Superman : Red Son, par Mark Millar, Dave Johnson et Kilian Plunkett
Article de JP NGUYEN
VO : DC Comics
VF : Panini / Urban
1ère publication le 18/11/17 – MAJ le 07/03/20
Minisérie en 3 numéros de 46 pages chacun, publiée en 2003 dans la collection Elseworlds de DC Comics, Superman : Red Son explore un pitch fort simple mais très intriguant : « Et si la capsule spatiale transportant Superman enfant ne s’était pas écrasée au Kansas mais en Union Soviétique ? ». En changeant l’allégeance de la grande courgette bleue, Mark Millar lui en fera voir de toutes les couleurs, même s’il n’évitera pas toujours le rouge qui tache.
Camarade, attention aux spoilers : cet article pratiquera la glasnost sur l’intrigue !
Un deuxième homme d’acier derrière le rideau de fer
« Truth, Justice and the American Way », c’est le slogan de Superman depuis les années 40 (« the American Way » ayant été rajouté aux deux premiers mots pendant la Seconde Guerre Mondiale). Ce n’était donc pas du tout anodin d’explorer une destinée alternative du dernier fils de Krypton en substituant la patrie de l’Oncle Sam par la nation du camarade Staline. Selon les dires de Mark Millar lui-même, cette idée lui serait venue d’une de ses lectures d’enfance, Superman#300, daté de 1976, une histoire hors-continuité où la capsule transportant le bébé kryptonien s’écrasait dans les eaux internationales et se retrouvait l’objet de la convoitise des deux blocs de la guerre froide…
Devenu adulte, Millar revisite donc cette histoire et pousse le bouchon (ou la capsule) plus loin, en faisant carrément de Superman un suppôt du communisme, élevé par un couple de fermiers ukrainiens. La première partie du récit est, à mon sens, la plus savoureuse, avec la découverte par le peuple américain, de ce surhomme défendant « Staline, le socialisme et l’expansion du Pacte de Varsovie ! »
Que ce soit par les interviews des premiers américains témoins des apparitions de Superman, les spots télévisés soviétiques fleurant bon la propagande ou la déclaration solennelle du président Eisenhower, on voit bien que l’homme volant à la cape rouge déstabilise la belle assurance des Etats-Unis, de la même manière que les premières réussites technologiques soviétiques dans le domaine spatial (Spoutnik, Youri Gagarine) et militaire (l’acquisition de la bombe H) avaient blessé l’orgueil américain. Et l’homme le plus orgueilleux d’Amérique, dans notre histoire, c’est sans nul doute Lex Luthor, doté d’une intelligence immense, hélas proportionnelle à son ego. Lex se paie même le luxe d’avoir pour épouse une certaine Lois, journaliste au Daily Planet…
Pendant ce temps-là, à l’Est, Superman est la coqueluche du régime, même si cela ne plait pas à tout le monde, comme à Pyotr Roslov, enfant illégitime de Staline et chef du NKVD, la police politique. L’une des scènes marquantes du premier acte est d’ailleurs la conversation entre Pyotr et Superman, qui sont un peu les deux visages de l’Union Soviétique. Pendant que l’un multiplie les sauvetages et les actes de bravoure, s’attirant la sympathie et l’admiration du peuple, l’autre fait le sale boulot, en éliminant les opposants.
La mort de Staline et la première attaque de Lex Luthor (par un clone de Superman, référence évidente à Bizarro) vont amener l’homme d’acier à se saisir du pouvoir avec l’espoir candide de vraiment changer les choses.
Bras de fer avec l’homme d’acier
Hélas, même animé des meilleures intentions, le surhomme à la cape rouge se fourvoie et a recours la surveillance généralisée et au lavage de cerveau. Après une ellipse d’une vingtaine d’années, le deuxième chapitre de Red Son montre un Superman ayant développé son emprise sur le monde, déjouant sans cesse les vaines attaques de Luthor et veillant au bien-être général en prévenant les crimes et évitant les accidents. C’est alors que Batman, dont les parents furent assassinés par Pyotr, passe à l’action et devient l’agent de Luthor pour une nouvelle attaque ourdie contre leur ennemi commun. Il y laisse la vie mais pendant la bataille, Wonder Woman perd aussi quelques plumes, commençant ainsi à lézarder son alliance avec Superman.
Le troisième acte débute encore après une ellipse de plusieurs années, alors que les Etats-Unis, le dernier pays non-communiste du globe, sont plongés dans le chaos, avec plusieurs états ayant fait sécession. Mais l’arrivée de Lex Luthor à la présidence va totalement renverser la situation, pour redresser et réunifier le pays en moins d’un an, pour bénéficier d’une cote de popularité de 100%. Cela conduit inévitablement à une confrontation finale entre Luthor et Superman, qui est à deux doigts de triompher après un assaut en règle contre la Maison Blanche mais se fera cueillir par… une arme inattendue. Il quitte alors la scène et la fin du récit développe en quelques pages le futur radieux de l’humanité guidée par Lex Luthor. Je ne dévoilerai pas le petit twist final, qui, paraît-il, fut suggéré à Mark Millar par Grant Morrison, je dirais simplement que, même s’il n’a pas l’entière paternité de cette idée, il n’est point surprenant que le quelque peu vaniteux créateur du « Millarworld » l’ait adoptée.
Une bonne idée au développement inabouti
Quand le Boss m’a demandé d’écrire sur Red Son, il avait en tête une thématique consacrée à Mark Millar, où l’on dirait plutôt du bien de certaines de ses œuvres. Cela faisait un paquet d’années que je n’avais pas relu cette minisérie mais j’en gardais plutôt un bon souvenir. Hélas, la relecture effectuée pour cet article m’a fait réaliser pourquoi je n’avais pas eu l’envie de me replonger plus tôt dans ce récit. Oh, il y a des idées, pas mal d’idées, et certaines plutôt bonnes : les débuts de la relation entre Superman et la Princesse des Amazones, les origines alternatives du Green Lantern Hal Jordan, ancien prisonnier de guerre ayant survécu à sa captivité grâce à sa volonté et son imagination, les multiples clins d’œil à la mythologie de Superman… Mais les bonnes idées sont gâchées par des choix scénaristiques très discutables voire dérangeants.
Comme dit plus haut, le début est excellent, reprenant le contexte de la Guerre Froide en l’adaptant à l’irruption soudaine d’un nouvel atout maître pour l’URSS en la personne de Superman. C’est assez amusant de voir la nature de Boy-Scout de Superman mise au service du collectivisme en lieu et place du capitalisme. Mais, tout se gâte très vite avec l’entrée en scène de Lex Luthor, écrit de façon totalement horripilante. Il parade sans cesse en montrant toutes les choses que sa prodigieuse intelligence lui permet de faire simultanément, comme apprendre une langue étrangère tout en lisant un livre et en jouant aux échecs.

Lex tue ses subalternes et annonce par téléphone une pause maritale à son épouse… qui ne lui en voudra même pas ! © DC Comics
Lorsque son premier plan pour arrêter Superman échoue, il en devient obsessionnel et abat tous ses assistants pour que personne d’autre que lui ne puisse accéder à ses recherches. A plusieurs reprises, ses attaques contre Superman causent des dommages collatéraux sans qu’à un seul moment le script ne pointe la responsabilité de Luthor dans ces crimes. Non, le « héros » de l’histoire, c’est lui, et je ne peux m’empêcher de le percevoir comme un paravent derrière lequel Mark Millar se cache à peine. Après tout, les deux partagent la même propension à se faire mousser à la moindre occasion…
Comme Millar est un chantre du capitalisme, cela biaise de beaucoup le développement de son histoire. En gros, même avec Superman de leur côté, les cocos ne pouvaient pas gagner, car le communisme, c’est le mal. Loin de moi l’idée de dire que les Républiques Socialistes étaient des pays de Bisounours, si mes parents ont fui le Vietnam communiste, c’était bien parce que tout n’y était pas rose… Mais Millar force le trait, en faisant de Superman un vrai freak-control, un Big Brother qui flique l’ensemble de terriens avec sa super-vision, tandis que, non-content d’absoudre Luthor de ses crimes, Millar lui fait redonner la prospérité économique aux Etats-Unis en seulement 6 mois, en commençant par faire cesser toutes les relations commerciales avec les pays étrangers, mesure protectionniste lui permettant de renouer avec le plein emploi !
Il y a comme une contradiction dans un récit qui dénonce le dérive autocratique de Superman et, dans le même temps, érige Lex Luthor en héros providentiel capable de redresser l’économie d’un pays à lui tout seul, obtenant des résultats miraculeux avec des recettes totalement simplistes et populistes (ce qui, quelque part, est encore moins crédible que les super-exploits de l’homme d’acier). Vous trouverez peut-être que je pinaille alors que « ce n’est qu’un comicbook » ? De mon point de vue, à partir du moment où les auteurs se sont donnés l’ambition de raconter un récit ayant une dimension politique certaine, il me parait pertinent de pointer les faiblesses de leur discours.
La façon dont Luthor s’arroge la victoire finale est… disons, très bancale. Ayant dépeint un Superman capable de lobotomiser tous ses opposants et de se battre sans retenue face à son ancienne alliée Wonder Woman, je vois mal comment le simple message que Lois Luthor lui fait lire pourrait le déstabiliser de façon crédible. Lois, parlons-en. Comment peut-elle s’être amourachée de Lex, ce génie si imbu de lui-même et obsédé par Superman ? On ne le saura pas trop, Mark Millar n’explore quasiment pas la personnalité de Lois, l’utilisant, comme tous les personnages féminins, uniquement en tant qu’artifice narratif. Avant même de devenir la première dame des Etats-Unis, elle occupe déjà un rôle de potiche et ce n’est que fort timidement qu’elle questionnera parfois les choix de son mari. Dommage, le récit aurait gagné à avoir femme plus forte pour arbitrer la partie d’échecs entre les deux super-mâles.
L’autre déception, un peu moins grande, est pour moi la prestation de Dave Johnson en tant qu’artiste séquentiel. Je suis un très grand fan de son boulot en tant que « cover-artist » et je m’attendais à quelque chose de plus audacieux, dans les mises en pages, qui sont très sages. Son génie de la composition ne transparait que par éclairs, dans des cases ou des pleines pages pastichant des poses iconiques du comicbook de Superman. Toutefois, son sens du design fonctionne plutôt bien pour redessiner les costumes des héros de cette Terre alternative, à l’exception de Batman, affublé d’une chapka russe lui donnant un air assez ridicule. En revanche, le remplacement du grand S rouge par la faucille et le marteau est à la fois évident et très esthétique. Et bien sûr, les couvertures, elles, sont superbes, reprenant habilement le style des affiches de propagande communiste.
Aux trois quarts du second chapitre, Johnson est remplacé par Killian Plunkett, pour de banales questions de délais de parution à respecter, me semble-t-il. Ce dernier illustre l’intégralité du troisième chapitre en solo. Plunkett se débrouille assez bien même si ses visages sont un poil plus cartoonesques. Il livre une prestation agréable, avec une certaine aisance sur les scènes d’action, même si je trouve que la bataille finale entre Lex et Superman manque un peu de souffle épique.

Killian Plunkett dessine des visages un peu moins beaux et Brainiac se fait la voix du scénariste pour réduire la situation à une question binaire. © DC Comics
Bien que je ne le considère pas comme une réussite absolue, tant en termes scénaristiques que graphiques, je pense que Red Son constitue une lecture très intéressante. C’est un bel exemple des possibilités et des limitations des comics mainstream dans l’exploration de thèmes politiques. Le bouquin soulève des tas de questions passionnantes même si, hélas, il ne les explore pas toutes en profondeur et amène des réponses que je trouve trop simplistes. La surveillance de « Big Brother » Superman c’est celle qui continue de se développer de nos jours, non par l’intermédiaire d’un super-héros alien, mais via les multiples outils d’espionnage électronique présents dans notre quotidien. Le retour en grâce des régimes autoritaires, la restriction des libertés individuelles, la propagande d’Etat… sont autant d’éléments qui font écho à notre actualité.
Mais pour autant, face à de telles menaces, miseriez-vous sur un type comme Lex Luthor ? Après tout, c’est juste une sorte de Trump en beaucoup (beaucoup) plus intelligent. Quelqu’un qui cherche à imposer son modèle de société au mépris de toutes les conséquences et des dommages collatéraux. Entre le Superman laveur de cerveaux et le Lex super-champion du capitalisme triomphant, Millar propose une alternative déprimante, reposant uniquement sur deux individus alors que les problèmes planétaires appelleraient plutôt à des solutions collectives. Du coup, la conclusion de l’histoire ne m’a pas vraiment convaincu.
De plus, étant donné la politique migratoire actuelle des USA, une des dernières répliques lancée par Superman à Brainiac me laisse un goût amer dans la bouche : « Nous n’avons pas le droit d’intervenir, nous ne sommes pas nés sur cette planète ! »
Gasp ! Millar n’aura pas hésité à mettre ses mots dans la bouche du premier super-héros immigrant !
Je l’ai dit, il y a des idées, dans ce récit, même si elles ne sont pas toutes bonnes. A la base, Red Son, n’est d’ailleurs que cela : une idée, assez intéressante, mais malheureusement pas tout à fait bien développée et mise en œuvre. Euh… qui a dit comme le Communisme ?

Si votre regard sur la série est différent, n’hésitez pas à vous exprimer dans les commentaires. © DC Comics
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Superman est dans la place (rouge) !
Tout baigne ! (rouge sang)
Lex Luthor lui prend sa place !
Tout baigne ?
Ben non, pas vraiment, en tout cas, pas pour JP Nguyen, qui vous fait part des réserves qu’il éprouve à l’égard de Superman : Red Son, de Mark Millar, Dave Johnson et Killian Plunkett,
La BO du jour : L’utopie communiste, ça se chante aussi :
Je me suis toujours tenu à l’écart de ce comic-book. Il y avait un je ne sais quoi de déprimant dans le pitch, de rédhibitoire, et la lecture de l’article de JP ne fait que confirmer que mon pressentiment était le bon.
Un grand merci, donc, pour m’avoir fait connaitre en profondeur la teneur de cette mini-série sans que je fusse obligé de la lire. Et je dois confesser que je trouve les dessins très laids, notamment sur cette planche avec Brainiac dans l’espace (et la suivante par Killian Plunkett est peut-être encore pire…).
Je plusssoie à ton article JP même si encore une fois paradoxalement je n’ai pas revendu ce truc porté au pinacle. Tu pointes admirablement la faille politique de Millar qui encore une fois vend de l’esbrouffe. Que ce soit la science ou la politique tout se passe souvent facilement chez Millar. Mais bon , après tout pourquoi pas , on ne demande pas aux auteurs de BD d’être non plus des prix Nobel. Le problème c’est que si j’étais à la place de Millar, j’éviterais d’écrire sur les mathémathiques par exemple.
C’est vraiment le champion de pitch et il devrait s’arrêter là.
Pour le dessin pareil : déçu par la performance de Johnson. Comme Jock, il semble plus doué pour les covers. Je me rappelle de cette histoire assez bizarre de vomi incarné (!) chez Mike Carey où il ne brillait pas non plus. Je n’ai d’ailleurs même pas pensé à me le faire signer au comic con, c’est dire….
Quant à la BO, merci JP pour ma chanson préféré du monde de JJG.
@Tornado : les dessins laids ? Tu es encore plus sévère que moi ! Au patinage artistique, tu serais le juge russe ! « Laids », je réserve ça à Liefeld ou, à la limite, à JR Jr quand il est en roue libre comme dans le lien posté par Matt il y a quelques jours…
Je précise (ou répète) que je n’ai pas voulu aller contre le sens de l’opinion générale juste pour me démarquer. J’ai entamé ma relecture avec une certaine bienveillance mais le traitement et le développement de Millar m’a vraiment déçu et, par moments, agacé.
De plus, ce bouquin croule sous les avis positifs, alors un avis dissonnant, ça ne lui ferait pas de mal. Je ne prétends pas que c’est LA vérité, c’est juste ma vérité (avec quelques arguments quand même…)
J’suis d’accord que c’est assez moche, moi aussi.
ça semble figé comme du Steve Dillon, et regardez la longueur des jambes de Diana par rapport à la longueur de son bras dans la scène de danse. La pauvre…
Pour ce qui est du thème politique mal foutu, ouais ça ne donne pas envie.
Par contre je me demande si ce comics n’a pas inspiré Injustice (le jeu) dans lequel la Superman d’une terre alternative est un tyran maitre du monde depuis que le Joker l’a poussé à tuer Loïs et où certains héros essaient de l’arrêter. Il y a eu un comics après aussi je crois mais bon…le jeu repose sur de grosses bastons puisque c’est une sorte de mortal kombat, et je ne sais pas ce que ça donne en comics. Faut espérer que ce soit plus consistant qu’une série de bastons. Mais en tous cas pour un jeu de baston; l’histoire était sympa.
Comme toi JP, je gardais un bon souvenir de cette bédé, sauf le raté qui a consisté à ne pas donner de noms soviétiques aux différents super-héros de l’histoire. Ou au pire qui s’inspire de son folklore.
2017 me semble, en tout cas, une belle année pour m’y remettre. Merci à toi de me l’avoir remise en mémoire.
Au sujet des idées politiques de Mark Millar, j’en étais resté au fait qu’il était plutôt de gauche (du moins à ses débuts dans l’industrie du 9ème Art U.S), et tu en parles comme le chantre du capitalisme ?
Je crois pour ma part que le développement d’un discours politiques, dans son acception la plus large, est voué à l’échec. Du moins sur des franchises, même « hors continuité », comme celle de Superman, destinées à durer le plus longtemps possible. Surtout s’il devait, comme ici, prendre à rebrousse-poil l’idéologie capitaliste.
Tout au plus, peut-on y déposer un léger vernis politique.
Bref, merci pour cette belle analyse dans laquelle tu fais passer des idées avec lesquelles je ne puis qu’être d’accord.
Hasta aleykum !
@artemus : c’est Présence, qui , dans un article sur Kingsman, m’avait le premier sensibilisé au discours très pro-capitalisme de Millar.
Sur la politique, je pense que la BD en général ne peut pas forcément faire changer les opinions mais elle peut faire réfléchir. De mon point de vue, Red Son propose une réflexion biaisée, bancale et de mauvaise foi. C’est ce que je déplore et je voulais apporter un bémol dans la relative unanimité dont cette histoire jouit (souvent, sur les réseaux sociaux, les commentaires restent en surface et ça donne du « arf, Superman chez les Russes, trop fort ! »)
Ce qui me semble gênant dans cette histoire ce n’est pas tant de faire perdre Superman (car il aurait pu être trahi par quelqu’un de son pays en désaccord avec ses méthodes par exemple, montrant par là même que toute personne adhérant au communisme n’est pas forcément le diable), c’est le fait de faire du porte étendard du capitalisme le vainqueur. Comme si Millar voulait absolument montrer que le communisme perdra toujours face au capitalisme, même s’il a Superman dans son camp.
Alors que bon…dans les fondements du communisme, sur le papier, il y a des idées moins malsaines que le capitalisme, même si elles sont inapplicables. Donc je ne trouve pas ça subtil de faire comme si le communisme était un régime fasciste maléfique aussi facile à caricaturer que le 3eme Reich dont les idées mêmes sont indéfendables si on est un tant soit peu humaniste.
Encore un article qui tombe à pic, car je n’ai pas lu ce Red Son, tentant depuis des années de résister au monceau de commentaires positifs et élogieux qu’évoque JP. Dans cet article, je retrouve bien Mark Millar : une idée de départ excellente (Superman incarne l’antithèse de l’American Way of Life), et un développement entièrement basé sur la réussite personnelle.
Kingsman était pas mal comme adhésion à la conformité, MPH (dessiné par Duncan Fegredo) met encore plus en avant la réussite personnelle par l’argent. Les 2 commentaires (présents sur le site) sur Starlight (avec Goran Parlov) mettent également en évidence cette propension à célébrer l’ordre établi.
L’une des autres raisons qui me retenaient de lire cette histoire est que Dave Johnson a abandonné le navire en cours de route. De découvrir que même ses pages ne sont pas à a hauteur de son génie créatif pour les couvertures achèvent de me convaincre de passer mon chemin.
Ca alors, j’aurais cru que Présence l’avait déjà lu… Maintenant, vu ce que j’ai écrit, je ne saurais lui recommander de combler absolument cette « lacune ».
Ceci dit, j’ai mis une note équivalente à celle de Enemy of the State, parce que c’est quand même loin d’être de la merde en boîte.
Mais quand j’ai relu l’introduction du TPB VO, j’ai quand même ressenti un décalage, lorsque le gars chargé de l’intro (un producteur de cinoche, si je me rappelle bien) écrivait :
« Good writing challenges the way you think. Great writing changes the way you think. »
Pfff, en quoi un discours pro-capitaliste peut changer la pensée d’un lectorat majoritairement occidental ? Je sais, c’est pas Mark Millar qui a écrit l’intro, mais bon, la modestie du quidam me fait dire qu’il n’est certainement pas du genre à refuser qu’on pare son récit de vertus que je ne lui ai pas vraiment trouvées…
A moins que le but soit de convaincre les sympathisants communismes pour revenir au maccarthysme ^^
Bah… Je propose le mot de la fin : Aux chiottes les cocos, à bat le capitalisme et vive l’anarchie (pacifique) ! 😀
Depuis le temps que je tourne autour de cette bd, ton excellent article me permet de trancher, JP ! Comme toi, je trouve le pitch fascinant : il induit que toute personne, serait-ce un être surnaturel et moralement irréprochable comme Superman, n’est finalement qu’un produit de son environnement. J’ai beau eu essayé d’éduquer mes enfants comme je le sentais, je sais qu’ils ne restent finalement limités à une vision des choses dont je fais partie et contre laquelle je ne peux rien. Je suis très fier d’eux mais malgré tout j’ai un sentiment d’inachevé dans l’appréhension du monde, appréhension qui est elle-même limitée pour moi par ce que je peux en voir.
« Millar lui fait redonner la prospérité économique aux Etats-Unis en seulement 6 mois, en commençant par faire cesser toutes les relations commerciales avec les pays étrangers, mesure protectionniste lui permettant de renouer avec le plein emploi ! » : rien qu’avec cette phrase, je sais que cette bd est loupée et finalement très peu intéressante. Millar part ainsi sur une vision archaïque et dépassée du monde, sans réussir à s’affranchir de sa propre appréhension de la société.
C’est d’autant plus dommage que les couvertures parodiant les constructivistes russes et même les planches ont l’air splendides.
« La surveillance de « Big Brother » Superman c’est celle qui continue de se développer de nos jours, non par l’intermédiaire d’un super-héros alien, mais via les multiples outils d’espionnage électronique présents dans notre quotidien. Le retour en grâce des régimes autoritaires, la restriction des libertés individuelles, la propagande d’Etat… sont autant d’éléments qui font écho à notre actualité. » Voià, Millar aurait pu aller plus loin, faire de Superman un dictateur malgré lui est une excellente idée. A ce sujet, j’ai trouvé le film THE DICTATOR de Sacha Baron Cohen très rafraîchissant malgré un humour lourdingue par moments qui n’est pas ma tasse de thé mais avec un renversement des intrigues classiques de comédies hollywoodiennes très bienvenu. Et un message final très clair.
Autre chose : tout comme dans Watchmen, où Doc Manhattan imposait la puissance des Etats-Unis au reste du monde, il est tout à fait logique que la Russie le fasse ici en ayant Superman. Cela me rappelle que dans le style, le Supergod de Ellis était bien plus subtil que Millar apparemment (et cela ne m’étonne guère).
La BO : oui et non. Y a du bon et de l’insupportable dans ce morceau. Enfin bref, Goldman, même quand j’aime bien, ça me fait du mal de l’écouter.
Si ce thème t’interesses, j’ai trouvé DIVINITY de Matt Kindt et Trevor Hairsine bien mieux écrit.
le pitch: un cosmonaute soviétique se perd dans une autre dimension et retrouve le chemin de la terre doté d’un pouvoir quasi divin (une sorte de silver surfer). il décide en voyant l’état du monde et de sa mère patrie d’instaurer une dictature mondiale soviétique. les USA tentent de l’empêcher mais…
C’est en trois tomes (Divinity I, II et III) et je crois qu’il y a un sorte d’appendice qui s’appelle Eternity.
auto conclusif inséré au monde Valiant mais sans réelle continuité et les super héros sont des archétypes faciles à appréhender.
Je confirme tout ce qu’a dit Eddy. 🙂 L’épilogue n’est pas indispensable, mais il serait dommage de s’en priver.
Sinon, pour Red Son, sur un autre site, Siegfried Wurtz a écrit une critique bien plus détaillée que la mienne :
https://comicspowercom.wordpress.com/2019/12/04/dossier-dictature-des-dieux-4-superman-red-son-et-si-le-boy-scout-de-lamerique-etait-un-affreux-coco/
Mais au final, on se rejoint sur le fond : « une idée, assez intéressante, mais malheureusement pas tout à fait bien développée et mise en œuvre. »