Echec Scolaire (Scarface)

Scarface, par Brian DePalma

Article de  TORNADO

1ère publication le 17/10/19 – MAJ le 25/07/20

L’idole des jeunes… © Universal Pictures.

L’idole des jeunes…
© Universal Pictures.

L’occasion de la sortie en octobre 2019 de l’édition ultime en blu-ray 4K (synonyme d’une remastérisation en haute-définition soignée à l’extrême) du chef d’œuvre de Brian DePalma était trop belle pour ne pas en écrire un article.
Nous faisons néanmoins ici une exception puisque le film n’entretient pas beaucoup de rapports avec l’univers des comics et de la bande-dessinée, même si, comme on le verra à la fin, il existe quand même tout un pan du 9ème art dédié au genre du polar et des histoires de gangsters et de mafia qui doit peut-être quelque chose à SCARFACE.

Bien entendu, comme la plupart des habitants de cette planète a déjà vu le film, l’article sera truffé de plusieurs kilos de spoilers à sniffer d’un trait !

L’exode de Mariel. Première vague d’immigrés cubains dans les années 80 Source : Wikimedia Commons (image libre de droit)

L’exode de Mariel. Première vague d’immigrés cubains dans les années 80
Source : Wikimedia Commons (image libre de droit)

SCARFACE est un film de gangsters réalisé en 1983 par Brian De Palma. C’est l’histoire fictive d’un émigré cubain, inspirée d’un phénomène réel : En 1980, lors de l’Exode de Mariel, les États-Unis de Jimmy Carter offrent l’asile politique aux immigrés qui s’opposent au communisme, que Fidel Castro expulse de Cuba. Mais le chef d’État cubain en profite pour se débarrasser des prisonniers de droit commun, dont on estime qu’ils étaient 25 000 parmi les expulsés (résumé sur Wikipédia)…
Dans le film, Tony Montana, petit truand parti de rien, va devenir peu à peu, grâce à sa ténacité, son ambition et sa hargne, l’un des plus grands trafiquants de drogue de son temps…

Il existe un paradoxe proprement inadmissible à propos de ce film : Il est, depuis des années, devenu l’œuvre culte des tous les gamins paumés, qui voient en Tony Montana le héros générationnel d’une promesse de réussite, liée au refus des règles de l’establishment. Mon activité professionnelle m’ayant longuement permis de côtoyer cette jeunesse (dont celle dite des cités, qui s’échange les DVD de SCARFACE entre deux cartables !), j’ai ainsi constaté avec détresse le culte généré par le film de Brian De Palma, dont la toile de fond véritable a été détournée avec le temps, les jeunes en questions n’en absorbant rien d’autre que la surface.
Il convient ainsi de préciser que ceux-ci n’ont absolument rien compris au sujet du film, qui avait été pensé avant tout comme une métaphore politique, un récit anti-drogue condamnant sans ambiguïté le monde des gangsters.
Il est d’ailleurs fortement recommandé de visionner le making-of du film, où l’on peut entendre le scénariste Oliver Stone parler de la genèse de l’œuvre. Le bonhomme venait alors de sortir d’une pénible période de dépendance à la cocaïne (magnifique témoignage à cœur ouvert), et utilisait l’écriture du scénario afin d’effectuer un véritable exutoire.
Hélas, il a suffit qu’une poignée de rappeurs idiots et irresponsables ait décidé que SCARFACE serait son film culte, pour que toute une génération sacrifiée s’engouffre dans une contemplation malsaine et détourne complètement le sujet de départ…

 L’original, alors l’histoire d’Al Capone… © United Artists

L’original, alors l’histoire d’Al Capone…
© United Artists

Au delà de ce premier postulat, il est évident que ce public ne sait même pas que, au départ, le film de Brian De Palma est un remake !
Il s’agit en effet du remake d’un film de 1932 réalisé par le grand Howard Hawks (une production Howard Hughes), avec l’acteur Paul Muni dans le rôle titre, secondé par le mythique George Raft (qui faisait sauter sa pièce de monnaie !) et le non moins mythique Boris Karloff ! Ce premier film était une interprétation de la vie d’Al Capone qui, comme le titre l’indiquait, était marqué d’une cicatrice sur le visage (Scarface signifiant littéralement gueule balafrée) !

On y exposait alors l’ascension vertigineuse d’un truand immigré (italien dans cette première version), et sa chute toute aussi précipitée et dramatique. C’est le producteur Martin Bregman qui, à la fin des années 70, ayant visionné le film de 1932 par une nuit d’insomnie, eut l’idée de développer un remake avec Al Pacino, ce dernier ayant interprété la figure ultime (jusqu’alors) du gangster dans LE PARRAIN.
Et c’est Oliver Stone qui décida de modifier le background de cette histoire, en réactualisant le contexte et en le replaçant, non pas à Chicago à l’époque de la prohibition, mais à Miami dans la période de l’Exode de Mariel, où commença l’apogée du règne de la cocaïne aux Etats-Unis…


Petit cours de rattrapage…
© United Artists

Entant que remake, la version réalisée par Brian De Palma et écrite par Oliver Stone conserve l’essentiel de la structure du film originel (certaines scènes étant reprises et réinterprétées), tout en transformant profondément la mise en forme du récit. Le réalisateur de PHANTOM OF THE PARADISE s’y révèle complètement, mettant au point son sens du suspense (hérité d’Hitchcock, mais ceci est une autre histoire) et ses superbes panoramiques et autres travellings effectués à la grue ! Il y développe une extraordinaire série de partis-pris plastiques, dont tout un jeu sur les couleurs. Les pastels bleus et orange laissent ainsi, au fur et à mesure de l’intrigue, la place à une dominante de trois couleurs : le blanc, le noir et le rouge (voir l’affiche originale du film). Ce parti-pris devient ainsi passionnant à décrypter par sa symbolique, puisque toute l’ascension de Tony Montana le montre habillé de blanc (avec des rappels de rouge pour signifier son penchant pour la violence), tandis que sa chute le voit habillé de noir, dans une mise en scène de plus en plus dépouillée de toute autre couleur que les trois en question (sa maison est blanche mais son bureau, dans lequel il est acculé à la fin, est quasiment immaculé de noir sur lequel se détachent des montagnes de cocaïne).

Le décorum est également au diapason de cet édifiant parcours, les rues populaires de Miami (alors que le film a pourtant été tourné à Los Angeles) laissant peu à peu la place à une suite de maisons bourgeoises comme une acropole de carton-pâte, où les colonnes blanchâtres de style néo-classique résonnent comme une toile de fond mythologique dans laquelle se déroulerait une tragédie grecque ! Le final voit ainsi le personnage principal, dans une hallucinante catharsis, réaliser son baroud d’honneur en mitraillant ses ennemis dans un décor de péplum !

 Des décors de tragédie grecque… © Universal Pictures Source : allociné

Des décors de tragédie grecque…
© Universal Pictures
Source : allociné

A l’arrivée, il est évident que SCARFACE est un grand film. De par sa toile de fond et sa mise en scène exceptionnelle, son interprétation éblouissante (Al Pacino, prodigieux de nuances et de charisme, côtoie la jeune Michèle Pfeiffer – pour son premier rôle – , la splendide Mary Elizabeth Mastrantonio, ainsi que les excellents Robert Loggia et F. Murray Abraham), la participation de tout un tas d’artisans aujourd’hui célébrés (le directeur de la photographie John A. Alonzo et le compositeur Giorgio Moroder, qui signait une bande-son particulièrement froide et malsaine !), sa modernité totale (le film vous plaque encore sur votre fauteuil), il est inutile, alors qu’il fut fustigé à sa sortie pour cause de violence ostentatoire et de vulgarité effrénée (les dialogues comportent des grossièretés à chaque tournure), d’en contester l’aura et la puissance séminale.

Mais il reste ce paradoxe inadmissible relevé plus haut…

Dans le making-off décidément indispensable, on peut entendre les témoignages de Brian De Palma, D’Oliver Stone et d’Al Pacino, tous trois incroyables d’intelligence et d’interprétation pénétrante quant au sujet développé. Ils y exposent leur interprétation du script, pensé effectivement comme un remake moderne, réactualisé, développant une parabole sévère quant à ce qui ne va pas dans ce monde, ses turpitudes, ses monstres générés par la société, évidemment incarnés par le personnage principal.
Dans une phrase faussement anecdotique, on peut ainsi entendre De Palma comparer la structure conceptuelle de son film à celle du TRESOR DE LA SIERRA MADRE, réalisé par John Huston en 1948. Cette comparaison enfonce le clou : Contrairement à ce que prétendent les idiots de rappeurs relevés plus haut, SCARFACE est un film sur le thème de l’échec, et certainement pas sur celui de la réussite. Comment ces spectateurs ont-ils pu à ce point inverser les valeurs prônées par le script d’Oliver Stone ? Le postulat peut nous laisser songeurs puisque, effectivement, à bien y réfléchir, rien dans le parcours de Tony Montana ne témoigne d’une quelconque réussite.

Une autre référence importante. © Warner Bros

Une autre référence importante.
© Warner Bros

L’échec. C’était le thème principal de la filmographie de John Huston qui, en filigrane, dénonçait une Amérique qui s’était autodétruite en troquant ses valeurs originelles contre celles du pouvoir et de l’argent. Et c’est bien cette dernière thématique qui transparait dans SCARFACE, le personnage de Tony Montana détruisant tout son entourage (et lui-même) sur le chemin consacré. Comment les fans de SCARFACE qui placent le film sur le thème de la réussite ont-ils fait pour ne pas voir la réalité en face ? Tony échoue en tout : Il cause la mort de sa sœur, tue son plus fidèle ami. Sa femme le quitte alors qu’il n’arrive pas à avoir d’enfants (son désir le plus cher) à cause de la drogue. Sa mère le renie et le remet à sa juste place (tu n’es qu’une merde !). Et, au final, il meurt misérablement dans un bain de sang, alors que la formule qui le motivait jusqu’alors (The World is Yours : Le Monde est à Toi), s’élève dans la forme d’une sculpture au dessus de son cadavre. En définitive, la fameuse réussite aura duré le temps d’un clin d’œil, quand l’échec aura tout dévoré…

Un véritable paradoxe, en somme. Un film grandiose, fédérateur, échappant à ses auteurs pour être vidé de sa substance et réinterprété à l’envers de ses thèmes ! C’est grandement dommageable, car il est indéniable qu’il est devenu, au fil du temps, une source d’inspiration malsaine, un monstre ingérable, à l’image de son personnage !


Une film sur la réussite ? Vraiment ?

Heureusement, le film n’a pas fait l’objet d’un culte que chez les rappeurs… Au rayon BD et comics, il y a beaucoup de lectures que l’on peut apparenter au film de Brian DePalma, quand bien même ils ne racontent pas du tout la même chose. Depuis LES SENTIERS DE LA PERDITION jusqu’aux œuvres du duo Ed Brubaker/Sean Phillips (CRIMINAL, FONDU AU NOIR), en passant par celles de Jason Aaron (SCALPED, SOUTHERN BASTARDS), l’héritage du personnage de Tony Montana, de sa violence absolue, de son aura bestiale que rien n’arrête et de son inexorable fuite en avant (chute éperdue vers la descente aux enfers) peut se ressentir entre les lignes. Idem pour la géniale série franco-belge TYLER CROSS, qui semble reprendre à la lettre le thème de l’échec avec cette même inspiration depuis la filmographie de John Huston. En bref, SCARFACE est une œuvre culte qui demeure une source d’inspiration à long terme pour beaucoup d’auteurs, c’est assez flagrant.
Notons également le comic-book SCARFACE : MARQUE A VIE, réalisé par John Layman & Dave Crosland en 2008 (inédit en VF), qui imagine le retour de Tony Montana (aurait-il ressuscité tel le premier super-héros supervilain venu ?).

En 1993, exactement dix ans après SCARFACE, Brian DePalma et Al Pacino se retrouveront pour une sorte de fausse suite intitulée L’IMPASSE. Un autre film de gangsters sud-américains dominé par la même thématique de l’échec, avec le même arrière-goût malsain à la fin malgré un personnage principal moins dégueulasse. Un film objectivement supérieur au précédent d’un point de vue strictement cinématographique, mais dont l’impact ne sera jamais aussi viscéral, aussi percutant que le film culte qui nous intéresse ici en premier lieu.

L’héritage de SCARFACE, sous toutes ses formes !

L’héritage de SCARFACE, sous toutes ses formes !

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Contrairement à ce que le gangsta rap a toujours prétendu, le SCARFACE de De Palma est un film qui traite de l’échec, d’un loser, d’un minable. A l’occasion de la sortie du film en 4 k, Tornado remet les choses au point chez Bruce Lit.

La BO du jour : Parfois, il y a des choses qui laissent des traces…

48 comments

    • Présence  

      Merci pour le lien. Je viens d’écouter les 25 minutes de cette émission. Effectivement l’avis énoncé par Rafik Djoumi vient plus compléter celui de Tornado que l’infirmer.

    • Jyrille  

      Merci pour le lien !

  • JB  

    Pourtant, Elvira donne explicitement la morale lors de sa dernière apparition…
    Accessoirement, ce n’est pas le premier rôle de Michelle Pfeiffer. A en croire les échos, un précédent rôle (Grease 2) a même failli lui coûter ce film.

  • Matt  

    Je m’étais fait cette réflexion aussi sur le fait que ce film a été mal interprété. Pour moi la raison « évidente » c’est la fin spectaculaire, le mec qui meurt au combat comme un mec courageux face à des types pires que lui qui lui ont demandé de tuer des gosses (ce qu’il a refusé de faire, malgré le fait qu’il soit assez odieux comme personnage)
    Au lieu de se faire tuer comme une merde dans sa baignoire (Daniel Craig dans les sentiers de la perdition), Scarface meurt un peu trop comme un soldat courageux.

    mais sinon très bon film oui^^
    Un remake qui n’en a que le nom en fait, tant c’est réadapté à l’époque.

  • Présence  

    Un article sur une œuvre souvent évoquée dans tes commentaires, et un avis enfin explicité dans le détail. C’est un film que je n’ai pas vu, donc j’ai lu avec grande curiosité son héritage au rayon BD et comics (et le reste de l’article également bien sûr).

    C’est très édifiant de pouvoir ainsi découvrir l’impact d’un film au travers du regard d’un enseignant, mettre en lumière l’impact d’une œuvre de fiction, ainsi que la nécessité de devoir l’expliquer, la commenter.

    • Matt  

      Bon Présence ta culture ciné craint quand même ! T’es super calé en comics mais c’est pas une excuse !

      • Eddy Vanleffe  

        MOi même je n’ai vu ce film que cette année et je ne l’ai pas aimé du tout…
        la cinéphilie n’est pas un chemin pavé par les autorités journalistiques en place…

        • Matt  

          ça va, si on peut plus rigoler…
          C’est juste que Présence connait plein de trucs en comics, alors je taquine.

          • Présence  

            Je l’avais bien pris comme de la taquinerie. En fait c’est une question qui m’interroge la nature de ma consommation de produits culturels, et sur l’obsolescence de ma culture, déjà limitée en termes cinématographiques. Pendant quelques années, j’ai régulièrement regardé des films à l’occasion de la Dernière séance, ou de son équivalent sur FR3 (à l’époque) le vendredi soir. Ayant arrêté depuis une vingtaine d’années, je me retrouve en total décalage avec les références cinéma, et en particulier incapable de détecter les références ou les influences correspondantes dans mes lectures. Il se produit donc le phénomène inversé de celui pour les comics, où la plupart des références me sautent aux yeux (et encore pas toutes, loin de là). Dans le même temps, les films qui font référence pour moi (ceux d’Orson Welles, d’Alfred Hitchock, de Stanley Kubrick) sont souvent passés de mode, et devenus des références de cinéphiles… Un étrange paradoxe.

          • Eddy Vanleffe  

            excuse-moi Matt, je suis passé en coup de vent hier et en reliant, ma phrase a en effet un ton « cassant » que je n’avais pas réellement prémédité…

  • Nikolavitch  

    C’est l’éternel problème de la réception d’une œuvre, et de ses spectateurs/lecteurs qui ne s’arrête qu’à la surface. Conway parlait récemment de ces flics arborant le crâne du Punisher, on connait tous des militaristes fans de Platoon ou d’Apocalypse Now, ou des gens considérant Starship Troopers ou Fight Club comme des films fascistes.
    C’est encore aggravé par la fascination qu’exercent les méchants et les anti-héros.

    Le problème est souvent dans l’absence de perception du second degré, qui n’est pas seulement le fait de jeunes de banlieues d’ailleurs : il suffit de voir l’usage qui est fait de 1984 ou d’Orange Mécanique par les conservateurs et ultraconservateurs (Orange Mécanique vu comme un film glorifiant la violence, quand il dénonce l’utilisation politique de celle-ci. en ne le comprenant pas, ses critiques en illustrent magnifiquement le propos) (le Novlangue -appelé LA Novlangue par ceux qui brandissent la notion à tout bout de champ et à contresens- invoqué à chaque fois qu’on introduit un mot, quand justement c’est décrit comme un appauvrissement et une euphémisation délibérés du langage)

    Bref, on sait au moins depuis Don Quichotte que la réception de l’œuvre FAIT l’œuvre, quitte à en détourner le sens.

    • Jyrille  

      Malheureusement, c’est parfaitement résumé.

  • Leob  

    Autant j’apprécie souvent les critiques que tu postes ici, autant je trouve celle la vraiment à côté de la plaque.
    C’est une critique ou un pamphlet contre le rap ? D’autant qu’accuser les rappeurs de ne pas avoir compris le film, c’est peut être ne pas avoir cherché à comprendre ce qu’ils en ont compris.
    J’invite les lecteurs et le rédacteur de cette critique à écouter l’avis de Rafik Djoumi sur la réception du film par « les rappeurs », qui sont rappelons le à l’origine de l’obtention du statut de classique de ce film et qui sont souvent moins enfermé dans une vision binaire du film que « c’est un film sur l’échec/la réussite »

    • Jyrille  

      Je n’ai pas encore lu l’article ni écouté l’avis de Rafik Djoumi, mais je crois que Scarface a obtenu ce statut de culte bien avant que les « rappeurs » ne le plebiscitent sans cesse.

  • Tornado  

    Alors j’ai bien écouté l’article de Rafik Djoumi, rédacteur sur Arte et ancien de Mad movies si ma mémoire est bonne. Et il dit carrément que je suis un débile 😀
    C’est un podcast très intéressant. Djoumi est un journaliste professionnel et un cinéphile de haute volée. Moi je ne suis qu’un amateur autodidacte. Néanmoins je me souviens d’articles sur Mad Movies où, même si j’appréciais son travail, je n’étais pas forcément d’accord avec ce qu’il disait.
    De mon côté ma profession consiste à enseigner aux jeunes. Et j’ai enseigné aux jeunes des cités pendant plus de 15 ans. Je peux vous assurer que, contrairement à ce que dit Djoumi, ils ne comprennent rien au film. J’ai souvent discuté avec eux de Scarface et ce qui en sort est édifiant.
    Pour les rappeurs ce n’est pas mieux : La notion principale qui ressort la plupart du temps c’est, comme je l’ai écrit, que Scarface est un film sur la réussite alors qu’il est tout l’inverse. Je n’avais pas écouté Rafik Djoumi avant d’écrire mon article, en revanche j’avais attentivement écouté Oliver Stone, Al Pacino et Brian DePalma. Ça vaut ce que ça vaut mais du coup, je ne pense pas, en toute bonne foi, être « à côté de la plaque » pour toutes ces raisons.
    Il y a quand même quelque chose qui me dérange dans le discours de Djoumi, dans celui des rappeurs et dans tous ceux qui défendent cet état d’esprit : On y glorifie la violence et le cri du coeur des gangsters comme si c’était une bonne chose. Comme si c’était des victimes de la société et des héros. Heu… Non.
    Entant qu’enseignant, et tant pis si c’est moraliste, vous ne me ferez jamais avaler que c’est une chose respectable et « normale » que l’on devienne gangster et assassin parce que la société nous a mal traité. Il y a une infinité de contre exemples où des gens se sont levé les doigts du cul et ont fait quelque chose de leur vie plutôt que de choisir la voie de la délinquance, du meurtre et de la drogue.
    Maintenant oui, j’avoue avec franchise que je déteste le monde du gangsta rap et que cet article est clairement pensé pour le dire.

    • Matt  

      Il y en aura toujours qui auront compris, même parmi les rappeurs je pense, et d’autres qui ne comprendront pas^^ (chez certains jeunes notamment)
      Il n’y a pas de comportement universel envers une oeuvre, donc je ne pense pas non plus que tu sois à côté de la plaque.
      Après ce n’est pas forcément valable pour TOUS les jeunes ou TOUS les rappeurs.
      Mais déjà je crois que le problème avec les films c’est qu’ils créent de l’empathie envers les personnages. On le les déteste pas parce qu’on est derrière le 4eme mur, chez soi tranquille, et que ces personnages de fiction ne nous menacent pas directement. Résultat, on arrive à les « comprendre » (ce qui ne veut pas dire qu’on approuve !)
      Donc déjà quand tu pars de ce principe où tout personnage fictif peut être compris, analysé, avec un recul énorme puisque justement il est fictif et ne trucide pas nos enfants, ben il y a de l’empathie.
      Montre ensuite ce personnage refuser de tuer des gosses quand un parrain plus salaud lui dit de le faire, et au milieu de ce monde de tordus, t’en fais presque un mec honorable.
      Et qui meurt dans une grosse baston spectaculaire contre d’autres trafiquants.
      Ouais dans un sens…Scarface devient « cool ».

  • Tornado  

    Face à Rafik Djoumi, je pars perdant.
    D’une part face à l’autorité qu’il représente dans le monde de la presse ciné, d’une autre face à la cool attitude qu’il affiche dans son podcast. Il s’y fait la voix du peuple, défenseur des classes d’en bas. et moi, en face, j’ai le mauvais rôle. Et pas la position la plus facile…
    Mais quand parle-t-il des qualités cinématographiques du film, chose qu’il fait d’ordinaire si bien ? Son discours est essentiellement construit sur deux axes : Un axe historique, qui lui sert à replacer le film et son parcours dans son contexte et, ensuite, un axe politique, où il va amener un discours d’extrême gauche plutôt démagogique.
    Personnellement j’ai vu le film un an après sa sortie, en VHS. C’est mon grand frère qui avait flashé dessus et, entant que très jeune ado, il m’a traumatisé. Je fais donc partie d’une génération qui a fait vivre ce film bien avant qu’il ne soit récupéré par les rappeurs…

    Ici Djoumi avance sa théorie que le film est devenu un classique grâce à sa popularité dans les cités, et il donne un côté « cool » à toute cette mythologie urbaine. Et il traite de débile ceux qui prétendent que les jeunes des cités n’ont rien compris au film. Je ne lui en veut pas, je fais la même chose avec les rappeurs. c’est un cri du coeur et ça m’arrive souvent.
    Mais voyons les choses sous un angle différent :
    – Tant que ce sont des gens comme nous qui écoutons son discours, tout va bien. Aucun d’entre nous ne risque de se prendre pour Tony Montana et, dès demain, de se foute dans le trafic de drogue tel le premier BREAKING BAD venu. Mais imaginez que son discours soit entendu par un jeune des cités à deux doigts de tomber dans la délinquance… Comment va-t-il recevoir ce discours ? Comment va-t-il réagir quand il va entendre que c’est normal de préférer crever en deux ans dans la luxure plutôt que de mener une vie de merde en vendant des kebabs ?
    – Elargissons un peu et imaginons que nous soyons directement concernés : Nous venons de perdre notre travail, de divorcer avec notre conjoint(e). Notre fils va mal, il est en échec scolaire, il commence à fréquenter des mecs louches. Il traîne de plus en plus dans la rue, se rebelle contre nous. Et il entend ce discours… Il va penser quoi en regardant SCARFACE, du coup ?

    C’est probablement une déformation professionnelle de ma part, mais le discours de Djoumi, ici, en plus d’être démago, véhicule des idées qui ne me vont pas.
    Lorsqu’il prétend que le film est devenu un classique grâce aux jeunes des cités, il a tort. Il était déjà un classique pour les jeunes des années 80 même quand il n’étaient pas des banlieues.
    Lorsqu’il prétend que vendre des kebabs c’est une vie de merde et que c’est compréhensible qu’on trouve que c’est mieux de crever en s’enrichissant dans le crime, est-ce que ce n’est pas lui qui est à côté de la plaque ? Mon grand père était un immigré et la plus grande fierté de toute sa vie a été de me voir devenir professeur. Pour lui, c’était la consécration d’une vie honnête d’avoir permis à sa descendance de monter dans l’ascenseur social.
    Personnellement, je ne suis pas un aristocrate « petit blanc » qui a décidé que les rappeurs ne comprenaient rien au film. Je ne suis pas un petit bourgeois qui déteste le gangsta rap par ce qu’il dérange ses idées. J’ai appris à détester cet état d’esprit sur le terrain. Et j’ai vu, de mes yeux vu les dégâts que SCARFACE a causé, involontairement, sur toute une génération à cause de cette interprétation. Interprétation théorisée par Djoumi mais à l’opposée de celle d’Oliver Stone, de Brian DePalma et d’Al Pacino.
    Donc là encore il a tort..
    On parle souvent de la réception d’un film comme TUEUR NE sur la jeunesse, mais en vérité c’est du pipi de chat en comparaison du carnage causé par SCARFACE. Le nombre de fois où un jeune à qui je parlais de sa scolarité m’a ri au nez en me faisant comprendre qu’il serait le prochain Tony Montana, ça ne s’invente pas.

    Mon article est porté en partie par ma détestation du monde du gangsta rap. c’est vrai. Mais il est également en majeure partie porté sur les qualités du film à proprement parler. Franchement, j’ai beau tourner tout ça trente six milles fois dans ma tête, et dieu sait que ça ne me dérange pas d’avoir tort, non, je ne pense pas être à côté de la plaque.
    Quant à donner raison à Rafik Djoumi sur son podcast, heu… là encore, non. Il est pour le moment le seul intello que j’ai entendu défendre la réception du film par les rappeurs. Face à lui, j’en ai entendu beaucoup d’autres, et pas des débiles à ce qu’il me semble, aller plutôt dans mon sens. Alors non, quand bien même il s’agit de quelqu’un de très calé et de parfaitement respectable, je ne vois pas pourquoi sa parole devrait être d’évangile.

    • Matt  

      Je pense que le discours de Rafik sur le « ça se comprend de ne pas vouloir une vie de merde et de tomber dans la drogue » va plutôt dans le sens où…oui, ça se COMPREND. ça veut pas dire que c’est la chose à faire, ni qu’il faut approuver ça. Mais c’est compréhensible que certains ne puissent pas courber l’échine et choisir une vie de galères. Ce serait peut être la meilleure chose à faire de souffrir dans son coin, mais c’est pas un truc qui fait rêver.

      Alors évidemment c’est pas une chose à enseigner « faites des conneries et ne supportez rien d’injuste dans la vie ! » Du coup ça colle pas du tout à ton corps de métier, Tornado^^
      C’est une réflexion que des adultes avertis doivent se faire, que ces comportements ont une explication, aussi déviants et criminels soient-ils. Ce n’est en aucun cas un modèle à suivre.

      Pour ma part je ne me rends pas compte du pourcentage de gens qui ont compris le film de travers. Je pense que c’est compréhensible aussi de le l’interpréter de travers à cause de la fin en baroud d’honneur, je ne peux pas me prononcer sur le fait que les rappeurs l’ont bien ou mal compris…mais en tous cas c’est pas un modèle pour les gosses, clairement.

    • Jyrille  

      Je viens d’écouter le podcast. Si je ne suis pas d’accord avec cette inéluctabilité de la vie des banlieusards (« pas le choix » en gros), je rejoins Djoumi sur les raisons premières de l’attrait de ce film pour les émigrés, perdus et mal accueillis dans leur nouveau pays : qui ne serait pas flatté d’être représenté par Al Pacino, flamboyant et charismatique ?

      • Tornado  

        Oui le passage sur les immigrés passe beaucoup mieux que celui sur les banlieusards .

  • Tornado  

    Une discussion dont je me souviens avec un gamin de douze ans :
    – Moi : « Alors je ne suis pas certain que tu aies compris le film. Et tu sais Tony Montana ce n’est pas un vrai personnage. Il n’existe pas. C’est un acteur qui joue le rôle. Un acteur qui s’appelle Al Pacino. Et c’est quelqu’un de très intelligent, qui n’a rien à voir avec ce personnage. Et je peux même te dire que c’est quelqu’un de plutôt intellectuel ».
    – Lui : « Ouaiis ! mais Tony Montana il est trop fort quand il tient son gun comme çaaaa !!! (et il fait mime de tenir le flingue de travers, alors que jamais le personnage ne tient son arme comme ça dans le film…) ».

    • Matt  

      Ouais enfin…les gosses et les films hein…on a tous joué eux cowboys après avoir vu un film d’action.
      Il était peut être trop jeune pour voir ce film.
      Parce que si on va par là…on va bientôt dire que les films rendent violents et que c’est la faute des films s’il y a des délinquants^^ (TF1 television…)
      Les films et les jeux vidéo sont toujours les boucs émissaires pour éviter de parler d’éducation de merde des enfants de la part de parents irresponsables. Et d’ailleurs…n’est-ce pas irresponsable de les laisser voir et jouer à n’importe quoi à n’importe quel âge ?*
      Je suis sûr que les vendeurs au supermarché se foutent pas mal qu’un gosse achète un film ou un jeu interdit au moins de 16 ans, sauf s’il y a une paire de loches en gros sur la couverture et que ça s’appelle « nymphos et gros calibres vol 15 »
      Du coup ouais…y’a des œuvres pas pour les gosses qui se retrouvent dans leurs mains…parce que tant qu’on peut vendre, tant mieux hein…

      Vu que tu es fan de ciné, je ne pense pas que tu sortirais ce genre de discours que le cinéma, les comics violents créent des délinquants. mais en effet on ne peut pas s’attendre à ce qu’un gamin comprenne en profondeur un film qui n’est pas fait pour un jeune public.
      Il est probable aussi que je n’aie retenu que les scènes d’action de certains films que j’ai vus jeune.

      • Tornado  

        Alors cette petite discussion servait juste à illustrer le fait que, pour beaucoup de gamins, le niveau de réflexion exercée autour du film n’est pas celle que prétendent certains…

        • Matt  

          Ah oui mais là il s’agit de gosses.
          Il parle des gosses Rafik ? J’ai pas tout écouté^^
          Les rappeurs sont peut être un peu plus…développés cérébralement^^ (certains au moins, ça doit bien exister)

      • Jyrille  

        « Les films et les jeux vidéo sont toujours les boucs émissaires »

        Et encore avant, lorsque j’étais jeune ado, c’étaient la musique heavy metal (y compris Led Zeppelin) et les jeux de rôles…

  • Leob  

    Dommage de reporter le débat sur des gosses de 12 ans quand on parle ici des jeunes de banlieue (sous entendu jeunes adultes).
    Et comme dit un commentaire plus haut, comprendre ce que retire une communauté d’un film ce n’est pas cautionner.

    Je n’aime pas non plus le gangsta rap et je suis tout à fait d’accord que la parole de Djoumi n’est pas parole d’évangile.
    Néanmoins entre une analyse qui cherche à comprendre ce qu’un groupe social retire d’un film et une autre inutilement pedante et insultante (quel que soit le niveau de connaissance de ce groupe social de l’auteur), j’ai tendance à trouver la première plus pertinente.

    • Tornado  

      @Leob : Je me défends d’être « pédant et insultant », même si j’ai écrit « idiots de rappeurs » en argumentant qu’ils avaient compris le message du film à l’envers en en prônant toutes ses anti-valeurs malsaines. Je ne visais personne en particulier mais plus un état d’esprit. Je ne peux pas en dire autant de tes posts hyper-agressifs qui viennent essayer de me rabaisser sans argumenter.
      Les gamins de 12 ans ? mais il est justement là le problème ! Tant qu’on entendra que Tony Montana c’est cool, on déglinguera toute une génération de gamins paumés. je n’ai jamais dit autre chose. Les adultes, eux, ils sont par définition assez grands pour savoir ce qu’ils font.
      C’est mon expérience et ma connaissance du processus du film qui me fait dire que ces gamins n’ont rien compris au film en question. Pas mes idées politiques.

      • Leob  

        Bon, je vais prendre un peu plus le temps de développer.
        Les termes « pédant et insultant » que j’utilise, peut-être en effet un peu forts se rapportent uniquement à cette critique, et pas à toi personnellement. Je ne te connais pas et j’ai d’ordinaire plaisir à te lire ici ; je me permets seulement ici d’exprimer mon désaccord avec le point de vue que tu défends. Et il s’avère que la posture de ton article qui, il me semble, vise surtout à montrer qu’une frange de la population n’a rien compris au film, eh bien il s’avère que cette posture me semble en effet pédante. L’usage de termes « une poignée de rappeurs idiots et irresponsables » me semble également insultante. Tu te défends de cette posture et je le comprends, il s’avère que c’est ce que moi j’ai ressenti à la lecture de cet article ; et il me semble que c’est au vu des termes utilisés compréhensible que je l’ai pris comme tel.
        Il ne me semble pas que mes posts soient plus agressifs envers toi que ton article ne l’est envers les « gamins paumés ». Je te crois lorsque tu m’affirmes que ce n’est pas le cas et j’espère que tu me croiras également lorsque je t’affirme que ma volonté n’est vraiment pas d’essayer de te rabaisser. Ma volonté ici est de défendre une autre posture que la tienne, voilà tout. La seule chose que je critique ici, c’est ton analyse, pas ta personne et je me trouve un peu déçu que ce ne soit pas ton cas envers moi (je vois plus loin que tu m’as traité de SJW se faisant passer pour un chevalier défenseur de la bonne cause pour servir mon ego : non. J’exprime un avis qui n’est pas le tien et je trouve dommage que tu le prennes comme ceci).

        Concernant la réception par les gamins, je ne vois pas trop où tu veux en venir. Je veux dire, ce sont des enfants, bien sûr qu’ils ne comprennent pas correctement le film.
        Ce dont je parle, c’est de la poignée de rappeurs inidentifiés que tu évoques, et je vais essayer de formuler ma question de manière plus polie que la dernière fois. Es-tu certain que les rappeurs écrivent dans leur texte que Tony Montana est un symbole de réussite ? Pour moi, il s’agit plutôt d’un symbole schizophrène de grandeur décadente, d’un paradoxe d’échec grandiose victime de la société. Je suis très loin d’être certain que les rappeurs qui se sont emparés du mythe l’aient jamais vu comme un héros ; mais j’ai plutôt l’impression qu’ils l’ont interprété comme une fatalité qu’ils pouvaient coller à leur vie. Sans pour autant en faire un héros de leurs chansons, simplement un archétype. J’ai l’impression que l’on peut te faire le même reproche sur ton interprétation de ces chansons que le reproche que tu leur fais sur l’interprétation du film : ne serait-ce pas que la surface qui a été ici grattée ? Dès lors, ces gamins paumés qui ne comprennent pas le film ne seraient-ils pas tout simplement également des gamins qui ne comprennent pas les chansons qui parlent du film ? Ce qui est naturel à cet âge-là, et ce qui a toutes les chances d’évoluer.

        Je tiens à m’excuser une nouvelle fois si je t’ai heurté, ce n’était pas mon intention. J’espère que tu vois un peu plus clair en mon avis.

        • Tornado  

          Je te remercie de prendre le temps de venir discuter calmement et du coup, bien sûr, je regrette de m’être emporté plus bas. Je te fais mes excuses.
          D’autant que je ne suis pas obtus et que je vois ce que tu veux dire.
          Je comprends mieux, à présent, ce que les rappeurs ont pu récolter dans le film, que personnellement avec mes origines que ne sont pas les mêmes je n’aurais jamais récolté.
          Maintenant, je continue d’être navré de cette interprétation car elle va à l’encontre du projet d’Oliver Stone et de Brian DePalma (et je suis surpris que Djoumi n’ait pas relevé ce paradoxe, car j’ai du mal à croire qu’il n’ait jamais entendu le discours de ces auteurs à propos de leurs films).
          Je n’ai pas écouté les paroles des titres des rappeurs américains à propos de Scarface. Mais j’ai entendu des rappeurs français (et même Jamel Debouze) expliquer qu’ils sacralisaient le film car pour eux il symbolisait « la réussite à tout prix ». Oui, c’est une chose que j’ai textuellement entendue, et pas qu’une fois.
          Du coup et bien… « sur le terrain » (je ne sais pas expliquer différemment ce que j’ai ressenti lorsque des gamins vraiment en échec scolaire qui s’engouffraient dans la délinquance me parlaient du film), j’ai vraiment constaté que le film était un objet de culte pour une très jeune génération qui n’était pas capable de le déchiffrer correctement.
          Lorsque Rafik Djoumi dit que c’est faux et qu’ils ne comprennent que trop bien le message du film, comment le dire autrement ? Je ne suis pas d’accord !!!
          Encore merci à toi d’être revenu argumenter posément. 🙂

          • Leob  

            Eh bien écoute cette discussion m’aura donné du grain de cervelle à moudre et m’aura permis de continuer de construire un avis bien plus éclairé.

            Il va falloir décidément que je le revoie de toute urgence.

          • Bruce lit  

            Je suis content d’avoir pu assister à ce match depuis les gradins depuis sans avoir à siffler la fin de partie.
            Merci à vous deux.

  • Jyrille  

    Un pur article tornadesque, polémique et fonçant pied au plancher ! Te connaissant, je sais que tu ne veux pas faire de généralités et que tu ne pointes du doigt que certaines personnes, mais la forme fait toujours mal…

    Personnellement je suis d’accord avec tes propos, connaissant très bien le film, qui va très vite et ne prend jamais son temps malgré ses trois heures. C’est pratiquement une fresque, un condensé, désormais très ancré dans les années 80 (Miami Vice n’est pas loin), et la scène de la tronçonneuse (où l’on ne voit rien) nous avait traumatisés, les copains et moi, lorsque nous le découvrîmes en VHS dans mes années collège.

    Désormais, je préfère quand même Carlito’s Way (L’impasse), qui est sans doute le meilleur film de De Palma (lui-même le dit : Arte avait passé un long entretien du réalisateur il y a plusieurs mois, c’était passionnant), tu le dis toi-même : « Un film objectivement supérieur au précédent d’un point de vue strictement cinématographique, mais dont l’impact ne sera jamais aussi viscéral, aussi percutant que le film culte qui nous intéresse ici »

    La BO : jamais entendu parler. De la pop gentille.

  • Tornado  

    Je préfère également l’IMPASSE. C’est un de mes films phares.

    Je vais arrêter de me justifier avec les types comme LeoB. A chaque fois que j’essaie, je me heurte à cette mauvaise foi et à cette attitude de SJW qui consiste à se faire passer pour un chevalier défenseur de la bonne cause depuis un fauteuil d’Internet. Du coup ils m’utilisent pour leur égo et leur bonne conscience. Ça sert à rien. Qu’ils aillent un peu se frotter aux apprentis caïds des banlieues avec lesquels ils abondent indirectement, et on en rediscutera après (*). Je suis usé de cette démagogie.

    (*) L’été dernier, dans une petite ville près de chez moi, trois jeunes touristes parfaitement innocents se sont fait trucider car ils sont passés à proximité d’un règlement de comptes entre apprentis-caïds, à la kalashnikov, dans un quartier tout à fait normal. On sait très bien, tous, que ce sont des jeunes qui ont vu Scarface.

    • Bruce lit  

      Là par contre, je ne suis pas sûr d’être d’accord. Un film, un jeu, une musique ne contribuent pas à faire de toi un criminel. Mais j’ai lu vos échanges cet AM, peut-être en-ai-je mauvaise souvenance.

      • Tornado  

        Une maladresse de ma part : Ils ne sont pas devenus des criminels en regardant Scarface. En revanche leur mode opératoire me dit qu’ils se sont bien monté le bourrichon façon Tony Montana s’ils pensaient qu’à 16/17 ans on peut mitrailler à tout va ses ennemis en pleine rue et en plein jour.

  • Bruce lit  

    @Leob Merci d’avoir joué le jeu de donner un avis divergent. Toutes les opinions sont bonnes à prendre si exprimées calmement sur un sujet aussi sensible que l’influence de Scarface sur les quartiers en difficulté.

    Je me reconnais tout à fait dans ton article passionnant Tornado et tes expériences de terrain. On ne peut pas d’un côté soutenir des profs victimes de violences scolaires (c’est encore arrivé dans l’oise aujourd’hui) et de l’autre trouver démagogiques les récits que tu en fais. Je pourrais renchérir sur mes 40 ans de vie et d’expérience professionnelle dans le 93 (Epinay- St Denis-Bondy-St Ouen-et même Le Raincy)…
    Je déteste Tony Montana et ce qu’il représente. J’ai longtemps fait l’erreur d’assimiler ce personnage détestable qui tue sa famille, tabasse sa femme, écrase tout le monde alentour avec le film en lui-même.
    Je me suis forcé à écouter le podcast parce que la plupart du temps je n’aime pas le faire. A bien des moments l’analyse de Rafik converge avec la tienne concernant le making of du film. A d’autres j’ai failli m’étrangler de colère : je déteste la victimisation quelle quelle soit. J’ai bondis : quoi les jeunes de banlieue n’avaient pas les moyens d’aller au cinéma ? (n’importe quoi…dans les années 80, les places de cinéma étaient moitié moins chère qu’aujourd’hui). Je ne vois ensuite que très peu de points commun entre l’émigration cubaine et celle post-coloniale en France. C’est là aussi totalement idiot.
    Enfin, comme dit plus haut le simple fait d’avoir un simple code de l’honneur (ne pas tuer un enfant) rendrait une ordure respectable. Alors, un argument massue : les frères Kouachi, « victimes de la vie en banlieue » ont massacré des dessinateurs, un flic d’origine maghrébine mais ont épargné les femmes. On ne tue pas les femmes s’évertuaient-ils à répéter. Cela, suffirait-il à le rendre sympathique ? Et bien oui… des gosses d’un établissement de St Denis ont refuser de se joindre à la minute de silence et ont érigé les Kouachi comme les symboles d’une banlieue insoumise et oubliée de tous.
    On voit à quel point le raisonnement de Rafik est orienté et rappelle qu’une partie de la gauche « humaniste » avait complètement, à son grand désespoir, lâché Charb et son équipe pendant l’affaire des caricatures en victimisant ceux qui n’avaient pas d’humour et qui interdisaient aux autres le droit d’en avoir. Pourtant, ces gens ont tué des dessinateurs, des juifs, des enfants et aussi beaucoup beaucoup de musulmans pacifiques (les attentats tunisiens, c’est le mal des banlieues sans doute ?).

    Bref…
    Je m’éloigne sans m’éloigner du gangsta rap.

    • Matt  

      « Enfin, comme dit plus haut le simple fait d’avoir un simple code de l’honneur (ne pas tuer un enfant) rendrait une ordure respectable.  »

      Je précise que j’ai utilisé cet argument pour expliquer pourquoi on PEUT mal interpréter le film, avec ce principe chez le personnage, et le baroud d’honneur final ou il affronte pire que lui.
      Je n’ai pas dit que ça faisait de lui un mec cool, et j’ai dit aussi que c’était à l’abri derrière notre 4eme mur qu’il était possible de voir le personnage FICTIF comme quelqu’un de cool (parce que tu vas pas me dire que dans la vraie vie tu trouverai le Punisher cool non plus. Il serait flippant !!)

      Bref j’expliquais juste comment un personnage d’ordure fictif pouvait, lorsqu’on suit son parcours, qu’on s’intéresse à lui, générer de l’empathie à travers un film (pas de la sympathie, mais de l’empathie ! C’est ce que font les œuvres fictives.
      Après on est censé avoir un minimum de recul pour se dire que c’est pas du tout un modèle à suivre, mais à éviter complètement.

      • Bruce lit  

        Matt, Je réagissais au podcast qui glorifie le code de l’honneur de Montana.

        • Matt  

          Certes, mais j’ai parlé aussi de ce code d’honneur^^ Il en a un dans un sens. ça le rend à peine moins pourri que les autres, et c’est pas censé l’absoudre de tout le reste. Mais le malentendu vient peut être de là.

  • PierreN  

    « Le final voit ainsi le personnage principal, dans une hallucinante catharsis, réaliser son baroud d’honneur en mitraillant ses ennemis dans un décor de péplum ! »

    Avec un léger apport (le filmage d’un seul plan ou plusieurs, je ne sais plus) non crédité de Spielberg (étonnant que Djoumi n’en parle pas, vu à quel point il est fan du bonhomme), alors pote avec de DePalma (leur tradition de se rendre visite sur leurs tournages respectifs). Une seule photo sur le net doit attester de sa présence sur le plateau.

  • JP Nguyen  

    Bon, ben moi, je préfère 1000 fois Al Pacino dans Le Parrain, ou l’Impasse. Ou encore Heat. Et même L’enfer du dimanche.
    Scarface, j’ai jamais accroché. Mais il est indéniable que c’est un film important dans la culture populaire, maintes fois référencé et pastiché.

    Je développe plus d’empathie pour le personnage de Carlito dans L’Impasse, en quête d’une rédemption qu’il n’obtiendra jamais. C’est un bijou du film noir, avec une issue fatale et inéluctable, le genre d’histoire que ne renierait pas Ed Brubaker…

  • Eddy Vanleffe  

    Bon article pour ma part Tornado,
    je suis plus de ton côté de l’échiquier que de celui de Rafik Djoumi…
    je fais un aussi un metier au contact du public, et je suis confronté à des raisonnements qui sont hallucinants concernant quand au moyen de faire face à l’adversité…
    Mon sentiment est qu’il y a une tradition dans le journalisme français de toujours avoir une vision idéalisé du monde du crime et de la délinquance comme s’ils étaient des robins des bois…rien n’est moins vrai à mes yeux et je n’ai aucune espèce d’empathie pour Tony Montana et ce qu’il représente…ça m’empêche même de voir les qualités du film…
    on est post « me too » merde! :):)

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