HEROIC CHRISTIANITY (Le Dragon du lac de feu)

LE DRAGON DU LAC DE FEU par Matthew Robbins

Walt Disney, dans les années 80…

Walt Disney, dans les années 80…
© Walt Disney France

AUTEUR : TORNADO

1ère publication le 13/06/16- MAJ le 27/12/18

Le Dragon du Lac de Feu (Dragonslayer) est un film d’Heroic Fantasy réalisé en 1981 par Matthew Robbins.

Le synopsis : Gallen, un apprenti-sorcier dont l’apprentissage est loin d’être terminé, hérite de la lourde tâche de combattre le vieux et terrible dragon Vermithrax, qui terrorise le royaume d’Urland. Là, le roi Casiodorus livre régulièrement à la bête des jeunes vierges tirées au sort, parmi le peuple, à travers une immonde loterie…

Bien qu’il faille sans conteste le placer dans le domaine de l’Heroic Fantasy, Le Dragon du Lac de Feu a longtemps erré dans celui, moins iconoclaste, de « Médiéval fantastique ». Effectivement, le concept du film semble sans cesse hésiter entre le naturalisme plus ou moins palpable (un haut moyen-âge accueillant la venue du christianisme) et la féérie la plus pure (moult tours de magie et un dragon qui ne fait pas semblant de l’être). Les personnages connaissent ainsi le latin et le grec, se tournent volontiers vers la religion du Christ, et renoncent sans hésiter à ce monde de magie qu’ils préfèrent ignorer au bénéfice de leur simple vie de cultivateurs.


Un film où il ne fait pas bon d’être vierge…

En réalité, ce postulat est très habile puisqu’il dissimule la toile de fond sur laquelle s’articule tout le concept du film : Cette histoire de dernier magicien combattant le dernier dragon de la terre témoigne du passage entre une époque obscure et mythologique à celle, plus moderne, marquée par l’histoire et la religion. Et finalement, cette histoire symbolise, tel le célèbre tableau Saint Georges et le Dragon de Paolo Uccello (dont le film reprend d’ailleurs toute l’iconographie, avec la grotte, la lance, la princesse et le cheval blanc), la fin d’une époque obscure pour celle, un peu plus lumineuse, d’une modernité monothéiste. Soit exactement la même thématique abordée la même année par le réalisateur John Boorman dans son film Excalibur

Cette toile de fond est pourtant doublée d’une vision sans cesse critique et jamais, tout au long du film, la venue de la religion n’est célébrée béatement. C’est même tout l’inverse, car si à la fin toute magie a disparu de la terre, l’homme demeure aussi cupide et pathétique, et nul prince n’épouse de princesse dans aucun final édulcoré. Les hommes finissent au contraire livrés à eux-mêmes, esseulés face à ce nouveau monde dans lequel il va falloir choisir sa voix…

C’était une autre époque. Je parle à présent des années 80 et de ces films où le cahier des charges n’imposait pas encore aux réalisateurs et aux scénaristes de boursoufler leurs films d’archétypes en tout genre, de héros forts et musclés, de bimbos siliconées et de happy end factices.
Avec le recul, Le Dragon du Lac de Feu bénéficie ainsi de l’un des plus beaux scripts de son époque en matière de film de Fantasy. Certains ont regretté son manque d’imagerie féérique (le moindre film actuel du genre donnant dans la surenchère avec des châteaux gigantesques et des paysages délirants baignés de lumière mauve et turquoise), son manque de combats homériques (en dehors de celui où le héros affronte le dragon, qui est extraordinaire) et ses effets spéciaux datés (et pourtant splendides), passant en définitive complètement à côté du sujet principal initié par Matthew Robbins et son scénariste Hal Barwood.

Un peu d’histoire de l’art…

Un peu d’histoire de l’art…

Pour terminer, il faut également rappeler que notre film bénéficiait du talent incomparable de Phil Tippett, un des grands génies des effets spéciaux de l’histoire du cinéma qui, de la première trilogie Star Wars à Starship Troopers en passant par Jurassic Park, a offert au grand écran la plus belle galerie de créatures fantastiques de son époque. Rêvant depuis toujours d’animer un dragon en entier, son Vermithrax allait devenir le modèle définitif de dragon ailé pour tous les films ultérieurs.

A noter également, si tout cela ne parvient pas à vous convaincre de l’excellence de ce petit classique coproduit à l’époque par Paramount Pictures et Walt Disney Pictures, à la mise en scène irréprochable, à l’écriture précise et raffinée, anti-manichéenne et aux dialogues millimétrés, la nomination à l’Oscar de la meilleure musique de film (Alex North). Et l’on n’oubliera pas évidemment son casting (premier film de Peter MacNicol avant sa florissante carrière dans les séries TV) dominé par le grand Ralph Richardson, qui incarne ici, avec un charisme sans faille, le dernier magicien de son histoire…

Sans vouloir trop charger la mule sur le sujet du « C’était mieux aaavant ! », il est quand même édifiant de songer que Walt Disney pouvait produire ce genre de film au début des années 80, alors que le studio est devenu aujourd’hui l’étendard d’un cinéma populaire sclérosé par le cahier des charges commercial, l’empêchant presque systématiquement de livrer des œuvres d’art intègres au pays du 7° art.
D’ailleurs, et comme le dirait bien Caliméro c’est vraiment trop injuste, Le Dragon du Lac de Feu a été un cuisant échec commercial à sa sortie en 1981. Et heureusement qu’il bénéficia d’une seconde vie dans les vidéo-clubs, au point de devenir un film culte pour toute une génération de cinéphiles attirés par la fantasy, qui florissait à l’époque sur les écrans, puisque Le Dragon du Lac de Feu a tout de même vu le jour entre Excalibur, sorti la même année, et le Conan le Barbare de John Milius sorti en 1982 ! Deux énormes succès publics et critiques, au milieu desquels le film de Matthew Robbins est donc injustement resté dans l’ombre…

Pour ceux qui voudraient, à l’issue de cet article que j’espère convaincant, se ruer sur le blouré, il faut préciser qu’il n’existe qu’une vieille édition DVD aux pixels envahissants aujourd’hui un peu obsolète, avec un cadrage bien pourri. Le film mériterait bien évidemment une nouvelle version bénéficiant d’une copie restaurée en bonne et due forme…

Peter McNichol, avant qu’il ne devienne le copain d’Aly Mc Beal !

Peter McNichol, avant qu’il ne devienne le copain d’Aly Mc Beal !
Source : Cineplex
© Walt Disney France

20 comments

  • JP Nguyen  

    Teaser du matin : Tornado’s Fantasy 3/4
    Avant que Peter McNicol ne cotoie Calista Flockhart et Lucy Liu dans Ally McBeal, il s’était coltiné à d’autres dragons… Tornado remet un coup de projo sur le Dragon du Lac de feu, film d’Heroic Fantasy injustement oublié…

    La BO du matin : dragon, années 80 ? Allez, je suis dans le thème, non ?
    https://www.youtube.com/watch?v=qN0GeH_0vAA

  • Matt  

    Ah yes ! Un article ciné de Tornado. Et sur un film que j’affectionne aussi.
    J’ai ce film en DVD (euh…pas terrible la copie DVD ? Tiens je ne me souviens pas. ça ne m’a pas gâché le plaisir du visionnage en tous cas.)
    J’ai découvert ce petit film en me promenant sur un site que j’aime beaucoup : Devildead (si tu connais)

    C’est effectivement un film qui mérite d’être vu. Assez violent pour une production Disney en effet. Pas de bimbo siliconée mais une jolie brune quand même si je me souviens bien. Enfin moi ze la trouvais meugnonne…

    Tu ne t’attardes pas beaucoup sur les effets spéciaux mais personnellement je trouve le dragon magnifique. Un des plus beaux dragons du cinéma non-réalisé en CGI. Parce qu’encore une fois je vais faire mon speech sur les effets spéciaux modernes qui me blasent : il n’y a plus de limites aujourd’hui donc plus rien d’impressionnant. Les vieux effets, même datés, ont pour moi quelque chose d’impressionnant quand on connaît les limitations techniques de l’époque. Et le combat contre le dragon est en effet magnifique.
    Pour ceux qui en ont marre des clichés, c’est effectivement comme tu le soulignes très bien un film dépourvu d’archétypes de héros courageux, forts, musclés etc.

    Pas un chef d’œuvre non plus hein, mais un bon petit film qui ne mérite pas les reproches qu’on lui a fait et qui, justement par son absence d’imagerie féérique et son ton plus naturaliste, est assez unique dans le paysage du ciné d’heroic fantasy.

  • Patrick 6  

    Je ne connaissais pas du tout ce film. Son coté Oldschool m’a l’air charmant.
    Je vais tacher de me le procurer d’une façon ou d’une autre, d’une part car ton article m’en a donné envie et d’autre part car j’ai une affection toute particulière pour l’acteur Peter McNichol, l’inoubliable John Cage d’Ally Mcbeal ! J’ai du mal à l’imaginer autrement qu’en costume d’avocat tant ce rôle lui collait à la peau ! Il a l’air tout jeune sur les photos. Il avait également joué dans le calamiteux Ghostbusters 2 mais le film était tellement raté qu’il n’était pas vraiment mis en valeur.
    Bref « Poughkeepsie » et bravo pour ton article !

    • Jyrille  

      Moo aussi je retiens cet acteur comme celui de Ally McBeal mais désormais je le retiens surtout comme un Asgardien fêtard dans Agents of SHIELD…

      • Patrick 6  

        ah je n’ai jamais regardé la série Shield. J’ai un gros doute à la base c’est bien ça ?
        En tous cas j’ai du mal imaginer Peter McNichol en Asgardien chétif :))

        • Jyrille  

          Non. The Shield c’est du polar glauque. AOS c’est Marvel 😉

  • Jyrille  

    Resté dans l’ombre : c’est ce que je retiens de ce film que j’ai vu à l’époque au cinéma. Une image trop sombre un ciné en travaux bref je n’ai aucun souvenir du film en lui-même à part ce visionnage calamiteux. Merci donc de nous le rappeler, peut-être aurai-je des velléités de le revoir un jour !

  • Tornado  

    @Matt : Merci à toi et du coup je regrette que l’article soit si court !
    Je pensais que parler des effets spéciaux (Phil Tippett, la go-motion, etc.) serait un peu rébarbatif. Et maintenant j’ai l’impression d’un manque !
    Je ne connais pas ce blog. Moi je suis plutôt old-school au niveau de mes connaissances cinématographiques. Et c’est plutôt dans les livres et les revues que je les ai acquises !

    @Patrick : Purée Ghostbusters 2… Déjà que je ne trouvais pas le 1 génial… J’ai découvert le 2 l’an dernier (achat du coffret blouré avec les deux films), et je n’en revenais pas d’un tel navet. Que vont-ils donc nous faire avec le 3 ? 😀

    • Matt  

      Bah après je ne peux parler que pour moi. Mais ça ne m’aurait surement pas ennuyé que tu en parles davantage.

      Devildead est un site sympa dans le sens où ils vont vraiment chercher des films complètement inconnus et font des chroniques aussi bien de films à gros budgets que de téléfilms canadiens ou autres trucs méconnus chez nous. Et des films très anciens aussi. Les films de monstre Universal (homme invisible, momie, etc), les Hammer films, les gothiques italiens des années 60 etc.

      Des navets aussi bien sûr, mais en terme de culture ciné, c’est une petite mine d’or. Rajoute à ça le fait qu’ils sont bien plus orientés fantastique/SF/horreur et si tu aimes le genre, il y a vraiment des tas de chroniques passionnantes. Cela fait des années que je lis des chroniques dessus et la majeure partie de ma vidéothèque de films fantastiques, je la dois à eux.
      Après je ne me promène pas dessus tous les jours, ce n’est pas un site mis à jour quotidiennement comme ce blog. Je laisse parfois passer quelques mois mais j’y reviens régulièrement.

      • Tornado  

        OK, c’est noté 😉

  • PierreN  

    Je recommande également ce très bon site, je m’en vais vérifier de ce pas s’ils ont fait un billet sur Carnival of Souls, ce qui est fort probable vu leur connaissance du cinéma de genre.

    • Matt  

      Eh, dis donc ! C’est que ça a l’air intrigant ce film. Je viens de lire leur chronique. Je ne connaissais pas.

      Pour le coup, ce sont des films qui sortent chez de petits éditeurs comme Carlotta, le chat qui fume, Artus film…et ce sont des films qui ont peu de chance de sortir en blu-ray. Et c’est pour cela que je « critiquais » le blu-ray récemment. Non pas que le blu-ray soit une mauvaise chose, mais si ça venait à faire disparaitre le DVD, ces petits films disparaitraient de la circulation (alors que certains viennent à peine de se frayer un chemin vers un support DVD). Certes il y a de gros navets chez ces éditeurs aussi…mais qui sommes nous pour juger qu’ils méritent de disparaitre ces navets ? ^^ Je suis pour la préservation des œuvres, même mauvaises. Par souci d’équité.

  • Tornado  

    Je suis pour la préservation des navets, un véritable genre en soi ! 😀
    Certains de mes films préférés sont des navets et j’ai quelques idées d’articles là dessus (si le boss il est d’accord). J’ai même déjà apporté ma pierre à l’édifice avec un article sur le film Doc Savage, et aussi un article sur les king Kong japonais !

    Certains films sont édités dans des collections qui n’apparaissent même pas sur les sites internet. Il n’y a pas longtemps, j’ai acheté « Le Masque d’Or » de 1932 (Mask of Fu Manchu), avec Boris Karloff. Seule la Fnac le proposait. Et puis il a fini par arriver sur Amazon plusieurs mois après !

    @Jyrille : J’ai vu aussi « Le Dragon du Lac de Feu » à sa sortie au cinéma en 1982/83. J’avais été très impressionné. Tu devrais lui redonner sa chance à l’occasion. le script est vraiment chouette.

    • Jyrille  

      Avec l’article que tu en fais, je n’en doute pas !

  • JP Nguyen  

    Je n’ai jamais vu ce film mais je crois en avoir déjà vu des images dans un article lu ailleurs. La vision de l’avocat John Cage en jeunot au moyen âge, ça m’avait marqué…
    Bon, un secret origins flash : j’étais fan de la série Ally McBeal (dans les premières saisons…)
    Je l’ajoute à ma liste mentale de films à voir (en plus, mon épouse adore les films où les Dragons sont bien réalisés, ce qui semble être le cas…)

    • Jyrille  

      Mais oui, j’adorai Ally McBeal aussi, surtout au début. C’était frais et drôle.

  • Tornado  

    J’ajoute quand même que, même si ce film est super chouette, il faut évidemment le regarder avec un oeil replacé dans son contexte (les années 80). Et surtout pas comme un blockbuster actuel.
    A lire entre les lignes, il semblerait que nous soyons plusieurs mâles ici, à avoir aimé Ally McBeal… (la série, donc) 😀

  • Présence  

    Les personnages connaissent ainsi le latin et le grec. – Avec le recul, ça ne m’étonne pas que cette particularité ait pu échauder quelques spectateurs. Pensez-donc de la culture classique dans un film tout public, qui ne soit pas instrumentalisée, un vrai risque, limite une provocation.

    Saint Georges et le Dragon – Étrangement, à l’époque la version de la fin des mondes enchantés était plus souvent rattachée à la chute de Camelot, qu’à Saint Georges, au moins dans la littérature de l’imaginaire.

    Le modèle définitif de dragon ailé – C’est vrai que ce dragon est magnifique et iconique.

    • Tornado  

      @Présence : Effectivement, Camelot semble avoir été le modèle de référence. D’ailleurs, « Excalibur » et « Le Dragon du Lac de Feu » sortent la même année et explorent le même thème. Et c’est Excalibur qui marque les esprit.

  • David Brehon  

    Merci de nous faire découvrir des pépites injustement oubliées. Et moi aussi j’aimais la folie Ally McBeal dans les premières saisons. Mais je pense que la série a dû beaucoup plus mal vieillir que le film dont il est question dans cet article.

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