Oh my Goddess ! (Goddess de Garth Ennis)

GODDESS de Garth Ennis et Phil Winslade

Un psaume de   BRUCE LIT

VO : Vertigo

VF : Le Temeraire

1ère publication le 15/04/19- MAJ le 10/04/23

Cassidy, c'est toi ?  ©Vertigo

Cassidy, c’est toi ?
©Vertigo

GODDESS est une mini série complète scénarisée en 1995 par Garth Ennis et illustrée par Phil Winslade dont c’est le premier Comic-Book publié. La légende veut que GODDESS lui demandera 3 années de préparationaprès que Garth Ennis, séduit par son portfolio dans une comic-con, ne lui commande ce travail dont il assure également l’encrage et la colorisation. 

Publiée chez Vertigo, la série a été intégralement traduite en 3 volumes chez les Editions Le Téméraire, connues également comme les précurseurs de PREACHER et SANDMAN en France. Difficile (mais pas impossible) à trouver désormais, GODDESS n’ a pas (encore) été réédité chez Urban. 

Le niveau de violence graphique et de langage ordurier étant assez conséquent, Garth Ennis oblige, il est déconseillé aux coeurs tendres de s’y plonger.

Jean, c'est toi ?  ©Marvel Comics / Vertigo

Jean, c’est toi ?
©Marvel Comics / Vertigo

Rosie Nolan est une paisible jeune femme qui travaille dans un Zoo Londonnien. C’est aussi une Déésse qui a oublié ses origines et dont les pouvoirs se manifestement violemment causant diverses catastrophes naturelles entre l’Ecosse et L’Angleterre.  Pourchassée par la CIA et le MI6, Rosie, accompagnée de ses amis hauts en couleurs, part dans une quête de ses origines en mettant, bien malgré elle, le monde à feu et à sang.

Ce qui choquera les néophytes et grisera les amateurs du Punk Ennis, c’est qu’il est difficile, voire impossible, de différencier les héros des vilains dans GODDESS.  La CIA et le MI6 sont ici représentés par l’archétype du psychopathe enjoué Ennisien qui n’hésite pas à pratiquer le meurtre gratuit, torture, défenestre, empale à l’envi au fil de la série.  Ce sont ce que l’on appelle des instants Ennis : des moments énormes où la crédulité le dispute à l’hilarité d’une scène ultraviolente totalement dénuée de morale et surtout de sens.

Comme la branche de l'arbre, les instants Ennis, ça passe ou ça casse ! ©Vertigo

Comme la branche de l’arbre, les instants Ennis, ça passe ou ça casse !
©Vertigo

Bien plus que la douce héroïne qui confirme l’affection que le scénariste porte aux personnages féminins et son côté fleur bleue (oui, je peux vous prouver que Garth Ennis est un grand sentimental), GODDESS vaut essentiellement cependant pour un autre psychopathe inoubliable et affilié dans le camp des gentils : Mud ! Affublé d’un look ringard d’un autre âge (cheveux longs, bottes de motard et épaulettes), Mud est aussi drôle que dangereux ! Militant écologique de l’extrême (ce n’est plus une fiction aujourd’hui), Mud jette aux requins les amateurs de pêche non autorisée ou dégomme aux missiles des chasseurs de baleine. Cette série est la sienne et Ennis le dote d’un code de l’honneur et d’une abnégation sans pareille pour Rosie qui permet, quatrième mur oblige, de le trouver sympathique.

Face à lui Sam, son ancienne copine badass amatrice de coups de pieds dans les burnes, capable manier comme personne les armes à feu et de piloter avions et hélicos.  Enfin, le héros de l’histoire, Jeff, est un personnage ordinaire, trouillard et dépressif. Sa rencontre avec Rosie est assez marquante puisque en voulant se suicider dans un parc, il provoque la mort de son sauveteur dévoré vivant par un tigre !

La touche Ennis est là et inutile d’en démordre si vous n’aimez pas le turbulent Irlandais (hein Mattie Boy ?), ce n’est pas cette oeuvre de jeunesse qui vous fera changer d’avis. Si par contre, il vous arrive de regretter le Ennis viscéral, devenu très bavard voire un peu ennuyeux sur ces récents travaux (RED TEAM 2), GODDESS est à ranger directement à droite de THE PRO et à gauche de l’irrésistible JIMMY’S BASTARDS. Et au centre, qu’y trouver ? Et bien, un certain intérêt historique à mettre GODDESS en parallèle avec l’oeuvre de Garth Ennis, que ce soit PREACHER ou THE BOYS.

Mud, le militant de l'extrême ! ©Vertigo

Mud, le militant de l’extrême !
©Vertigo

Si il est canonique d’admettre que son run sur HELBBLAZER a servi de laboratoire d’idées pour PREACHER, il serait dommageable d’ignorer ce que GODDESS a apporté à La ballade Jesse Custer. La première  manifestation des pouvoirs de Rosie est aussi dévastatrice que celle de Annsville lorsque Genesis possède Custer. Nos deux personnages se voient alors investis de pouvoirs divins qu’ils tentent de museler tout au long d’un Road Trip où ils retrouvent progressivement leur mémoire. Cette quête aboutit  à envoyer chier leurs créateurs dans les grandes largeurs dans des scènes burlesques où ils coupent court à la grandiloquence divine.

Le casting est peu ou prou le même : Rosie / Jesse dotés chacun des stéréotypes liés à leur sexe : douceur pour Rosie, brutalité pour Jesse. Sam est une proto Tulip qui s’embarque dans un road trip à contrecoeur auprès d’un ex- qui l’a larguée. Mud,  avec ses lunettes de soleil, son gout pour le sang, son sens de l’amitié et son caractère soupe au lait prépare bien entendu le terrain pour Cassidy, d’autant plus que les deux personnages partagent un prénom ridicule. Le vilain qui traque nos héros en manipulant les autorités politiques et militaires rappelle Herr Starr.

Les jumeaux Butcher qui se livrent aux pires sévices avec un QI d’enfant partagent le même nom que le héros sadique Billy Butcher de THE BOYS. Et le comportement de Jeff , qui incarne la normalité dans tout ce qu’elle a de dépassée et de ridicule face à ces super-humains, est le même que Wee Hughie, le compas moral de THE BOYS.

Euh... Allo ?  Le Comic Code ?  ©Vertigo

Euh…
Allo ?
Le Comic Code ?
©Vertigo

Le temps d’une séquence, Winslade se permet de subtils clins d’oeil aux Xmen en représentant Jeff en Wolverine loupé et Rosie en rouquine possédée par une entité mystique menaçant l’équilibre de la planète comme dans une certaine saga du PHENIX NOIR dont GODDESS pourrait être la version Ennis. Il a souvent été dit que l’auteur détestait les Super Héros. Pourtant, son pitch rappelle celui d’une mutante qui ne contrôle pas ses pouvoirs, haie et crainte par une humanité qui la poursuit rappelle bien entendu les XMEN et leurs déclinaisons indépendantes de l’époque : HARBINGER chez Valiant ou Gen13 chez Image, deux séries qui se sont servi sans vergogne mais non sans talents dans l’univers Marvel.

GODDESS c’est aussi et surtout les dessins de Phil Winslade où l’influence éminente de Geoff Darrow pour son sens du détail et de la minutie rencontre les compositions de Barry Windsor Smith. En moins de de 200 pages Winslade dessine des requins, une baleine à bosse, un tigre mangeur d’homme, des combats aériens, un tsunami aux allures mythologiques et une congrégation de Déésse en fin d’album dans une ambiance à la PROMETHEA.  Le plaisir de lecture doit beaucoup à ses planches même si, et c’est le même reproche que l’on adressera à Juan Rosé Ryp, son traitement des informations visuelles pique parfois les yeux avec une couleur souvent aveuglante.

Sans être indispensable, GODDESS reste une expérience de lecture très agréable et souvent hilarante. La série et ses personnages aurait mérité un plus large développement, et toute amusante soit elle, la lecture à en avoir reste très superficielle.  Restent les dessins de Winslade et le savoir faire de Garth Ennis qui, même sur un travail assez anecdotique, se montre déjà bien au dessus des scénaristes de son époque.

Non, ce n'est pas un hasard ! ©Marvel Comics / Vertigo

Non, ce n’est pas un hasard !
©Marvel Comics / Vertigo


On le sait : Garth Ennis n’aime pas les super héros. Pourtant son GODDESS qui préfigure à la fois THE BOYS ET PREACHER a aussi des allures de saga du PHÉNIX NOIR.
Explications chez Bruce Lit.

La bO du jour : Im a Goddess… (coucou Jyrille Bocellin)

13 comments

  • Patrick 6  

    Bien que l’ayant lu il y a fort longtemps j’ai un très bon souvenir de cette série totalement déjantée !
    Notamment l’héroïne qui se transforme en bête fauve à chaque orgasme ^^ Un grand moment de franche rigolade ^^
    Trash et régressif (limite vulgos) comics est un grand moment Ennisien !

    • Bruce lit  

      Notamment l’héroïne qui se transforme en bête fauve à chaque orgasme
      Cher Patrick, tes souvenirs te mentent hélas…
      Rosie ne peut pas atteindre l’orgasme car effectivement l’excitation des préliminaires la transforme en panthère bien avant que la jouissance n’arrive.

      • Tornado  

        Ce qui est le pitch du film La Féline, si vous vous en rappelez…
        J’aime beaucoup toutes ces oeuvres de jeunesse de Garth Ennis. Il faudrait vraiment qu’Urban Comics finissent par nous publier Hitman, qui semble être sa série majeure de l’époque, celle qui parvient à mettre tout le monde d’accord, y compris les « anti-Ennis » ! (En tout cas je rêve de la lire, même si j’ai peur qu’elle ne soit jamais traduite)

        Sinon c’est rigolo, je trouve qu’au fil du temps, le style des rédacteurs du blog est de plus en plus reconnaissable. Le tiens, Bruce, étant évidemment celui de la lecture comparée, avec quasiment tout le temps une comparaison avec les X-men ! 🙂

        • Bruce lit  

          Même pas fait exprès ! Je ne me dis pas à chaque lecture si je vais y trouver du -X mais pour le coup je crois que c’est évident, non ?
          J’ai tenté de lire HITMAN quand Alex me l’a prêté. Je n’ai pas accroché plus que ça.

  • Kaori  

    Semaine Ennis, je vais enfin comprendre l’engouement que cet auteur suscite !

    Bon, clairement, ce n’est pas « pour moi ».
    Concernant celui-ci, en plus du scénario « Ennisien », je n’aime pas les couleurs et les dessins.

    Mais je rejoins Tornado : ton inconscient est tellement imprégné par les X-Men que tu es capable de voir des références ou des hommages quasiment partout !
    Je ne dis pas que ce ne sont pas des vrais hommages. Par contre, moi, clairement, je serais totalement incapable de faire le rapprochement, parce que je ne « baigne » pas dans les X-Men. Je ne suis pas tombée dans la marmite quand j’étais petite, pas comme toi en tout cas.
    La seule fois où j’ai « vu » un truc, c’était du copier-coller, dans le « Et si Phénix n’était pas morte ». Pour savoir qui avait illustré ce numéro, je suis allée sur Google. Qui m’a amené à ton article à ce sujet. Tous les chemins mènent à Rome ;-).

    Ça me rappelle un peu un truc que m’a dit ma tante quand je me plaignais qu’il n’y avait que des femmes enceintes partout « en ce moment ». Elle m’a dit qu’il n’y en avait pas plus que d’habitude, juste que j’y prêtais plus attention. Et je suis sûre qu’elle a raison.
    Tu dois avoir un espèce de sens-radar à détecteur de « style X-Men ».
    Comme on dit, on a tous nos fixettes, nos particularités. Moi j’aime bien retrouver les X-Men un peu partout grâce à toi ;-).

    • Bruce lit  

      @Kaori
      Je te vois très mal lire du Garth Ennis, je confirme 😉 Quoique je le redis c’ets un auteur assez sensible derrière ses provocations. Comme Gainsbare, une autre de mes fixettes.
      Concernant mon X-Spirit, j’avais déjà lu GODDESS en version numérique il y a 5 ans et n’avait rien perçu des analogies au Phénix. Ce n’est qu’avec la version papier entre les mains que j’ai reconnu des clins d’oeils que j’espère convaincants.

  • Présence  

    Voilà qui me donne envie de relire cette histoire dont je dois encore avoir les épisodes à l’unité, achetés à l’époque de leur sortie. En plus, j’ai appris à apprécier les dessins de Phil Winslade depuis. Au jeu des ressemblances, il aurait également été possible de mentionner le retour du tigre manger d’hommes dans la première histoire de Kev, minisérie dérivée de The Authority.

    • Bruce lit  

      Les planches comparatives, tu en penses quoi ?

  • Présence  

    Jean / Goddess : un motif utilisé par différents artistes, celui de l’esprit habité par une énergie cosmique ou autre. Je ne saurais dire si Ennis ou Winslade cite explicitement ce moment dans la vie de Jean Grey.

    Wolverine : indéniable, voire j’ai l’impression (mais sans pouvoir le vérifier) que ce genre de posture était peut-être encore plus utilisée par Rob Liefeld, d’autant qu’on ne voit pas les pieds dans le dessin de Winslade. 🙂

    • Bruce lit  

      @Présence
      Jean / Rosie : deux rouquines hors contrôle….On en peut pas évoluer dans le monde de la BD et écrire au hasard ce genre de scène. C’est un peu comme mettre en scène un héros nommé Luke qui aurait un père caché…Si je voulais vraiment chipoter et pour le coup n’être pas crédible, je dirais que Rosie est une rouquine, premier amour de Wolverine qui apparaît déjà dans le run de Claremont 🙂
      Ici, le scan de Rosie dans son intégralité (coupé au montage par votre serviteur) qui montre une conscience cosmique observé par un satellite en écho à la navette de Jean.

  • JP Nguyen  

    Punaise, je n’aurais pas reconnu le Phil Winslade de DD : playing to the camera à partir des scans.
    Je suis même allé sur Wikipedia pour vérifier si c’était un homonyme.
    Pour la série, je ne suis pas un complétiste de Ennis, alors je passe mon tour.

  • Jyrille  

    Ok, je ne pense pas que ce soit indispensable, mais merci de partager ta culture ennisienne ! Effectivement les planches ont l’air pas mal du tout et l’histoire a l’air marrante. C’est un travail anecdotique mais pas une oeuvre de commande non ? C’est bien un travail personnel de jeunesse…

    La BO : tu me traites de déesse ? C’est bien possible en fait… Je ne sais pas si j’avais déjà vu ce clip avec Kate Moss (un de mes fantasmes). Merci !

  • Fred le Mallrat  

    C’est le moment où je décroche d’Ennis. Godess, Bloody Mary ou Pilgrim.. je trouve qu’il commence a faire de la facilité. loin de Hellblazer, Preacher ou Unknown Soldier.

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