Allez, viens ! On va jouer ! (Le champ des possibles)

Le champ des possibles, de Véro Cazot & Anaïs Bernabé

Un article de PRESENCE

VF : Dupuis

Plus de vie
© Éditions Dupuis                                                                             

Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. Sa première édition date de 2024. Il a été réalisé par Véro Cazot pour le scénario, et par Anaïs Bernabé pour les dessins et les couleurs. Il comporte cent-vingt-sept pages de bande dessinée. La scénariste a également réalisé BETTY BOOB (2017) illustré par Julie Rocheleau, LES PETITES DISTANCES (2018) avec Camille Benyamina, et a série OLIVE avec Lucie Mazel.

Quelque part sous les tropiques, sous un soleil chaleureux, en bordure d’une plage de rêve, dans une construction de plusieurs étages de forme ovoïde, l’architecte Marsu Chevalier est en train de parler à ce bâtiment qu’elle a conçue. Elle le rassure en lui indiquant qu’ils arrivent, ils viennent pour le rencontrer, des architectes comme elle, ou des bâtisseurs. Ils vont le regarder sous toutes les coutures et chercher tous ses secrets. Il n’a pas à s’inquiéter, ils vont l’adorer. Elle éprouve un petit recul quand le Cocon lui répond. Il a peur qu’ils ne s’essuient pas leurs pieds avant d’entrer, qu’ils lui trouvent des défauts, qu’ils ne le comprennent pas. Marsu comprend qu’il s’agit d’une personne en train d’imiter l’hôtel de l’autre côté de la cloison du balcon. Le monsieur se présente : Thom Robinson. Il a assisté à la présentation de son projet à Nantes, pas loin de la salle de concert qu’elle construit. Elle répond que son mari Harry parle aussi beaucoup aux objets. Il est potier, il parle à ses pots, à ses outils, il a même donné un nom à son four. Thom s’allume une cigarette, Marsu lui demande du feu et elle s’allume une cigarette imaginaire. Elle a arrêté il y a cinq ans.

Plus tard, Marsu Chevalier présente son projet aux séminaristes rassemblés dans le grand hall : Les organes vivants sont capables de développer des stratégies complexes pour s’adapter aux contraintes de leur environnement. C’est une source d’inspiration extraordinaire pour construire des villes et des habitations écorégénératrices et durables. Conçu en collaboration avec des biologistes, le Cocon s’intègre parfaitement à l’écosystème qui l’accueille. Sa forme ovoïde est l’une des plus résistantes à l’usure et aux intempéries. Composé de matériaux issus du vivant, le Cocon respire et réagit à la lumière et aux températures intérieures et extérieures. Et elle commence à se demander s’il n’est pas sensible à aux émotions humaines. Elle demande aux auditeurs du premier rang s’ils ne l’ont pas vu rougir. Puis c’est au tour de Thom Robinson d’effectuer sa présentation : il est un architecte en réalité virtuelle et créateur de l’univers Athome. Il continue : Athome propose des espaces de rencontres de la simple salle de réunion à la villa de luxe. Il souhaite développer le marché du tourisme avec des lieux de vacances virtuels, une excellente alternative pour voyager à moindre coût. Athome recherche des partenariats avec des architectes de tous horizons, pour reproduire virtuellement les plus beaux hôtels, afin qu’un maximum de vacanciers puissent en bénéficier, l’hôtel étant dupliqué à volonté. Il s’adresse à Marsu car ce serait un immense honneur d’avoir le Cocon dans leur catalogue.

Ils viennent tous pour te rencontrer.
© Éditions Dupuis 

L’immersion produit son plein effet dès la première page : le lecteur se retrouve dans cet endroit ensoleillé, paradisiaque, se sent immédiatement proche de Marsu Chevalier, il est en agréable compagnie. Le premier contact entre elle et Thom Robinson se déroule de manière naturelle et unique, apportant à la fois des informations sur leur personnalité et leur caractère comme lors d’une première prise de contact, un début d’information sur ce qu’ils font là, et également les prémices de leur relation. Le lecteur observe leurs postures, leurs petits gestes : leur langage corporel montre qu’ils s’entendent bien dès cette rencontre, une forme de compatibilité d’état d’esprit. La seconde séquence se déroule avec la même sensation d’évidence : un congrès réunissant différents types de bâtisseurs, à la fois la présentation à d’éventuels investisseurs ou acheteurs, à de simples curieux, mais aussi des contacts potentiels entre différents professionnels. Le lecteur déambule dans le hall monumental qui accueille les interventions des professionnels, il assiste tout naturellement à leur prise de paroles, dans ce cadre prestigieux à la lumière dorée et chaude. Il assiste en direct à la proposition de l’architecte virtuel d’intégrer la réalisation de l’architecte dans le monde réel. En trois pages, les autrices ont mis en place la dynamique du récit avec une élégance rare, une complémentarité parfaite, le lecteur étant déjà devenu l’ami et confident des deux principaux personnages, scénariste et artiste racontant comme une seule et unique personne. Du grand art.

Avant toute chose, ce récit constitue une histoire d’amour, une variation sophistiquée sur plusieurs configurations, mettant à profit les nouvelles technologies. De ce point de vue, il s’agit d’un récit d’anticipation : dans un futur proche, les mondes virtuels ont acquis une consistance et une cohérence permettant à chaque individu de s’y créer un chez soi personnalisé, voire un foyer, d’y accueillir des invités, et, pourquoi pas, de le faire évoluer à deux ou plus. Les autrices mettent en place cette évolution technologique avec une grande habileté : l’accès à ce monde virtuel se fait par l’utilisation d’un simple casque de réalité virtuel, un modèle à peine plus performant que ce qui existe déjà, plus accessible. La narration visuelle montre la facilité de s’en servir, le rendant très plausible, ainsi que l’effet d’immersion dans la réalité virtuelle : l’artiste réalise les dessins correspondant à la réalité avec un encrage au crayon et une mise en couleur numérique, ceux correspondant au virtuel sont réalisés au crayon de couleur. Le passage d’une réalité (physique) à l’autre (virtuelle) s’opère en douceur, sans contraste spectaculaire, ce qui contribue encore plus à rendre ce monde virtuel plausible et tangible, accessible, concret, un simple pas de côté par rapport à la réalité, tout en y étant très semblable, avec des éclairages différents permettant au lecteur de savoir s’il se trouve dans l’une ou l’autre.

Avec un peu d’entraînement, ça peut être aux deux endroits à la fois.
© Éditions Dupuis

S’il est familier des récits d’anticipation relatifs aux mondes virtuels, le lecteur apprécie à sa juste valeur la qualité de la mise en œuvre qui permet de croire à ce procédé de vie virtuel, et de concomitance avec le réel. Il peut prêter attention aux détails : le nom Athome (une combinaison entre At home, c’est-à-dire au foyer, et avec le prénom Thom), la manière de nourrir ce monde virtuel avec les créations du réel, le confort qu’il présente visible dans chaque image avec des accessoires, des meubles, des lieux des aménagements qui combinent une sensation douillette et sécurisante, détente et relaxation à l’abri des agressions quotidiennes de la réalité. Les autrices ont conçu un équilibre qui rend cette virtualité d’autant plus plausible et probable, un dosage très bien pensé. Il se retrouve vite convaincu de la pertinence de baser ce monde sur les créations du réel, que ce soient les constructions architecturales, ou les éléments de la nature (faune et flore), avec quelques adaptations. Le principe de transposer les grandes créations de la nature et de l’humanité dans le virtuel offre de fait une richesse et une diversité infinies, une familiarité rendant ce monde plus plausible et facilitant l’adaptation, limitant la déréalisation. Au cours du récit, le lecteur peut voir comment les personnages y apportent leur touche personnelle entre suppression des inconvénients (par exemple air pollué et bruits pour un fac-similé de New York), expurgeant les éléments considérés comme nuisibles ou indésirables, un monde toujours neuf et propre, nettoyé et désinfecté, assaini et édulcoré, dépourvu de besoin de maintenance, insensible aux effets de l’entropie. D’un côté, ce parti pris fait sens pour créer un monde virtuel cohérent d’une telle ampleur, restant simple à appréhender par chaque individu ; de l’autre côté le questionnement sur les attentes relatives à un tel monde est bien présent de manière sous-jacente. À chaque immersion dans ce virtuel, le lecteur éprouve un plaisir esthétique de chaque case qui lui fait, lui aussi, éprouver l’envie irrépressible d’y retourner, d’y séjourner.

Les autrices intègrent d’autres questionnements sur les mondes virtuels de manière tout aussi pragmatique. Marsu Chevalier (un autre nom chargé de sens) éprouve a priori une défiance pour cette technologie qui la coupe du réel, et elle fait l’expérience du temps qu’elle y consacre, presqu’à son insu, en tout cas contre son gré. Le lecteur y voit le principe implicite du fonctionnement des réseaux sociaux dématérialisés : capter l’attention, la retenir, pour monopoliser un temps de cerveau disponible allant toujours en augmentant. Les échanges entre personnages et les mises en situation emploient un vocabulaire et des mises en scène terre à terre, tout en fonctionnant sur les principes du système de récompense, du conditionnement opérant, du processus de renforcement. Sous la narration douce et prévenante, les thèmes de fond sont bien présents. Vu sous cet angle, les autrices mettent en œuvre un mode narratif ouvert à tous, avec la possibilité d’identifier différents éléments culturels pour ceux qui s’y sont déjà intéressés. Un exemple parlant réside dans la réparation d’une tasse par Harry : il l’a offerte à Marsu qui la laisse tomber dans un moment d’inadvertance, et il la répare avec une technique à base de laque saupoudrée de poudre d’or. L’image est très belle, servant également de métaphore pour recoller les morceaux dans une relation, et celui qui en est familier identifie l’art japonais du Kintsugi (ou Kintsukuroi).

C’est ta forme virtuelle.
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Comme l’évoque la première scène, il s’agit également d’une histoire d’amour : Marsu et Thom partagent une même façon de penser pour ce qui est de leur mode de création, ce qui se traduit par une affinité spirituelle, et une attraction amoureuse. Le lecteur peut littéralement la voir dans leur langage corporel, les expressions passant sur leur visage, leurs petites attentions l’un envers l’autre. Il est touché par leur gentillesse respective et cette intimité d’esprit. Le champ des possibles du titre évoque celui de la virtualité, ainsi que celui des modes amoureux. Harry et Marsu forment un couple qui n’entrave pas leur liberté, l’un comme l’autre pouvant aller voir ailleurs, ce qui n’entame pas leur amour réciproque. Thom découvre même qu’il existe une forme de trouple avec leur amie Clémence. Le monde virtuel ouvre le champ des possibles à d’autres configurations amoureuses pour la relation entre Marsu et Thom. Le lecteur voit leur relation évoluer, l’attirance, les émotions positives qui en découlent et qui renforcent même les sentiments de Marsu pour son époux. Il voit et il ressent leur frustration quand le rapprochement physique ne fonctionne pas, quelles que soient leur envie et leur tendresse. La relation dématérialisée s’offre alors comme une évidence, y compris pour le lecteur, à la fois par la solidité et l’intelligence du dispositif Athome, à la fois par les dessins qui montrent ce monde virtuel, avec des touches expressionnistes discrètes et rafinées. Même s’il s’agit d’une évidence, cette relation est à construire, à développer, à faire croître en s’y impliquant, en s’adaptant à ses conséquences, pour les amoureux et pour le conjoint. Ce n’est pas du tout la même dynamique entre une relation physique et une relation dématérialisée.

Une histoire d’amour, un récit d’anticipation, une intrigue romantique non-conformiste avec des beaux dessins : tout ça et bien plus encore. Le sentiment amoureux s’avère protéiforme : les réseaux sociaux et le distantiel, la réalité virtuelle offrent de nouvelles possibilités, ou en tout cas des moyens différents, s’inscrivant ainsi dans de précédents modes alternatifs comme les relations épistolaires, les textos, les sextos, les visios, etc. Les deux autrices explorent ce potentiel, au travers d’un roman chaleureux et solaire, avec gentillesse, et sans faiblesse. Comme le dit Clémence, Marsu est toujours à fond : à la fois consciente des risques d’addiction, à la fois déterminée à rendre féconde cette nouvelle forme de relation. Ces deux créatrices réenchantent le monde, savent en mettre en valeur le merveilleux, avec un esprit ludique. Un enchantement.

Autrement, complémentaire
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BO :

27 comments

  • Eddy Vanleffe  

    Comme d’habitude Présence tu décris très bien cette œuvre.
    Comme je viens d’apprendre le mot luddiste et qu’il est fait pour moi, je crois que je ne vais pas m’intéresser aux thèmes de cette BD… ^^

    • Présence  

      D’un autre côté, ce n’est qu’un outil, ça dépend de l’usage qu’on en fait.

      Ce n’était pas le sujet de cette œuvre, mais il aurait également été possible d’évoquer le coût écologique.

  • Vero Cazot  

    Un grand et chaleureux merci pour cet article, Présence ! Très touchée que cette BD là ait su te plaire.
    J’aime beaucoup le titre de l’article, qui résumé parfaitement l’état d’esprit de cet album. Et j’ai aimé l’évocation du Kintsugi.

    Pour la partie Réalité Virtuelle, je sais qu’elle peut être rebutante et je comprends très bien le sentiment de rejet qu’on puisse avoir pour ces thèmes. Néanmoins, plusieurs lecteurs “antiVR” m’ont dit avoir apprécié ce que j’en faisais ici.
    C’est un outil narratif plus qu’un outil de propagande pro IA ou anti IA.

    La partie principale, sur la double vie amoureuse d’une femme, peut aussi bien sûr rebuter ou bousculer les lecteurs. Mais certaines bousculades livresques ne sont pas désagréables, non ? 😉

    • Présence  

      Merci beaucoup pour cette bande dessinée qui m’a autant ému que Betty Boob et Les petites distances.

      Le titre de l’article : ce sont les derniers mots de la BD.

      J’ai également pris la réalité virtuelle comme un outil narratif, avec cette qualité qui la rend très plausible, bien plus plausible que ce que j’ai pu lire jusqu’ici comme façon de relier vie réelle et seconde vie virtuelle, une belle réussite.

      A la lecture, en tant qu’homme, j’ai ressenti la partie principale comme la double vie d’un être humain : me permettant de comprendre le comportement de Marsu, de me projeter dans chaque situation, de ressentir ses émotions. Le fait qu’il s’agisse d’une femme n’a pas joué dans le processus d’idenfication pour le lecteur que je suis.

      • Vero Cazot  

        Les jours de doute et de coup de mou, je relirai cet échange. Le genre de message qui me donne du cœur à l’ouvrage. Merci ☺️

  • Jyrille  

    Et bien on peut dire que tu donnes envie. Je trouve le sujet excitant et original, et il rejoint tellement d’autres oeuvres qui m’ont plu, au moins dans le propos sur le virtuel et les sentiments liés aux réseaux sociaux. Je le redis, mais la série UPLOAD (Amazon Prime Video) est très bien.

    J’aime beaucoup les dessins, cela en effet l’air très douillet. « art japonais du Kintsugi (ou Kintsukuroi) » : jamais entendu parler avant.

    A l’occasion donc, je tenterai avec joie.

    La BO : je n’ai jamais écouté Lynda Lemay, bravo pour le choix complètement à-propos. Mais je n’aime pas du tout.

    • Présence  

      Je ne sais plus dans quelle lecture j’avais déjà croisé cet art singulier qui permet d’ajouter une valeur affective à un objet brisé, et d’augmenter sa valeur esthétique, mais ça m’avait profondément marqué. En particulier, il est facile d’y voir une métaphore d’un individu qui a traversé des épreuves, qui a été aidé et qui en ressort humainement grandi (réparé par les fils d’or d’une autre personne).

      Lynda Lemay : j’ai suivi toute sa carrière depuis son quatrième album en 1998, et j’aime beaucoup son écriture, sa sensibilité, son humour, le côté narratif de ses chansons, son acceptation des travers humains.

      • Jyrille  

        Pour Lynda Lemay, je te crois aisément sur parole.

        • Présence  

          La chanson qui m’a séduit (le début de ma relation avec elle en somme 😀 ) : Les souliers verts

          youtube.com/watch?v=dh1NQH4p9iM

          • Kaori  

            J’adore cette chanson !!

            J’ai connu Lynda Lemay avec son live de 1999. J’aime aussi beaucoup « Alphonse » (très drôle), et dans un tout autre registre, « Ceux que l’ont met au monde », ou encore « Le plus fort, c’est mon père ».
            Bon, j’avoue, j’aime quasiment tout l’album !! Mes parents le mettaient régulièrement à la maison et j’ai vraiment apprécié. Mais pas assez pour que je la suive.

          • Présence  

            Ouf ! Je ne suis pas tout seul à connaître et à apprécier Lynda Lemay : merci Kaori.

          • Eddy Vanleffe  

            Quand j’écoute de la chanson française, j’aime de jolis textes émouvants, beaux, ouvragés et inspirants.
            Lynda Lemay fait tout cela.
            dans mes moments comme ça, j’aime aussi Oldelaf. Giedré, Jean Cherhal Bénabar et tous ceux qui peuvent à la fois me tirer une larme et me faire sourire.
            J’ajoute juste pour la citer Leila Huissoud qui n’existe que sur YT.

          • Présence  

            Oldelaf, Giedré : de grands coups de cœur pour moi aussi.

            Je vais aller voir cette Leila Huissoud sur YT, merci pour cette proposition.

          • Jyrille  

            « T’étais comme un caméléon sur le lit blanc », c’est vraiment bien trouvé.

  • Vero Cazot  

    Je viens d’écouter la chanson de Lynda Lemay, que je ne connaissais pas. C’est profondément troublant, comme le texte fait écho à notre BD. Drôle d’expérience. J’en viens à douter de l’avoir entendue un jour et de l’avoir adaptée en bd en toute inconscience. Je pensais à plein d’autres chansons possibles (Pale blue eyes de Lou read, Purple Rain de Prince, That look you give that guy de Eels…), mais je m’incline devant ce choix parfait.

    • Présence  

      La discographie de Lynda Lemay : un grand plaisir de découvrir les histories tristes ou gaies, humoristiques qu’elle raconte.

  • Tornado  

    Ou lorsqu’une histoire trouve son expression la plus aboutie dans le médium qui lui convient le mieux. Ici la BD.
    Ça a l’air très beau, touchant, conceptuel (dans le bon sens du terme), profond et original. Je valide.

    J’ai moi-même déjà pratiqué le Kintsugi : Dans ma région, le mistral fait beaucoup de dégat. Un jour, il a fait tomber et briser mon plus beau pot (une jarre marocaine très ouvragée et sculptée, peinte en anthracite, qui contenait un frangipanier de toute beauté). Je l’ai donc réparé avec cette technique qui consiste à montrer les cassures et à les sublimer. Une réussite totale.

    • Présence  

      Très beau, touchant, conceptuel, profond et original : je valide tous ces qualificatifs.

      Hé bien, après l’élevage de phasmes, voilà que tu nous révèles la pratique du Kintsugi, une sacré métaphore que de réparer les objets pour les rendre plus singuliers et plus beaux, pour évoquer le processus de reconstruction d’un être humain, avec l’aide d’un autre.

  • Bruce lit  

    Je savais que j’avais raison de te confier la review détaillée de ce nouveau Cazot.
    Je suis dans un moment assez sombre de ma vie où j’ai eu du mal à m’identifier à ces personnages bons sous tous rapports, sans l’ombre d’une pensée violente ou ambiguë et dont les preoccupations sont très éloignées des miennes actuelement.
    Mais en retravaillant mon article pour PLAYBOY, j’ai réalisé qu’en me décentrant et en plaçant ce CHAMP DES POSSIBLES dans le corpus de l’oeuvre de Vero Cazot, que l’on tenait ici sa BD la plus ambitieuse où elle s’expose le plus, prend le plus de risque dans sa narration.
    CE CHAMP DES POSSIBLES m’informe comme un signal d’alerte des PETITES DISTANCES qui se sont créées entre ce que j’étais et ce que je suis. C’est donc moi que je dois questionner et non le scenario de CAzot qui a l’audace de trancher avec toute la négativité ambiante autour de la réalité virtuelle.
    Merci à elle(s) donc et à toi Présence.

    • Présence  

      La BD la plus ambitieuse : tu me l’avais dis ainsi, et j’ai pu en faire l’expérience. J’aurais pu encore développer deux autres thèmes (le symbole de la co-construction d’un monde virtuel, la nature de l’âme sœur) sans forcer, mais l’article aurait été trop long.

      Marsu & Thom & Harry : cette lecture a fonctionné sur moi sans que je ne m’identifie à eux à 100% ; je me suis également nourri de leur comportement positif, de leur caractère solaire.

    • Vero Cazot  

      Très touchée de te lire, Bruce. Je n’ai pas de mal à comprendre tes réserves et le fait de ne pas toujours être disposé à apprécier ou même supporter tel livre ou tel film. Et je salue ton professionnalisme (sans doute associé à ton amitié), d’avoir fait cette démarche de te décentrer pour lire notre BD sous un autre angle. J’allais dire « plus froidement », mais j’ai l’impression que cette réaction à froid a un peu réchauffé ton appréciation, et c’est sans doute ce qui me touche le plus. Et je t’en remercie une fois de plus.

      Entre nous, ma foi en l’humain n’est pas aussi pétrie d’optimisme. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien, ni la première fois, que j’invente des mondes parallèles idéaux. Mais ma foi en l’amour est certaine. Et c’est justement dans les périodes les plus sombres (du monde ou de nos vies intimes) qu’il est pour moi vital de lire et d’écrire des histoires lumineuses, qui ouvrent des petites fenêtres vers un avenir plus rassurant. Même si je vois en quoi on peut se sentir parfois plus proches, et presque plus compris et consolés avec des oeuvres sombres qui dénoncent et décrivent la violence et les injustices du monde. Je préfère passer mon temps à montrer l’inverse, qui existe aussi, je n’invente presque rien et sûrement pas l’amour.
      C’est un peu la démarche de Pina Bausch : « dansez, sinon nous sommes perdus. »

      • zen arcade  

        C’est beau ce que dit Pina Bausch, même si j’aurais plutôt dit : dansez, même si nous sommes perdus ».
        « Il faudrait comprendre que les choses sont sans espoir et être pourtant décidé à les changer. ” comme le dit la célèbre citation de Francis Scott Fitzgerald.

        • Vero Cazot  

          Un cran plus pessimiste, mais beau aussi 🙂

      • Présence  

        Le pire n’est même pas certain, comme dit Voutch (c’est le titre d’un de ses albums).

        • Vero Cazot  

          Et Voutch a souvent raison :))

  • Fletcher Arrowsmith  

    Bonjour Jean.

    J’ai actuellement moins de temps à investir dans mes loisirs hors quelques valeurs refuges. Néanmoins, par l’entremise d’une superbe couverture et d’un titre intrigant, ce CHAMP DES POSSIBLES m’a déjà intrigué pour l’avoir tenu entre mes mains (ce qui est un premier pas).

    Très beau texte que tu nous proposes avec une analyse idoine (oui moi aussi je peux faire la promotion de jolies mots). On te sent très inspiré, un véritable coup de coeur. Tu arrives en plus à faire une étude en dévoilant peu au niveau de l’intrigue : bravo.

    l’artiste réalise les dessins correspondant à la réalité avec un encrage au crayon et une mise en couleur numérique, ceux correspondant au virtuel sont réalisés au crayon de couleur. Le passage d’une réalité (physique) à l’autre (virtuelle) s’opère en douceur, sans contraste spectaculaire j’aime beaucoup cette technique.

    • Présence  

      Je te le confirme : un coup de cœur, au sens littéral du terme, comme pour les deux autres BD évoquées Betty Boob et Les petites distances., une autre forme de relationnel, mais à sens unique des autrices vers le lecteur.

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