Ce qui est abstrait est figuratif (L’incal)

L’Incal par Alejandro Jodorowsky & Moebius

Par : TORNADO

VF : LES HUMANOÏDES ASSOCIES

L’art abstrait.

L’art abstrait©Les humanoïdes associés

Non. Je ne peux pas commencer cet article comme les autres. Car je ne suis pas venu vous causer d’une BD comme les autres.
Je ne suis d’ailleurs pas venu vous causer d’une BD, mais d’un ensemble de séries formant un tout, ce même tout ne constituant au final que la partie émergée de l’iceberg.
Je suis venu vous parler de L’Incal. Et ça c’est quelque chose.
C’est tout d’abord quelque chose pour moi, car je découvrais L’Incal à l’adolescence à une époque où je ne lisais pas encore de créations pour adultes. Je suis donc tombé dedans quand j’étais petit et, tout comme pour Obélix avec sa marmite de potion magique, ses effets sont désormais permanents chez moi…
Ensuite c’est quelque chose pour le monde du divertissement, car L’Incal est une création qui offre ses lettres de noblesses à cette institution si souvent méprisée par l’élite intellectuelle.
Enfin, c’est quelque chose que d’en faire un article, car le truc est si énorme qu’il est impossible de le traiter dans son ensemble.

Des titres, comme des références à l’alchimie…©Les humanoïdes associés

On va quand même y aller, parce que j’ai même pas peur, et qu’il est hors de question que notre blog bien aimé n’accorde pas une place de choix à ce monument du 9° art qu’est L’Incal
Ceci étant dit, j’ai pensé que la participation d’un personnage de la série pourrait m’aider à rédiger cet article et me corriger sur les manques et autres erreurs qui m’auraient échappées ! J’ai donc demandé à Deepo, l’animal de compagnie du héros de l’histoire, de me seconder.

Deepo : « Bonjour chers lecteurs du blog de Bruce Lit, je m’appelle Deepo. Je suis la célèbre mouette à béton qui accompagne John Difool dans toutes ses aventures. Et je me fais une joie de commenter cet article dédié en partie à ma personne !

Merci Deepo. Comme tout le monde le sait, L’Incal, c’est d’abord une création du scénariste Alejandro Jodorowsky et du dessinateur Moebius publiée dans les pages du magazine Métal Hurlant à partir de l’an de grâce 1980. La série s’achèvera en 1988 au terme de six albums, et engendrera immédiatement une première suite dès l’année suivante : Avant L’Incal (en vérité une préquelle, dessinée par Zoran Janjetov, disciple de Moebius). Et une deuxième à partir de 2008 : Final Incal (dessinée par José Ladrönn après l’abandon de l’album Après L’Incal dessiné par Moebius en 2000).
La série s’appelait à l’origine Une Aventure de John Difool.
Elle donnera naissance à tout un univers étendu (l’Univers de L’Incal) où vont également fleurir les séries La Caste des Méta-Barons, Les Technopères, Mégalex, Castaka et Méta-Baron.

Deepo : « Rien à ajouter. Sinon qu’ils auraient pu appeler ça « Les Aventures de John Difool & Deepo », comme « Les Aventures de Tintin & Milou » ! Mais bon… Ils ont eu peur de montrer qu’ils avaient pompé l’idée de maître Hergé…

Un invité de marque chez Bruce Lit !

Un invité de marque chez Bruce Lit ! ©Les humanoïdes associés

Le Pitch : Dans un futur lointain où l’humanité a colonisé la galaxie, nous suivons les aventures de John Difool, un détective minable qui vit sur Terra 2014, une planète dont les villes sont creusées dans de gigantesques cités-puits sur-hiérarchisées, avec une caste aristocratique au sommet et des classes de plus en plus pauvres au fur et à mesure que l’on descend vers le noyau terrestre.
Au cours de ses aventures, John Difool reçoit L’Incal, une minuscule pyramide lumineuse qui s’avère être une entité surpuissante au service du bien. L’Incal se fond dans John Difool, qui profite alors de cette symbiose pour devenir un homme meilleur. Mais toute la galaxie recherche L’Incal. Et c’est ainsi que John Difool va se retrouver propulsé dans un périple aux enjeux galactiques et à la portée cosmique, devenant ainsi le sauveur de l’univers face à la terrible Ténèbre…
Si le premier tome débute comme un polar, reprenant les codes des histoires de détective privé à la manière de Dashiell Hammet (voix-off incluse), il bifurque rapidement vers la saga épique et la quête métaphysique aux multiples niveaux de lecture.

Deepo : « Hey ! Vous avez oublié de parler de mon rôle dans cette histoire ! C’est grâce à moi que JDF (c’est le surnom que je donne à John Difool) réussit à échapper à ceux qui veulent s’emparer de l’Incal au début. Car JDF cache l’Incal en me le faisant avaler, me bénissant ainsi du don de la parole !

C’est vrai Deepo. Mais à ma décharge je n’avais pas encore terminé… C’est donc l’histoire d’un loser qui se retrouve malgré lui impliqué dans une vaste conspiration galactique aux répercutions touchant à l’échelle de l’univers et à sa structure, au point d’en devenir l’élément déclencheur et, en définitive, sa seule et unique source d’espoir… Enfin je veux dire avec Deepo !!!

Deepo : « Merci beaucoup.

Ça commence à peu-près comme ça… ©Les humanoïdes associés

Lorsque le lecteur entame le premier tome de la série, il est d’abord frappé par l’imagination bigarrée et pittoresque des auteurs. La société cosmopolite de « Margarita », la principale cité-puits de Terra 2014, est un incroyable agglomérat science-fictionnel qui régurgite en l’amalgamant tout l’héritage des livres, des films et autres BDs ayant illustré le même sujet. Et si l’architecture démente de cette cité-puits renvoie immédiatement à Métropolis ou à Blade Runner , la technologie, l’apparence des habitants et la hiérarchie prononcée de cette galaxie malade convoquent sans détours la fantaisie des grands space-opéras de l’époque, à commencer par Star Wars  bien sûr, en passant par certains romans (Dune étant bien évidemment la référence qui s’impose en premier lieu puisqu’en 1975, Jodorowsky devait en réaliser une adaptation cinématographique, pour un projet avorté au terme d’un long développement) et les animes comme Capitaine Flam , Ulysse 31 ou encore Cobra Space Adventures .

Un détective privé minable…

Un détective privé minable… ©Les humanoïdes associés

Deepo : « Si mes souvenirs sont bons, c’est d’ailleurs la frustration ressentie par cette vieille canaille de Jodo de ne pouvoir réaliser Dune qui le mènera à L’Incal qui, quelque part, est une parodie des grands space-opéra.

Tout à fait Deepo. Sachant que Moebius était déjà sur le coup puisqu’il était responsable (avec H.G.Giger) de la création des visuels pour le film. Et l’on peut aussi rappeler que le groupe Pink Floyd, qui devait en composer la musique, recycla ce travail dans ce qui est peut-être devenu son chef d’œuvre : l’album Wish You Were Here !

Deepo : « Et oui ! La genèse de L’Incal (et de votre serviteur) est entré dans la légende !

Quelques recherches, pour un projet avorté…

Quelques recherches, pour un projet avorté… ©Les humanoïdes associés

L’Incal est ainsi le fruit de toutes ces influences. Mais l’imagination déployée par le scénariste (galvanisée par les dessins de Moebius) aura été un rempart permanent contre le plagiat, lui permettant d’imposer un univers science-fictionnel doté d’une identité propre, plein de personnalité et de charisme, enrobé d’une bonne dose d’humour, sans cesse en équilibre entre la farce et les enjeux philosophiques !
Chaque personnage est d’ailleurs potentiellement assez épais pour soutenir un spin-off, ce qui sera le cas du Méta-Baron, mais qui aurait pu fonctionner aussi avec Deepo (animal de compagnie plus intelligent que son maitre), les sœurs gardiennes de l’Incal Animah & Tanatah, Solune (fils caché de John Difool élevé par le Méta-Baron), Kill Tête-de-chien (mercenaire humanoïde fidèle et fort en gueule), le Prez (le président de Terra 2014, sorte de mondain jouisseur qui passe son temps à se cloner dans un corps tout neuf afin de demeurer indéfiniment son auto-successeur) et enfin Diavaloo, le présentateur TV méga-star.

Deepo : « Ce n’est pas moi qui vais vous contredire… Et puis, du haut de ses 88 ans, Jodo écrit encore des scénarios à tour de bras. Il peut donc imaginer une série basée sur mes aventures en solo…

Des héros charismatiques

Des héros charismatiques ©Les humanoïdes associés

La toile de fond de la série est d’une richesse inépuisable et l’on peut y trouver un niveau de lecture supplémentaire à chaque passage.
On commence par y voir une caricature de notre monde par le truchement de l’anticipation : A travers Terra 2014, le lecteur assiste à une version hypertrophiée de nos sociétés consuméristes où la course à l’individualisme accentue sans cesse davantage le fossé qui sépare les plus riches des plus pauvres.

Deepo : « Oui, c’est le plus grand scandale du monde de L’Incal ! JDF et moi sommes natifs de l’Anneau-rouge, l’un des quartiers les plus malfamés de Margarita : un bouge sordide où vivent les truands, les chômeurs et les homéoputes ! Et c’est ici que les aristos d’en haut aiment venir s’encanailler sur le dos des pauvres !

Effectivement, Deepo.
Cette caricature est le terrain d’un festival de trouvailles imaginatives avec tout un vocabulaire spécialement inventé pour l’occasion, dont la délicieuse connotation le rend immédiatement intelligible (comme les « homéoputes » ou les « aristos » dont parlait Deepo, par exemple…). Les gens vivent ainsi douillettement dans leurs « conapts ». Ils sont accrocs aux boissons industrielles et chimiques comme le « Cocalfol ». Ils passent leur vie devant leur poste de TV-3D, ce qui fait d’eux des « TV-addicts » (affectueusement nommés « TV-adds » par le présentateur Diavaloo). Les rues sont surveillées par les « rob-flics » (robots-policiers dévoués issus de résidus humains, connectés sur un super-cerveau-techno) et les bossus du Prez (milice présidentielle conçue à partir de citoyens scientifiquement trépanés). Et la passerelle qui est au bord du puits géant est baptisée « Suicide allée », puisque la moindre chute d’un citoyen déclenche immédiatement une épidémie de suicides, dont la destination est le grand Lac d’acide au fond, gigantesque déchetterie commune dans laquelle finissent les ordures !

Deepo : « Attention avec le Cocalfol ! C’est une boisson pernicieuse qui engendre une population lobotomisée, en manque permanent de ce liquide qu’ils boivent par litres pendant qu’ils restent scotchés devant leur écran de TV-3D à attendre le prochain clonage du Prez !
Préférez plutôt les produits « paléo-bio », reconstitués à partir de denrées fossiles datant du monde lorsqu’il était jeune !

Aux prises avec les rob-flics !

Aux prises avec les rob-flics ! ©Les humanoïdes associés

Le personnage de John Difool est à lui seul une incarnation de l’âme humaine dans ses aspects pleutres et prosaïques. C’était la grande époque des antihéros et notre JDF en est l’archétype absolu.
En suivant ses aventures, le lecteur ne peut faire autrement que s’identifier à un personnage aussi fripouille. Il s’agit pour Jodorowsky d’obliger ses lecteurs à regarder les faiblesses humaines en face, reconsidérant ainsi les limites de leur propre personne. Et c’est probablement la première clé de compréhension de la toile de fond de L’Incal : Une immense charge contre l’humanité, espèce intelligente mais imparfaite, capable du pire comme du meilleur s’étant depuis longtemps engagé dans une voie menant à la catastrophe.

Ainsi, Terra 2014 est une caricature anticipationnelle de notre société moderne. Une parabole corrosive peignant une humanité ayant évolué à un niveau paradoxalement extrême de déshumanisation technologique.

Deepo : « Dites plutôt un monde de fous peuplé de bio-merdes dégénérées et dirigé par ces fils d’homéoputes d’aristos qui se partagent le pouvoir avec l’immonde caste des Techo-technos, ces moines grippe-sous froidasses, capables de recycler à l’infini nos pauvres carcasses dans un circuit bio-mécanique sans fin, en les faisant évoluer sous la forme de rob-flics fouineurs interconnectés, ou de bossus fouilles-merde avides de meurtre et de viol à la solde du Prez !

Oui. Vous expliquez cela de manière très explicite Deepo, merci.
Il est vrai que le monde selon L’Incal est extrêmement hiérarchisé, avec un pouvoir partagé par plusieurs castes, au dessus desquelles gouverne l’empereur androgyne nommé Imperoratriz (deux siamois -mâle et femelle- unis dans un grand œuf hydraulique transparent).
Le Prez partage ainsi le pouvoir avec le Techno-pape, qui dirige la caste des Techno-technos (un groupuscule tout puissant de religieux scientifiques fanatisés, bâti sur une structure identique à celle d’un Clergé), mais également avec les Ekonomats qui gouvernent le monde des finances, et les Maganats qui règnent sur une corporation de marchands.
Toutes ces castes doivent néanmoins allégeance à L’Imperoratriz, un être incarnant une humanité plurielle, qui semble gouverner selon des principes démocratiques constamment contestés, et qui ne peut réguler les conflits que grâce à une puissante milice composée de combattants virtuellement imbattables : L’Endogarde Poupre.

Deepo : « Une belle bande d’arrivistes technocrates investis dans une course au pouvoir meurtrière, à faire pâlir les pires dictateurs du Paléo-monde. Ils rêvent tous secrètement d’assassiner l’Imperoratriz et de répandre sur les deux galaxies la puissance de la Ténèbre (le dévoreur de lumière), afin de faire sombrer l’univers dans la nuit et de remplacer toute existence biologique par une vie techno-mécanique !

 L’Imperoratriz : Gouverneur androgyne de l’humanité

L’Imperoratriz : Gouverneur androgyne de l’humanité ©Les humanoïdes associés

Encore une explication parfaitement claire mon cher Deepo. N’empêche que Jodorowsky suggère une vision particulièrement pénétrante de notre monde moderne où les dirigeants officiels (présidents et ministres) ne seront bientôt plus que des pantins sans véritable pouvoir, là où les chefs religieux, les créateurs de licence technologique, les rois du commerce et ceux de la finance imposeront réellement leur domination.
Soit un monde promis à un avenir monstrueux, fatalement déshumanisé, soumis à une modernité écrasante conçue pour que les riches écrasent les pauvres.

Deepo : « Parlons-en de la déshumanisation ! Dans le monde de L’Incal, l’amour n’existe plus et les gens se délectent de la mort des autres ! Les épidémies de suicide fréquemment observées à Suicide-Allée sont devenues un véritable divertissement pour les passants et, lorsque les aristos viennent s’encanailler dans les bas-fonds, ils s’amusent à tirer sur les suicidés en espérant les dégommer avant qu’ils n’atteignent le Lac d’acide… De toute façon, il n‘y a que la mort qui divertisse les gens et lorsqu’elle ne diffuse pas en boucle le clonage du Prez, la TV-3D ne fait que passer des images d’émeutes ou d’échauffourées macabres

Nouveau clonage pour le Prez !

Nouveau clonage pour le Prez !©Les humanoïdes associés

L’avenir selon L’Incal nous montre un monde où l’amour, la compassion et les croyances ont disparu. La spiritualité a laissé la place à un pragmatisme glacial qui fait de l’homme une quasi-machine en simple quête de plaisir ou de survie, selon le côté de la barrière sociale où il se trouve.
Que ce soit à travers sa police robotisée, son architecture métallique aux proportions inhumaines, son monde de divertissement basé sur la mort d’autrui ou la disparition de toute notion affective ou spirituelle, le monde de L’Incal s’impose comme une version dégénérée et morbide de notre société moderne déjà malade.
Soit une vision désespérée mais lucide de notre avenir, si tant est que l’espèce humaine continue de s’enfoncer dans son modèle d’urbanisation libérale, où la dimension humaine s’amenuise peu à peu au profit d’une machinerie technologique de plus en plus violente et aseptisée, ne laissant guère de place à l’enrichissement du cœur et de l’esprit…

Deepo : « C’est pour cette raison qu’est né l’Incal ! Depuis le cœur de Terra 2014, cette entité bienveillante est venue au monde pour ré-offrir à ses enfants des sentiments paléolithiques comme l’amour et le don de soi. Et pour ramener dans la galaxie un peu de paléo-spititualité…

Et bien voici la seconde couche de niveau de lecture développée par Alejandro Jodorowsky, qui va lui permettre de développer ses thèmes obsessionnels, comme par exemple la séparation du corps et de l’esprit, l’union amoureuse et bien évidemment l’inéluctabilité de la pensée religieuse

John Difool est ainsi l’élu de l’Incal car il est le seul être capable d’aimer. Peu importe alors qu’il soit imparfait (ce qui est un pléonasme !).
Afin de déconstruire la nature de son élu, l’Incal va commencer par séparer son être selon le principe des quatre éléments, eux-mêmes mis en parallèle avec les principaux attributs de l’âme humaine (air = esprit, eau = cœur, feu = courage, terre = pragmatisme).

Deepo : « Je me souviens de ce passage. L’Incal avait décapité JDF en quatre. Et puis… Ahahah ! Les quatre parties s’étaient transformées en quatre JDF qui se disputaient tout le temps ! Le JDF bleu de l’esprit faisait de l’esprit, le JDF vert du cœur était une midinette mélancolique, le JDF rouge du courage était à la place des parties génitales de JDF, et il voulait toujours se battre ! Quant au JDF brun du pragmatisme, il boudait dans son coin en répétant « J’ai faim, j’ai froid, j’ai sommeil » ! Ahahahahahahah !!!

L’essence de John Diffol !

L’essence de John Diffol !©Les humanoïdes associés

Héhéhé, oui. L’Incal va ensuite reconstituer JDF et se fondre en lui, ce qui aura pour conséquences, à court terme, d’améliorer sa physiologie afin d’être à la hauteur de ses aventures. Enfin, l’Incal quittera l’organisme de JDF pour fusionner avec le fils de ce dernier, Solune, remettant JDF face à sa médiocrité mais également à son destin exceptionnel.
Il s’agit en définitive d’une tentative de déconstruction/reconstruction de l’anti-héroïsme, soit une manière originale d’aborder la séparation entre le corps et l’esprit, un thème cher à son auteur que l’on retrouve dans quasiment toute son œuvre.

Et la religion dans tout ça ? Si l’on regarde de près l’œuvre de Jodorowsky, on trouve cette notion partout, notamment à travers des films comme El Topo ou des bandes-dessinées comme Juan Solo.
L’auteur serait-il un bigot ? La réponse est négative, bien qu’il soit évident que Jodo ait développé des liens tenaces avec le christianisme et, par extension, avec toutes les autres religions. En réalité, le bonhomme s’évertue à nous démontrer que, quelle que soit la voie dans laquelle l’humanité se dirige, il lui est impossible de se réaliser sans pensée religieuse. Les hommes auraient donc fondamentalement besoin de religion pour vivre ensemble, soit l’inéluctabilité de la pensée religieuse comme ciment de la vie en société, sous peine de perdre son humanité et sa propension à la spiritualité ! On se souviendra par ailleurs du régime nazi qui, émancipé de toute doctrine religieuse, ne faisait plus la distinction entre le bien et le mal…

Deepo : « Pardonnez-moi mais, étant né dans un monde dénué de pensée paléo-religieuse, je ne suis pas certain de comprendre un traitre mot de ce que vous dites. Pour ma part, je me suis contenté d’aimer L’Incal, de lui faire confiance et de le suivre au bout de l’infini…

Mais oui Deepo ! L’Incal est une forme de Saint-Esprit. Il est venu sur Terre envoyé par Ohr, le paléo-dieu oublié, pour fusionner avec John Difool, qui est alors devenu une sorte de messie. Notez bien que, dans une version du monde dégénérée, la Passion ne pouvait que s’effectuer à travers ce bon vieux JDF !
Ohr, L’Incal et JDF forment ainsi une nouvelle Sainte Trinité ! Mais pas au sens classique du terme : Ohr est le créateur de l’univers et l’Incal est son fils bien aimé, prompt à le remplacer. JDF est alors désigné par Ohr comme le « témoin éternel », celui qui doit se souvenir. Se souvenir de l’amour, afin de le relayer au monde une fois que ce dernier aura perdu cette notion. Raison pour laquelle la série s’ouvre et se referme sur le même point de départ, comme une boucle éternelle.

La Sainte trinité selon l’Incal… ©Les humanoïdes associés

Deepo : « Heu… Et Solune alors ? Pourquoi est-il l’androgyne parfait à même de recevoir l’Incal ? Pourquoi Animah et Tanatah en sont-elles les gardiennes ? Et que sont les bons Arats, ces vieillards barbus qui ne sont que bonté et qui semblent tout savoir des plans divins, au point de guider tous nos héros (et donc moi) ?

Cela vous échappe, Deepo, car vous n’êtes pas familier de la pensée religieuse. Mais on arrive rapidement à la conclusion que Tanatah, Animah et Solune sont en quelque sorte des prophètes, et les bons Arats, des anges. En revanche, le fait que JDF, messie malgré lui, consomme sa sexualité avec Animah et Barbarah (et avec Louz de Gara dans la préquelle) prête évidemment à confusion. Car c’est là que surgit le thème de l’union amoureuse, qui traverse également toute l’œuvre de Jodorowsky.

Pour l’auteur, l’union amoureuse est une union sacrée. Il y mêle une dimension spirituelle (voire mystique, comme chez Alan Moore dans la série Promethea  qui s’oppose à la bestialité de l’acte à proprement parler. Nous ne sommes plus des animaux, et l’acte sexuel doit donc revêtir une dimension consacrée.

Deepo : « Mais-mais-mais… JDF ne pense qu’à s’envoyer des homéoputes ! Et même s’il aime profondément Animah, il ne songe qu’à s’exiler avec elle sur une de ces Planètes-paradis pour prendre du bon temps en sirotant du ouiski  et en ingurgitant une maxi-dose de « SPV » !

C’est justement ce paradoxe purement humain entre le plaisir bestial et l’élévation de l’esprit qui intéresse l’auteur, car JDF est constamment mis en devoir de s’élever. Sauf qu’il n’y parvient pas une fois que l’Incal le laisse livré à lui-même. Ce faisant, Jodo insiste sur le fait que l’homme est faillible dans sa condition imparfaite !
Quand on y songe, c’est un brillant réquisitoire contre la faiblesse humaine. Une vision acerbe, forcément dérangeante…

Une homéopute et ce serait le paradis…

Une homéopute et ce serait le paradis… ©Les humanoïdes associés

Deepo : «  Alors je suis très fier d’avoir été l’un des personnages principaux d’un chef d’œuvre science-fictionnel à la portée universelle comparable aux grandes mythologies de la création humaine !

Oui et non, Deepo, car la saga de L’Incal souffre (et c’est bien naturel) de la polémique ! Elle ne fait pas l’unanimité et nombreux sont les lecteurs qui ont été déçus par la prestation de Jodorowsky.
On lui reproche notamment sa précipitation, son enchaînement de thèmes sans explication claire et sa fluctuante sur le terrain du script.
Pour ma part, je dirais qu’il est normal que Jodo n’explique pas toute sa mythologie, car aucun artiste ne l’a jamais fait. Après tout, qui pourrait prétendre à expliquer les lois de l’univers et la conception du monde en donnant des réponses sur le secret de la création ?
Depuis toujours, les artistes ne font rien d’autre que de soulever des questions, tant il est évident que personne ne peut apporter de réponses à la vérité universelle !

Deepo : « Maintenant que j’y pense, il y a effectivement des passages embarrassants dans cette histoire, comme cette scène où les gentils vont guérir le soleil, sans être brûlés à son contact ! En toute logique, j’aurais dû m’y brûler les ailes, non ?

C’est vrai. On est d’accord que c’est tout à fait le genre de raccourci scénaristique qui fait défaut à la saga. Mais le second degré constant apporte un équilibre à l’ensemble qui demeure un véritable pamphlet sur la condition humaine. Et cela reste une interprétation : On adhère… ou pas ! On y trouve son compte, ou non…

La Ténèbre. On se croirait chez H.P. Lovecraft !

La Ténèbre. On se croirait chez H.P. Lovecraft ! ©Les humanoïdes associés

Et nous arrivons au troisième niveau de lecture, relatif à l’Alchimie et à l’ésotérisme, domaines de prédilection de l’auteur, auxquels il s’est adonné tout au long de sa très longue vie.
Regardons le titre de chaque album : Basés sur le principe du double, les six tomes sont autant de références à l’Alchimie : Le blanc et le noir, le haut et le bas, ainsi que la cinquième essence (coupée en deux), qui vient compléter les quatre éléments dont nous parlions plus haut.

Deepo : C’est donc pour ça que JDF était divisé en quatre versions de lui-même ! Et moi qui suis une mouette à béton, de quelle essence suis-je donc fait ?

Dans L’Incal, il y a sept personnages principaux dont l’un est l’androgyne parfait (Solune), tous les autres pouvant former une paire (JDF + Deepo, Animah + Tanatah, Le Meta-baron + Kill-Tête-de-chien). C’est ce que Jodorowsky appelle une « structure en forme d’étoile à six branches », avec en son centre un cœur.
Il y a donc six tomes pour développer le récit, chacun illustrant un pan de l’histoire qui elle-même forme une boucle avec en son centre un développement. Soit une manière de démontrer que L’Incal n’est qu’une histoire qui ne prétend pas dévoiler la vérité universelle mais seulement soulever des questions, et qui donc revient sans cesse sur elle-même !
A la question « Qu’est-ce que l’Incal ? », Jodo répond d’ailleurs « C’est le maître intérieur », attestant de sa dimension métaphysique.

Il voit des étoiles partout…

Il voit des étoiles partout…©Les humanoïdes associés

Enfin, histoire d’offrir une structure ésotérique à la saga, l’auteur a pris soin de créer des liens étroits avec le jeu de Tarot. JDF est par exemple le « fool » autour duquel gravitent autant de figures empruntées au jeu, comme Solune (le soleil et la lune), l’Emperoratriz (à la fois le roi et la reine). Et si Solune est le fils de JDF, c’est pour émettre l’idée que chaque être humain, même médiocre, peut porter l’obscurité, mais aussi la lumière en lui.

Pour le reste, la Ceinture de l’Anneau Rouge dans l’album correspond à la ceinture rouge du Diable, la Planète Difool et ses 78 billions d’habitants renvoie aux 78 cartes du Tarot, etc. Tout se place en réseau et en écho, de même que la chute de JDF au début de l’album, devance son ascension, avant la chute finale et le retour à la boucle universelle.
Deepo ? Vous ne dites plus rien ?

Deepo : Hein ? Heu… Hem, pardon, je m’étais assoupi. Vous disiez ?

Très bien. Je vais tâcher de conclure à présent…
La véritable originalité de L’Incal est donc de ne pas être un récit linéaire, mais au contraire une sorte de rêve évolutif offrant une structure nouvelle en forme d’étoile, où tout va et revient en son centre.
Il appartient donc à chacun d’effectuer son propre parcours au fil de la série…

Etoile de Guerre, l’Etoile Noire selon Moebius !©Les humanoïdes associés

Deepo : Et Moebius ? Vous n’avez pas parlé de Moebius ! Et les autres cycles de L’Incal ? l’Avant et le Final ? L’Avant est très important, puisque c’est là que l’on découvre mes origines !

Soit. Mais qui oserait critiquer l’art de Moebius ! Soit-dit en passant, l’artiste s’était imposé une rigueur et un rythme de fou en épousant la quête de JDF. Il raconte lui-même qu’il s’obligeait à terminer une planche par jour, soit un album entier en un mois et demi seulement !
Cette exigence lui aura permis de développer un style épuré (sans pour autant manquer de détails) doublé d’une énergie et d’un dynamisme incomparable. A cette époque, il avait déjà travaillé plusieurs fois pour le cinéma hollywoodien et avait passé toutes les années 70 à innover dans le genre de la SF. Il était ainsi passé maître dans la conception des décors, des costumes et des créations technologiques et architecturales.
L’Incal constitue une étape de sa carrière où il s’efforce de lier la rapidité de son travail à la puissance de son imagination. Et quant à ce dernier élément, Moebius raconte qu’avec Jodorowsky, ils s’adonnaient à des exercices de transe et de communication télépathique pour être en osmose avec son scénariste et lier le fond à la forme ! Des exercices à travers lesquels il serait parvenu à puiser en lui-même l’imagination nécessaire à cette entreprise.

Deepo : Un peu comme lorsque JDF s’offre une soirée avec une homéopute et qu’il s’envoie un litre de ouiski et une bonne dose de SPV, en somme…

Hum… Heu, oui.

L’art de créer des concepts SF.

L’art de créer des concepts SF.©Les humanoïdes associés

Quant aux autres cycles, cela mériterait encore un article. Alors, pour faire court, disons que la série Avant L’Incal (à lire néanmoins après L’Incal) est une grande réussite. Jodorowsky parvient à y étoffer sa mythologie tout en prolongeant les thèmes abordés dans la série principale. Les six tomes offrent un passé et des origines à JDF et à Deepo, développant leur dimension héroïque tout en retournant au point de départ par le biais d’une astucieuse pirouette scénaristique, afin que la continuité soit la plus cohérente possible avec L’Incal. Et le dessin de Janjetov est tout à fait remarquable.

C’est nettement moins réussi avec le tardif Final Incal, principalement à cause de l’éditeur qui aura imposé trois tomes seulement à Jodo, qui bien entendu en avait prévu six et fut donc obligé de revoir sa copie. Le résultat est décevant. Il s’agit d’ailleurs davantage de la suite d’Avant L’Incal que de L’Incal, et la mythologie ne s’en trouve pas grandie, comme si c’était le cycle de trop. Les dessins de Ladrönn sont en revanche époustouflants !
Voilà. Deepo ? Un dernier mot pour nos lecteurs ?

Deepo : Merci de m’avoir lu, moi qui ai participé de près à l’une des plus grandes, des plus profondes et des plus ambitieuses sagas de l’histoire de la SF et de la bande-dessinée. C’est un plaisir qui tempère un peu la goujaterie de l’auteur de cet article, qui osa, en son temps, demander au maître Moebius de lui dessiner un portrait de JDF et non un portrait de moi-même. Vade retro, Tornado !

 Evidemment que je suis fier de cette dédicace !!!

Evidemment que je suis fier de cette dédicace !!!

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Tout, tout,absolument tout ce qu’il faut savoir sur l’Incal, vous saurez tout ! Deepo, l’oiseau-béton de john Difool, invité de marque chez Bruce Lit, nous explique la totale et Tornado colmate avec les quelques détails manquants… La grande oeuvre de Jodorowky & Moebius, décryptée rien que pour vous, petits chanceux !!!

La BO du jour : La musique surréaliste du Floyd, les images angoissantes de Scarfe, un projet avorté avec Jodo. Welcome to the machine !

65 comments

  • midnighter  

    j’ ai pas aimé du tout, j’ entendais tellement depuis de années que c’ était un chef d’ œuvre de la bd que j’avais fini par m’ y mettre; grosse déception

  • JP Nguyen  

    Ah ah, on sent que le sujet te tenait à coeur, puisque tu t’es autorisé un article à deux voix. Ta présentation de la série est claire et tu équilibres ta critique avec quelques bémols.
    Mais. .. je n’ai toujours pas envie de lire cette BD. Je crois qu’ au delà de ses qualités propres, l’âge où le moment où on découvre une oeuvre importe aussi. Et là, je ne suis pas sûr de rechercher le genre de message délivré par cette BD. Et puis, détail mineur, le lettrage me paraît. .. chiant à lire. Ça n’enlève rien à la qualité de ton article didactique mais aussi personnalisé.
    Un dernier pinaillage : tu utilises à un moment le mot « pléonasme » alors qu’il me semble que « euphémisme » correspondait davantage.

    • Présence  

      De manière irrationnelle, je trouve également le lettrage un peu dérangeant dans sa forme irrégulière et son aspect amateur.

  • Matt  

    « N’empêche que Jodorowsky suggère une vision particulièrement pénétrante de notre monde moderne où les dirigeants officiels (présidents et ministres) ne seront bientôt plus que des pantins sans véritable pouvoir, là où les chefs religieux, les créateurs de licence technologique, les rois du commerce et ceux de la finance imposeront réellement leur domination. »

    C’est déjà le cas ça, non ?^^ Les lobbys gouvernent déjà et les gouvernements leur foutent la paix, suppriment les impôts sur les grandes fortunes et taxent les plus pauvres…

    En tous cas ça semble être quelque chose cette saga. Le mode dialogue avec la mouette béton (WTF ?) rend l’article plus léger à lire malgré sa longueur. Après je ne suis pas certain d’avoir envie de dévaliser une banque et acheter une étagère exprès pour pouvoir lire tout ça. Parce qu’il y a combien de tomes, de séries dérivées, etc ? ça fait un peu flipper. J’évite les séries interminables à présent, ou les univers partagés. Il y a trop de choses à lire. Je ne pense pas que je me lancerai là dedans.

  • Matt  

    Euh…sinon tu parles d’abandon de l’album « après l’Incal » mais il semble y avoir 3 tomes aussi dans cette série.

  • Tornado  

    @Matt : La série principale de l’Incal est parfaitement auto-contenue. Il y a 6 tomes, réunis dans une intégrale en bonne et due forme pour les amateurs d’intégrales (le vil tentateur…).

    Lorsque Moebius a terminé le 1° tome de « Après l’Incal » et que Jodo lui a dit que finalement il voulait entièrement reprendre l’histoire dès le début en effaçant cet album afin de recommencer à zéro parce qu’il trouvait qu’il avait foiré l’orientation du récit, Moebius, extrêmement contrarié par la nouvelle, l’a envoyé bouler. Du coup Jodo a repris la série avec un autre dessinateur, Ladronn.
    Mais ensuite, ne tenant pas à ternir une aussi vieille amitié et complicité avec Moebius, il s’est arrangé afin que le 1° tome de « Après l’Incal » soit assemblé avec les tomes 2 et 3 de « Final Incal », en changeant quelques passages pour que ça fonctionne. Par amitié pour son vieux complice et pour les fans déçus de Moebius…

    • Matt  

      Et c’est bien ou pas ? Pour le coup tu sautes du « avant » au « final » dans l’article.
      Toi le fan de SF old school, de capitaine Flam et Cobra, quelles sont tes séries de SF préférées parmi la production franco belge ? A part l’Incal évidemment, ça paraît évident^^

      On verra un jour peut être pour l’intégrale alors. Elle coûte quand même un rein.

  • Tornado  

    Je voulais au départ écrire un article sur l’ensemble de la saga de l’Incal. Mais je me suis rendu compte que l’article aurait été au moins deux fois plus long !

    Peut-être proposerai-je à Bruce un autre article un jour sur les « Avant » et « Final » ? Je ne sais pas.
    Du coup j’en ai écrit quelques mots en conclusion, essayant de résumer l’essentiel vite-fait.
    Je n’ai pas lu l’album de Moebius « Après l’Incal » puisqu’il s’agit d’un projet abandonné. Mais il est vrai que la perspective de le lire avec les tomes 2 et 3 ainsi modifiés est tentante.

    Tu fais bien de parler de Capitaine Flam et de Cobra car, ayant connu ces dessins animés avant de lire L’Incal, j’ai toujours trouvé qu’il y avait beaucoup de ressemblance (surtout avec Capitaine Flam).
    Je ne comprends pas le déni des amateurs de BD pour cette série. Certes, on ne peut pas tout aimer. Mais là c’est quand même du très haut de gamme, avec de l’aventure, de la SF, de l’humour, des jolies filles et tout ! 🙂

    Au rayon SF franco-belge (et italien), ma bibliothèque est essentiellement composée de l’oeuvre monumentale de Jodorowsky (avec les Méta-Barons et aussi d’autres séries en dehors de l’univers de L’Incal). mais j’ai également : La trilogie Nokopol de Bilal, les deux premières intégrales de la série « Les Gardiens du Maser » (jamais lu), tous les Valérian, Les Yslaire (XX° Ciel.com), Les Druuna, Ranxerox, Le Cycle de Cyann, l’intégrale Aldébaran. En fait, j’en ai moult. Je continuerai la liste quand je serais rentré chez moi ! 🙂

    • Matt  

      Il y a du déni de la part des fans de BD pour cette série ? Je ne savais pas.

      J’ai aussi la trilogie Nikopol. J’ai lu la tétralogie du monstre aussi, c’est assez perché.
      C’est bien le cycle de Cyann ? Tout le monde vénère le dessin mais pour ma part je trouve que les persos ont de drôles de gueules (trop de détails au niveau des dents peut être, qui font des sourires flippants)
      Je demandais surtout ce que tu aimais^^ Si tu me listes ce qui traine sur tes étagères et que tu n’as pas lu, on est encore là demain…hé hé

    • Matt  

      Et je parle de Flam parce que tu en parles toi-même dans l’article^^ Et que je me suis refait quelques épisodes tout récemment.

    • Matt  

      Ah oui j’ai un peu de Yoko Tsuno aussi. Plus orienté jeunesse certes. Mais malgré tout complexe. ça alternait des histoires contemporaines et des voyages stellaires. Et en général les scénarii de SF étaient bons. Le dessin de Leloup restait un peu figé hélas pour les personnages, mais les décors et architectures futuristes restaient impressionnants.
      Les trucs comme Lone SLoane de Druillet m’ont souvent tenté aussi.

    • Matt  

      Et d’ailleurs moi je trouve que c’est souvent les « vieilleries » de type Yoko Tsuno qui sont boudées pas les lecteurs. Sans doute que c’est pas assez complexe et métaphysique, trop estampillé jeunesse ou « pour filles »(surtout avec des filles mais bon…) mais on retrouve complètement des aventures de type celles du capitaine Flam.
      Même si là encore c’est une série qui aurait du s’arrêter. Les 14 premiers tomes sont les meilleurs. Après…euh…ça fluctue on va dire.

      • Eddy Vanleffe  

        SF en franco-belge?

        Yoko Tsuno malgré sont image de « vintage dupuis » est une valeur sûre à mes yeux.
        bien dessinée, ouvragée et avec des histoires très originales et variées. j’ai découvert ça dans les intégrales thématiques qui sont une bonne façon de découvrir le truc.

        Valerian et Laureline a vraiment des tomes sympa.

        Druillet est visuellement traumatisant mais 18€ le tome, j’ai abandonné.

        en fait c’est vrai que c’est un genre soit trop « hermétique » soit trop « soleil » parce que Sillage,Aquablue ou Orbital, c’est d’un convenu.
        en même temps il faut des trucs commerciaux et fédérateurs qui ont le mérite de donner de la visibilité au genre.
        j’ai un très bon souvenir d’Aldébaran de Léo pour son coté faune à la Miyazaki…

        • Matt  

          Oui il faut de tout. Les premiers tomes de Sillage sont quand même très plaisants, même si peu novateurs.
          Les intégrales thématiques de Yoko Tsuno, je ne sais pas trop quel sentiment j’ai à leur égard. C’est curieux de ne pas publier dans l’ordre chronologique mais en fonction des histoires SF ou terriennes. Bon…d’un côté j’ai pas encore vu de problèmes de chronologie qui perturberaient le néophyte.
          Pour moi la saga vinéenne est très bien. Avec les 3 soleils, les titans, la lumière d’Ixo et les archanges.
          Les titans c’était d’ailleurs la toute première histoire que j’ai lue dans les magazines Spirou.

          • Eddy Vanleffe  

            J’ai sauté sur la trilogie allemande vraie déclaration d’amour pour la région rhénane… un éclairage vraiment enivrant et pas souvent exploité.

          • Matt  

            Les décors sont en effet chouettes dans ces aventures allemandes, même si pour ma part j’ai un faible pour « la proie et l’ombre » et son vieux château.

  • Bruce lit  

    Un impressionnant travail de synthèse ludique et pédagogique d’un truc que je suis maintenant sûr de ne jamais lire mais auquel j’ai presque tout compris !
    Il y a ici tout ce que je fuis dans la scifi : des formes géométriques, des villes imaginaires, des castes avec des noms bizarres, de l’ésotérisme et de la mystique, l’influence de drogues psychédéliques, des vaisseaux, de l’espace, des insectes géants, des pyramides et des robots : y’a pas à chier, c’est l’anthologie de tout ce qui me prend la tête !
    Néanmoins j’ai dévoré cet article pour combler mes manques béants dans ce pavé de la BD. Les thématiques entremelant ce qui fait un homme, ses parts de lumières et d’ombres pourraient m’intéresser. Même la séparation de Diffol en quatre éléments, je pourrais (conditionnel très poussé) accrocher si je suis dans l’histoire. Mais la forme ici m’empêchera d’adhérer au fond même si j’entends que c’est plein d’action avec un versant polar.
    A propos de polar : se pourrait’il que la chute d’Eddie Blake au début de Watchmen soit un clin d’oeil à celle de John Difool ? Moore est cultivé, tu t’y réfères pour Promothéa : je ne verrais pas d’anachronismes à ce que ces deux albums commencent par un homme tombant dans le vide, sans rédemption pour Blake, pas d’Incal pour l’habiter.
    Par contre, je n’ai pas compris, cette histoire de suicides contagieux. Tu peux rééxpliquer ?
    Comme pour Mignola, je trouve le dessin de Moebius absolument magnifique sans que cela me touche. Il n’y a que celui de Difool dans son bain et le scan des personnages charismatiques qui auraient pu me donner envie de feuilleter ça. Mais, rien que cette pyramide flottante, non, c’est juste pas possible. Et d’ailleurs même si la BO est super bien choisie, je ne suis pas sûr que le Floyd était le mieux placé pour écrire sur ces trucs délirants….Il n’y’a pas plus opposées comme visions du monde que celles de Roger Waters et Jodo.

    Le lettrage rappelle les premiers albums de Thorgal.

    L’influence de la série sur Ulysse 31 crève les yeux avec les scan de la sainte Trinité, voir ici .

    C’est un article important qui devait exister. Merci Tornado.

    • Matt  

      Mais d’où te vient cette réticence pour les univers futuristes conceptuels et les grosses bestioles ? Surtout quand tu apprécies capitaine Flam ou autre œuvres de SF en film/dessin animé.

      • Bruce lit  

        Au cinéma ça fonctionne. En BD, pas du tout. Je ne saurai t’expliquer. Je me désintéresse totalement de ça dès que c’est dessiné.

        • Bruce lit  

          La représentation de la scifi m’horripile en BD même chez les meilleurs. J’y étouffe la plupart du temps, les décors sont froids, ça rengorge de technologie, de noms bizarres, de mise en page psyché. Je n’aime pas les monstres aussi. Encore une fois au cinéma, ça passe mieux même si je préfère le fantastique à la scifi. Ce n’est pas un genre qui m’attire plus que ça.

          • Eddy Vanleffe  

            Jeremiah, c’est de la SF viscérale non technologique…

  • PierreN  

    À l’adolescence, je n’avais pas lu des tonnes de Blueberry, j’ai donc du véritablement découvrir le style de Moebius/Giraud avec cette série, dont le volet SF ample et ambitieux, la nudité fréquente des personnages féminins (surtout Animah, ainsi que la reine alien qui a pris son apparence pour s’attirer les faveurs de JDF), le caractère faillible de Difool ainsi que les planches impressionnantes de Moebius constituaient une grande part de son attrait.
    En le relisant, il n’est pas sûr que je puisse accrocher autant à tout ce volet mystique/psychédélique imprégné par un certain pan de la contre-culture des 70’s et typique de Jodorowski (quoique un rapprochement peut être fait aussi avec les expérimentations de Moebius, et l’ère Métal Hurlant).

  • Eddy Vanleffe  

    si il y’ a un truc complètement barré: Le vagabond des limbes!, c’est vraiment bizarre mais j’ai bien rigolé.

  • Marc Gagnon "The Paper Man"  

    Si rare sont les articles de cette qualité sur cette série phare de la SF. Bravo.

    Vous avez très réussi à bien décrire et présenter l’immense travail des deux auteurs.

    L’Incal est la quintessence de la SF. Son importance est majeure.

    Merci pour cet article.

  • Présence  

    J’ai lu les 6 tomes de l’Incal il y a de cela de nombreuses, essentiellement parce que c’était une référence incontournable pour un copain, sans idée préconçue de ce qu’il y avait à l’intérieur. J’avais beaucoup aimé les 4 ,premiers tomes, sans en percevoir les différents niveaux de lectures que tu explicite. par contre, je me souviens encore que la lecture des 2 tomes de La cinquième essence m’avait été vraiment pénible. J’avais l’impression de ne rien retrouver de tout ce qui m’avait plu dans les tomes précédents.

    En y repensant, les œuvres de Philippe Druillet me parlaient beaucoup plus que celle-ci, mais je ne saurais pas dire pourquoi. Des années plus tard, j’ai eu la curiosité de lire la Caste de méta-barons, et là ça a tout de suite été l’enthousiasme. Est-ce parce que Jodorowsky y était plus explicite ou plus drôle ? Ou peut-être parce que je n’ai pas de goût particulier pour les dessins de Moebius en mode SF ? Du coup, j’ai fait découvrir cet auteur à mon fils qui a tout dévoré de Jodorowsky.

    L’utilisation d’un dialogue pour l’article est vraiment bien trouvée, et ça m’a fait plaisir de me replonger ainsi dans mes souvenirs de cette lecture et de me rendre compte de tout ce à côté de quoi je suis passé.

  • Tornado  

    @Marc Gagnon : Merci beaucoup 🙂

    @Présence : Je ne doute pas une seconde que tu pourrais trouver bien du plaisir à relire cette série aujourd’hui, avec le temps qui a coulé sous les ponts, et « Avant L’Incal » dans la foulée pourrait aussi grandement te plaire.
    C’est étrange de lire que certains ont trouvé cette lecture pénible, parce que personnellement j’ai toujours trouvé ça d’une fluidité absolue ! Bien davantage que les trips et les pensums obscurs à la Druillet ou Caza. Et puis c’est beaucoup plus fun, drôle et rock’n roll ! 🙂

  • Tornado  

    Pour les amateurs de Mebius, il y a en ce moment même une expo rétrospective dans ma ville (Toulon), au musée de L’Hôtel des Arts. C’est la plus grande expo jamais dédiée à Moebius (et manifestement la plus spectaculaire après celle de Moebius/Miyasaki qui a eu lieu à Paris récemment). Ce soir j’ai un copain qui vient de Normandie en partie pour la voir ! Du coup j’y retourne demain. 🙂

  • Matt  

    Oups…
    J’allais dire :
    Et au fait Présence, la caste des méta barons ça se comprend sans l’Incal ? Vu que Tornado semble mentionner que tout ça fait partie d’un univers étendu (j’ai horreur de ça à force…)

    • Présence  

      De mémoire, parce que ça commence à faire quelques années que je les ai lus, je dirais comme Marc Gagnon. C’est vraiment l’histoire de la lignée des méta-barons, sans besoin de connaissance préalable.

      • Bruce lit  

        Tu nous racontes ton autographe Tornado ?

  • Marc Gagnon "The Paper Man"  

    Oui la Caste des Méta-Barons peut se lire sans avoir lu l’Incal.

  • Patrick 6  

    L’incal manquait en effet cruellement à ce blog, merci donc à toi d’avoir comblé ce manque !
    A vrai dire je me suis toujours demandé quelle devait être la quantité de drogue que les auteurs avaient dû ingérer pour réaliser cette œuvre !
    Surtout pour ce qui concerne la conclusion on sent bien le psychédélisme le plus délirant… (mais j’adore hein !) Impression amplifiée par la première édition, avec ses couleurs flash et sans nuance (exactement comme les comics Old school). La vache impossible de lire cette édition sans avoir mal aux yeux !Heureusement la réédition dans les années 2000 avec ses couleurs réalisées par ordinateur rendait le tout moins criard et la lecture plus digeste…
    Du reste on voit bien le résultat sur le scan « La Sainte trinité selon l’Incal » où initialement la barbe divine était uniformément jaune au lieu des nuances chaleureuses que l’on voit ici.
    Quoi qu’il en soit je me suis toujours demandé pourquoi ce grand classique de la SF n’avait jamais été adapté à l’écran…
    Quant aux séquelles et préquelles je ne les ai hélas pas lu… Sur tes conseils je me hasarderai à la lecture de « Avant l’incal ».

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