Le défi Nikolavitch : Le vrai Superman, c’est bibi !

Le défi Nikolavitch : Le vrai Superman, c’est bibi !

Un article de ALEX NIKOLAVITCH

Chaque mois, Alex Nikolavitch, traducteur, romancier, essayiste, scénariste et subisseur des beuveries de Bruce Lit est mis au défi de répondre aux plus grandes énigmes de la culture populaire.
Suite à l’annonce de la bisexualité de Jonathan Kent et l’avalanche de réactions moyen-âgeuse qui s’en est ensuivie j’ai contacté Niko entre deux conférences qui m’a pondu son papier aussi enthousiaste que dans l’urgence. Une urgence qui n’a pas laissé le temps à Mattie Boy de commettre son illustration habituelle.
-Bruce.

L’objet du scandale
©DC Comics

Les super-héros, peuvent le dire, « nous sommes les champions », et quand ils cassent leur pipe, « le spectacle doit continuer », et… Jonah J. Monsieur Bruce m’interrompt sèchement en lâchant le bol de biscuits apéro sur la table.

« Euh, Niko, si tu commences à partir en citations de Freddie Mercury, ça va pas le faire. Déjà que tu as tenté de coller du Obispo sur mon beau blog, espèce de crapule… »
Je hausse les épaules.
« Tu n’es décidément pas joueur.
— Les bornes doivent avoir des limites, des fois. »
Ce qui n’est pas faux, je dois l’admettre.
« Tiens, sinon », reprend-il en me jetant un regard en coin, genre il me prépare un mauvais coup, « penses-tu qu’en faisant de Superman un bisexuel, DC ait sérieusement mordu sur la ligne blanche ? »

Ah, le revoilà avec ses questions. Moi qui venais juste pour lui taxer une bière, il va une fois encore falloir que je la mérite.
Bon…

Superman bisexuel, donc, ça choque. Quand, y a pas si longtemps, c’est Tim Drake, alias Robin, ou Red Robin, enfin, Tim Drake, quoi, qui avait fait son coming out bi, ça n’avait pas autant râlé. Faut dire que, depuis au moins les recherches approfondies de FREDRIC WERTHAM sur le sujet, on sait que Wayne Manor est un baisodrome et un rêve humide gay. Je lui laisse l’entière responsabilité de cette conclusion, d’ailleurs. Rappelons d’ailleurs, à la base, que les super-héros, c’est des personnages en collant plus chamarrés qu’un Elton John des grands jours ou qu’un Aladdin Sane de calibre réglementaire. WATCHMEN a exploré par moments les implications de ce côté « glam & drag ». Des personnages gays, y en a chez Marvel depuis au moins le coming out de Northstar (qui n’a pas surpris les lecteurs fidèles, d’ailleurs) il y a une trentaine d’années. Après, l’homosexualité est un peu moins taboue que la bisexualité, semble-t-il. Tout comme la transidentité est moins difficile à gérer par le corps social que la non binarité. L’être humain aime à fonctionner par étiquettes, cases et catégories commodes. Souvent à cheval sur deux mondes, les super-héros se devaient sans doute d’explorer aussi ces zones-là.

Mais Superman, c’est autre chose, quand même. C’est le maître étalon du genre.
On voit fuser des noms d’oiseaux, des accusations de wokisation (wokisme?) (wokitude?) (j’en sais rien, je suis pas à jour sur le vocabulaire des paniques morales de droite) d’un personnage patrimonial qui n’avait rien demandé à personne. Superman, c’est un personnage de l’Amérique profonde, voyez-vous, patriotique et tout, et…

La politique n’a jamais eu sa place dans les comisques.
Superman n°17, DC Comics

Pffffrrrrtttttt…
Désolé, je viens de manquer de m’étouffer en me marrant. J’admire les gens qui parviennent à proférer des énormités en conservant leur calme.
Revoyons l’action au ralenti, tenez.

Superman qui change de bord sexuellement (ou qui fait le grand écart, en l’espèce, heureusement qu’il a été reslipé), c’est toucher à l’un des fondamentaux, c’est taper très fort dans l’intégrité du personnage.

Ayé, je suis à nouveau obligé de m’arrêter. L’intégrité du personnage… Qui a changé de logo une bonne demi-douzaine de fois, qui est devenu bleu, qui a eu les cheveux longs, qui a (sacrilège) été deslipé, qui… Ouais, on va vraiment repartir en arrière, là.
Et même avant Juin 1938, sa date de naissance officielle.

Parce que Supes, notre grande courgette bleue préférée, au départ… Ben c’était Lex Luthor avec des pouvoirs. Je vous jure que c’est vrai, sur une tartine de kryptonite.

Lorsque les jeunes Siegel et Shuster commencent à travailler sur REIGN OF THE SUPERMAN, dans la première moitié des années 30, ils veulent en faire l’histoire d’un homme qui doit choisir quoi faire de ses immenses pouvoirs, et ne choisit pas forcément bien.

T’as géchan, Clark.

C’est par la suite, lorsqu’ils le proposent à un éditeur (et se le reprennent dans la figure) qu’ils affinent le concept, le rendent beaucoup plus positif, et finissent par obtenir qu’il soit publié comme bouche-trou dans ACTION COMICS n°1.

Et le Superman de 1938, d’ailleurs, c’est quoi, c’est qui ? Un immigré clandestin qui refait sa vie en Amérique et casse la gueule à des maris violents et à des patrons voyous. Donc, clairement, un Social Justice machin de compétition. Superman, à la base, est non seulement politique, mais de plus marqué à gauche, c’est un représentant de l’Amérique du New Deal de F.D. Roosevelt et de ses valeurs. Si on veut jouer les puristes, Superman, c’est ça, et les trahisons du concept commencent 3 ans plus tard avec l’arrivée d’un Superman patriotique, et qui vole ! (oui, à la base, je rappelle qu’il est seulement « capable de sauter par-dessus les plus hauts buildings »).

Le côté feuilletonnant des comics amène souvent des ajouts ultérieurs à faire partie intégrante de la mythologie d’un personnage. Vous croyez que DAREDEVIL est un personnage noir, aux aventures urbaines et dépressives ? Relisez les débuts écrits par Stan Lee, où il est plutôt dans une forme de vaudeville, et vous verrez qu’on est loin du standard posé par Frank Miller vingt ans plus tard. C’est comme dans la vie, l’image de soi et celle qu’on renvoie se construisent dans la longueur.

Mais, allez-vous me dire, mais ce n’est pas comme si je vous demandais votre avis, en fait, ce n’est pas la même chose d’ajuster les pouvoirs d’un personnage de comics ou le ton de sa série, et de changer en profondeur son identité.

Là, on touche à un truc intéressant. Sur le fait qu’un personnage tue ou pas, et finisse par changer à ce niveau-là semble moins drastique. Que ce vieux gaucho de GREEN ARROW vire, sous Reagan, au vigilante énervé, ça n’a pas généré le même genre de polémique. Mais la sexualité, c’est intime. C’est une part très importante de l’identité de chacun. Alors non, on ne parlera pas de la sexualité de GREEN ARROW, alias Oliver Queen.

Les dossiers sortent.
Brave and the Bold n°2, DC Comics

Et donc de l’identité d’un personnage patrimonial, puissant et viril comme Superman. Sauf que même ça, on peut en discuter. Virilité et sexualité n’ont pas toujours été corrélées, figurez-vous. Ou en tout cas, pas dans toutes les cultures. Et même dans la nôtre…

Ceux qui ont une vision trop réductrice à ce niveau risquent de voir sacrément flou lorsqu’on leur expliquera pourquoi Jules César a été interpellé en plein Sénat comme « la reine de Bithynie », par exemple. Où s’ils creusent un peu la riche et édifiante histoire du bon roi Richard, dit Cœur de Lion, rien que ça, ou celle du bouillant Achille. (on ne se lancera même pas sur les Spartiates, et sur la vision pétée qu’en ont certains, parvenant en même temps à gommer leur sexualité et à en faire des icônes gay) (moi ça me fait rire, remarquez) (mais j’ai mauvais fond)

Et même chez les Vikings, érigés de nos jours en modèles de puissance virile, y a à en dire. Lisez un peu ce que disent l’Edda ou la Lokasenna des sexualités de Loki et même d’Odin. Ça dépayse, croyez-moi. Je peux vous renvoyer aussi à de très bonnes études sur la transidentité traditionnelle dans les tribus d’Amérique du Nord, ça change des Indiens dans les films de John Wayne.

« Tu vas pas un peu loin, là, mon Niko ? »
Le boss a raison. Revenons à nos Kryptons.

Et là, y a un truc encore plus drôle, et c’est pour ça que je le gardais pour la fin, parce qu’il remet tout de suite en perspective ces cris d’orfraies : le Superman bisexuel qui énerve tant de gens persuadés qu’on vient de « détruire le personnage », c’est Jon Kent. Donc le Superboy New-52/Rebirth. Ce n’est même pas le « vrai » Superman. La plupart des gens qui s’insurgent ne connaissent pas le personnage, ne lisent pas les séries, et se sont bornés, dans le meilleur des cas, à ne voir que les versions Snyder (pas Scott, hein, l’autre, monsieur le-ralenti-c’est-la-vie, qui avait accessoirement doté les Spartiates, à un autre moment, d’un slip en cuir très seyant).

Encore un superman deslipé. Tout se perd, ma bonne dame.
Superman, Son of Kal-El n°1, DC Comics

On est donc d’accord, le héros bisexuel, même s’il porte le costume et désormais le nom de code, c’est Jon Kent, personnage récent et actuel, créé en partie pour dépoussiérer le vieux concept de Superboy. Jouer avec lui, pousser ses limites, c’est justement à ça qu’il sert, afin de conserver les bases de l’original.

On se retrouve dans une situation un peu similaire à celle du Captain America subitement retourné par Hydra, écrit par Nick Spencer, qui avait fait partir en vrille toutes sortes de non lecteurs. Ils se demandaient depuis quand Captain America était devenu politique, démontrant à la volée qu’ils ignoraient que c’était dès le tout premier numéro de 1941, et qu’ils n’avaient jamais entendu parler du run des années 70 évoquant le Watergate, ni lu les épisodes précédents de Spencer qui amenaient très habilement ce coup de théâtre.

C’est le propre de ces indignations surjouées : elles ne reposent que sur l’ignorance, sur une appréhension seulement parcellaire de leur objet, et sur quelque chose d’épidermique.

Un petit prix d’excellence à cette sénatrice américaine qui a écrit doctement « Superman aime Louis Lane, point » qui illustre à la perfection cette partie de notre propos. Elle ne sait pas orthographier le nom de la journaliste, du coup elle lui colle un nom masculin, et puisque le Superman dont on parle est le fils de Clark et Lou… Lois… elle nous présente comme rétablissement de la normalité une espèce d’inceste oedipien bien vénère. Changez rien, les enfants, vous êtes magiques.

Élargissons à nouveau le cadre de réflexion.
Superman est un héros de comics. Ses aventures sont publiées à un rythme au départ mensuel (mais depuis, les séries s’étant multipliées, on est sur de l’hebdomadaire, dans les faits) depuis 1938. Ces rythmes et durées de publication conduisent à multiplier les auteurs tout en traversant les époques. Le gauchiste revendicatif de Siegel et Shuster a cédé la place à la figure tragique de Boring puis à la figure paternelle de Swan, avant d’arriver à la gravure de mode de Byrne, au cartoon de McGuinness et ainsi de suite. L’épisode autocontenu des origines n’est plus de mise, les aventures du héros sont devenues un feuilleton colossal et, malgré les reboots, notre Jon Kent s’inscrit pour partie dans une continuité qui date de 1987 (ouais, on devrait plutôt se scandaliser de la façon dont DC impose des reboots pas forcément utiles puis rétropédale lorsque qu’à force d’ajustement, a réussi à totalement moisir la nouvelle continuité). Il y a un moment où il faut faire évoluer la situation. Clark a été l’amoureux transi de Lou… de Lois pendant plus de 50 ans avant d’enfin l’épouser. Et un peu plus de temps encore avant de rouler des bécots à Wonder Woman. Mais entretemps, il y avait eu Lana Lang et Lori Lemaris (vous vous appelez Lily Lamour ou Laura Latimer ? Vous êtes la prochaine. Non, Lex Luthor, pose cette perruque). Les évolutions, dans Superman, sont lentes, du fait justement de son aspect patrimonial. Certaines, d’ailleurs, sont éphémères. Mais ces évolutions doivent exister. La pire chose qui puisse arrive à un personnage de ce genre, ce n’est pas d’évoluer au fil du temps, mais de se mettre à ronronner, de se figer. Dès lors, le renouveau ne pourrait venir que de la caricature, du détournement et de la parodie : c’est peu ou prou ce que tentent de nous dire, entre autres choses, Alan Moore quand il met en scène les reboots successifs de SUPREME et de son petit univers, ou Warren Ellis lorsqu’il introduit APOLLO ET MIDNIGHTER, démarquages de Superman et Batman formant un couple ouvertement gay.

Pour réveiller un personnage qui ronronne, ses auteurs doivent lui administrer à intervalles plus ou moins réguliers ce genre d’électrochoc. Ici, qui plus est, ils y vont avec retenue, mettant en avant une autre génération de la famille des héros, à laquelle ils peuvent donc donner un tour et un traitement plus moderne.

Ça chambre méchamment.
The Authority n°8, DC Comics

Rien de neuf là-dedans. Dans les comics, c’est même structurel. Faut secouer le cocotier. Ça se fait plus ou moins habilement, mais ça se fait depuis toujours, depuis au moins le Green Lantern noir, le Thor femme (et le Thor extraterrestre chevalin, ne l’oublions pas), ou la Torche Humaine qui est un jeune homme au lieu d’un robot (eh oui, on l’oublie trop souvent, mais Johnny Storm n’est qu’un reboot assez violent d’un concept plus ancien, d’un personnage ultra patrimonial).

« Attends un peu », me dit Jonah J. « Tu es en train d’affirmer que ce qui est reproché aux comics qui essaient de changer le statu-quo du personnage, dans l’histoire, c’est d’être… des comics ?

— Exactement. Comme souvent dans ce genre d’affaire, on brandit un petit truc visible pour s’en offusquer, mais le but est de torpiller tout ce qu’il y a derrière. C’est un prétexte, et ça rentre dans le cadre de l’invisibilisation de tout écart à une norme sociale réductrice, un classique de l’éthos bourgeois, soit dit en passant : la plupart de ces gens se contre-carrent de Superman, voire méprisent à la base tout ce qui ressemble à de la culture populaire. Ceux qui connaissent un peu le personnage ignorent ou feignent d’ignorer ce qu’il était à la base, et je ne ressortirai pas les images licencieuses de Joe Shuster dans lesquelles Louis… pardon, Lois et Clark se livrent à des pratiques BDSM, ce serait trop facile.

— Fais voir ?
— Faites vos propres recherches, les amis, internet est là pour ça. C’est un genre de magie.
— Niko…
— Ouais, ouais, promis, j’arrête. Elle vient, cette binouze ? »


44 comments

  • Kaori  

    D’abord, merci Bruce pour cette tribune. Bravo et merci Alex parce que ton expertise est une nécessité en ces temps houleux.

    C’est un sujet qui me tient très à coeur. (J’en ai très peu dormi d’ailleurs.).

    Parce que Freddie. Parce que mon cousin. Parce que pas mal d’amis gays ou bi se sont sentis blessés cette semaine. Pour mes amis et proches, homo et hétéro, qui n’approuvent pas cette façon de faire, pour leur raison à eux, j’ai fait ce texte ce week-end. Je ne savais pas comment ni où m’exprimer. Ce sera donc ici, même si ce n’est pas la visibilité la plus forte.

    Toujours dans mon idée de parcourir l’œuvre de celui qui ressuscita Nightwing, je me suis bien évidemment penchée sur sa nouvelle série sortie durant l’été 2021, dans la discrétion qui lui convenait : la série qui suivrait les aventures du fils de Superman : Jon Kent. Je pensais sagement attendre la fin du premier arc pour écrire dessus, et puis est arrivé le 11 octobre, jour du coming-out aux Etats-Unis. La suite, tout le monde la connait. La Terre s’est enflammée pour une polémique dont je ne comprends toujours pas le sens… Jon Kent, le nouveau Superman, est bisexuel. So what ?
    L’affaire aurait pu en rester là, passons à autre chose. Et ce sera chose faite, car ici nous savons que ce qui compte dans les comics, c’est loin d’être leur orientation sexuelle.
    Mais avant, j’aimerais quand même développer quelques points qui n’engagent que moi.
    Je me suis réjouie de cette annonce, dans un premier temps. Pour tout un tas de raisons. Parce que j’ai des convictions. La conviction que le monde a besoin d’évoluer dans le domaine de l’acceptation de l’autre, de la différence et notamment dans l’acceptation des personnes ayant une orientation sexuelle minoritaire. Pour faire simple, et parce que la toile n’a fait que renforcer ce sentiment : stop à l’homophobie. Malheureusement, ces initiatives de personnages LGBT+ dans les fictions sont souvent à double tranchant : overdose/matraquage, bien-pensance, marketing… Cela semble contreproductif… (Je ne voulais pas perdre mon temps à rappeler que l’orientation sexuelle n’a rien à voir avec un quelconque choix, mais visiblement, en 2021, tout le monde n’a pas l’air au courant, donc il est bien de le stipuler quand même…)
    Alors prenons point par point.
    Le marketing
    Sans doute que derrière cette annonce en grande pompe se cache une visée marketing. Cela fait le buzz et on parle de la série. Peut-être même que cela augmentera les ventes. Mais quand on connait Tom Taylor et les séries qu’il a écrites (où il met régulièrement en scène des couples homosexuels (le mariage Harley Quinn/Poison Ivy, c’est lui), quand il ne crée pas de personnage non binaire (il suffit de voir The Aerie dans sa SUICIDE SQUAD)), on sait qu’il profite de son métier pour délivrer des messages à visées sociales, altruistes, humanistes, tout en respectant ses personnages. Ce n’est pas une nouveauté, il le fait dans sa série indépendante, il l’a fait dans ses anciennes séries et il a même confié qu’il avait essuyé beaucoup de refus depuis 10 ans qu’il essaye d’introduire des personnages LGBT+. Donc pour le côté marketing, on repassera.

    Le matraquage
    Effectivement, ces dernières années, voire même mois, nous voyons, surtout chez DC, l’émergence de héros LGBT+. On pourrait penser que DC Comics avait déjà fait quelques efforts en termes de représentativité : Batwoman, The Question, Harley Quinn et Poison Ivy… Mais… où sont les hommes ? C’était surtout là que le bas blessait, contrairement à la concurrence qui avait déjà outé Vega dans les années 90 et Iceberg dans les années 2010… Alors voilà, on dirait que DC essaye de se rattraper : après Kaldur’ahm dans YOUNG JUSTICE (le dessin animé), nous avons une révolution qui s’opère, avec 3 coming-outs en une seule année : Allan Scott (Green Lantern), Robin et Superman fils. Sans compter Aqualad dont la série vient de démarrer également. Alors oui, ça fait beaucoup en peu de temps. Mais je crois qu’il était aussi temps de rattraper le train en marche…
    On remarque quand même que, au contraire de certains coming-outs qui semblent sortis de nulle part, celui de Superman est tout à fait plausible : le personnage est vierge de toute relation, on l’a connu enfant et vu passer d’un enfant de 10 ans à un ado de 17 ans. Rien d’incohérent à ce qu’il se découvre une bisexualité, donc.

    La bien-pensance
    Pour en avoir discuté avec beaucoup de personnes ces derniers temps, il revient régulièrement cette idée de morale imposée qui fatigue beaucoup de gens. L’idée aussi que ce n’est pas comme ça qu’on transformera un homophobe en personne tolérante. C’est très certainement vrai. J’ai parfois l’impression que nous sommes comme Don Quichotte à nous battre contre des moulins à vent… Mais ce n’est pas ça qui est important. Le combat n’est pas dans le présent. Ce combat écrit l’avenir. Un avenir où les gosses de demain ne verront plus les personnes LGBT+ comme des personnes anormales, voire immorales. Et peut-être que, savoir que le plus grand super-héros que la Terre ait porté est lui-même bi, peut-être que ça aidera ces gosses à accepter autrui dans son entièreté, et les autres, à s’accepter, à ne pas avoir honte d’eux, à être fier d’être qui ils sont, parce qu’ils ont le droit d’être « comme ça ». Parce que Superman lui-même est comme ça. Alors, bien sûr, le comics est un milieu de niche. Tous les enfants ne liront pas Superman. Mais nous avons tous vu le bruit que ça a fait ! Tout le monde sait aujourd’hui que le nouveau Superman est bisexuel. Et peut-être, peut-être que ce petit bruit fera des petits, suffisamment pour que demain soit un jour meilleur. Tiens, c’est pas la nouvelle devise de Superman, ça ?

    • Nikolavitch  

      merci pour cet éclairage qui complète superbement le débat.

      et oui, les questions de représentation sont importantes.

      intéressant de voir comme, dans ces cas-là, tout écart perçu à la norme est grossi au point qu’on ne voie plus que ça (quand 98% des personnages DC restent cis/hétéros)

    • Présence  

      Et peut-être, peut-être que ce petit bruit fera des petits, suffisamment pour que demain soit un jour meilleur. – Bien d’accord avec toi. Cela est tout à fait la question de l’invisibilité et de devoir dire pour faire exister. C’était également le propos de Grand Silence : taire quelque chose, c’est déjà ne rien faire en refusant de le reconnaître. Avoir un personnage bi (même si c’est une stratégie marketing éhonté) permet de montrer un exemple.

  • JB  

    Autre exemple de progressisme dans les séries Superman, le coming out de Maggie Sawyer (capitain de l’Unité spéciale de la police de Métropolis) fin années 80 / début 90, bien avant Renee Montoya, Harley Quinn et Poison Ivy. Sans parler de la franchise dérivée de Superboy, la Légion des Superhéros, et le personnage transexuel de Shvaughn Erin.

    • Eddy Vanleffe  

      oui Shvaughn Erin…on pense que c’est une fille et en fait on apprends que c’était un gars avant?

      • JB  

        C’est bien une femme transgenre avant Zero Hour, ce que dévoile Legion of Super-heroes n°31 (série de 1989)

  • Matt  

    Je vais faire plus simple : pour moi c’est tout des conneries.
    Dans les deux camps.

    Je me fous de la sexualité de ces personnages. Et je n’aime pas quand elle est montrée pour des raisons politiques en fonction des besoins militants de l’actualité.
    Et si les gamins ont besoins que tous les héros forment une grosse gay pride pour tolérer les homo ou les bi, il y a un sacré problème d’éducation.
    Mais on continue de déresponsabiliser les parents de toutes façons…
    Moi je pense plutôt qu’en matraquant comme ça et en transformant tous les persos de la pop culture en bisexuels, ça va juste agacer les gens.
    Mais qui suis-je pour juger ?
    J’en ai fini avec les super héros modernes de toutes façons. Superman peut bien être transformé en chinois gay musulman au prochain reboot, je m’en tape.

    • JB  

      Oserai-je te dire qu’il y a déjà un Super-Man chinois depuis Rebirth ? ^^

      • Matt  

        Mais est-il gay et musulman ? Non ! Ah ! Opportunité manquée^^

      • Eddy Vanleffe  

        fausse polémique qui concerne d’ailleurs comme vous le soulignez surtout des gens qui ne listent pas de comics qui se sont arrêté à la phrase « SUPERMAN EST BI »….
        depuis Multiversity on a vu qu’il pouvait avoir plein d’itérations possible et que c’était un peu devenu un menu « macdo » les super héros, on peut commander celui qu’on veut.
        Perso les thématiques d’identification »…c’est pas pour ça que je lis des comics ou quoi que ce soit… je ne recherche pas mon miroir dans mes lectures, sinon en lisant Hannibal, j’aurais du mouron à me faire…
        cette dernière polémique m’a fait m’interroger sur les raisons profondes pour lesquels j’aimais le super héroinat et pourquoi j’en lisais, puisque manifestement je ne suis plus du tout le public cible….

        • Matt  

          « les super héros, on peut commander celui qu’on veut. »

          C’est un peu pourquoi j’en ai plus rien à faire de tout ça. On parle de l’intérêt des personnages, tout ça…et en fait y’a plus de personnages. Des coquilles vides que tu remplis de ce que tu veux en fonction de l’actualité.

          « Perso les thématiques d’identification »…c’est pas pour ça que je lis des comics ou quoi que ce soit… je ne recherche pas mon miroir dans mes lectures, sinon en lisant Hannibal, j’aurais du mouron à me faire »

          Moi non plus. Et puis les X-men parvenaient bien à parler de racisme et de tolérance sans que chaque membre de l’équipe soit noir, chinois, arabe, homo, bi, transgenre…(et tout ça en même temps hein^^)
          La subtilité est aux chiottes aussi. On prend les lecteurs pour des cons…ou on essaie de se substituer à une éducation correcte (ce qui serait une bonne intention mais qui en dit long sur l’éducation s’il y a besoin de ça pour compenser…)

          Bref je ne suis plus la cible non plus et tout ça me passe au dessus.

          • JB  

            Tu avoueras, les nouveaux X-Men étaient quand même très diversifiés par rapport à l’équipe d’origine : black, asiatique, amérindien…

  • Tornado  

    Comme quoi y a de ces gagas dans tous les extrêmes. Je suis étonné que les comics soient à ce point, ces dernières années, les vecteurs de toutes ces polémiques et de toutes ces tentions idéologiques vaseuses (bienpensants/woke/SJW/machin Vs réacs/droite/machins).
    Cela-dit les changements s’effectuent toujours dans la douleur. Les scénaristes des séries SPIDERMAN se sont fait plus d’une fois menacer de mort il me semble.
    La vache. Dans quel monde vit-on…

    Perso la vie sexuelle des autres je m’en fiche. Je n’ai juste pas envie de suivre une évolution « progressiste » hypocrite au forceps. Mais si c’est bien amené ça ne me dérange pas du tout (aucun soucis avec les YOUNG AVENGERS ou avec THE AUTHORITY. Les personnages étaient cool et attachants).

    • Chip  

      Je suis étonné que tu sois étonné. La polarisation de la politique est clairement passée par la culture populaire en tant que théâtre de guerre culturelle, et les violents blacklash réacs ont été précédés d’offensive notamment chez les gamers (2/4/8chan, le gamergate, les sad puppies en SFF pour les US, le fameux forum JVC 15-18 qui a starisé Soral, Lesquen et Zemmour et les youtubeurs qui surfent là-dessus, le dernier ayant « percé » étant Papacito, quitte à avoir du mal à en sortir – Raptor Dissident).

      Le vrai changement entre la jeunesse de la plupart des intervenants ici, à vue de nez, et maintenant, est que la transgression était auparavant vu en elle-même comme un acte fondamentalement progressiste, renversant les hiérarchies et conveances sociales fossilisées, et qu’elle est maintenant un outil pour rendre glamour des opinions réactionnaires, xénophobes et miosogynes via la figure du troll, parfaitement incarnée par Trump. Ce retournement du trash-chic peut se retrouver, encore aux US, chez Gavin McInnes, fondateur de Vice devenu fondateur des Proud Boys, groupe raciste prônant la violence.

      • Tornado  

        Certes.
        Mais tu as aussi l’inverse : Des SJWs qui vont hurler sur des petits détails paraissant réacs alors que dans le contexte d’un comics c’est vraiment anecdotique (combien de fois Frank Miller a été traité de tous les noms ?). On le sait bien : Les baisuo en question ne font ça que pour leur égo. mais quand même… Un détail dans une BD, c’est pas un acte de propagande non plus (l’exemple de Miller n’était pas le meilleur à cause de HOLLY TERROR, mais bon…).
        Dans un cas comme dans l’autre, ou dans un extrême comme dans l’autre, oui je suis étonné que de simples comics pas si subversifs que ça dans le fond, deviennent les vecteurs de telles tribunes. C’est pas Gainsbourg qui brûle un billet de 500 balles ou qui insulte Whitney Houston devant des milliers de spectateurs non plus. C’est un marché de niche avec des histoires souvent assez inoffensives. Enfin, je trouve.

        D’un côté comme de l’autre, je suis assez exaspéré par ces réactions démesurées. mais c’est peut-être aussi parce que j’ai été biberonné à la transgression, et que je suis devenu difficile à choquer.

        • Chip  

          Bien sûr qu’il y a des excès « progressistes » (je n’ai pas envie de coopter le terme SJW à cause d’où il vient de ce qu’il charrie), même si chacun risque fort de placer le curseur à un endroit différent.

          En revanche je me refuse à placer sur le même plan quelqu’un qui est sincère ou non, maladroit ou manipulateur, trop agressif et éventuellement pas sur la bonne cible et tout ce qui existerait entre ces pôles, mais qui milite pour une égalité de fait et contre des discriminations et quelqu’un qui va, par esprit de contradiction, trollage ou conviction (et ce spectre précis est aussi un toboggan ou un pipeline), harceler ou humilier une minorité.

          Il n’existe pas de groupe qui veulent forcer les gens à devenir LGBT+, il existe en revanche des gens et des groupes qui veulent au minimum leur retirer des droits et toute forme de visibilité. L’équivalence des extrêmes est ici selon moi déconnectée de la réalité.

          • Kaori  

            Je partage ce point de vue à 2000% !

          • Tornado  

            Pas d’accord. Pour moi qui ne suis dans aucun des deux extrêmes, c’est une réalité connectée (au sens propre) que de constater leur toxicité au quotidien. Il n’y en a pas une pour rattraper l’autre. Tout comme en politique.
            C’est trop facile de défendre les belles causes derrière un écran, à égalité que de les démolir. Ça n’a strictement aucune valeur à mes yeux. C’est dans la vie qu’il faut le faire (je suis personnellement pro LGBT+, et POUR la différence. Une bonne partie de mon entourage est de cette minorité).
            Et je m’arrêterai là d’ailleurs. Parce que je ne veux surtout pas donner l’impression que j’attaque quelqu’un en particulier. C’est juste une perception aigüe de l’absurdité des luttes idéologiques virtuelles contemporaines. Mais c’est souvent mal perçu.

  • Fletcher Arrowsmith  

    bonjour,

    merci pour cette article. Je suis également très sensible sur le sujet et j’ai tenu à peine 24h la semaine dernière avant de donner plus que mon avis aux hordes de décérébrés homophobes et intolérants d’internet. Et cela à continué avec l’abomination que semble être le pronom « iel ». Mon dieu quelle horreur avec des arguments cachant à peine le véritable débat de société et de mal-être derrière.

    Sur le sujet j’ai écris un article sur la bisexualité de mon héroïne préféré, Kitty Pryde chez Top Comics, le site de chez Stéphane d’en face :

    https://topcomics.fr/les-amours-de-kitty-pryde-13-romances-qui-attestent-sa-bisexualite-comics-marvel

    Kaori a parfaitement résumé mes opinions. Je la remercie d’avoir pris la plume. Et encore merci à Bruce lit et Alex Nikolavitch.

    • Présence  

      Merci pour le lien. Article très intéressant.

  • Chip  

    Réaction à chaud : pour rester dans le thème, je propose à monsieur Nikolavitch de l’embrasser goulûment. C’est ferme, argumenté et ce qu’il faut d’un peu véner sa mère. Ca fait du bien par où ça passe (voir fig. 1).

    • Nikolavitch  

      pas devant tout le monde, voyons !

      Pour en revenir à ce qui se disait sur la représentation, c’est en ce qui me concerne un point clé et souvent mal compris. Je n’ai pas besoin de me projeter dans TOUS les personnages que j’apprécie. gamin, mes personnages préférés étaient d’ailleurs des gens, hommes et femmes, plutôt mûrs.

      mais, pour un jeune qui se cherche, qui souffre des pesanteurs sociales et des stigmates d’anormalité qui lui tombent dessus (quel que soit le domaine, d’ailleurs, racial, social, sexuel, religieux ou autres), pouvoir se projeter dans des héros qui lui ressemblent est une étape indispensable de la construction. Peter Parker a représenté un ballon d’oxygène pour plein de jeunes nerds, quand les héros d’avant étaient des hommes mûrs et bien installés. La nouvelle Miss Marvel n’est pas qu’un coup éditorial. Pour en avoir causé avec des gamines venues à des ateliers BD, c’est quelque chose qui les touche profondément.

      Vu la polarisation évoquée ici et là, disposer de personnages positifs dans lesquels se projeter est crucial. sinon, la seule image renvoyée est négative. et voit ce qui advient lorsqu’on est écrasé par une image négative : la haine de soi, c’est ce qui produit une bonne partie des personnages immondes qui font la pluie et le beau temps, médiatiquement et politiquement dans ce pays. Il ne s’agit pas d’instaurer des quotas, mais de parler du monde tel qu’il est, avec sa diversité.

      dernier point, à titre personnel, je n’ai pas besoin que des personnages me ressemblent pour me projeter. le coming out forcé de Montoya, dans Gotham Central, m’a touché, par exemple. Parce que c’est une bonne histoire, avec des personnages qui sonnent vrai. un récit qui ne serait QUE militant, quel que soit son bord, sera mauvais et inintéressant. mais ces personnages diversifiés peuvent alimenter une dramaturgie, et pas forcément au seul titre de leur diversité. un bon personnage reste un bon personnage. une bonne histoire reste une bonne histoire. ce dont il est porteur par ailleurs peut être un plus, sans pour autant être au coeur du récit, ou être un moteur de celui-ci. diversifier les thèmes, les enjeux, les personnages, c’est aussi diversifier la culture, et ne pas exclure d’emblée des catégories de lecteurs ou d’acteurs. rien ne m’ennuie plus que de voir toujours les mêmes personnnes me raconter plus de la même chose. les super-héros tels qu’on les connait n’existeraient même pas si de jeunes juifs, exclus de marchés plus prestigieux, n’avaient pas saisi l’opportunité offertes par le nouveau format du comic book pour y injecter leurs préoccupations. d’autres minorités, par la suite, se sont emparées du format. je trouve ça fondamentalement sain.

  • Chip  

    Je rajoute ma petite pierre : je peux comprendre que les gens ne soient pas dupes de la dimension commerciale de la représentation des « minorités », et je n’attend pas de comportement « moral » d’une corporation, dont toute la motivation est basée sur le profit (ce qui n’empêche pas divers degrés de sincérité dans l’engagement chez les gens qui la composent, mais il ne faut pas surestimer l’impact ds choix individuels), néanmoins, je le prend. Ca ne rendra pas soudain un homophobe « tolérant » mais comme le rappelait Kaori, a n’est pas à lui que ça s’adresse, et ça n’est pas le but, et très franchement on ne sait pas comment faire changer d’avis à quelqu’un. Je laisse quand même ce paragraphe sur une perspective optimiste : il semblerait que les opinions changent plus vite que le renouvellement des générations, et vers plus de « tolérance »; pour la France je vous laisse chercher les interventions de Vincent Tiberj sur le sujet.

    Je voudrais aussi souligner un amalgame qui m’agace et qui est instrumentalisé par les propagandistes homophobes (ou plus précisément LGBTQIA+ophobes, enfin, tout ce qui n’est pas strictement hétéro, et encore) : quand on parle d’orientation sexuelle, on parle généralement aussi d’orientation amoureuse, même si parfois les deux ne sont pas alignés, en l’occurence, on ne parle pas nécessairement, loin de là, de sexualité en tant que pratique mais bien de relations amoureuses, affectives.

    Or le terme un peu vague de « sexualité » est souvent utilisé pour entretenir le flou et nous faire croire qu’on met de la pornographie sous les yeux de nos bambins ou dans nos écoles (souvenez-vous des folles rumeurs de cours de masturbation à la maternelle lancées par la sphère soralienne sous Hollande), quand il s’agit de bisous, ou de se tenir la main et de se dire amoureux, ou de parler de l’importance du consentement.

    Deux enfants qui se font un bisous sur la joue dans une histoire ne feront se lever les boucliers que s’ils sont du même genre, et il n’y a là aucun contenu sexuel, inconvenant ou maltraitant, et ceux qui utilisent l’argument fallacieux de « la sexualité » pour faire croire le contraire doivent être contredit avec détermination.

    • Jyrille  

      Bien d’accord avec toi.

      Pour ce qui est de faire changer les opinions, selon ma petite expérience, je pense que c’est impossible. On ne peut que lancer des idées, tenter de faire germer un doute, mais au final, si les gens changent d’avis, c’est uniquement de leur fait, jamais de l’extérieur, en tout cas jamais directement.

      • Chip  

        C’est vrai. Quand ça arrive c’est qu’il y a un lien affectif et une qualité d’écoute, et c’est a petite échelle. Ce qui se joue dans ces polémiques généralement à la con c’est un rapport de force médiatique (en plus de la composante commerciale.

        Mais si je te répond, c’est surtout pour recaser la blague que les gens qui se droitisent à causes des gauchistes chiants sont faibles, parce que les gauchistes eux-mêmes se font emmerder par des gauchistes tous les jours.

        • Jyrille  

          Ah ah je la connaissais pas celle-ci

  • Bruce lit  

    La démonstration est brillante (comme toujours), on te sent porté par l’article et ne pouvons dire qu’Amen. Ce qui est intéressant, c’est de montrer à quel point les comics sont polymorphes et à quel point, c’est leur force et leur faiblesse, il est possible que tous se l’approprie pour leur faire dire tout et n’importe quoi.
    Kaori et toi avez raison : vive les modèles positifs à qui s’identifier ! Ce n’est pas moi qui déplore à longueur de journée la perte de valeurs humanistes des comics qui dira le contraire.
    Ce que j’ai pu voir tout au long de cette journée homophobe m’a bien foutu la gerbe. Merci donc pour ce rdv de l’intelligence et du bon sens. Ton exemple sur le Cap de Spencer est très parlant.

    Pour le reste, je suis un peu comme un lecteur du FB. Je trouve que Dc prend un peu le train en marche et reste sur une ancienne nomenclature : on ne parle pas ici de cisgenre ou pansexuel.
    Et c’est sans doute ici que je peux comprendre les levées de boucliers modérés. Cette nouvelle éducation sexuelle presque imposée où ta vie semble définie par des personnes qui sont le spires ambassadeurs de leur cause (le mec d’arrêt sur image et son fameux ; Je ne suis pas un homme). C’est comme si tout à coup des siècles de sexualité étaient rebootés sans que tu n’aies ton mot à dire.
    Pour ma part, c’est simple : je pratique une indifférence bienveillante. Quand je rencontre quelqu’un, je ne me demande jamais s’il suce ou s’il lèche. Il y a 30 ans ceux qui imaginaient la sexualité de Tintin, Asterix ou Tintin m’ennuyaient. Ma vie sexuelle n’est pas derrière moi, mais je pense quand même la connaître.
    Maintenant si certains se servent de comics comme manuels de survie, je peux comprendre. Reste à trouver de vrais scénaristes qui parviennent à enrober tout ça. Le coming out de Iceberg, c’est nullissime. Tom Taylor, je fais confiance à Kao, moi pour l’instant je n’ai rien lu de transcendant de lui. Ennis a bien écrit sur l’homosexualité. Et le maître étalon en la matière c’est Terry Moore avec Neil Gaiman qui, déjà, il y a 30 ans évoquaient l’homoparentalité.
    Sur la culture Woke, il y a bcp de déformation de la droite américaine mais aussi de vrais fanatiques qui existent. Lorsque tu brûles 5000 BD dont TINTIN ou ASTERIX, ce n’est pas anodin.
    Il y a ce truc un peu dérangeant d’écrire pour faire plaisir à une communauté quand on pourrait imaginer un art universaliste.

    • Chip  

      Je regroupe ici deux remarques que je veux faire, pas juste pour remettre des jetons dans la machine mais bon, j’y met mon coeur et j’espère mon cerveau.

      Tu dis « Ennis a bien écrit sur l’homosexualité. Et le maître étalon en la matière c’est Terry Moore avec Neil Gaiman qui, déjà, il y a 30 ans évoquaient l’homoparentalité. »

      Il y a pour moi deux sujets qui s’ils se recoupent, ne sont pas identiques.

      1) Parler de problématiques propres à un point de vue. L’homoparentalité est une expérience spécifique de parentalité. Une série comme Pose est intrinséquement liée à l’histoire de ses personnages, qui sont définis par leur rapport à la sexualité et au genre (et le problème des minorités c’est bien d’être définis par d’autres, assignés, et pas nécessairement de retourner le stigmate t d’assumer une identité). Je pense que les comics mainstream seront toujours très loin de s’attaquer à ce genre de récits pour les mêmes raisons qui leur font faire du pinkwashing : il faut suivre les évolutions de la société ne pas trop cliver leur public actuel et potentiel.

      2) Avoir dans un récit des personnages DONT IL SE TROUVE qu’ils sont [insérer minorité], ça colore un peu le récit à la marge éventuellement. C’est la différence entre « The L Word » et une série dont un personnage est une lesbienne par exemple, où sans ces problématiques, une série ou un personnage est parent et une série sur la parentalité. Des fois d’ailleurs, ça peut agacer les militants parce que la thématique n’est pas exploitée (l’exemple récent c’est la bisexualité de Loki dans la série du même nom, dont l’impact consiste en une réplique).

      La nature des polémiques se situe principalement sur un autre plan que celui de la qualité des récits (elles ont souvent lieu avant même les parutions).

      Et les levées de bouclier se font en confondant les deux assez systématiquement. J’en viens à ce que disait Kaori :

      « Le fait est qu’il existe une population LGBT+ (je suis désolée de raccourcir, je n’arrive pas à retenir plus de 5 caractères !!), pourquoi continuer à la cacher ? Pourquoi dès qu’on la montre, ça agace ? »

      Je pense que c’est précisément parce que pour certains, le fait de ne pas monopoliser les représentations est vécu comme une agression, que la simple représentation, mon point 2) plus haut est vécu, à mon avis à raison, comme une pente vers le point 1), soir une humanisation des minorités, ce qui est un enjeu des récits : donner la voix à un personnage, une expérience, ou le caricaturer, c’est un outil puissant et nous sommes des créatures qui se nourrissent de récits au moins autant que de nourriture. La représentation est vécue comme un danger existentiel envers une certaine culture, ce qui n’est à mon sens pas complètement faux, mais pas plus mal. À l’heure ou certains ambitieux politiques sont capables de dire que la société se féminise et que c’est la cause de son délitement, je crois qu’il ne fautpas avoir peur ou honte de dire que cette vision mérite effectivement d’être combattue et de disparaître. Du coup, toute avancée de normalisation même banale rencontre un coup d’arrêt – d’autant que le projet de société que j’évoque doit inventer un danger existentiel urgent pour justifier la violence de son propos et de ses actions, et autant certains medias entretiennent des buzz par effet mécanique de mercantilisme, autant certains idéologues ou du moins convaincus fournissent une puissance de feu médiatique à dessein pour entretenir cette atmosphère de panique. Je pense que sans cette grille de lecture effectivement la violence des réactions est incompréhensible.

  • Présence  

    Je sens qu’il y en a qui ne vont pas me croire : j’étais passé à côté de cette information qui semble pourtant capitale. Je découvre cette nouveauté relative à Jon Kent sur Bruce Lit (véridique)… et je crois que je l’ai déjà oubliée car combien de temps cela restera-t-il d’actualité ?

    J’ai beaucoup aimé le développement sur l’intégrité du personnage de Superman, son passage de Lex Luthor avec des pouvoirs à la figure paternelle de Swan, avant d’arriver à la gravure de mode de Byrne, et ainsi de suite.

    J’ai tout autant apprécié le constat que la plupart des personnes qui commentent sur un épiphénomène ne lisent de toute façon aucun comics.

  • Kaori  

    Ca fait du bien de lire les commentaires de Niko, qui me réconcilient avec l’Humanité.
    Fletcher, merci pour les compliments… Niko aussi d’ailleurs, je suis flattée.

    Matt : le problème est très certainement éducatif, mais est-ce une raison pour ne rien faire ? L’éducation ne se fait pas que par les parents. On ne se construit pas que par nos parents. Merci d’ailleurs à Niko pour son développement sur l’importance des héros dans lesquels on peut se projeter.
    J’aime l’exemple de JB avec les Nouveaux X-Men : sans même nous en rendre compte, comme l’a montré Niko, les comics ont semé des graines, ont suivi l’évolution de la société, ont montré ces minorités qu’on cachait autrefois.
    Le fait est qu’il existe une population LGBT+ (je suis désolée de raccourcir, je n’arrive pas à retenir plus de 5 caractères !!), pourquoi continuer à la cacher ? Pourquoi dès qu’on la montre, ça agace ? Est-ce les réseaux sociaux qui amplifient tout ?

    Enfin peu importe, le but ici n’est pas de se mettre d’accord mais de pouvoir exprimer ses points de vue et de respecter ceux des autres (tant qu’ils restent respectueux de chacun…)

  • sébastien zaaf  

    Cet exemple illustre assez bien je trouve l’époque de Tartuffe que nous vivons. Déjà le débat a été biaisé dès le début ou presque par un cargo de titres putaclic de la presse qui a sciemment laissé penser que Superman devenait bi (ils avaient déjà fait le coup il y a quelques mois avec le projet de film avec Calvin Ellis ou Val-Zod en Superman)… Il n’en fallait donc pas plus pour que toute la sphère ultracrépidarianiste se précipite sur ce fabuleux os à ronger. La moitié des commentateurs ayant relâché leur homophobie crasse n’ont pas ouvert un comic book depuis une éternité ou de toute leur vie (j’en reviens au Superman noir, beaucoup ne savaient même pas qu’il y a en a un dans Crisis on Infinite Earths et pensent que c’est un effet de mode). Les mêmes passent leur temps à hurler que si on veut mettre des LGBTQ+ dans les comics il faut inventer des nouveaux personnages. Mais Jon si je ne m’abuse est quand même un personnage récent. C’est pas comme si on annonçait que Peter Parker ou Oliver Queen devenaient gays… Et quand ce fut le cas pour Alan Scott dans Earth 2 ça n’a pas non plus fait le coeur de l’histoire. Je veux dire qu’on reste sur un comic book. La « révélation » de la bisexualité de Tim Drake c’est 3 cases à tout casser sur un comic de 20 pages. Et il accepte juste un rendez vous avec un garçon. On n’a pas non plus eu droit à Tom of Finland ou un storyboard de Bruce LaBruce. On reste quand même chez DC et ça n’est ni Zénéscope ni BD-EF… Ce qui me consterne plus c’est la seconde moitié des intervenants qui semble peiner à intellectualiser le médium qu’ils ont entre les mains. Entre ceux qui tentent doctement d’expliquer que le comic book n’est pas politique (ah bon Captain America qui met son poing dans la gueule d’Hitler alors que les USA ne sont pas encore en guerre c’est pas politique..?) et ceux qui justifient leur homophobie latente à coup de « vous salissez tout » « vous avez brisé mon enfance » en arguant que les comics ne sont pas là pour faire la promotion d’une minorité (les Mutants / les droits civiques…)… Oui il y a sans doute une question d’éducation à revoir. Est-ce qu’un enfant sera plus tolérant si le fils de Superman est bisexuel? Je ne sais pas. Est-ce que le gosse américain moyen a été moins antisémite et moins pro-nazi à la lecture de Captain America Comics 1 en 1941? Est-ce que le sudiste moyen des années 60-70 a été moins raciste à la lecture des aventures de Tchalla ou de Luke Cage? Comme pour le Cap de Spencer, un medium appartient d’abord à son auteur et il y met ce qu’il veut. S’il veut que ça soit un déferlement pop à coup de zip, shebam, pow, blop, wizz libre à lui. Et libre à lui d’en faire un brulôt politique contre Hitler ou Trump, ou de parler de sujets qui lui tiennent à coeur comme la question des minorités. Je parlais d’une époque de Tartuffe parce que tout le monde parle de liberté, de ses opinions légitimes ou pas qu’il faut respecter tout en niant à tous les autres le droit de faire la même chose au nom de cette même liberté d’expression qui donne le droit de jeter à la face de tout le monde qui sa religion, qui sa xénophobie, qui son homophobie, qui sa haine de l’homme blanc de plus de 50 ans… Là on parle d’une oeuvre de fiction. Quand on lit certains commentaires, on a l’impression que c’est leur vie qui est détruite. Quand on aime pas, quand on adhère pas, on achète pas. Moi j’aime pas Valeurs Actuelles, j’achète pas. Et j’évite de perdre mon temps à le faire savoir à ceux que ça ne dérange pas de le lire … Et on pourrait avoir le même débat avec les personnages de couleur. Quand Rhodey a remplacé Tony Stark en Iron Man, je ne me souviens pas avoir vu de lettres de lecteurs outrés dans le courrier de Strange. Des titres putaclic, la magie des réseaux, rajoutez une dose de « mon opinion vaut bien la tienne » et laissez agir …

  • Jyrille  

    Merci Alex pour la mise au point nécessaire. Rien à dire de plus, c’est parfait.

    La BO : j’ai beaucoup de nostalgie et de tendresse pour ce disque. Le morceau est vraiment cool.

  • JP Nguyen  

    Chouette article et chouettes commentaires. À titre personnel, en tant que minoritaire asiatique, je peux dire que j’ai aimé avoir quelques héros asiatiques, même si je ne me projetais pas exclusivement en eux…

    • JB  

      Je ne sais pas pour toi, j’aime bien cette chère Karma, perso ^^ Pourtant, elle déguste méchamment dans les Nouveaux Mutants ou Second Coming.

      • JP Nguyen  

        « déguster dans le second coming », c’est un truc à vous faire rendre gorge….😉

        Karma, j’avais lu son origin-story dans le What if par Claremont et Miller. Pas trop suivi le personnage… Mais j’ai relu plein de fois le Strange où ROM s’alliait à Shang-Chi…

        • Nikolavitch  

          un giant size, pas un what if

          • Nikolavitch  

            et je dis une ânerie aussi. un numéro double de Marvel Team Up

        • JP Nguyen  

          Oui, un Teamup, je me suis trompé, je l’avais lu en VF dans un SSO et je ne sais pas pourquoi j’ai pensé à What If…

  • Chip  

    Accessoirement je constate qu’il y a vraiment deux poids deux mesures, parce qu’en France, ca fait maintenant plusieurs mois que Batman est bimestriel.

    C’est tout pour moi, vous êtes un public formidable, on se revoit vendredi au Don Camillo à 19h.

    • Nikolavitch  

      **slow clap**

  • Kaori  

    Bon sinon, je voulais revenir sur un truc absolument ahurissant des réseaux sociaux.

    Aujourd’hui Taylor fait le buzz et se retrouve accusé de wokisme pour avoir outé Superman.
    Mais l’ironue, c’est qu’il y a quoi… un mois ? il s’est retrouvé qualifié de « abelist writer » (je ne connaissais pas ce terme avant ce jour-là… c’est un auteur ayant une écriture offensante envers les personnes handicapées… je n’invente rien… Les EU m’épateront toujours…) parce qu’il a remis Barbara Gordon dans un costume de Batgirl… offensant ainsi la minorité des personnes en fauteuil roulant (même si Barbara a quitté le fauteuil il y a 11 ans grâce à Gail Simone… les internautes ne sont pas à un détail près…). Et là-dessus je rejoins Tornado parce que sur Twitter, Taylor fait de temps en temps des captures d’écran des messages « non-bienveillants » qu’il reçoit… du genre « j’espère que ta chaise brûle en enfer » ou « j’espère que vos mauvaises actions vous poursuivront jusqu’à votre tombe »… Il fait bon être un auteur en 2021 ^^

    • Nikolavitch  

      oui, tu soulignes le fait que la démarche date de Simone (qui l’a surtout actée, d’ailleurs : la décision venait de l’éditorial. Simone, qui avait animé Oracle pendant une grosse poignée d’années, aurait bien continué sur la lancé, je crois) et ça illustre une partie de mon propos : les plus véhéments sont ceux qui ne LISENT PAS les comics dont ils parlent.

      • Kaori  

        Pour Gail Simone, c’est ce que je pensais, j’ai raccourci, mais oui je pense aussi qu’elle aurait aimé poursuivre sur Barbara en temps qu’Oracle… Ca colle plus à ses convictions…

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