L’écart Fantastique (Fantastic Four)

 

Un Bullshit Detector de BRUCE LIT

Ben Grimm se tape l’affiche. En réalité, c’est autre…chose.

Cet article passera en revue cette…cinquième tentative d’adapter les 4 Fantastiques au cinéma après les films de 1994, 2005, 2007 et 2015.
Matt Shakman a notamment réalisé la série WANDAVISION et le film a été écrit par quatre (!) scénaristes : Josh Friedman (réalisateur de l’inénarrable TERMINATOR DARK FATE et des médiocres CHRONIQUES DE SARAH CONNOR) , Eric Pearson (THOR RAGNAROK…), Jeff Kaplan et Ian Springer.

Et donc, voilà que nous retrouvons nos amis dans une Amérique parallèle évoquant le golden age de Lee&Kirby : pas de téléphones portables, de réseaux sociaux ou d’internet mais des voitures qui volent et des robots vintage en guise et lieu de majordome. Vous le lirez partout et aussi ici : c’est la grande réussite du film ; il y a effectivement des clins d’oeils à Kirby de ci et là mais aussi et surtout à Alex Ross qui donne au plateau des FF des attraits de la série MAD MEN : costumes très élégants, une ambiance insouciante et rétro.
En bref, il se passe enfin quelque chose au pays Marvel : les êtres humains sont de retour, il existe des scores musicaux originaux et non plus des best-of de tubes rocks déclinés à toutes les sauces, et une réelle volonté de privilégier les personnages et leurs émotions au détriment des bastons.

Les mauvaises langues vous diront que la bande annonce est plus réussie que le film…

Le film commence avec un résumé des épisodes précédents sans s’appesantir sur les origines des FF, un vrai gain de temps pour un long métrage qui fait le choix de ne pas dépasser les 1h40. Un choix salutaire : marre de ces films de plus de 2h30 qui sont là pour amortir les prix exorbitants d’une séance de cinéma. Son déroulé ravira les fans des comics avec l’apparition dans leur ordre chronologique des premiers ennemis des FF : L’homme Taupe, le Fantôme Rouge et ses Singes Géants. Jamais Ben Grimm n’en avait tant imposé à l’écran et le lecteur retrouvera l’adorable Chose aux yeux bleus, bourru mais au cœur d’or.

Le film propose surtout des versions inédites des personnages : un Reed Richards claremontien, vaguement dépressif, rongé par la culpabilité et les doutes supporté par une Susan ultra-badass, mais pour laquelle il est difficile de ressentir un véritable attachement. La femme invisible se réserve un duel contre Galactus digne de David contre Goliath ou de Vegeta contre Beerus, certes, mais le personnage est totalement arrogante, infaillible avec des émotions peu intéressantes à explorer et cette attitude altière vis-à-vis de ses adorateurs. La surprise du film est de doter Johnny d’un cerveau et de talent de musicologie dont la découverte sera cruciale dans la victoire finale de nos héros.

Sue me !

PREMIERS PAS met finalement très peu en valeur les pouvoirs de nos héros qui explosent véritablement à la toute fin du film, où ils portent enfin leurs costumes après avoir évolué en civil. C’est un film bon enfant, principalement destiné aux enfants, aussi light qu’un livre de poche sur la plage dont on réalise que l’histoire importe moins que l’attachement aux personnages.

Seulement voilà : il ne s’agit pas de n’importe quelle histoire mais bien de la création la plus lyrique et inspiré de Lee & Kirby : ce génial concept de Dévoreur de Planètes et de son Hérault collabo : Le Surfer d’Argent dont le dilemme moral constitue la plus belle scène du film.
Pour le reste, si le spectateur pourra enfin se délecter d’un Galactus gigantesque, c’est encore de la part de chez Marvel, la montagne qui accouche d’une souris.

Condamner une actrice formidable à l’inexpressivité la plus totale… Julia Garner, à son tour frappée par la malédiction des comédiens torchés par Marvel.

Nos FF ne sont plus seulement des héros, mais une sorte de dynastie royale devant laquelle se prosterne une humanité qui n’a jamais semblé si médiocre dans sa soumission et son manque d’esprit critique.
Comme dans le BATMAN RISES de Nolan, les humains attendent leur salut de puissances qui les dépassent sans consentir au moindre effort ou au sacrifice. De vrais Lemmings qui attendent passivement que Reed Richards, en bon père de famille, trouve une solution pour éradiquer Galactus, soulignant encore une fois le peu de cas que font les super-héros de la démocratie : pas de débat contradictoire, de collaboration avec d’autres scientifiques de presse ou d’enjeux politiques.
C’est bien simple : les Quatre Fantastiques vivent dans une tour d’ivoire (à part ce bon vieux Ben qui se ballade dans les quartiers pauvres) et pourraient résumer à eux seuls l’humanité. C’est terrifiant d’idéologie.

Le dilemme du film provient que nos héros refusent de sacrifier leur fils pour la vie de milliards d’êtres humains. On en sent bien deux trois vaguement énervés mais Susan les apaise en leur racontant sa vie. Ce pourrait être le moment le plus embarrassant du film. Mais de toute manière, personne mais…absolument personne à l’écran ne semble croire à la fin du monde. Tout ceci manque de peurs, de mesquineries, de violences, de chaos. Il y a eu plus de chaos pour acheter du PQ pendant le COVID que la peur ici, d’être annihilé…

Des héros seuls au monde…

Pour évacuer le danger que fait planer ce Galactus en mode Kaiju, les scénaristes ne trouvent rien mieux que de transporter la population de New-York dans les tunnels de l’Homme Taupe (autre personnage sur lequel le film se torche – on commence à beaucoup parler de PQ, non ?- (en même temps, c’est un Bullshit Detector)), là encore sans aucune opposition tout comme le blackout mondial demandé tous les soirs par Reed Richards en coupant toutes les sources d’énergies mondiales sans se demander comment fonctionnent les hôpitaux et tous les établissements nécessitant de l’électricité

Bref c’est une Apocalypse de pacotille qui marque contre son camp en permanence et qui finit par trouer le filet à force de sottise : nos FF sont des humanistes qui assistent à la destruction d’une planète en faisant des blagues à la con, en se demandant si le surf fait partie du corps de Shalla Ball et qui ne manifestent pas l’ombre d’un stress post traumatique, quand les infos à la tv suscitent en nous chaque jour notre sentiment d’empathie et d’impuissance face aux drames de ce monde.

Le seul moment véritablement intéressant du film.

Le film ne veut jamais quitter le giron de la comédie bon enfant en mettant en scène des dilemmes de bac à sable. Tout ce qui pourrait noircir le tableau lisse de cette famille bien sous tout rapport est caché sous le tapis : Ben & Johnny ne se chamaillent jamais, l’arc de La Chose est quasiment insultant : le mec, aussi fort que Hulk aux émotions si violentes, se contente de jouer les baby sitters et de se laisser pousser la barbe. Quant à son intrigue avec l’institutrice, elle n’aboutit à rien. Ne parlons même pas de l’absence du gang de Yancy Street qui aurait pu ramener un peu de crasse et d’imperfections à ce scénario poussif qui ne sait plus ce qu’il veut raconter dès son premier quart : Franklin Richards serait capable de calmer la faim de Galactus : qui, quoi, comment? Aucune réponse consistante ne vient rassasier son audience.
Et puis comme d’habitude, Marvel caste des comédiens hauts-de-gamme, ici la fabuleuse Julia Garner, la si bancale Ruth dans OZARK, pour ne rien lui donner à jouer.

La critique principale sur les réseaux sociaux était que le film qui transformait le Surfer en Surfeuse était Woke. Rien ne serait être plus idiot : le wokisme plaide l’exact contraire de ce que l’on voit dans le film à savoir une allégorie de la famille ultra normée hétérosexuelle.
Mais le gâchis provient surtout de l’échec total à utiliser la métaphore de Galactus pour cristalliser l’angoisse bien actuelle d’une génération, celle de Greta Thunberg, pour déclencher des typhons, du réchauffement climatique et du dérèglement planétaire.
Là encore, le film échoue à produire de la peur, de l’anxiété. Il y a plus de drames et de conflits dramatiques lorsque les avions attaquent King Kong que lorsque Galactus dévaste une ville pendant sa randonnée sans morts, sans sang, sans tentatives de l’armée pour jouer son rôle.

Bref, malgré ces oripeaux progressistes et sa femme invisible capable de prouesses enceinte jusqu’aux yeux, cette version des FF conserve ses relents paternalistes qui ordonne aux gouvernements du monde entier de se calmer pour faire face à une menace commune. Une vision du monde et de ses conflits infantiles et peu…fantastiques. En gros, pour continuer à nous lécher les bottes, nous vous cachons sous nos pieds.

Dans le même temps, une série comme SQUID GAMES se termine en faisant l’apologie du sacrifice individuel quand une série comme 24, jadis diffusée sur la FOX, rappelait l’importance de l’effacement de l’individu face au l’intérêt collectif.
L’exact contraire de ce film à l’idéologie finalement assez répugnante et de ses héros qui peinent à daigner nous aider, prêts à ne rien perdre, ne rien sacrifier pour continuer à être adorés…

Allez bye, les losers !


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