un documentaire expliquant en détail que ça aurait été le plus grand film du monde, au moins aux yeux de son auteur, il y a eu le film de David Lynch, saccagé par les producteurs au point que son réalisateur l’a renié, mais qui a marqué l’imaginaire collectif par sa démesure dérangeante, et enfin la série télévisée des années 2000, au budget misérable, mais avec ses fulgurances, et sa suite, LES ENFANTS DE DUNE, qui voyait les débuts du jeune James McAvoy et qui, si elle a vieilli, montrait les potentialités de cet univers.
Mais c’est quoi, DUNE ? Qu’est-ce qui n’a pas été déjà dit sur le pavé de Frank Herbert ? Livre prophétique divulguant les tensions de notre monde, monstre littéraire à l’intrigue et aux enjeux complexes, le roman et ses cinq suites constituent l’un des grands cycles incontournables de la SF, aux côtés de FONDATION, d’HYPERION et de LA CULTURE, posant un univers d’une immense richesse, aux nombreux personnages et aux factions très variées. D’une certaine façon, c’est un peu le GAME OF THRONES de l’époque. La série aborde de nombreux thèmes, notamment celui de l’homme providentiel, du leader, et du danger qu’il représente lorsqu’il devient une caricature de lui-même.
Car si Paul Atreides est présenté au départ comme le protagoniste et le héros, les forces avec lesquelles il joue ont tôt fait de faire de lui un monstre dans les suites. S’étant fait reconnaître comme leader charismatique et comme messie d’un peuple du désert, il est parvenu à mener avec succès une rébellion qui l’a porté sur le trône. Mais que faire du pouvoir lorsque ses troupes ont fait de vous un dieu, Muad-dib, et ont organisé une religion autour de vous, avec ses interdits et ses rituels ? Pire encore, Paul détient la prescience, la capacité de voir l’avenir, sans apparemment être en mesure de le modifier. Rapidement, il se trouve prisonnier de celui-ci, et de sa conclusion ultime, une apocalypse risquant de balayer l’humanité dans tout l’univers connu. Ses descendants s’emploieront donc à tenter de briser cette chaîne et d’amasser un pouvoir plus grand encore afin de conjurer la catastrophe.
On passera assez vite sur les additions au cycle commises après la mort de l’auteur par son fils Brian et par Kevin J. en personne. À force de vouloir expliquer tout ce que Frank Herbert avait laissé dans l’ombre ou dans l’ambiguïté, elles en fracassent le mystère et en dévoient les enjeux.
Ce mystère, c’est peut-être, d’ailleurs, ce qui est le moins transposable à l’écran. L’action en elle-même ne pose pas de difficultés sur le premier tome. On peut même assez facilement la résumer : les gentils arrivent sur une planète, sont trahis et exterminés, et le dernier survivant de la famille rallie les peuples du désert pour faire payer les potentats qui les ont piégés ou pire, ont laissé faire. Mais c’est tout le reste qui devient compliqué. Herbert décrit très peu, mais laisse à deviner un univers baroque, chatoyant et décadent. La direction artistique devra donc faire avec pas grand-chose, tout en donnant à voir au spectateur ce que le lecteur imaginait naturellement grâce aux allusions du texte. L’aspect démesuré de la tragédie, piochant directement aux sources grecques (ce n’est pas pour rien que les héros empruntent leur nom aux Atrides, eux-mêmes marqués par le destin, et que l’antagoniste principal adopte des manières d’empereur romain pervers qu’on imaginerait parfaitement incarné par l’immense Charles Laughton) peut sembler désuet en une époque où les blockbusters les plus délirants tentent de mettre en scène l’humanité de leurs personnages avec des scènes de cantine ou de jogging.
La profondeur spatiotemporelle de l’univers est un autre obstacle. S’il est désormais facile de mettre en scène des mondes variés, comme l’a par exemple démontré George Lucas (qui a chipé à DUNE une partie de son propre univers), donner à deviner sa riche histoire antérieure, justifiant ses rapports de force et ses tabous, est une autre paire de manches.
La complexité de certains personnages, notamment l’affreux Baron Harkonnen, peut aussi donner des sueurs froides à l’adaptateur. S’il est décrit comme immensément pervers et malveillant, on comprend vite qu’il joue de l’image qu’il renvoie comme d’un leurre. Le jouisseur décadent est en fait un planificateur beaucoup plus froid que ne l’imaginent ses adversaires, et ils le sous-estiment donc systématiquement. Représenter cette ambiguïté est aussi difficile que d’évoquer celle de Paul, le protagoniste propre sur lui, bardé de beaux principes, qui est dans les faits un monstre génocidaire.
Et puis il y a l’enjeu principal, le contrôle de « l’épice », substance précieuse et toute puissante que tous se disputent, et qui est aussi chargée métaphoriquement que l’anneau unique de Sauron. À la fois drogue prolongeant la vie, étendant le champ de conscience et servant à déplacer non pas les montages, mais d’énormes longs courriers spatiaux, c’est un enjeu géopolitique du même rang que notre pétrole, justifiant tous les conflits, tous les chantages, toutes les inégalités et tous les coups tordus. Sauf qu’on ne sniffe pas le pétrole pour voir l’avenir et démultiplier les pouvoirs mentaux (y en a des qui ont essayé, mais sérieux, ne faites pas ça, c’est une mauvaise idée). Dans les années 60-70, les lecteurs de DUNE y ont vu le reflet des théories d’Aldous Huxley et de Tim Leary sur le LSD vecteur d’une révolution à venir. Mais la suite, LE MESSIE DE DUNE, évoque plutôt, d’une certaine façon, Altamont et Charles Manson. La révolution a bien eu lieu, mais elle s’est fracassée sur la triste réalité de la nature humaine.
De nos jours, l’utilisation récurrente du mot « jihad » par Herbert fait naître une autre lecture, et ce que Paul fonde sur sa planète nous rappelle de façon très dérangeante les califats autoproclamés du Proche-Orient, attentats suicides inclus. Sortir DUNE en 2021, c’est courir le risque de voir cette image sauter à la figure du spectateur. Que le héros soit le meneur de ce jihad pourrait rendre le message de l’œuvre absolument inaudible.
Toutes les adaptations se sont plantées sur l’un ou l’autre point. Le DUNE de Jodorowsky adoptait une approche mystique, balayait les ambiguïtés de Paul pour en faire un authentique prophète menant l’humanité à l’illumination. Celui de Lynch en rajoutait sur le caractère immonde des Harkonnen (et le slip spatial de Sting) et échouait, surtout dans son montage cinéma, à montrer la complexité des psychologies, celle de règles régissant la vie des Fremen du désert et celles, très différentes, des aristocrates de l’Imperium, ainsi que la confrontation des mystiques opposées des différentes factions, de leur vision sacralisée de leur mission dans l’univers. Faute de budget et d’une réalisation assez pensée, la série télévisée manquait terriblement de souffle.
Inadaptable, DUNE ? L’erreur majeure de la version Lynch (pas imputable à Lynch lui-même, d’ailleurs, mais à son producteur) c’est d’avoir voulu compacter un bouquin aussi dense en deux heures, ce qui conduisait à n’en garder que les événements, en faisant l’impasse sur tout le reste. Les personnages et situations ne peuvent plus être autre chose que schématiques. Les écarts quant à l’histoire sont d’ailleurs là pour essayer d’y palier, de rajouter des motivations qui sinon seraient floues. Les diverses versions longues (il existe des « fan edits » très intéressants sur les internets, rajoutant près d’une heure à l’ensemble à partir de chutes de la salle de montage) permettent de redensifier l’ensemble et d’avoir une idée de ce qu’aurait pu être le film sans les interférences de production.
La série télévisée de 2000 met près de quatre heures à raconter son histoire. Les personnages y sont donc moins caricaturaux, notamment le Baron, qui retrouve une dimension onctueuse et pateline qui le rend plus crédible, et d’une perversité plus raffinée. Une scène clé, absente du film de Lynch, le définit assez bien : son neveu tente de l’assassiner pour prendre sa place, et le Baron, plutôt que de riposter, lui propose un pacte faustien. L’échec de la tentative montre que le jeune homme n’est pas encore prêt à prendre la succession, qu’il doit parachever sa formation. L’oncle propose à son neveu de l’initier au jeu à long terme qu’il pratique lui-même, dont les objectifs sont démesurés. Des plans dans les plans. Là, on retrouve une partie de l’essence de DUNE.
Certains écarts par rapport au livre tiennent à la volonté des scénaristes de mettre en avant des personnages assez secondaires, notamment féminins, qui ont de l’importance dans l’intrigue, notamment la Princesse Irulan, et ces ajustements sont plutôt bien faits, posant les bases de son rôle dans la mini-série suivante (qui combine les tomes 2 et 3, et s’ouvre courageusement sur les images de dévastations et de purges consécutives au jihad cosmique de Paul Muad-dib).
Villeneuve est un gros fan du bouquin. C’est aussi un auteur malin, qui s’ingénie à faire passer du sens par le visuel de ses films, parfois de façon purement métaphorique. L’image de la bouche du ver des sables évoquant l’iris d’un œil est clairement de cette sorte. Reste à voir ce qu’il en fera. Surtout, il a pris soin d’obtenir deux longs films pour traiter le premier tome. S’il n’a pu tourner que le premier, covid oblige, la bande annonce, avec son style ultra dépouillé, surprend. Elle donne à voir un point de vue fort sur l’œuvre d’origine.
Villeneuve réussira-t-il à aller au bout de ses ambitions ? On jugera sur pièces.
C’est drôle, je crois avoir lu ado toute la série (originelle) des Dune à l’exception du premier livre, en me disant qu’avoir vu l’adaptation de Lynch suffisait. J’ai envie de découvrir cette adaptation du Messie et des Enfants de Dune, du coup.
Les Enfants de Dune (qui reprend donc Le Messie, en un épisode d’1h30, et les Enfants en 2 épisodes) est ressortir récemment en Bluray.
Et se contenter du film de Lynch pour le premier tome, c’est quand même passer à côté de plein de trucs.
Je sais, surtout quand on voit la place que prend un personnage comme Duncan Idaho dans toute la saga par exemple.
Quels souvenirs de lecture que Dune et ses suites jusqu’à La maison des mères ! Toute ma jeunesse 😀 Je n’ai jamais tenté de lire la suite, ou de tester une adaptation.
On peut même assez facilement résumer l’action : je me souviens que ce n’était pas une histoire difficile à suivre.
L’aspect démesuré de la tragédie, piochant directement aux sources grecques : moi qui avais beaucoup de mal avec ce pan de la culture classique qui ne me parlait pas du tout, j’étais très déconcerté de retrouver une référence transparente aux Atrides de l’antiquité.
Inadaptable, DUNE ? Si adapter, c’est trahir, le résultat décevra forcément les fans purs et durs. En ce qui me concerne, je n’ai aucune envie de remplacer mes vagues souvenirs enamourés par la vision d’une autre personne.
Villeneuve est un gros fan du bouquin. – Snyder est un gros fan du comics Watchmen, et le résultat était un contresens.
En lisant ton article, je me suis demandé si quelqu’un a déjà tenté d’adapter Fondation.
Une adaptation en série TV est attendue en septembre 2021 sur Apple TV. Sinon, il semble y avoir eu une adaptation en feuilleton radio en 1973 produite par la BBC
Villeneuve est quelqu’un de beaucoup plus fin que Snyder. la façon dont il joue avec les codes de l’univers de Blade Runner dans sa suite le prouve. Tout n’est pas réussi, mais y a des fulgurances absolument brillantes.
si je commence à lister tous les CLASSIQUES que j’ai pas lu, j’en ai pour des heures
et pas les moindre de ceux ci, il y a DUNE ou LES NEUF PRINCES D AMBRE par exemple ou encore TERREMER etc…
Sachez que je prévois cela d’ici ma retraite…
Le film je l’ai vu mais j’en ai pas gardé un souvenir impérissable, il est sur Netflix, je devrais le revoir à l’occasion…
Le film de Villeneuve devrait être sympa mais je crois que le format série TV conviendrait mieux, c’est quand même une saga au long cours avec des dizaines de personnages importants…
justement, Villeneuve prévoit 2 films pour le premier tome, et ensuite de produire des suites si ça fonctionne
Tout comme Eddy la lecture de DUNE manque à ma culture personnelle. Mais je me suis offert la magnifique édition cartonnée qui est sortie cette année en librairie. Je compte donc bien lire ça, mais plutôt PENDANT ma retraite…
J’ai vu le Lynch plusieurs fois mais à chaque fois je sors du film au bout d’un moment. En version blu-ray les pustules du Baron sont vraiment dégueulasses…
J’ai aussi la série TV mais je ne me suis toujours pas décidé à la visionner.
Je n’ai aucun regret pour la version de Jodo, d’une part parce qu’un film de 10 heures… bon je crois qu’il fumait un peu trop la moquette à cette époque. LOTR dure près de 11 heures en version longue mais c’est divisé en trois films, quand même… Et d’autre part parce que ça a donné L’INCAL (chroniqué ici par Bibi), une de mes BDs préférées de tous les temps !
Pour ce qui est de Villeneuve le cinéaste, je suis partagé. Autant j’ai totalement adoré BLADE RUNNER 2049 que je trouve magnifique, en tout point l’une des meilleurs suites de l’histoire du cinéma, un miracle en soi, autant j’ai cordialement détesté PREMIER CONTACT et son approche naturaliste, déprimante et finalement assez prout-prout de la SF.
Il est quand même fort probable que j’effectue le déplacement au cinéma à la rentrée…
PREMIER CONTACT est tout de même très sympa, j’ai plus eu l’impression de voir une comédie romantique qu’un film de SF en fait. Par contre j’ai détesté ENEMY de Villeneuve, un film incompréhensible et sans intérêt.
j’aime beaucoup Premier Contact, avec la séquence très chouette du cours interrompu, et le travail sur la dignité face à la perte.
ENEMY, j’avais été obligée de chercher une analyse pour comprendre ce qu’il en était… On n’est même pas dans le fantastique mais dans le monde des rêves et de la psychologie. La fin est un truc hallucinant… Tout est métaphore, où la femme est victime et symbolisée par l’araignée… L’autre est l’homme qu’il voudrait être et le tout ne parle que d’adultère ! Un truc de dingue qui sans explication de texte n’apporte rien. C’est dommage…
J’ai lu le premier bouquin et regardé le film de Lynch. J’ai joué au jeu de plateau, précédemment chroniqué par Alex dans ces pages… Et aussi au jeu sur PC.
Donc, sans être ultra-fan, je suis assez familier de l’univers de la saga, du moins à ses débuts. Au final, j’en garde un souvenir assez glauque et pessimiste. Du coup, je ne cherche pas forcément à y revenir…
L’article mentionne brièvement Star Wars et mon esprit vagabonde pour un hypothétique crossover… Imaginez, Boba Fett-Arrakis, il y aurait de quoi en faire un fromage (grec), non ?
Putain Boba Fett et Arrakis…. comment tu fais JP… ?
à réserver sur un prochain Replay…
le deuxième effet arrakis cool
Excellent !!!
Lequel des jeux sur PC : le RTS où l’on peut choisir les Atréides, les Harkonnen ou l’autre maison inconnue, ou la sorte de RPG qui suit l’intrigue du premier livre ?
Le RPG, on jouait Paul. Avec des temps de chargement préhistoriques…
Le jeu a une bande son magnifique 🙂
DUNE, je n’ai pas lu le bouquin, et j’ai tenté de regarder le film de Lynch, devant lequel je me suis lamentablement endormie… Réveillée juste pour la fin.
J’avais cru comprendre qu’une nouvelle série TV avait été envisagée. J’ignorais qu’il y en avait déjà une !
J’irai me renseigner là-dessus.
J’aime bien le cinéma de Villeneuve, même si parfois, il est quand même assez complexe (mention spéciale à ENEMY…). Je regarderai son DUNE mais ça sera quand il passera à la télé. Pas de séance ciné pour moi.
Merci en tout cas pour ces éclaircissements sur cette œuvre devenue culte.
Ayant adoré les romans, j’attendais le film de Lynch avec excitation. Malgré ses défauts, l’univers visuel de son film était assez riche et tranchait avec la SF « classique » des galaxies très très lointaines. Difficile d’oublier son baron Harkonen SM et pustuleux décapsulant la valve cardiaque d’un malheureux quidam ou le navigateur de la Guilde dans sont caisson précédé par ses sbires. J’avais juste été déçu par ses sardokars qui ne me paraissaient pas bien impressionnants. Et quelques passages un peu baroques tels que la chevauchée des vers des sables sur fond de rock grandiloquent hésitaient entre le sublime et le ridicule.
Là, j’ai l’impression que le sieur Villeneuve a réussi à faire du neuf tout en restant fidèle au matériau romanesque. La bande-annonce donne bien envie en tout cas.
zzzzZZZZZZzzzzzzZZZZZZZzzzzzz
(ronflements)
Non sérieux, j’ai détesté ce roman trop complexe, trop bavard, trop lent avec des protagonistes et antagonistes tous antipathiques, c’est a dire n’éveillant pas l’empathie l es Harkonnen tous aussi monstrueux les uns que les autres, Paul Atreides qui se prend pour le Messie, etc… Je n’ai pas accroché.
Mais j’ai bien conscience d’être dans la minorité.
Le film : un film de SF qui m’aura marqué parmi une centaine d’autres dans ma jeunesse, celui-là bien dégueu avec des scenes d’horreur dont on aurait pu se passer. Et le massacre total du roman. J’en garde le souvenir d’une bande sonore magistrale.
Un article passionnant comme d’habitude, un régal. J’ai revu récemment le Dune de Lynch et le film est affreux, très kitsch dans ses effets spéciaux et, comme tu le dis, il monte une distance avec les personnages qui ne permet pas au spectateur de vraiment s’intéresser à l’histoire. Mais il est très soigné dans ses costumes et décors (pour ça il faut le voir au moins une fois). La VOIX est pas trop mal fichue aussi je trouve.
Je crois avoir lu au moins le premier tome, mais je ne sais plus si j’ai eu le courage de m’attaquer aux suites. Je suis donc très étonné de voir Muad dib devenir un tyran et mener une guerre sainte : en effet, c’est couillu de montrer ça de nos jours (mais cela ne devrait pas arriver).
Je te rejoins complètement pour la vision de Villeneuve, même si en effet son BLADE RUNNER 2049 n’a pas un scénario très solide, le film passe tout seul, dans un hommage moderne très respectueux de son aîné.
La BO : très années 70, sympa, jamais entendue, c’est la BO du film de Jodo ? Elle existe ?
la BO, c’est celle du documentaire making of du Dune de Jodo.
quand à Muad-dib, ce qu’il vend aux Fremen, c’est déjà une guerre sainte. du coup, dans la suite, on voit bien qu’il a totalement été débordé par le truc sans pouvoir rien empêcher. c’est justement ce qui rend le cycle passionnant, ces ruptures de statu-quo, c’est retournements.
(dans la fin du cycle, notamment, le Bene Gesserit a totalement changé d’objectif : il s’agit désormais d’empêcher à tout prix la survenue d’un nouveau Muad-dib)
Dernière chose : vivement la sortie du film et l’article de Nikolavitch dessus !
Dune de David Lynch, je l’ai vu au cinéma à sa sortie.
Je ne l’ai jamais revu en entier depuis. Je suis juste allé visionner quelques scènes sur YouTube pour me remémorer mes souvenirs d’enfance.
Le film de Villeneuve j’irai certainement le voir aussi au cinéma.
J’ai beaucoup aimé sa suite de BLADE RUNNER. Un très beau film contemplatif.
Si son DUNE garde cette même qualité visuelle, je pense qu’il faudra absolument le voir sur grand écran pour profiter pleinement du film.
comme je disais, la fanedit du Lynch, qui y rajoute près d’une heure, est assez passionnante, malgré les défauts liés à l’exercice (séquences pas restaurées, etc). elle enrichit nettement la lecture d’un certain nombre de personnages.
Merci Alex pour avoir troussé cet article passionnant en si peu de temps. J’ai appris plein de choses. Sur le fond, c’est tout ce que j’aime : un héros qui devient un tyran comme McBeth ou ces révolutionnaires comme Castro, Robespierre ou Walesa qui vont progressivement être amenés à renier leur cause quitte à devenir plus sanguinaires que ceux qu’ils ont combattu.
Sur la forme, il y a très peu de chances que j’adhère à tout ce folklore, ces factions, cette anthropologie de fiction sur des milliers de pages ou des films de 3 heures. C’est tout ce que je fuis même et encore plus depuis la COVID où, je te l’ai dis l’autre fois, la fiction a dépassé la réalité. WALKING DEAD, SOLEIL VERT, SOLEIL VERT on est en plein dedans. Désormais ma fiction à moi, c’est des gens qui peuvent parler, aimer, baiser sans toutes ces règles sanitaires. Je n’ai pas besoin /envie de transposer tout ça sur une planète de sable pour un résultat identique.
Même le film de Lynch à l’époque je n’y ai rien compris. Et j’ai detesté le BLADE RUNNER de Villeneuve. Je suis donc le pire public cible pour tout ça mais j’ai adoré te lire.
oh, je sais bien que ce n’est pas ta came. mais bon, c’est un univers riche, et Herbert raconte son histoire de grandes manipulations en manipulant lui-même son lecteur, et en ce qui me concerne, sa lecture est un plaisir de gourmet.
(après, il a également fait des trucs dingues dans un de ses cycles moins connus, le Cycle des Saboteurs, deux tomes et une poignée de nouvelles, où il balance des concepts fous)
L’Étoile et le Fouet & Dosadi : excellents souvenirs de lecture au tout début des années 1990, même si je me souviens d’une lecture ardue et que je n »avais pas tout compris.
Je profite de cette niche pour recommander son cycle Programme conscience avec Bill Ransom qui démarre par un huis clos 2001esque pour dés le deuxième volume devenir une chronique au très long cours des rapports entre l’homme et son milieu, son espèce de thriller catastrophe déprimé La Mort Blanche ou pour « se venger » un savant met au point un virus ciblant les femmes et enfin sa biographie, tant Herbert me semble être le pendant lumineux d’une autre figure influente du XXème siècle : L. Ron Hubbard. Tout ce que Hubbard prétendait être, Herbert le fut plus ou moins.
oui, le programme conscience est un cycle très étrange et très riche. faudrait que je remette le nez dedans,tiens
Parce qu’il ne sera pas dit que je ne fais pas d’efforts, j’ai écouté aujourd’hui pour la première fois l’ost de DUNE.
Bon… je ne pensais pas aller bien loin ; de la scifi mis en musique les épouvantables gens de Toto, je ne me faisais aucune illusion.
Et pourtant c’est très bon, grandiloquent par moment mais très inspiré hormis DÉSERT THEME où les TOTO rappellent que la soupe est servie.
Tres bonne surprise que je vais tenter de me procurer en physique.
Bien content que ça t’ai plu!
Dune, c’est difficile à adapter et de deux c’est adapté aussi en jeux vidéos (dont le très influent Dune 2, ancêtre des RTS avant C&C) et en jeux de cartes et plateau, le dernier en date, Dune Imperium, ayant l’air tout particulièrement réussi.
Le premier volume reste l’arbre qui cache la forêt de l’ambition démesurée.
L’adaptation littérale d’une œuvre aussi ambitieuse dans ses perspectives -et même si son sujet demeure très basiquement humain- n’aurait de sens que transcendée par la vision du réalisateur : un point de vue partial, et donc forcément limité, mais qui offrirait au moins la mise en exergue d’un ou plusieurs des aspects des romans, y apportant peut-être une profondeur nouvelle et, pourquoi pas, une interprétation alternative imprévue mais néanmoins pleine de sens ?!
L’esthétique des décors, de certains costumes et choix graphiques reste, pour moi, l’intérêt numéro un de l’adaptation de Lynch, complètement ratée quant à presque tout le reste -peut-être les quelques rares scènes intimes, malgré les voix « Off » lourdingues, fonctionnent-elles si on garde à l’esprit l’importance que les rapports affectifs représentent pour Frank Herbert et/ou le déroulement de sa saga.
C’est un article qui pose certaines questions mais dont les affirmations, je trouve, ne concernent vraiment que son auteur : à aucun moment Paul n’est autre chose qu’une victime (de ses gènes sélectionnés, de son éducation hautement morale et rigidement codifiée, de sa position hiérarchique au sein des évènements, de ses devoirs politiques, Etc…). Une fois sur le trône, c’est bien malgré lui qu’il règne d’une poigne de fer, occupé qu’il est à chercher une échappatoire au destin funeste qu’il a entrevu pour l’univers, sa position garantissant un répit momentané augmentant ses chances d’y parvenir -le fameux « Jihad », barbare et cruel mais permettant le brassage de gènes nécessaire à « l’explosion » démographique de l’Humanité, l’une des conditions sine qua non pour annuler son augure.
Aussi ; de quel « mystère » est-il question ? Sinon la vertigineuse mise en abîme à la « conclusion » de Dune : Chapter House, il m’a bien semblé que les enjeux autant que les intrigues étaient tous bien résolus. Il n’y a guère que l’ennemi aux cent visages (…) craint des pourtant monstrueuses Honorées Matriarches, qui demeure inconnu du lecteur -ce qui n’est finalement pas très grave, tant le cycle, avec ce dernier opus, porte le propos de son auteur une énième fois jusqu’à sa conclusion logique. Encore une fois, ce sont les sentiments qui priment, dérisoires et vains et si misérablement humains mais ô combien imparables, sur tous les plans ourdis par toutes les terrifiantes puissances en présences.
Je pense sincèrement que la « complexité » sans cesse mentionnée au sujet du cycle de Dune n’est vraiment qu’un détail surtout dû à la réelle réflexion de l’auteur autour de la construction logique de son univers, au delà de son inventivité, ainsi que de sa volonté (surtout au travers des dialogues, souvent sibyllins) de laisser au lecteur une grande autonomie quant à l’assimilation des enjeux et de la dynamique des pouvoirs en place : aspect passionnant des bouquins tant il est particulièrement amusant à décrypter et sujet à de nombreux rebondissements.
Bien loin d’être bavarde ou lente, c’est une écriture romanesque à souhait qui déroule une fresque aux accents mythologiques dans sa démesure et qui, tout comme les récits décrivant les aventures des dieux de l’Olympe, traite avant tout de nous tous, mais de manière transcendée.
C’est aussi pour ça que, à l’instar des légendes, l’intérêt de ces romans-là n’a pas vieilli d’un iota, pour peu qu’on aime le souffle épique dans l’Anticipation.