Carpenter se sent tout chose

The Thing par John Carpenter

1ère publication le 15/02/16-MAJ le 06/10/18

A toute chose, malheur est bon

A toute chose, malheur est bon

AUTEUR PIERRE N

The Thing est un film de 1982 réalisé par John Carpenter, qui s’est illustré principalement dans le cinéma d’horreur, dont il est devenu une des figures phares grâce à des films comme Halloween, Prince of Darkness, L’Antre de la folie, Christine ou encore Fog

Le film est ressorti en 2016 dans une version remastérisée. 

Article garanti sans spoilers et imitations malveillantes.

Tout commence à la fin années 30, avec la nouvelle Who Goes There ? de John W. Campbell qui a notamment été l’éditeur du pulp magazine intitulé Astounding Stories, connu pour avoir publié les travaux d’auteurs reconnus par la suite comme Isaac Asimov ou Orson Scott Card.

La nouvelle de l’auteur est suffisamment remarquée pour faire l’objet d’une première adaptation dans les années 50, intitulée La Chose d’une autre monde, sous la houlette de Christian Nyby et du réalisateur/producteur Howard Hawks (qui aurait apparemment participé également à la mise en scène, celui-ci étant de surcroît un des réalisateurs de western que Carpenter admire le plus).

Dans cette version placée sous le signe de tendances de la SF de cette période et ces allégories de la guerre froide, certaines concessions sont faites pour rendre le matériel original plus attrayant :  l’ajout d’une romance et l’aspect de la Chose, qui tient plus de l’humanoïde végétal que de la créature protéiforme.
Une honnête série B en somme qui marqua quelques jeunes cinéphiles, qui se feront par la suite un nom dans l’industrie.

Les apparences sont trompeuses

Les apparences sont trompeuses / Source Grizzly Bomb ©Universal Pictures

Dans les années 70, l’idée d’une autre adaptation fait son chemin dans la tête des producteurs d’Universal, le premier choix se portant sur Tobe Hooper (tout juste sorti du succès de son unique chef-d’oeuvre Massacre à la Tronçonneuse) qui ne fera finalement pas l’affaire.
Après son passage à l’USC, ainsi que la réalisation de l’excellent Assaut et de Dark Star, Carpenter se fait un nom, avec Halloween, souvent considéré comme un des tout premiers slasher de l’histoire du genre, sorte de chaînon manquant entre le survival et le giallo italien.

De la maîtrise du cadre à la gestion de l’atmosphère, en passant par le thème musical, tout le style du réalisateur est déjà présent dans ce jalon du cinéma d’horreur.
Avec le personnage de Michael Myers, le cinéaste impose un nouveau genre de menace, une force de la nature implacable, devenant de moins en moins humain et de plus en plus autre, ce qui est également le cas des fantômes de Fog.

Chef je crois qu’on a retrouvé le Faucon Millenium !

Chef je crois qu’on a retrouvé le Faucon Millenium ! / Source : Syfy  ©Universal Pictures

Entre temps, Carpenter a entamé sa collaboration prolifique avec l’acteur Kurt Russell, dont il utilisera souvent ses capacités d’adaptation et de mimétisme. Pour le rôle de Snake Plissken il s’inspire clairement de L’homme sans nom de Eastwood et des westerns spaghetti de Leone;  pour Jack Burton il propose une parodie de John Wayne, et pour le biopic télé du King of Rock, il s’inspire bien évidemment d’Elvis dont il interprète le rôle.

Il n’y a guère qu’avec Macready qu’il propose un personnage qui ne se base pas sur un archétype, si ce n’est celui du cowboy, ce qui n’est pas étonnant de la part du réalisateur qui est connu pour être un fana du western, dont il s’est efforcé de réinjecter des éléments dans ses films fantastiques. Lorsque il arrive sur le projet au début des années 80, Big John et ses collaborateurs choisissent de revenir au sources, pour élaborer une autre adaptation de la nouvelle plutôt qu’un réel remake du film de Hawks et Nyby (qui est justement le film que regardent les enfants dans Halloween).

50% homme, 50% chose, 100% terreur

50% homme, 50% chose, 100% terreur. Source : andrei rublev ©Universal Pictures

Cette fois il n’y aura pas de femmes au casting (Adrienne Barbeau a bien un petit rôle mais cela se limite à une partie vocale) et le nombre de personnages est considérablement réduit.
Mais surtout Carpenter veut à tout prix éviter l’aspect costume de la Chose, car ce qui l’intéresse c’est son apparence en constante évolution qui nécessite des effets spéciaux très élaborés.

C’est là que le jeune prodige Rob Bottin entre en scène, à qui l’on devra le design de Robocop et l’allure saisissante du corps décharné de Se7en, ainsi que le look de Darkness, la plus grande réussite visuelle du très moyen Legend de Ridley Scott.
Après avoir bossé sur les lycanthropes de Hurlements, celui-ci est engagé sur The Thing avec pour défi de restituer l’apparence de la chose.

Pour le design, il est aidé dans tâche par Mike Ploog, bien connu des amateurs des comics horrifiques Marvel des années 70 (du Man-Thing de Gerber à The Thing de Carpenter, il n’y a qu’un pas) et qui a également oeuvré sur le storyboard de Dark Crystal, autre très bon film de 1982, qui fut décidément une excellente cuvée pour le cinéma sf/fantastique.
Bottin s’impliquera tellement dans le projet sur la durée, au point de finir hospitalisé, et nécessitera du coup un peu d’aide de la part de Stan Winston (la scène du chenil).
Mais au final, le travail en vaut la peine, avec des trucages qui tiennent encore la dragée haute par rapport aux CGI actuels (à qui il manque parfois ce sentiment de réalité palpable).

Ouvrez grand et dites aaahh…

Ouvrez grand et dites aaahh…  / Source 2bp ©Universal Pictures

Pour sa première grosse production, Carpenter s’entoure de collaborateurs très compétents, qu’il s’agisse du scénariste Bill Lancaster (fils de Burt) ou encore le confectionneur de la plupart des matte paintings des films d’Hitchcock.
Et puis bien sûr pour la BO, c’est Ennio Morricone qui officie, pour un résultat mémorable (pourtant nommé aux Razzie Awards) très influencé par le style sonore de Carpenter.

Avec ce premier volet de ce qui appellera par la suite sa trilogie de L’Apocalypse, Carpenter réalise la pièce maîtresse de sa carrière, lui permettant de renouer avec le huis clos hérité du western (Assaut étant déjà un crossover entre Rio Bravo et les zombies de Romero, avec au beau milieu napoléon Wilson une figure énigmatique badass préfigurant Snake Plissken).

La mise en scène tirent habilement parti de l’espace restreint, et se distingue dans la façon de provoquer une angoisse à partir de peu (ce chien inexplicablement silencieux).
C’est également dans la gestion de la paranoïa que le film se montre singulièrement réussi, avec ce doute qui se propage tant aux personnages qu’aux spectateurs, dès lors que tout n’est pas clairement expliqué sur la nature de la créature (laisser une part de mystère n’a jamais fait de mal).

Le mode de propagation de cette chose occasionnera du coup nombres de parallèles avec le virus du sida qui émergeait durant cette période, une comparaison qu’il partage avec le tout aussi craspec film de David Cronenberg, La Mouche, qui rejoint lui aussi les cas rares des remakes supérieurs à l’original (l’aspect monstrueux pouvant également rappeler les oeuvres de Lovecraft).

MacReady ne fait confiance qu’à son lance-flammes

MacReady ne fait confiance qu’à son lance-flammes / source cimmecdn ©Universal Pictures

Via le côté concis et direct des enjeux, c’est également par ce biais que The Thing rejoint la voie du western et du survival, avec cette lutte pour la survie entre deux espèces situées dans un environnement isolé et inhospitalier (après tout on ne sait jamais vraiment s’il s’agit d’un être fondamentalement maléfique, toute communication est impossible, la barrière de l’alterité étant trop forte).

C’est aussi le représentant d’un mal intérieur (l’infection présumée) qui ne fait pas forcément ressortir les meilleures tendances de l’humanité (l’individualisme, la peur de l’autre).
On peut voir cela comme une constante dans la filmographie du réalisateur, ce mal destructeur qui existe sous différents avatars, qu’il s’agisse du tueur masqué d’Halloween qui hante les quartiers de son enfance, Christine la voiture possédée et possessive, ou encore la progéniture maléfique du Village des damnées (là encore un remake qui arrive à se démarquer, même si le degré de réussite par rapport à The Thing est bien moindre).

Avec son aspect formel évocateur, son anti-héros déterminé et désespéré, et la pleine exploitation des possibilités d’un tel sujet, Carpenter impose sa marque sur le genre quitte à choquer la critique et le public. La présence de la créature se fait sentir même quand elle n’est pas dans le cadre, amenant une tension permanente mise en valeur par la partition musicale. Son apparence évolutive donne lieu à un résultat viscéral, organique et dérangeant, rarement un monstre au cinéma aura réussi à provoquer un tel malaise dans sa capacité à se fondre dans la masse (Carpenter aura la dent plus dure sur le sujet avec les aliens de They Live qui arrivent à s’intégrer sans mal dans L’Amérique des années Reagan).

Chez la créature l’instinct de survie est indissociable de l'adaptation

Chez la créature l’instinct de survie est indissociable de l’adaptation / Source : sleepnolonger ©Universal Pictures

En revanche les informations à son sujet sont parcellaires, le spectateur a seulement droit à un aperçu de sa nature et de son apparence véritable, les zones d’ombres étant propices aux hypothèses car l’imagination fertile du public  peut combler les manques. C’est une manière de l’impliquer et de jouer sur les deux tableaux, avec une part de suggestion à la manière des films fantastiques de Jacques Tourneur, et en même temps une dimension frontale graphiquement repoussante, qui agresse la rétine par ses visions d’horreur, mais tellement bien fait techniquement qu’on en redemande volontiers (cette scène géniale du test sanguin).
Carpenter va au bout de sa logique thématique, avec une final crépusculaire qui conclue cette spirale infernale où comme souvent dans ses films le happy end n’est pas de rigueur, et si jamais cela semble tout de même se concrétiser, un élément vient souvent nuancer cela (cette fin ouverte fascinante de Prince of Darkness).

Forcément devant un tel jusqu’au-boutisme le public n’a pas accroché, et il a fait un flop à sortie, ayant eu qui plus est le malheur de sortir peut après E.T. avec sa vision beaucoup plus positive de la figure de l’extraterrestre. Il est intéressant de noter que le film a suivi une trajectoire similaire à celle du soporifique Blade Runner (ouch !, attention Pierre, tu vas pas te faire des copains ! enfin, je te soutiens, jamais pu passer le premier quart d’heure…Ndr) , sorti le même jour, mal-aimé à sa sortie puis revu à la hausse grâce à l’ère de la VHS et des supports vidéos, pour finalement atteindre le statut de classique du genre.

À noter que le film a eu droit à un préquel dispensable, qui sous prétexte de raconter l’histoire des norvégiens, se contente de faire une sorte de remake de la version de 1982.
Cependant s’il y a bien quelque chose à retenir dans la version de Carpenter, c’est qu’il vaut mieux privilégier l’original (l’humain) à la copie (la chose) et cela est valable pour ce cru 2011 qui n’égale pas ses illustres prédécesseurs.

La confiance règne

La confiance règne / Source Redhook  ©Universal Pictures

57 comments

  • Lone Sloane  

    Carpenter à l’aise comme un husky dans la neige, Morricone.qui découvre avec bonheur le bontempi et Kurt Russel avec son cuir, ses lunettes mouche et son chapeau de cow-boy improbable, prêt à la baston jusqu’au bout de la nuit polaire, oh yeah!

  • JP Nguyen  

    Voilà un article très didactique dont les images me confirment que ce ne sera jamais un film pour moi ! Gulp, faut que je garde mon p’tit déj, maintenant…
    Sinon, je ne partage pas ton avis sur Blade Runner, mais bon, j’ai toujours préféré la SF à l’horreur.

    • Bruce lit  


      Qui a dit que chez Bruce Lit, on n’était pas à jour de l’actualité cinématographique ? Tenez ! notre p’tit jeune Pierre N nous raconte la story de « The Thing » de John Carpenter sorti en …1982 mais remastérisé cette année. En quoi, cette expédition glaciaire peut être considérée comme le chef d’oeuvre du maître de la série B ? Réponse chez Bruce Thing !

      La Bo du jour: Histoire de contraster avec cette ambiance frigorifique de fin du monde inévitable, rien de tel qu’un peu de groove avec l’inimitable Ben E. King. Groovy comme dirait Ash de la trilogie Evil Dead, autre monument du cinéma d’horreur des 80’s…
      https://www.youtube.com/watch?v=lCdQRB48VdI

  • Patrick 6  

    Je pense que The Thing est l’un des films que j’ai vu le plus souvent dans ma vie ! Je le connais tout simplement par cœur :)) Bref ce film est un franc chef d’œuvre que tu as parfaitement décortiqué Pierre ! Comme tu le signales la musique joue un très grand rôle dans le coté anxiogène du film (même sans l’image on commence déjà à flipper !)
    Le pire est de se dire qu’avec tous les moyens techniques mis à la disposition des réalisateurs on n’a que rarement égalé les trucages du film !
    Par contre je suis en total désaccord avec toi concernant Blade Runner qui lui aussi (dans un autre genre) est un chef d’œuvre absolu… Son seul défaut est finalement selon moi la musique de Vangelis qui a très mal vieilli…

  • Tornado  

    Hé Ho ! Il va y avoir des coups là ! Blade Runner est mon film phare et la musique de Vangelis tourne en boucle dans mes oreilles depuis des décennies ! 😀

    Concernant Carpenter, je me désolidarise de ses fans acharnés. Je trouve que la moitié de ses films ont hyper mal vieilli et ne méritent pas leur objet de culte. Et en plus, il y a parfois une approche beauf !
    « Fog », « New York 1997 », « Prince des ténèbres » ont, je trouve, extrêmement mal vieilli et accusent un kitsch qui ne les rend pas comparables avec les grands classiques du cinéma d’horreur. « Halloween » m’a toujours ennuyé, même si le film est important dans son genre. « Los Angeles 2013 » et « Ghost of Mars » sont tout simplement mauvais, enfin en tout cas en ce qui me concerne.

    Ceci étant dit, le bonhomme est tout de même un grand du cinéma fantastique. Je suis très fan de « Christine » (très bonne adaptation de Stephen King), « Jack Burton » (malgré son côté beauf), « L’Antre de la folie » (la meilleure plongée ciné dans l’univers de Lovecraft ?) et même de « Vampire » (malgré son côté beauf…). Disons que j’éprouve de l’admiration pour une partie de son oeuvre (je n’ai pas vu « Dark Star », « Assaut », « Invasion Los Angeles », et je n’ai gardé aucun souvenir des autres), mais de là à en faire un génie… non.

    Enfin, concernant « The Thing », là il n’y a pas photo : C’est un putain de chef d’oeuvre qui n’a pas pris la moindre ride !!! Je l’ai revu l’an dernier et je n’en revenais pas ! Tant du point de vue de la mise en scène stressante que des effets spéciaux, du jeu des acteurs ou de tout le reste, le film a gardé toute sa puissance évocatrice et, même, comme le dit Pierre dans son article, il a peut-être même encore gagné en force par comparaison avec les films d’horreur actuels dans lesquels les effets spéciaux virtuels sont beaucoup moins viscéraux !

    • Bruce lit  

      @Tornado : j’adore NY 1997, je trouve le film toujours aussi puissant après tout ce temps. Christine, je l’ai revu il y a un mois, et malgré la tronche des acteurs c’est resté très bon.
      @Pierre : Quel est l’intérêt de cette nouvelle version remastérisée? Sinon, article impeccable qui prend en compte tous les aspects de la création d’un film culte. Pour info, une bonne partie du bestiaire de Resident Evil, le jeu semble tout droit sorti d’ici.

    • Jyrille  

      Si tu considères Carpenter comme un pur réalisateur de films d’horreur ou de fantastique, je peux comprendre ton point de vue. Mais pour moi, c’est bien plus que ça, Carpenter. C’est un fan de western (Vampires, Ghosts of Mars, The Thing, NY 1997… sont tous des westerns si tu regardes bien) et un auteur politique et engagé. Tu dois absolument voir Invasion LA. C’est kitsch formellement mais le fond et l’efficacité sont là. Le thème est traité de manière unique pour un film à aussi petit budget. LA 2013 est une autre critique complète de l’american way of life : chirurgie esthétique, sport à outrance, politiciens véreux, tout est dézingué. Assaut est superbe de concision et semble avoir fortement inspiré The Warriors (Les guerriers de la nuit en VF). Ses films ne sont pas tous bons (Jack Burton, je l’ai vu trop tard pour l’apprécier à sa juste valeur d’étalon du buddy movie, Ghosts of Mars est franchement faible), The Thing reste sans doute son meilleur, mais tous sont intéressants à voir.

  • Présence  

    Merci pour la présentation de ce film qui n’est pas non plus pour moi. J’ai beaucoup apprécié les explications pédagogiques sur les effets spéciaux (et le burnout de Rob Bottin), ainsi que sur les différents sens que l’on peut attribuer à cette chose. C’est assez déstabilisant de retrouver un nom comme celui de Mike Ploog dans un tel article (je n’avais aucune idée de ses activités extra comics.

  • Jyrille  

    Pour Blade Runner, je rejoins complètement Patrick. Et puis je suis un vrai fan de K. Dick, je suis même en train d’en relire un qui sera sans doute suivi par d’autres. D’ailleurs il m’en manque plein.

    Pour The Thing, ton article est fantastique. J’ai appris plein de choses (sic) dont je n’avais pas connaissance et tu as parfaitement décortiqué l’ambiance et les enjeux du film. C’est un chef d’oeuvre, le meilleur Carpenter selon moi. C’est un western et un survival, et comme souvent chez Carpenter, une franche critique de la politique américaine. Ici, on peut facilement voir la dénonciation du Maccarthysme, avec la paranoïa engendrée par la présence d’une chose qui peut prendre la place de tout un chacun. L’ennemi intérieur et invisible. Et quelle fin parfaite ! Comme tu le soulignes, les effets spéciaux restent encore diablement efficaces, et ne vieillissent pas, contrairement à nombre de films à grand spectacle venus ensuite (j’ai revu un bout de SW I La Menace Fantôme, c’est très très laid).

    Merci beaucoup pour un article quasi exhaustif qui résume parfaitement ce film que tout le monde devrait voir. Il y a même de l’humour (la scène avec la corde…).

  • PierreN  

    La musique de Vangelis c’est justement un des seuls éléments que j’apprécie en partie comme quoi (même si sur certains moments cela vire vers aspect soap un brin cucul la praline lors des scènes avec Rachel, aka celle qui fait tout le temps la gueule).
    Ce qui fait pour moi à la fois la force évocatrice et la faiblesse d’implication du film de Scott (je vois que beaucoup moins de monde est prêt à défendre Legend du même réalisateur) c’est qu’il repose un peu trop sur son atmosphère.
    L’élément qui est indéniablement le plus réussi c’est cet aspect film noir futuriste avec toute l’imagerie que cela implique, le principal attrait réside là selon moi (même si au bout de deux heures cela ne suffit plus).
    Tout le monde qui se situe autour, son esthétique, tout ça est plutôt intéressant, le truc c’est que l’histoire en son centre n’est pas au même niveau.
    Cette histoire de répliquants ne me passionne guère (dès qu’ils sont à l’écran je baille) comme si cette humanité factice n’était pas assez palpable pour moi, et que les enjeux me passaient tout simplement au dessus sans me toucher.
    Harrison Ford joue en mode détective cynique et blasé à la Humphrey Bogart, mais moi je le trouve plus à l’aise dans un registre plus « show-off » façon Indy ou Han Solo.
    Rutger Hauer se débrouille mieux même si son speech final me laisse froid à l’image du film dans sa globalité.
    Enfin bref pour moi il souffre d’un symptôme similaire à celui de Legend, un beau livre d’image appréciable plus pour l’esthétique et le production destin plus que pour l’histoire en elle-même.
    Peut-être est-ce aussi parce que Scott est plus un metteur en scène qu’un auteur, ce qui peut expliquer le caractère inégal de sa filmo (tout n’y échappent pas ceci dit même Carpenter).
    Attention loin de moi l’idée de le rabaisser à son statut de « pubard » ce terme péjoratif qu’auront reçus pas mal de réalisateurs venant de la pub (de Fincher à Bay, en passant par McTiernan ce géant du cinéma d’action).
    Je préfère Alien du coup (même si sa ma préférence va à la suite signée James Cameron).

    @Bruce: Disons que c’est l’occasion de voir le film avec une image impeccable sur grand écran, pour ceux qui ne l’avaient pas vu à sa sortie (sinon le blu-ray fait très bien l’affaire).
    C’est mon côté cinéphile maniaque ça, dès que des films que j’adulent ressortent (comme Le Parrain 2 ou Le Géant de fer) je ne peut m’empêcher d’aller les voir sur grand écran.

    • Bruce lit  

      Présence Nocturne:
      Pierre N vous invite à regarder The Thing de John Carpenter, sous toutes les coutures, depuis sa conception jusqu’à sa bande son, en passant par ce dont cette Chose peut être la métaphore, sans oublier l’étrange particularité du casting très viril.

      @Pierre: je n’ai jamais réussi à me sentir impliqué non plus pour BLade Runner, ni encore moins pour Alien. Attention, c’est du très bon cinéma, mais je ne saurais dire en quoi , ça ne me touche pas. Le seul Scott que j’ai aimé a dû être Thelma et Louise. Gladiator était ok.
      En tout cas, j’admire ton argumentation plus que pertinente. Pour info, une fille pour qui j’avais des sentiments plus que réplicants vivait dans la cité de Noisy le Grand où le film a été tourné. Un soir que je dormis chez elle, je me rappelle n’avoir pas fermé l’oeil de la nuit….Je voyais le décor de la fenêtre et cela m’angoissait beaucoup….Sentiment d’oppression (ou éconduction amoureuse)….

  • PierreN  

    J’aurais tendance à dire à peu près la même chose du film « Les Duellistes » (Scott manifestement marqué par Barry Lyndon à ce moment-là, aime à composer des plans tableaux).
    C’est très beau sur le plan formel, mais en ce qui concerne l’histoire j’accroche moyen.

  • Tornado  

    J’adore Blade Runner. Et j’adore aussi Legend. Il est des cas où ce n’est pas l’histoire qui importe, mais la manière de la raconter. N’y a-t-il pas moult cas de comics où l’histoire est moyenne, mais où la prestation de l’artiste parvient à transcender son sujet par un visuel lyrique, expressionniste, voire tout simplement merveilleux ? Barry Winsor Smith sur Conan ? Bill Scienkiewicz sur tout ce qu’il touche ? Etc. ?

  • JP Nguyen  

    Ouh punaise, Pierre ! La réplique finale de Rutger Hauer te laisse froid ?
    ‘spèce de répliquant ! 😉
    J’ai lu que Hauer avait contribué à réécrire cette partie du dialogue, en l’épurant, pour un résultat qui m’a marqué dès le premier visionnage, alors que j’avais une dizaine d’années…

    « J’ai vu tant de choses que vous, humains, ne pourriez pas croire. De grands navires en feu surgissant de l’épaule d’Orion. J’ai vu des rayons fabuleux, des rayons C, briller dans l’ombre de la porte de Tannhäuser. Tous ces moments se perdront dans l’oubli comme les larmes dans la pluie. Il est temps de mourir. »

    Bon, dans la Team, qui voudrait se charger d’écrire sur Blade Runner ?

    • Tornado  

      @JP : ça marche ! 😉

  • PierreN  

    J’ajoute que je n’ai rien contre Hauer en soit en tant qu’acteur, je l’apprécie même beaucoup dans ses diverses collaboration avec Paul Verhoeven dans les années 70 et 80 (La Chair et le Sang m’a toujours paru être un film médiéval un peu sous-estimé).

    @Tornado: C’est pas faux, néanmoins à choisir je préfère un excellent run avec un dessinateur moyen (McFarlane sur Hulk) à une histoire vite oubliée servie par un dessinateur populaire (Battlechasers).

    • Jyrille  

      Je n’ai pas vu Legend, mais la plupart des films de Scott ont une esthétique très marquée. C’est pour ça que je l’aime bien au départ. Bon, dans Hannibal, c’est limite de l’image de pub, justement,il s’est laissé aller. Mais pour Blade Runner, Alien, Gladiator… c’est nécessaire. L’histoire peut ne pas te toucher, Pierre, elle a tout de même un message fort et pertinent. Ce n’est pas très palpitant, mais loin d’être inintéressant. Comme Tornado, si je prends le comic ou le cinéma dans sa définition matérielle, l’image est primordiale. C’est pour ça aussi que je garde certaines bds : pour leur dessin.

    • Tornado  

      C’est un vaste sujet.
      La plupart du temps, je préfère que le scénario soit solide plutôt que le dessin. Sinon, je n’aurais pas été capable de lire « Preacher » par exemple, ou même « the Boys » ! Mais parfois, et même si c’est rare, il se passe quelque chose d’opposé.
      L’exemple le plus récent qui me vient à l’esprit c’est l’event « AvX » de Marvel. Dans l’ensemble, c’est plutôt mauvais, surtout tant que c’est dessiné par Romita Jr (artiste que j’admire néanmoins). Mais, dès lors qu’intervient Olivier Coipel, le tout se transforme soudain en tragédie grecque où les héros s’élèvent telles des statues de pierres. Cette dimension iconique apporte du sens à l’histoire, et la nivelle par le haut.

      Pour moi, un film comme Legend, et encore plus comme Blade Runner, c’est la même chose : L’atmosphère, la mise en forme, tout est tellement puissant que l’apparente simplicité de l’histoire est transcendée par le visuel. Je dis « apparente » car je vois finalement beaucoup de choses dans la toile de fond de « Legend ». Au risque de paraitre pompeux, je poste la copie de mon commentaire Amazon :
      – « Legend » est probablement le premier film féérique à saisir l’essence du merveilleux d’un point de vue purement cinématographique. C’est-à-dire qu’il s’emploie à matérialiser la féérie de manière conceptuelle, visuelle et sonore. Ainsi, il brosse des tableaux plus qu’il ne raconte une histoire. Beaucoup de gens n’y auront rien compris en lui reprochant de filmer un mauvais scénario. Grave erreur ! Ils seront passés complètement à côté du concept : Matérialiser le merveilleux sous forme d’archétype mythologique. Le décor du film est donc unique et illustre une parabole de la Genèse. On assiste tout simplement à une relecture du jardin d’Eden, avec la licorne en lieu et place de la pomme, la jeune princesse causant la perte du paradis en succombant à la tentation interdite… A la différence de la Bible, nos héros auront droit à leur rédemption, comme dans les contes !
      En choisissant comme source d’inspiration le plus ancien des mythes (la Bible), Ridley Scott et son équipe s’assuraient ainsi de puiser le merveilleux à sa source. Une mise en abîme vertigineuse, manifestement incomprise par le public…

  • Lone Sloane  

    Fin des annėes 80, ouais je sais ça ne nous rajeunit pas, j’avais visité cette merveillese et sensorielle exposition : http://www.confino.com/cites-cines/f_dossier.html
    Il y avait une salle Blade Runner oú l’immersion dans cette mégalopole futuriste, art déco, organique, grouillante, sous une obscurité balayée par les néons et la pluie, transportait le visiteur dans un film noir oú les androïdes sont prêts à tout pour survivre. Assurément un spectacle et un film riche, dans la forme comme dans le fond, et qui supporte de multiples visions.

    • Jyrille  

      Wow, ça avait l’air super, Lone ! Veinard.

  • Marti  

    Excellent article qui le donne envie de revoir le film ou de découvrir les films de Carpenter que je n’ai toujours pas vus… tout comme les commentaires me donnent envie de me plonger dans la filmo de Ridley Scott dont je suis loin d’avoir fait le tour !

    « À noter que le film a eu droit à un préquel dispensable, qui sous prétexte de raconter l’histoire des norvégiens, se contente de faire une sorte de remake de la version de 1982. »

    Je l’ai vu à sa sortie en DVD et… je n’en ai strictement aucun souvenir, tout juste peut-être me souviens-je (oula, c’est moche à l’oreille de le formuler ainsi !) très vaguement de la forme qu’a la créature quand ils la trouvent… et c’est absolument tout ! C’est fou tout de même de ne garder aucun souvenir d’un film vu il y a trois ans, et que je n’ai même pas foncièrement détesté en plus…

    « Gladiator était ok. »

    Du très grand spectacle impressionnant servi par une musique grandiose… pour un métrage beaucoup trop long bourré d’erreurs historiques qui pour certaines auraient pu être évités si les scénaristes avaient ouvert un livre d’histoire. Pardon, déformation professionnelle…

  • PierreN  

    Malgré ma réticence, j’ai finalement vu le prequel de 2011, et comme je m’y attendais il s’agit-là d’une
    décalcomanie sans grand intérêt avec des CGI pas terribles, bien loin d’égaler le malaise teinté de fascination que pouvaient provoquer les effets spéciaux en dur de Bottin, tels de véritables tableaux macabres ou des sculptures organiques, qui restent en mémoire contrairement à cette version numérique qui manque de poids et de réalité.
    Les seules véritables nouveautés se limitent au fait que l’on aperçoit l’intérieur du vaisseau et à la méthode alternative permettant de repérer les véritables humains. Le film est tellement rattaché à son prédécesseur que la comparaison se fait forcément en sa défaveur (à l’instar de Rogue One avec Un Nouvel Espoir, le film s’arrête au moment où le suivant commence), et le réalisateur n’a clairement pas le talent de Carpenter.

    • PierreN  

      Et spéciale dédicace à Bruce, dans le casting il y a encore un acteur de Game of Thrones (le rouquin barbu un peu lourd à force de faire du gringue à Brienne de Torth).

      • Bruce lit  

        Bordel, je me rappelle même pas de lui…

      • Matt  

        Du gringue à Brienne ?
        Euh…le frère (et amant) de la reine ? Jaime Lannister ? Sinon je vois pas. Brienne n’a pas trop la cote il me semble vu sa tronche.

  • Matt  

    j’ai revu ce film avant Halloween et je fais le même constat que Tornado : les effets ont très bien vieilli et leur côté artisanal, même si ça implique un peu de rigidité, font bien plus réels et organiques que les (mauvais) effets numériques modernes. Au final on s’en fout que ça ne bouge pas aussi bien que des trucs faits à l’ordi, c’est pas ça qui rend les monstres flippants.
    Vraiment un bon film.
    The fog j’ai moyennement aimé.
    J’ai aussi vu du Cronenberg : videodrome et chromosome 3 (c’est quoi ce titre VF de merde ? J’ai cru qu’il fallait que je cherche le 1 et le 2 avant…) Très sympa, même s’il y a un côté presque trop Lynchien à mon goût dans videodrome.

  • Tornado  

    Je viens de revoir « Ghosts of Mars ». Dans mon souvenir c’était un navet. Et bien, à la revoyure, je dois dire que je me suis bien amusé. Et finalement, le film est bien mieux écrit, bien moins débile et inepte que la plupart des blockbusters actuels. Le côté « beauf » qui me déplait en général chez Carpenter, je commence à m’y habituer. Du coup je profite mieux de son style immédiatement identifiable.
    Pris comme une bonne petite série B, ce «  »Ghosts of Mars » est finalement très sympa avec le recul des ans.
    En fait, son principal défaut, c’est son acteur principal. Le Ice Cube, là, il a quand même le charisme d’un Priapulide… Pour un mec qui s’appelle « Désolation », on le verrait plutôt avec une casquette de rappeur, assis dans son canapé entrain de manger du pop-corn… Qu’est-ce qui a bien pu passer par la tête des producteurs pour croire que ce type avait les épaules pour soutenir un actioner comme ça ??? Quand on voit qu’en face Jason Statham, alors débutant, crève l’écran, il y a de quoi halluciner…

    • Matt  

      Surtout qu’il est pas tout petit à côté des autres acteurs ? Y’a pas une scène où il se lève en disant un truc censé être badass et il est tout petit à côté des autres ?^^
      Je n’aime pas ce film moi. Faudrait peut être aussi que je le revoie mais bon…dans mon souvenir c’est mal joué, les persos sont cons et…c’est globalement pas intéressant.

    • Matt  

      C’est bien dans ce film que les méchantes bestioles prennent possession des corps des gens ? Et ils les combattent avec des armes à feu…qui ne font que pousser les bestioles à changer de corps. Et il y a aussi une équipe de gars qui se font enfermer comme des gros nazes je crois. Enfin tout le monde est con dans ce film dans mon souvenir^^
      Comme tu dis ça fait un peu beauf. Mais bon…peut être que c’est rigolo à revoir.

      • Tornado  

        Oui c’est ça. Et effectivement Ice Cube est un nabot minable qui se ridiculise encore plus à vouloir jouer les gros balèzes. Il n’a pas les moyens de ses ambitions ! Mais oui, c’est plutôt rigolo avec le recul si on le prend à la légère, comme une petite série B sans prétention plutôt que comme une gros film de SF.

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