A la recherche de l’adaptation perdue (L’homme de Rio)

L’Homme de Rio par Philippe De Broca

Un article de  :TORNADO

1ère publication le 3/05/14 – MAJ le 11/09/21

Belmondo à la place de Tintin ? Françoise Dorléac remplace qui, alors ?!!!

Belmondo à la place de Tintin ? Françoise Dorléac remplace qui, alors ?!

L’Homme de Rio est un film de Philippe de Broca réalisé en 1964.
Tout le monde le sait : Le cinéaste rêvait de réaliser une adaptation en chair et en os des aventures de « Tintin ».
Il en fut question au début des années 60, mais de Broca refusait que cette adaptation soit littérale. Il proposait par exemple de ne pas reprendre les personnages de Tintin, Haddock et les autres, mais de transposer les mêmes aventures par le biais de personnages originaux !

En effet, le réalisateur estimait que ces personnages de papier, ne supportant pas la démesure en termes d’adaptation, deviendraient ridicules à travers des acteurs en chair et en os. Le projet sous cette forme fut ainsi abandonné. En 1961, Tintin et le Mystère de la Toison d’Or se fera sans Philippe de Broca. Et les personnages d’Hergé incarnés par des acteurs bien réels seront bel et bien jugés ridicules par une grande partie du public…

Le cinéaste se rabattra ainsi trois ans plus tard sur un projet personnel sans renoncer à son envie initiale d’adapter l’univers de Tintin. Et L’Homme de Rio (tout comme Tintin et le Mystère de la Toison d’Or), développera un récit original et inédit.

Toutefois, on peut trouver dans le film de Philippe de Broca un nombre impressionnant d’emprunts aux albums de Tintin, davantage encore que dans l’adaptation officielle de 1961 ! De l’Oreille Cassée aux Sept Boules de Cristal, en passant par Tintin en Amérique, le Lotus Bleu, Le Secret de La Licorne et Les Cigares du pharaon, le scénario de L’Homme de Rio compile un nombre d’éléments significatif des aventures du petit reporter à houppette !

Et lorsque les trois statues « maltèques » sont ouvertes, que les manuscrits enfermés dedans sont superposés afin de livrer un message par transparence, tandis que le professeur Catalan récite « Tout vient de la lumière », le doute n’est plus permis…

Une référence évidente à « Tintin en Amérique » !  © Dear Film Produzione / Les Films / Collection Christophel

Tout le talent de Philippe de Broca et de ses collaborateurs éclate dans les solutions choisies pour trouver un équilibre entre les éléments issus des albums d’Hergé et les apports originaux.

Ses personnages sont ainsi hauts en couleurs, truculents et exubérants, comme dans la bande-dessinée. Mais ils sont plus réalistes, avec une romance entre les deux personnages principaux (interprétés par Jean-Paul Belmondo et Françoise Dorléac) pour coller davantage à ce que le public recherche sur un grand écran de cinéma.
C’est cet équilibre qui va faire toute la différence, offrant à L’Homme de Rio et aux Tribulations d’un Chinois en Chine (le second film sur le même projet), une pérennité qui leur permettra de résister au temps bien mieux que L’Homme de Rio et Tintin et les oranges bleues.

Enfin, le jeune Belmondo avait tout ce qu’il fallait pour incarner ce type d’aventurier, aussi franchouillard et naïf que félin et bondissant.
Comme quoi tout est, en matière d’adaptation, une question d’alchimie hautement subtile…

Une affiche typique des films d'aventures dans les années 60 : James Bond style !

Une affiche typique des films d’aventures dans les années 60 : James Bond style !

Ce brillant film d’aventures allait ainsi pouvoir s’exporter dans le monde bien mieux que les adaptations officielles des Aventures de Tintin. Il deviendra un film culte pour bien des réalisateurs américains et notamment un certains Steven Spielberg, qui imaginera la saga Indiana Jones en grande partie en pensant au film de Philippe de Broca.

Ironie du sort : C’est en regardant Les Aventuriers de l’Arche Perdue que de nombreuses personnes parlèrent à Spielberg de la ressemblance entre l’univers qu’il venait de créer pour le cinéma et celui d’Hergé dans le monde de la bande-dessinée.

Le réalisateur américain, qui n’avait alors jamais lu un seul « Tintin », tomba amoureux du personnage et de son univers et envisagea, dès 1982, de se lancer dans une adaptation.

Il faudra attendre trente longues années avant que le projet n’aboutisse avec Le Secret de la Licorne, mais Spielberg, bien aidé par Peter Jackson, se souviendra de la leçon enseignée par Philippe de Broca en évitant de tourner un film avec des acteurs en chair et en os, préférant la solution de la « motion-capture », soit un procédé à cheval entre le dessin et le réel.
Soit, encore une fois, une question d’équilibre…

La statue Maltèque. Encore une référence très forte aux aventures de Tintin.

La statue Maltèque. Encore une référence très forte aux aventures de Tintin. © Dear Film Produzione / Les Films / Collection Christophel


La BO du jour

9 comments

  • Franz  

    Merci d’avoir très bien mis en lumière le chassé-croisé entre Tintin, L’Homme de Rio et l’adaptation de Spielberg. Comme certains mots reviennent enrichis d’un séjour dans une autre langue (de grimoire à grammaire en passant par glamour), les oeuvres voyagent, s’interprètent et se complètent. En revanche, si je reste admiratif face à l’univers d’Hergé et enthousiaste en visionnant les films de Philippe de Broca (Cartouche, Les Tribulations…, Le Diable par la queue, etc.), je zappe les films de Spielberg depuis La Couleur pourpre. Son adaptation de Tintin est tellement dispensable pour moi qu’il ne m’en reste rien en mémoire.
    Bien à vous.
    Franz

  • Tornado  

    Merci Franz.
    J’ai regardé pas mal d’adaptations de tintin ces derniers temps (dont les vieux dessins animés des studios Belvision) et j’avoue que j’aime beaucoup celle de Spielberg. Il y a des partis-pris très intéressants. Après tout, si Bruce est d’accord, je veux bien proposer mon commentaire « Tintin/Spielberg »…

  • jyrille  

    Oh purée j’avais jamais fait le rapprochement (il faut dire que je ne suis pas du tout fan de Tintin) ! Merci pour cet éclairage, les choses semblent plus claires. Faudrait que je revoie ce film, j’en ai très peu de souvenirs. Et je n’ai pas vu le Tintin de Spielberg.

  • Tornado  

    Les deux (« L’homme de Rio » et « Les tribulations d’un chinois en Chine ») sont fabuleux. A mon avis, tu adorerais. A noter que le second est une adaptation de Jules Verne.

  • Michel  

    Très sympa cet hommage.

    • Tornado  

      Merci Michel. C’est un vieil article mais il avait disparu du blog à cause de droits à l’image de chez Tintin…

  • Bruce lit  

    On l’a vu hier sur Canal !
    Les enfants ont adoré et moi aussi ! On arrêtait pas de mettre sur pause pour chercher telle ou telle référence à Tintin.
    Bebel est le charme incarné mais la vraie surprise c’est Françoise Dorléac dans un rôle show-sexy ! Elle fait grave monter la température et donne un aperçu de ce qu’auraient pu être les aventures de Tintin avec une femme à ses côtés. j’ai trouvé le film un peu long dans son dernier quart mais c’est du grand, immense cinéma populaire qui condense de bonnes bagarres, des cascades, du charme, de l’humour mais aussi des valeurs. Tel Bebel qui refuse que le petit garçon noir lui cire les pompes et à qui il donne l’argent après l’avoir remplacé.
    Seul bémol : l’épilogue amusant certes mais qui éclipse Françoise Dorléac.
    Merci Tornado, c’était génial ! On tente très vite le chinois en chine.

    • Tornado  

      J’allais justement te dire de tenter LES TRIBULATIONS. Tu verras, le scénario est clairement moins bon mais le charme est identique.

      • Jyrille  

        Et dans LES TRIBULATIONS, il y a Jean Rochefort sans moustache…

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