Paie toujours (Patience de Daniel Clowes)

Patience de Daniel Clowes

Un article de CYRILLE M

Toutes les illustrations@Clowes/Cornélius/Fantagraphics/ Delcourt 

1ère publication le 06/06/18- MAJ le 29/01/24

VO : Fantagraphics

VF : Cornélius, Delcourt 

 Ici Jack qui appelle de la Twilight Zone, où es-tu Patience ?

Ici Jack qui appelle de la Twilight Zone, où es-tu Patience ?

Patience est le dernier roman graphique de Daniel Clowes. Il a paru (ou il est paru, si vous préférez, car les deux se disent) en 2016, autant dans sa version originale que pour sa traduction chez Cornélius.

L’impatient ou l’indécis risquera de perdre quelques surprises en lisant cet article. Enfin, très peu en réalité, tant cela ne gâcherait pas du tout la lecture.

A l’instar de Charles Burns , Daniel Clowes est un auteur américain de comics indépendants. Il en est même un des chefs de file actuel, avec Burns et Chris Ware. Il commence à publier dans les années 80, faisant de son magazine Eightball, où sont pré-publiées toutes ses œuvres, un incontournable des comics underground. Sa production n’étant pas massive, son dernier album, Patience, était très attendu, ce qui donnera au néophyte une idée de l’ironie et de la distance que Clowes instille dans ses bandes dessinées.

Ma découverte de Clowes passe par les forums bds, où quelques membres, dont la discussion était plus intéressante que la moyenne, reprenaient ses personnages comme avatar et comme pseudos. Je dois beaucoup à celui qui avait pris le nom de Dan Pussey et qui lui aussi maniait un humour pince-sans-rire de haute voltige.

Je me présente, je m’appelle Daniel 

Je me présente, je m’appelle Daniel

Dan Pussey fut donc mon premier Daniel Clowes. Il s’agit de courtes histoires, variant de la simple planche à une dizaine, retraçant le parcours d’un anti-héros auteur de comics populaires. Il fait partie intégrante d’une équipe d’artistes embauchés par le Dr Infinity pour les publications Infinity Comics Group, une maison d’édition qui ressemble à s’y méprendre à une autre, pleine d’idées.

Clowes dézingue tout le microcosme de la bd dans ces cinquante-quatre planches : les fans idiots, les auteurs qui prennent la grosse tête, la bd indépendante incompréhensible et trop abstraite, le cynisme des éditeurs, le commerce des numéros de comics rares, la collectionnite, la fugacité de la célébrité, les conventions…

Souvent à la limite de la caricature, le dessin de Clowes est précis et rigide, s’attachant surtout à l’apparence de ses personnages, les dotant d’une personnalité par leur coupe de cheveux, leur dentition, leurs vêtements, leur attitude, usant parfois de codes habituellement visibles chez les mangakas comme des gouttes de transpiration sur le front, mais aussi leur vocabulaire et leur discours. Clowes décrypte les mouvements et retranscrit le langage corporel, tout à charge des travers du monde de la bd.

 Nooon Scarlett, ne tombe pas dans le monde fantôme !! 

Nooon Scarlett, ne tombe pas dans le monde fantôme !!

Loin du ton parodique de Dan Pussey, il écrit en parallèle Comme un gant de velours pris dans la fonte, une histoire improbable et totalement délirante où l’on peut remplacer ses yeux par des poissons, où les policiers ont tous les droits, où certains chiens n’ont aucun orifice. L’intrigue ressemble à de nombreux polars, notamment les films hollywoodiens des années 40 et 50, et quelques éléments sont clairement tirés de cet univers, mais tous les éléments étranges et le manque total d’empathie pour les personnages fournissent une lecture aussi dérangeante que fascinante, remuant le malsain, parlant à nos boyaux bien plus qu’à notre intellect.

Et puis Clowes s’affirmera comme un auteur majeur avec Ghost World, qui fut adapté au cinéma en 2001 par Terry Zwiggoff et Daniel Clowes lui-même, avec deux actrices principales formidables : la craquante Thora Birch et une future habituée des adaptations de comics, Scarlett Johansson.

Ghost World présente des tranches de vie de deux lycéennes américaines fraîchement diplômées avant qu’elles ne rejoignent la fac. Tout se passe pendant l’été, saison de l’oisiveté et de l’ennui. Loin des bizarreries et des exagérations physiques de Pussey ou du Gant de velours, Clowes développe ainsi un ton réaliste et intimiste qui pourrait le faire passer pour un lointain cousin des frères Hernandez ou des déprimés Joe Matt et Chester Brown.

Dans ses œuvres suivantes, le propos de Clowes deviendra de plus en plus désabusé et misanthropique. Ainsi, dans David Boring, il est tout à fait possible qu’une famille de classe moyenne soit prête à s’entretuer. Tous les personnages agissent pour leur ambition, leurs besoins et envies personnels uniquement, tout en se lamentant de leur sort et sans aucune pitié pour leur prochain.

 Pim, vil manant !  (extrait de Le rayon de la mort)

Dans le recueil d’histoires courtes Caricature, cela est à l’avenant, chaque personnage principal étant le narrateur de sa pathétique histoire. Tout comme les adolescents transfigurés par la maladie dans le Black Hole de Charles Burns, les héros de Clowes sont laids ou ont un physique ridicule. De la rigolade caustique de Pussey !, Clowes est passé à la charge brutale de la middle-class blanche.

Je n’ai pas lu toutes ses œuvres, sans doute fatigué par tant de noirceur, mais j’ai quand même adoré son Wilson et son Rayon de la mort. Dans Wilson, le personnage principal est un type lâche, égoïste, hautain, sans profession, qui ne fait que se lamenter sur son sort, se plaindre de l’humanité entière et passe son temps à se moquer de ses pairs, très cruellement, soit sournoisement soit frontalement. Mais le propos est lissé car l’histoire se déroule selon des gags (enfin, un humour très caustique et pas forcément drôle) en une planche, perpétuant un peu la tradition des strips des Peanuts ou de Calvin et Hobbes. La distance ainsi installée fait mieux passer l’ignominie de Wilson.

Dans Le rayon de la mort, Clowes s’attaque aux super-héros, tout en parodiant leurs lignes narratives classiques : description des origines familiales, adolescent moqué par ses camarades, Andy se découvre des supers-pouvoirs grâce aux cigarettes, ainsi qu’un prototype de pistolet qui annihile toute vie, sans effet pyrotechnique ou spectaculaire. Et surtout, il ne sait pas quoi faire de ces nouveaux atours, n’ayant aucun attrait pour rendre la justice ou faire le bien. Retirant tout glamour et toute moralité à son héros, Clowes démystifie les super-héros et replace Andy dans sa position de type moyen, sans ambition, déclarant sciemment que sous chaque masque se cachent la mesquinerie et l’égoïsme.

Je vous hais tous  (extrait de Wilson)

Clowes a également fait évoluer son trait au fil de ses histoires. Alors qu’il était précis aux formes rigides jusque dans Caricature, il devient plus flou et presque minimaliste dans Wilson, chaque visage pouvant s’intervertir avec un autre, effaçant d’autant plus les caractères uniques qu’auraient pu avoir ses personnages. Il en va de même avec les éléments du quotidien, presque esquissés, devenant des décors lointains, n’occupant l’espace que pour souligner leur caractère inéluctable et nécessaire tout en leur donnant une place d’accessoire.

Dans Le rayon de la mort, les accessoires étant plus importants, il mélangera ce flou des visages à des décors précis, vidant ainsi encore plus la substance des personnages pour les transformer en pantins du destin, toujours à la merci d’un plus triste ou d’un plus méchant que soi.

« Come and hit me, baby ! »

Come and hit me, baby ! 

Six ans ont passé depuis Le rayon de la mort, et Patience, la nouvelle bd de Daniel Clowes était donc très attendue. De quoi s’agit-il ? D’une histoire de voyages temporels autour d’un meurtre inexpliqué, celui de Patience. Au début de l’histoire, qui prend place en 2012, Patience et Jack Barlow, un jeune couple sans le sou et sans travail, apprend qu’il attend un enfant. Entre angoisses de la paternité et stress dû au manque d’argent, Jack promène ses crises sans trouver de solution, sans se sentir à la hauteur de la tâche qui l’attend. Mais sans raison apparente, Patience et son enfant à naître sont assassinés.

Soudainement investi d’une mission, retrouver le meurtrier de sa famille, Jack passe alors son temps à jouer aux détectives, à suivre des pistes ténues qui ne mènent jamais nulle part. Plusieurs décennies plus tard, Jack n’est rien devenu de bon, toujours obsédé par ce meurtre, sans nouvelle compagne ni famille. Et puis il découvre le moyen de voyager dans le temps…

Mais que disent ces gens dans leurs phylactères cachés par l’auteur ?

Mais que disent ces gens dans leurs phylactères cachés par l’auteur ?

Jack est le prototype clowesien du loser pathétique qui tente de faire quelque chose de sa vie. Mais cette fois, l’auteur ne se moque pas de son héros, il le plaint sincèrement, car ce dernier tente, pour une fois, de faire le bien autour de lui. Chahuté par les évènements qu’il piste autant qu’il pervertit par sa seule présence, l’enquête de Jack n’est pas de tout repos, et quelques rebondissements expliquent la relative épaisseur de l’ouvrage.

Clowes ne se sert de l’anticipation et de la SF que dans un but narratif, il n’y a donc pas, tout comme dans Le rayon de la mort, de grandes scènes spectaculaires et très peu d’accessoires étranges. Son futur semble un mélange des années 70 pop et de technologie recyclées, mais sans donner un aspect organique ou vraisemblable tel que pourrait le faire un Terry Gilliam.

Côté dessin, c’est le Clowes se battant contre la maladie qui apparaît ici, le trait devenant ainsi simpliste la plupart du temps, n’esquissant que ses personnages, allant au plus pressé. Concluons avec de pures interprétations : il semblerait, après une si longue absence, que Clowes se soit créé un alter ego dans le personnage de Jack, pour nous expliquer qu’il a un sentiment d’échec vis-à-vis de son œuvre, qu’il aimerait remanier. Ou bien il semble actuellement perdu et tente de retrouver ce qui lui donnait un moteur auparavant. Ou alors c’est un bilan en forme de boucle, pour mettre un point final à sa carrière. Ou Clowes a vieilli au point de devenir bienveillant et de ne plus vouloir voir les autres en noir, Jack tentant par tous les moyens de retourner la situation qui a guidé toute son existence. A vous de voir, j’attendrai patiemment vos impressions.

Cauchemar ! Perdu dans un dessin monstrueux de mauvais goût !

Cauchemar ! Perdu dans un dessin monstrueux de mauvais goût !

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30 comments

  • Présence  

    On peut compter sur Cyrille pour trouver une forme originale à ses critiques. Alors que je m’installais confortablement pour m’immerger progressivement dans Patience, à l’aide d’un regard perspicace, voilà que l’article prend la forme d’une rétrospective. Pourquoi pas…

    4 petits paragraphes à la fin et c’est tout sur Patience, m’enfin ! Puis tout s’éclaire, Patience peut s’envisager comme une nouvelle étape sur un cheminement, dans l’œuvre d’un auteur qui évolue au fil des années. Total respect pour cette construction qui éclaire cet ouvrage d’une manière originale et personnelle.

    • Jyrille  

      Merci beucoup Présence mais même moi ne suis pas convaincu par mon article. Il manque d’inspiration et d’enthousiasme pour ce dernier Clowes en date. Par contre j’espère que tu débatteras avec moi de Clowes en général, sur le début de l’article : ta chro sur Wilson est une de mes préférées.

    • Jyrille  

      Etonnamment il manque au moins deux points que je voulais aborder : les phylactères cachés ou illisibles, que Clowes utilise depuis David Boring je crois, et les quelques approximations scénaristiques de Patience qui m’ont fait sortir de l’histoire. Je ne sais pas pourquoi je n’en ai pas parlé.

      • Présence  

        Je dois commencer par avouer que j’ai lu moins d’albums de Daniel Clowes que toi : Like a Velvet Glove Cast in Iron, Ghost World, David Boring, Wilson, Mister Wonderful. Du coup, je ne me suis pas posé la question de l’évolution de ses œuvres au fil des années, aussi parce que je les ai eu lues dans le désordre de parution. Ton article n’en est donc que plus intéressant pour le lecteur que je suis, car il fait apparaître cette évolution.

        Il me reste dans ma pile de lecture Ice Haven, le deuxième que tu n’as pas cité avec Mister Wonderful. J’avais vu passer la (ré)édition de The death ray, et je m’étais dit (contrairement à Tornado) que je n’avais pas envie lire une BD de plus tirant à boulet rouge sur les superhéros et la mentalité fanboy. Après avoir lu ton article, je me dis que Pussey pourrait être plus ma tasse de thé, encore que Sweatshop (de Peter Bagge et Stephen DeStefano) m’avait laissé un goût de trop facile pour dénoncer un microcosme baignant dans la fugacité de la célébrité (belle formulation). Il est possible que j’ai également lu trop de numéros du Comics Journal et d’articles en ligne pour qu’il me reste encore des illusions sur ce milieu professionnel. Je me souviens que j’avais également eu du mal à m’impliquer dans la lecture de The dreamer (Le rêveur) de Will Eisner, une biographie professionnelle un peu romancée. Je suis un peu hypocrite parce qu’il est certain que je replongerai dans ce type de description du milieu des comics avec Hey Kids! Comics, d’Howard Chaykin, à paraître.

        • Jyrille  

          Je pense que tu en as lu suffisamment, Présence. Je n’ai pas lu Mister Wonderful ni Ice Haven, et je ne pense pas le faire un jour, à moins d’une médiathèque. Mais je les ai tous relus pour l’écriture de cet article.

          Je te comprends parfaitement sur le dézinguage parfois facile du monde la bd et celui des supers. Mais Pussey! et vraiment drôle, avec un personnage principal assez attachant. Et Le rayon de la mort ne parle pas que des supers, il détourne les codes pour en faire une histoire de Clowes. Le dessin y est très beau.

          Je ne connais pas les autres bds que tu cites.

      • Présence  

        Je n’avais jamais pensé à rapprocher Daniel Clowes de Joe Matt et Chester Brown (sans oublier Seth), mais c’est vrai qu’ils partagent une forme de désillusion, plus amère pour certains que d’autres, plus tournée contre eux-mêmes (en particulier pour Joe Matt). Pour ma sensibilité, Gilbert Hernandez est plus éloigné dans la perspective de cette parenté, parce que je ne ressens pas l’impression qu’il parle à la première personne, alors que la misanthropie de Wilson ressort de manière si viscérale qu’il est impossible de croire que Daniel Clowes ne l’ait pas éprouvée.

        Ayant lu ces albums de Daniel Clowes depuis quelques temps, je n’ai pas de souvenir très fiable des phylactères tronqués, mais effectivement l’image que tu as incluse m’évoque la sensation qui s’y rattache : soit le personnage ne se concentre pas assez pour capter ce qu’il pourrait du réel (une forme d’impossibilité de connexion, de limite pour appréhender le réel), soit les discussions des autres ne sont que du bruit pour son égo, des sons ne véhiculant pas de sens, dépourvus d’intérêt.

        • Jyrille  

          Je suis d’accord avec toi, il est très éloigné des frères Hernandez. Comme toi, je sens plus de distances chez eux que ce que décrit Clowes, qui parle à travers ses bds.

          Pour les phylactères, j’ajouterai autre chose en plus de tes deux idées : cela incite à penser que les dialogues illisibles ne sont pas non plus intéressants pour le lecteur, que ce sont des textes qui pourraient être universels et n’ont pas de valeur en dehors de l’action qui les amène. C’est assez fort comme utilisation.

  • Matt  

    Moui bon alors c’est pas pour moi tout ça…
    Un auteur qui se moque de ses persos (ça commence à m’agacer ce pointage du doigt des « losers ») (même si j’ai bien noté qu’il ne se moque pas dans Patience), des dessins affreusement minimalistes (façon polie de dire moches et plein de soucis de proportions avec des mains géantes, des décors inexistants, etc.)
    Je comprends mieux quand tu dis que tu n’aimes pas les dessins beaux. Mais alors pour moi, une BD ça doit avoir un attrait visuel, même si l’histoire est importante aussi. Mais si c’est pour avoir des dessins comme ça, je préfère un roman à la limite^^
    Ahem…désolé.

    • Jyrille  

      Pas de problème on ne peut pas tout aimer. Mais mes scans ne font pas honneur au talent de dessinateur de Clowes. Tu peux voir à quel point il est bon dans Pussey!, Le rayon de la mort et Daniel Boring. Mais la plus attachante de ses bds, où il ne se moque pas de ses personnages, c’est Ghost World. Il faut l’avoir lue une fois je pense, même si ce n’est pas Watchmen.

  • ludozman  

    Oui là il faut pas se méprendre ! Certes, la subjectivité rentre en compte mais dire que Clowes dessine moche ou mal, c’est juste aberrant. Et même dans les scans de l’article, les planches Ditkoesque issues de PATIENCE et du RAYON DE LA MORT parlent d’elle même ! Après, l’article résume bien l’évolution de l’œuvre de Clowes y compris graphiquement et souligne justement comment PATIENCE laisse entrevoir des faiblesses dans son trait, mais que Clowes assume et rend cohérent avec le propos de son livre (qui est pour le coup passionnant d’un bout à l’autre). Et non Clowes, c’est pas moche, c’est beau, les planches de DAVID BORING par exemple sont juste à tomber.
    Et surtout l’article explique finement l’humeur qui se dégage des BD de Clowes mais redisons le car comme le commentaire de Matt plus haut on peut se méprendre : il y a une vraie évolution et une vraie cohérence dans l’œuvre de Clowes. La manière dont il saisit un certain esprit de cynisme de l’Amérique de la fin des 80 en le retournant contre elle par le biais de la moquerie et du sarcasme (sarcasme souvent retourné contre lui-même, il y a beaucoup d’histoires ou Clowes se met en scène pour se moquer de lui-même voire s’autohumilier dans une veine à la Crumb) est indissociable de la manière dont son œuvre se détache peu à peu d’une ironie permanente pour laisser transparaitre une empathie bouleversante pour ses personnages. GHOST WORLD est une œuvre importante à plus d’un titre : Clowes est du côté de ses héroïnes et la manière dont l’ironie cynique des premiers pages laisse place à une mélancolie feutrée à la fin en dit long. Il y a aussi une autre histoire clé, c’est CARICATURE une nouvelle que l’on peut lire dans le recueil du même nom. En racontant l’histoire de cet artiste raté qui gagne sa croute en caricaturant les gens sur des stands de foire, Clowes s’identifie totalement et se pose la question de son regard sur les gens et sur le monde : « Pourquoi dessines tu les gens aussi laids » lui demande la mère du personnage. Il n’y a ni cynisme ni moquerie dans cette histoire, l’empathie est totale et il y a plein de personnages chez Clowes qui sont regardés avec une grande tendresse. Et c’est ce frottement entre l’ironie et la tendresse, entre la cruauté et la mélancolie, ce passage de l’un à l’autre, cette évolution qui court sur toute son œuvre qui fait aussi le prix de ses livres.

    • Jyrille  

      Merci beaucoup Ludozman, ton commentaire éclaire bien plus que mon article, et je n’avais pas creusé Caricature il est vrai. Ta réflexion sur cette histoire est plus que bienvenue.

  • Matt  


    Bon…je veux bien admettre que c’est pas avec quelques scan qu’on peut juger, mais c’est quand même fou qu’à chaque fois qu’on critique un style minimaliste, il y a toujours quelqu’un pour venir défendre le truc comme si on avait commis un crime de lèse majesté. Quand c’est du dessin détaillé plus classique, tout le monde regarde ça de haut genre « peuh… » mais si c’est 3 traits de travers qu’un gosse de 10 ans pourrait faire, là on hurle au génie et il ne faut surtout pas faire l’erreur de trouver ça laid.
    Désolé hein, mais c’est juste que la pose super rigide et mal foutue du scan sur « le rayon de la mort », je faisais ça quand j’avais 12 ans et mon petit cousin sait faire ça en ce moment. Bon ben je peux aller lui dire qu’il a un grand avenir dans la BD alors, et qu’il peut s’abstenir d’essayer de faire mieux parce que visiblement c’est ça le génie maintenant. Fuck J.H Williams 3, Steve Hepting, Jae Lee ou Mike Deodato, le best ever c’est « le chat » de Philippe Geluck…
    C’est pas un manque de respect de ma part bon sang, je dis juste que je trouve ça laid et très simpliste. On peut faire des trucs sympas ou rigolos avec du dessin simpliste mais c’est fou qu’on ne puisse pas dire que c’est moche sans se prendre un commentaire comme quoi on n’y connait rien !

    • Jyrille  

      Disons que je pense que le mieux, c’est de te faire une opinion par toi-même. Si tu peux lire Ghost World, j’adorerai avoir tes impressions !

    • Matt  

      Je suis un fan de Garfield dont le style de dessin est très simple et facilement imitable par plein de gens (j’inventai des gags de Garfield il y a 10 ans de ça)
      Mais ce n’est pas pour ça que je trouve ça nul et moche. Par contre certains peuvent trouver ça moche, oui. Question de goûts. Je le comprendrais très bien.
      J’ai juste l’impression qu’on peut facilement dire d’un style hyper réaliste qu’il n’est « pas assez original » sans que personne ne défende le dessinateur en regardant ça de haut comme des péteux de snobs blasés, mais qu’un mec qui fait un truc très minimaliste, alors là faut pas le toucher le bonhomme. C’est snob comme mentalité. Genre plus c’est simpliste et facile à faire, plus c’est génial et puissant et faut pas critiquer surtout !

      Mais bon oui évidemment ça peut être bien sur le fond. Je verrai si je trouve Ghost World en médiathèque alors, parce que le dessin ne me pousse pas à l’achat^^

  • Tornado  

    Juste quelques mots en passant vite pour dire que j’ai trouvé l’article parfait étant donné que je ne connais pas bien cet auteur et que le style graphique des auteurs underground américains me déplait en règle générale (Crumb, Hernandez, Clowes, Spiegelman, Goening…). Idem pour leurs univers de prédilection qui ne correspond pas du tout à ce que je recherche en BD (on va dire que ça manque un peu de vampires et de karaté…)°.
    Du coup j’ai appris plein de trucs tout au long d’un article concis et élégant. C’est cool.
    Il y a quand même un album qui me tente bien dans le lot : « Rayon de la mort ». Oui parce que je ne résiste pas à du défonçage de super-héros ! 😀

    • Jyrille  

      Merci beaucoup Tornado ! Le dernier défonçage de super-héros en date est un épisode de Rick and Morty que j’ai vu hier soir : le numéro 4 de la saison 3, « Troisème édition » en VF. Je le conseille à tout le monde !

  • JP Nguyen  

    Etait-ce pour éprouver notre patience que tu as consacré autant de place à la rétro sur la carrière de Clowes ? 🙂
    Comme ce n’était pas annoncé, j’étais surpris à chaque paragraphe, dans l’attente d’arriver jusqu’à la chro de la BD proprement dite. Mais c’est bien joué de ta part et cela donne une valeur supplémentaire à ton article, qui resitue cet album dans l’ensemble de l’oeuvre de l’auteur.
    Je crois que j’avais emprunté Ghost World il y a des années mais je n’en garde plus grand souvenir.

    • Jyrille  

      Merci beaucoup JP ! Oui, comme l’a souligné Présence, il y a de ça, resituer l’attente dans le cheminement de la carrière de Clowes. Mais également un résumé pour les non-initiés : excepté Présence, je ne sais pas combien de lecteurs et commentateurs du site sont habitués à Clowes. Et comme le bonhomme change beaucoup, cela me semblait évident. Dernière chose : je le rapproche immédiatement de Burns et je voulais donc un peu la même structure d’article que j’avais rédigé pour Toxic.

  • Patrick 6  

    J’aime bien la démarche de Clowes qui semble partir d’une détestation du genre humain (peu d’empathie pour ses personnages dans ses personnages comme tu le soulignes) pour arriver avec son dernier volume plus euh… « humaniste » (en tous cas c’est ce qui ressort de ton article, je n’ai pas encore lu cette bd). D’habitude c’est le contraire qui se passe on est positif au début et on devient aigri sur la fin ^^
    Une démarche atypique en tous cas exactement comme sa façon de dessiner en somme.

    Dans sa bio je ne connaissais pas du tout « le rayon de la mort » et j’aime beaucoup l’idée d’un gars qui a des pouvoirs mais qui ne sait tout simplement pas quoi en faire ^^ Je vais me pencher sur celui là je pense.

    • Jyrille  

      Merci Pat ! Je pense que Le rayon de la mort devrait te plaire ! Quels Clowes as-tu lus ?

      • Patrick 6  

        Euh Ghost world uniquement ^^ Le reste m’a paru trop noir et trop cynique pour que je m’y attaque ^^

  • Bruce lit  

    Il est des auteurs dont on apprécie la démarche, la personnalité ou les propos sans en aimer les oeuvres : Led Zep’, Zappa, Jeff Beck.
    Clowes en fait partie dans mon panthéon comics : j’ai détesté son Wilson aussi bien en BD que la version film d’il y a deux ans. J’ai aimé Ghost World en salle mais soupiré face au bouquin. Du coup je n’avais pas envie d’en essayer plus, mon crédo étant que c’est toujours la première impression qui est la bonne (à quelques exceptions près). Un autre obstacle est que tout ça paraît chez Cornélius qui produit des maquettes splendides mais toujours très volumineuses et surtout chères, 28€ au minimum. Ça fait désormais mal à la prise de risque (sur un air des « Bourgeois » de Brel).
    Pourtant j’aime beaucoup tes scans Cyrille. Je ne suis pas sûr d’être le client pour Patience, mais Le rayon de la mort pourrait me tenter en médiathèque.

    • Jyrille  

      Effectivement Bruce je ne vois plus que ça ! Ah non en fait : autant David Boring que le Gant de velours pourraient te parler : le Gant pour son côté lynchien, Boring pour le polar très sombre et l’étude de moeurs. Attention, ce n’est pas vraiment une histoire de crime, c’est le ton, le decorum qui est du polar dans David Boring.

      • Bruce lit  

        Ah oui j’ai lu David Boring. Euh le titre était plus qu’adapté…

    • Bruce lit  

      Je viens de l’acquérir Cyrille…

      • Jyrille  

        Ouh la pression…

  • Ludovic  

    Je n’ai pas trouvé le temps de relire PATIENCE et d’autres Clowes avant de lire MONICA (qui a donc le prix à Angouléme) mais en relisant cet article, je me dis qu’il y a d’évidents liens entre les deux livres: la dimension introspective et auto-biographique passant par la création d’un alter ago (dans MONICA, il y en même deux, Monica l’héroine et un personnage arrivant tardivement dans le livre qui est clairement un double de l’auteur), le lien entre une histoire de vie ordinaire et une dimension supérieure qui la dépasse (MONICA s’ouvre sur une double planche sur une humanité primordiale des origines du monde et se clôt sur une vision d’apocalypse) le tout traversée de references à la pop culture et aux comics (les EC Comics et Lovecraft sont convoquées comme la SF et le cosmique à la Ditko dans PATIENCE). Et au fond, c’est toujours l’angoisse face à la solitude et au chaos. Clowes est moins cynique que pessimiste et fataliste : au fond sait-on vraiment qui on est à un moment ou un autre de notre vie, peut on être en accord avec nous mêmes, quand le monde n’est qu’un chaos dénué de sens et que les autres nous renvoient de nous mêmes l’image qu’ils veulent bien nous renvoyer ? D’où ce sentiment de solitude et de vertige, même si parfois des liens se créent, mais ils semblent si ténus, si fragiles…

    Cela dit, MONICA est peut-être pas la porte d’entrée idéale dans l’œuvre de Clowes, PATIENCE me parait plus accessible et user-friendly (!).

    • Jyrille  

      Merci beaucoup pour cette analyse Ludovic ! Je n’avais pas vu les choses ainsi mais en y réfléchissant, tu as sans doute totalement raison, car cela me rappelle également ce que l’on peut ressentir dans WILSON, LE RAYON DE LA MORT ou CARICATURE : l’angoisse de la solitude face au chaos et ce que les autres nous renvoient comme image de nous-mêmes.

      Je n’ai pas envie d’investir dans MONICA, je crois avoir fait un peu le tour de Clowes, mais je le lirais avec plaisir si l’occasion s’en présentait. J’attends avec impatience ton article sur DEDALES (j’ai beaucoup aimé la mise en scène et le graphisme, peut-être Burns a son apogée à ce niveau, mais l’histoire m’a moins parlé que la trilogie TOXIC qui reste mon oeuvre préférée de Burns).

      • zen arcade  

        Au sein de leurs oeuvres respectives, je trouve Monica de Clowes plus significatif que Dedales de Burns.
        Avec Dedales, j’ai eu l’impression que Burns n’avait plus grand chose à dire. Ca m’a paru très très largement en dessous de la trilogie Toxic et surtout de Black Hole.

        • Jyrille  

          Je pense qu’on aura l’occasion d’en reparler lors de la publication de l’article de Ludovic, mais pour moi Dédales est une pure recherche formelle, y compris par le personnage principal. Toutes ces relations avec le cinéma, c’est assez inédit chez lui.

          Quant à Black Hole, c’est peut-être l’oeuvre la plus facile d’accès de Burns, la plus littérale, c’est super mais je préfère lorsqu’il fait de la parodie policière ou verse dans le surréalisme.

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