Un Dark Knight très dark !

Batman par Moench et Jones

AUTEUR : TORNADO

 Un "Dark Knight" très dark !

              Surtout, ne plus bouger !©DC Comics

En 1995, la grande saga Knightfall vient de s’achever. Batman a repris son costume à Azraël, devenu à moitié fou après avoir endossé la cape du Chevalier Noir alors que Bruce Wayne avait été brisé par Bane.

C’est donc la série dans sa forme traditionnelle qui reprend.

Pourtant, le concept de Knightfall, qui avait permis d’expérimenter une nouvelle itération de la série sous un angle plus sombre et plus violent, inspiré des justiciers ténébreux des années 90 (comme Spawn, par exemple), n’a pas complètement été évacué et ces épisodes sont dominés par une ambiance extrêmement dépressive, gothique et violente.

A ce titre, le choix de cette équipe artistique n’est pas anodine puisque Moench et Jones étaient à l’époque entrain de bâtir une trilogie « elseword » autour de Batman et Dracula (à commencer par Batman et Dracula : Pluie de sang).

Il s’agit donc d’un duo d’auteurs à forte connotation « dark » (Kelley Jones étant un dessinateur très orienté vers les récits d’horreur) qui a été choisi pour reprendre les aventures de Bruce Wayne…

Après une entrée en matière dans laquelle notre Dark Knight affronte des vilains plutôt inhabituels comme Sommeil ou Black Mask, on assiste au retour de Killer Croc, l’Epouvantail, Mr Freeze et Double-Face. Mais les deux derniers arcs apportent davantage d’originalité avec des récits sur deux ou trois épisodes mettant en scène des personnages plus rares ou carrément inédits.

D’un côté, Doug Moench imagine des récits un peu convenus. Il parait probable que l’éditeur DC Comics ait souhaité revenir à une sorte de routine éditoriale.

Car bien que l’on perçoive une volonté de ne pas ignorer l’évolution de la série (avec moult références à la saga Knightfall), on retombe dans une suite d’épisodes au dénouement prévisible et aux rixes extrêmement classiques, malgré quelques tentatives de brosser une caractérisation des personnages de manière à ce qu’ils soient moins manichéens que d’ordinaire.

Mais d’un autre côté, certains arcs sortent du lot et étonnent par leur singularité et leur atmosphère gothique. Dès que le duo d’auteurs laisse de côté les ennemis classiques de la « batfamily », ça devient très intéressant. Un sérieux virage vers le récit d’horreur est alors entrepris et un vent nouveau souffle dans ces pages, au delà des simples épisodes de routine.

 100% mainstream, 100% horreur !

                                                                100% mainstream, 100% horreur !©DC Comics

Mon histoire préférée est contenue dans le double épisode #535 (38 pages), conçu comme un hommage à la nouvelle Meurtres Dans la Rue Morgue d’Edgar Alan Poe. D’une manière générale, dès que les auteurs donnent dans le récit d’horreur, c’est nettement meilleur. Le style de kelley Jones, pour ceux qui le connaissent, est très particulier.

Extrêmement gothique, inspiré de celui de Bernie Wrightson (auquel il rend hommage à travers un épisode tournant autour de la figure de Swamp Thing), il met en scène une version de Batman complètement hypertrophiée mais iconique, façon « dark attitude ».

Hésitant constamment entre l’horreur et la caricature (parfois avec le même personnage, méconnaissable selon les vignettes), il se révèle très inégal mais souvent impressionnant, notamment grâce à ces clairs-obscurs tranchants et ces aplats de noirs envahissants dont il a le secret, rehaussés par le superbe encrage de John Beatty.

Doug Moench & Kelley Jones : Une esthétique particulière !

                                                      Doug Moench & Kelley Jones : Une esthétique particulière !©DC Comics

Souvent expressionniste, Jones inflige de sérieux problèmes anatomiques et autres incohérences physiques à ses personnages (mais comment diantre Batman arrive-t-il à se déplacer avec pareil costume ?!), sans que cela n’empêche le résultat de sonner « juste ».

Ainsi, lorsque Batman escalade un escalier en colimaçon et que son corps est complètement démantibulé, c’est plus « l’idée de Batman escaladant un escalier en colimaçon » que la vraisemblance de ce mouvement qui s’impose dans l’esprit du lecteur…

Le découpage effectué par Moench & Jones est plutôt ardu, qui entremêle souvent diverses voix-off avec les dialogues, tout en effectuant des ellipses brutales, qui obligent le lecteur à une attention soutenue et une bonne concentration. Bien qu’il s’agisse d’un pur divertissement, le run de ces deux auteurs nécessite néanmoins un intérêt réel pour ce type de narration très immersif, ponctué de diverses réflexions intérieures…

Bref, une version de Batman plutôt inégale mais assez originale, surtout lorsque le récit est orienté vers l’horreur.

Tout le début du run de Doug Moench & Kelley Jones a été publié en VF par l’éditeur Semic dans deux revues consécutives :

BATMAN LEGEND N°1 à 5 (revue arrêtée précipitamment). On y trouve les épisodes Batman #516 à 522.

– STRANGE N°325 à 335. On y trouve les épisodes Batman #523 à 528, 530 à 532 et 535 à 536 (les épisodes manquant ayant été réalisés par une autre équipe artistique, sur des crossovers comme « Contagion » ou « Legacy »). A noter que Kelley Jones est remplacé par Eduardo Barreto sur l’épisode #520 et J. H. Williams III sur l’épisode #526. Tous ces épisodes ont été publiés à l’origine entre mars 1995 et novembre 1996.

2 comments

  • Eddy Vanleffe  

    Voilà une période de Batman que je connais mal, et je suis hyper impatient que ce soit réédité un jour en VF, voilà un run qui possède un ton graphique et même dans les histoires qu’on n’a plus jamais retrouvé depuis… c’est gothique à mort!
    je veux dire, un truc pas fade, avec une ambiance…

    • PierreN  

      Il y a aussi les épisodes pré-Crisis de Moench de la décennie précédente, avec du Colan post-Tomb à Dracula (ceux avec la vampirette qui a failli apparaître dans TAS).

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