Le rêve de la conquête spatiale

Première publication le 14/03/14. Mise à jour le 14/08/ 2016

Orbiter par Warren Ellis et Colleen Doran 

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Toujours plus loin !© Vertigo

AUTEUR: PRÉSENCE

VO: Vertigo

VF : /

Orbiter est une histoire complète parue chez Vertigo écrite par Warren Ellis et mis en image par Colleen Doran.

Un jeune adolescent s’apprête à sortir la poubelle à la demande insistante de sa mère. Ils habitent dans un bidonville, dans une baraque en cartons et leur tapis est un drapeau portant le symbole de la NASA. Ils habitent sur le site du Kennedy Space Center, à l’évidence désaffecté et occupé par un immense hameau de fortune. Les gens vivent dans des baraquements précaires ou sous des tentes.

Après avoir accompli sa tâche domestique, le jeune homme va contempler l’immensité de l’océan pour se changer les idées. Une boule de feu s’approche dans le ciel et vient s’écraser sur le bidonville. Il s’agit de la navette spatiale baptisée Venture, partie 10 ans auparavant. Sa disparition et celle de son équipage avaient mis un terme à toute exploration spatiale par des humains.

Les militaires investissent à nouveau la base et mettent le vaisseau au secret. Ils font appel à 3 spécialistes pour essayer de comprendre ce qui c’est passé et interroger le survivant : Terry Marx (spécialiste des motorisations alternatives), Anna Bracken (psychiatre spécialiste des astronautes, 10 ans auparavant) et Michelle Robson (astronaute et biologiste). Que s’est-il passé ?

Dans les 2 pages du texte d’introduction, Warren Ellis rappelle son amour de l’espace et sa passion pour la conquête spatiale. Il indique également que le scénario de cette histoire a été achevé à la même époque que la fin catastrophique de la mission STS-107 de la navette Columbia, le premier février 2003. Il précise également que Colleen Doran (la dessinatrice) partage la même passion que lui pour l’espace.

Ce n’est pas la première fois qu’Ellis invente une histoire dont le thème principal est l’espace ; il y a déjà eu Ministry of Space (une histoire alternative de la conquête de l’espace),  Ocean (une enquête dans station de recherche sur Europe, l’un des satellites de Jupiter, 100 ans dans le futur) et Ignition City (un récit se déroulant dans un port spatial dans une réalité alternative).

Pour cette histoire, il met en scène une situation assez classique dans les récits d’anticipation : un phénomène incompréhensible a perturbé une mission de la navette spatiale américaine. Dès les premières pages, il est évident qu’Ellis a décidé d’inclure dans ce récit des éléments scientifiques et factuels sur la conquête spatiale. Il arrive ensuite un moment où le récit prend toute son envergure d’anticipation et les personnages se lancent dans des extrapolations scientifiques plus ou moins crédibles.

Atterrissage  raté !

Atterrissage raté !  © Vertigo

Si vous êtes allergique à cette composante des récits de science fiction, évitez ce tome car Ellis n’y va pas avec le dos de la cuillère. Les trois premiers quarts mêlent efficacement les investigations des 3 spécialistes avec des scènes de dialogues un peu bavardes dans lesquelles les personnages analysent et commentent ce qu’ils ont découvert. Ils formulent des hypothèses qu’ils tentent ensuite de vérifier au fur et à mesure, comme dans toute bonne démarche scientifique qui se respecte.

Les illustrations de Colleen Doran sont dans un style sensiblement différent de ce qu’elle a fait dans sa propre série A distant soil. Elle utilise un registre assez réaliste, avec une attention soutenue pour les décors. Elle donne une vision complexe des visages et des émotions qui traversent les personnages. La mise en page est simple, avec de 3 à 5 cases par page en moyenne. Les décors ont tendance à disparaître lors des conversations. Pendant ces séquences, l’attention se fixe plus sur les personnages, avec une prépondérance de gros plans sur leurs visages. La mise en couleurs de Dave Stewart est magnifique comme d’habitude, avec une teinte prépondérante en fonction du lieu et des couleurs assez foncées (à lire avec un bon éclairage).

Le moment de s'expliquer est venu !

Le moment de s’expliquer est venu ! © Vertigo

Puis arrive le dernier quart du récit. La narration repose presqu’exclusivement sur les dialogues des personnages. C’est une particularité dont Ellis a du mal à se défaire : dans ses récits courts (100 pages pour Orbiter), il arrive fréquemment un moment où Ellis case toutes les explications dans une scène de dialogues abondants.

Ici cette particularité vire à la caricature. La narration n’est plus portée que par les dialogues ; les illustrations ne servent qu’à montrer les interlocuteurs immobiles pendant 16 pages sur 25. Tout se passe comme si Ellis avait oublié qu’il écrit le scénario d’une bande dessinée qui est un media visuel. A-t-il été obligé de faire plus court que prévu ? Impossible de savoir, mais la fin s’apparente plus à un dialogue de roman qu’à une bande dessinée.

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Une seconde peau © Vertigo

Quoi qu’il en soit (et malgré ces pages malhabiles), la passion de l’espace d’Ellis et de Doran s’exhale de chaque page. L’appétence d’Ellis pour la technologie et même les concepts scientifiques liés à l’exploration spatiale tiennent une place importante dans le récit. Ellis a imaginé un récit de science fiction qui tient la route. Et Colleen Doran crée une ambiance très particulière autour de cette navette spatiale mystérieusement revenue. Tout n’est pas parfait, mais globalement l’histoire fonctionne bien.

9 comments

  • Tornado  

    Warren Ellis est un des rares auteurs dont je me régale des dialogues. Je ne m’y ennuie jamais.

    • Bruce lit  

      Oui….jamais pu dépasser les 10 premières pages…

  • Matt  

    Lui pardonner ses Astonishing X-men ?
    M’enfin…
    Un jour faudra qu’on m’explique précisément ce qu’on reproche à ces épisodes que je trouve tout à fait corrects. Que ça ne plaise pas à tout le monde, ok, mais le fait que ce soit conspué quasi unanimement m’échappe. On n’est pas chez les X-men de Bendis quand même bon sang ! Je parle seulement de Astonishing hein. Apparemment ses œuvres de jeunesse chez Excalibur, X-men font frémir le boss de ce blog, mais celles-là, je ne les ai pas lues.

    Ahem…sinon sympathique article. Je ne connaissais pas du tout cette histoire. Je m’intéresse à ce que fait Ellis, je me rends compte que j’aime assez ce qu’il fait. On m’avait dit qu’il était comme Garth Ennis mais même s’il partage ce côté irrévérencieux, il est quand même moins trash visuellement et avec un humour moins vomitif que Ennis (pour moi, encore une fois. No offense !)
    Je ne sais pas cela dit si cette histoire est pour moi. La conquête spatiale ne me passionne pas. Elle ne me répugne pas non plus, mais me laisse un peu indifférent. J’ignore donc si les 16 pages de dialogues sauraient transcender leur maladresse chez un lecteur comme moi.

    • Matt  

      « passé sur le fil du rasoir par, pourtant un de ses fans » ?
      Houla…ça veut dire mauvaise note ça ?
      J’ai commencé à lire Transmetropolitan et pour l’instant ça me plaît. J’ai hâte de lire cet article.

      Sinon c’est le côté technologique qui te déplaît dans les thèmes qu’il aborde ? Comme le dit Présence dans l’article, il semble bien aimé aborder le sujet des technologies et les concepts scientifiques en rentrant dans des détails obscurs.
      Simple curiosité hein, je n’ai aucune intention d’essayer de te forcer à apprécier l’auteur^^

      • Bruce lit  

        Houla…ça veut dire mauvaise note ça ?…Oui, même moi je suis choqué 😉

        Pour répondre de ta question, je suis un littéraire obtus pour qui les maths, les sciences et tout ce qui porte une blouse ou un tablier constituent une phobie au même titre que certains ont celle des araignées ou des reptiles. Les sciences ont flingué ma scolarité, j’ai usé autant de cours de soutien que Gainsbourg de cardiologues sans AUCUN effet. Il m’a toujours fallu joué de coefficient pour réussir mes études : Français 18- Maths 02…..
        Donc Ellis rentre dans la catégorie des auteurs qui me donnent des sueurs froides, la bouche pâteuse et crise d’angoisse. Satisfait ? 😉

      • Matt  

        Curiosité satisfaite oui, merci^^
        C’est marrant moi les maths m’ont sauvé pour mon bac. J’étais en filière économique. ça ne m’intéressait pas. J’avais compris qu’en filière ES, on t’apprend en fait comment le monde nous baise.
        Et je me suis tapé un 6 en éco au bac. Et j’ai eu 15 en maths avec un coeff identique.

        Bon après les maths on perd vite tellement ça nous sert peu dans la vie. Et quand je suis retourné dans une formation 6 ans après mon bac sans avoir fait de maths et qu’il s’est avéré qu’il y avait des cours de maths…j’ai commencé à 6 pour finir à 11. ça revient à force mais pfiou…
        ça m’intéresse en fait, mais je ne suis pas assez doué pour ça.

        Et je suis arachnophobe ! Et Spider-man est mon héros préféré.^^

    • Présence  

      De ses 3 récits sur Astonishing X-Men, j’avais beaucoup aimé les 2 premiers Xenogenetic et Ghost Box, un peu moins Exogenetic. Il faut dire qu’il avait bénéficié de dessinateurs à la hauteur de l’exigence de ses scénarios (ce qui ne fut pas le cas pour Avengers – Endless war time).

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