Extrême Is Ellis (Extremis)

Iron Man : Extremis par Warren Ellis et Adi Granov

Non, ce n'est pas un graphic novel

Non, ce n’est pas un graphic novel ©Marvel comics

1ère publication le 29/03/14- Mise à jour le 16/07/18

AUTEUR : TORNADO

VO : Marvel

VF : Panini

Tous les scans  ©Marvel comics

En 2006, la série Iron Man a droit à son relaunch et recommence au N°1 sous la houlette du grand Warren Ellis (scénariste) et de l’illustrateur Adi Granov pour un arc narratif en six épisodes. C’est l’occasion pour cette nouvelle et prestigieuse équipe créative de moderniser les origines du héros à travers une aventure high-tech, violente et réaliste, parsemée de flashbacks.

Tout commence lorsqu’un groupe de terroristes aux intentions mal définies s’empare d’un sérum bioélectrique, nommé Extremis, visant à conférer à son utilisateur des capacités surhumaines inédites (une sorte de sérum de « super-soldat » définitif et surpuissant). Il ne faut pas se fier au format graphic novel qu’ont choisi les divers éditeurs pour diffuser cet arc narratif. Il s’agit bel et bien du début de la série régulière (4° du nom). Cela-dit, l’histoire possède un début, un milieu et une fin. Elle peut donc se lire indépendamment et se révèle en définitive très accessible au néophyte. Plus encore, elle peut se lire comme un condensé du concept-même du personnage d’Iron Man, car elle pointe ou développe toutes les thématiques principales de la série depuis sa création par Stan Lee en 1963…

La première chose qui frappe le lecteur dès l’ouverture du récit, c’est la patte graphique de Granov. Celui-ci officie entant qu’illustrateur et porte la triple casquette de dessinateur, encreur et coloriste, ce qui n’est pas si courant dans le monde des comics. En vérité, il utilise un graphisme infographique assez réaliste mais particulièrement glacial. Ce parti-pris peut aussi bien séduire le lecteur que l’effrayer, tant il se différencie du look habituel des comics mainstream. Ses planches, qui ressemblent fortement aux romans-photos du Reader’s digest, possèdent un côté étrangement dérangeant, malsain et familier.

Une esthétique de roman-photo

Une esthétique de roman-photo ©Marvel comics

Ce sentiment est renforcé par un réalisme de tous les instants : Chaque personnage possède un physique immédiatement identifiable et photoréaliste. Chaque explication scientifique paraît crédible (même si l’on n’y comprend pas grand chose). Chaque dialogue sonne juste et naturel.

Les combats, ultra-violents, voire gores (ce qui est extrêmement rare -vous avez dit extrême ?- dans ce genre de série mainstream) parviennent à impliquer viscéralement le lecteur et participent d’une atmosphère particulièrement malsaine, qui pourra rebuter le geek de base amateur de comics old-school avec super-héros gentil en costume d’araignée et super-méchant en costume de mouche…

En parlant de méchant, celui qui nous intéresse ici, habillé et coiffé comme vous et moi, réussit à devenir inoubliable sans aucun artifice particulier, suintant la malveillance avec un naturel et un réalisme carrément flippant (même si le récit aurait gagné en densité et en profondeur en développant les motivations de ce personnage, ce qui l’aurait rendu plus humain, bien que sa haine relativement abstraite suffise à le rendre effrayant).

Un méchant qui ne ressemble pas à un supervilain, c'est un méchant qui fait peur

Un méchant qui ne ressemble pas à un supervilain, c’est un méchant qui fait peur ©Marvel comics

La vision des planches de Granov est au final très particulière. Elle vous donnera par moment l’impression d’avoir récupéré le magasine Nous-Deux de votre grand-mère avec son roman-photo anachronique, mais prendra paradoxalement une dimension supérieure dans les scènes d’action (paradoxalement dans la mesure où l’action aurait dû paraître figée, ce qui n’est pas le cas !), d’une intensité viscérale rarement atteinte !

Mais la cerise sur le gâteau demeure le scénario de Warren Ellis. Il suffit de le comparer à celui de Iron Man : The Inevitable de Joe Casey et Frazer Irving pour mesurer combien le maître s’élève très haut au dessus de la moyenne des productions mainstream habituelles.

Contrairement à la minable mini-série de Casey et Irving (éditée pour faire patienter les fans à cause du retard pris par Adi Granov sur la série principale), Extremis développe un scénario concept d’une richesse hallucinante, creusant dans le sous-texte une véritable réflexion sur les progrès technologiques et les aléas du capitalisme liés à ces derniers, où la course à l’armement règne en maître absolu.

Extremis. Un concept repris pour le film Iron Man 3

Extremis. Un concept repris pour le film Iron Man 3 ©Marvel comics

Comme dit plus haut, à travers le prisme de ce postulat bien réel, Ellis va faire converger toutes les thématiques véhiculées par la série depuis des décennies, notamment la quête de rédemption de Tony Stark, immense et richissime constructeur d’armes, et sa légitimité de héros absolu. Moult questionnements passionnants, appuyés par un art des dialogues consommé, qui aligne les pages de parlote sans que le lecteur ne s’ennuie une seconde !

Un ovni, sémantiquement sombre et plastiquement dérangeant, perdu au milieu de tout-venant super-héroïque mainstream naïf. Du grand art ! La suite de la série, par d’autres auteurs, est disponible dans Iron Man : Programme exécution.

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