Focus : Sue Storm
Un article de MAXIME FONTAINE
Notre nouveau contributeur dresse le portrait de la première super héroïne Marvel : Sue Storm, la femme invisible !

Sue Storm par Adam Hughes (Marvel Comics)
Quand on me demande vers quel membre de l’équipe des Quatre Fantastique va ma préférence, ma réponse est toute trouvée.
— Le Docteur Fatalis, évidemment !
Pourtant, s’il est un personnage issu du comic-book Marvel qui possède mon affection indéfectible, c’est bien Susan « Sue » Storm -rebaptisée parfois Jane Storm, ou l’Invisible en VF.
Mon histoire d’amour avec l’équipe des Quatre Fantastiques remonte à l’aube des années 80. À l’époque, la firme Mego commercialise quatre poupées articulées représentant les personnages principaux du cartoon diffusé dans l’émission Croque-Vacances.
Je passe des heures à jouer avec Johnny Storm, que je fais voltiger entre mes petits doigts potelés, à grands coups de « Flamme, en avant ! », ou bien avec ce cher Ben Grimm qui par l’entremise de ma voix prépubère lance à tout va son iconique « Ça va chauffer ! ».

Dans les années 80, les Mego FF ont fait un tabac.
Je n’ai encore jamais ouvert un comic book Marvel, et pour cause : je sais à peine lire. Mais je connais l’univers de la célèbre équipe, qui me fait vibrer dès que résonne le générique chanté à tue-tête par Noam -le même interprète qui popularisa le Goldorak/Grendizer de Go Nagaï. A l’époque du Nesquik et des tartines de Nutella, ce sont donc les personnages hauts en couleur des FF (la Torche Humaine et la Chose) qui ont ma préférence.
Tout change quelques années plus tard, quand je feuillette de vieux numéros des éditions Lug. J’y découvre la BD originelle, base de l’empire Marvel, signée des infatigables Stan Lee et Jack Kirby -notamment les fameux épisodes mettant en scène le Silver Surfer et Galactus.
Je redécouvre Red Richards, alias Mister Fantastic. Savant paumé, en total décalage avec le monde, il me fascine. J’apprécie son intelligence surhumaine, capable de résoudre toutes les situations par l’invention d’un nouveau gadget scientifique, là où la plupart de ses collègues en capes et collants jouent des poings.

Le comic-book ultime des sixties, par Lee et Kirby
Je me soucie encore assez peu du traitement de la seule femme de l’équipe, l’Invisible Sue/Jane. Elle est la plus effacée du lot, et pour cause : son pouvoir la fait littéralement disparaître en cas de problème. Difficile de faire plus transparente -et plus emblématique du problème de la représentation féminine dans les comics.
Toutes les héroïnes des sixties ne sont pas Wonder Woman, bien au contraire. Jugées fragiles, on les voit reléguées aux rôles de petites amies / jolies demoiselles en péril. Ou au mieux, de soutien tactique. Telle Sue, qui développe peu à peu de nouvelles capacités et fait profiter les trois mecs Fantastiques de son utile champ protecteur.
Fait notable tout de même : elle devient mère, en mettant au monde l’enfant conçu avec Red Richards, qu’elle prénommera Franklin.

Cachez cette Invisible que je ne saurais voir.
On est à la fin des années 80. L’adolescence (et les hormones) aidant, je sors du nombrilisme enfantin, pour enfin m’intéresser aux femmes. Ça tombe bien : John Byrne, le dessinateur superstar à l’égo légendaire, vient de quitter le titre « Uncanny X-Men », pour s’occuper des « Quatre Fantastiques » dans la revue Nova.
De sa collaboration houleuse mais fructueuse avec le scénariste Chris Claremont, Byrne a gardé l’essentiel : le soin apporté au traitement des personnages féminins. Sous son impulsion, Susan Storm change de nom de code. En V.O., « Invisible girl » évolue en « Invisible Woman ». L’opération est importante, elle souligne la montée en puissance de Sue.

Byrne sur les FF, le run préféré des fans après celui de Lee et Kirby.
À la fois mère, épouse et femme déterminée, celle qui fut le personnage le moins populaire du groupe prend son envol. Elle est la seule à savoir, dans la même journée, tenir tête à Red Richards, refroidir les ardeurs de son frère Johnny et calmer le taciturne Ben Grimm pour sauver le monde. Sans accomplir un seul faux pas vis-à-vis de son fils Franklin -là où son impossible mari joue souvent les abonnés absents. Une vraie super-héroïne, en somme. Qui se paie le luxe de flirter occasionnellement avec Namor, Prince des Mers, pour une touche bienvenue de complexité.
Porté par son élan, Byrne poursuit la féminisation de l’équipe. Suite au cross-over « Secret Wars », Miss Hulk remplace un temps la Chose au sein des FF, rendant le quatuor paritaire. Le Girl power bat son plein, Sue n’est plus en infériorité numérique.
En tant que lecteur de l’époque, j’applaudis et j’en redemande – même si mon récit favori des FF deviendra l’excellente mini-série « Fantastiques contre X-Men », mise en scène par Claremont.

Dans un monde de testostérone, Miss Hulk vient prêter main forte à Sue.
Au fil des auteurs successifs, de Walter Simonson à Mark Waid en passant par Tom DeFalco, les Quatre Fantastiques jouissent d’aventures ininterrompues. Susan aura beau endosser plusieurs variations de son costume -notamment une version maillot de bain so nineties- elle ne perdra jamais durablement le rôle qui lui est désormais dévolu : celui de centre émotionnel du groupe. Elle est la figure de la stabilité. Celle sur qui tout est bâti. Celle sans qui les FF s’écrouleraient sous le poids des imperfections masculines.
Elle apparaît sans conteste comme le personnage dont les pouvoirs ont le plus évolué. Sa maîtrise toujours plus inventive des champs de force est tel qu’aujourd’hui, elle est devenue le membre le plus puissant du quatuor.

Variations d’une Invisible sur quatre décennies
Les scénaristes du récent film « Fantastic Four : first steps » ne s’y sont pas trompés. S’ils ont bâti leur histoire sur l’arc le plus célèbre du comic book des sixties (celui de Galactus, évoqué plus haut), ils ont su intelligemment y insérer une Sue Storm plus moderne, en pleine maîtrise de son potentiel, une philanthrope qui dirige la Future Foundation -un concept créé très récemment par Jonathan Hickman.
On retrouve sur grand écran, grâce à l’interprétation inspirée de Vanessa Kirby, l’incroyable vigueur de cette figure jadis Invisibilisée qui a pris sa revanche, et qui offre, en tandem avec un Pedro Pascal/Mister Fantastic plus fragile et donc plus humain, une représentation réjouissante du couple star. Bien meilleure en tous cas que celle des adaptations ciné précédentes -n’en déplaise à la jolie Jessica Alba.

Déso Jessica, c’est Vanessa Kirby la badass (et la bien nommée) qui gagne le match.
Face au récent film du MCU, je l’avoue, j’ai senti l’enthousiasme me gagner -ce qui est une première me concernant. De sorte que ses qualités m’ont sauté aux yeux, plus que ses défauts. Peut-être parce qu’il est pour moi la première adaptation plutôt réussie d’une BD signée Stan Lee et Jack Kirby -avec de chouettes accents made in Moebius.
Peut-être parce que sa vibe rétro-futuriste me rappelle le cartoon un peu bancal qui a forgé ma jeunesse. Peut-être aussi et surtout parce que j’admire le personnage de Susan Storm, depuis que je suis en âge de comprendre ce que les femmes réalisent du matin au soir, quand la plupart des mecs se contentent d’affronter péniblement les mêmes démons intérieurs.
Alors, en attendant le meilleur personnage masculin des FF au ciné – revoilà mon Victor Von Fatalis – je me réjouis de voir célébrée l’incroyable Sue Storm, cette Dame Fantastique capable de repousser les géants cosmiques à elle seule, tout en empêchant les super-mâles qui l’entourent d’accomplir ce que sans elle ils réussiraient le mieux : devenir super-toxiques.

Sue par Alan Davis : Last woman standing !
Merci pour ce partage !
Je ne suis pas sûr de ce qu’a été ma rencontre avec le groupe et avec Jane Richards… Ma « première fois » a été soit un livre-disque contant la première rencontre du groupe avec Diablo (le sorcier-alchimiste, hein, pas le mutant cher à l’auteur du présent dossier !), soit l’album L’Enfant Terrible, qui commençait avec une rencontre entre les FF et des journalistes qui n’ont d’yeux que pour la demoiselle Storm.
Je digère encore mal aujourd’hui la manière dont John Byrne a fait d’elle la Femme Invisible (crise de folie, baffe de patriarche et viol mental par Psycho-Man, piètre enchaînement !), mais force est de constater qu’elle reste depuis cette époque le véritable muscle de cette équipe, Ben Grimm se saisissant au vol du rôle de cœur des FF. Dans les FF vs X-Men, elle se décrit elle-même comme la lionne prête à défendre sa famille devant Fatalis, qui préfère sagement opérer une retraite stratégique devant cette observation.
Pour les auteurs successifs, je conserve de DeFalco moins la tenue légère que l’uniforme sans manche qui a suivi l’exorcisme de Malice, signe que l’Invisible accepte et embrasse sa part sombre ; Claremont fait du Claremont en transformant Sue Richards en hybride alien, en modifiant son esprit ou le transférant dans un autre corps sans véritable plus-value : j’attends surtout le run de JMS pour une remise au point entre Sue et Reed sur leur rapport de force lorsqu’il prétend avoir rejoint le camp de Tony Stark pour la protéger. Entre temps, l’Invisible adopte un autre rôle dans la série 4 en devenant enseignante – une époque intéressante dont j’ai regretté la fin abrupte.
Maxime, bravo pour cet hommage à Sue Storm !
En lisant ton article, je me me suis aperçu que je n’avais aucun souvenir de la série animée LES 4 FANTASTIQUES (produite par Hanna et Barbera à la fin des années 60) alors que CROQUE VACANCES fait partie des émissions de mon enfance et que comme beaucoup de gens de ma génération, je garde un souvenir vivace de celle de L’ARAIGNÉE alias SPIDEY !
Du coup je suis allé jeter un coup d’œil et c’est marrant parce que c’est quand même assez fidèle au matériau d’origine sur pas mal de points (la narration, les dialogues notamment…).
Merci pour ce retour dans le passé !
Bienvenue et bravo pour l’article, Maxime ! Tout comme Ludovic, je n’ai aucun souvenir de ce dessin animé, et pourtant moi aussi je regardais Croque vacances assidûment.
Et en effet, en revoyant ceci, je m’en souviens !
youtube.com/watch?v=N4YM6t_awQk
Tu as tout à fait raison quant à la dernière itération au cinéma. C’est largement plus moderne et bien que j’aime toujours Jessica Alba (notamment pour son rôle dans Dark Angel), les films précédents ont tous été ratés (enfin pour ceux que j’ai vus). Et ta conclusion est super.