Harley Quinn 1 – Hot in the city par Jimmy Palmiotti & Amanda Conner, Chad Hardin et Stéphane Roux
AUTEUR : PRÉSENCE
Ce tome comprend les épisodes 0 à 8 d’une série ayant débuté en 2013. Tous les scénarios sont écrits par Jimmy Palmiotti et Amanda Conner.
Les couvertures ont été dessinées et encrées par Amanda Conner. L’épisode zéro a été dessiné par une vingtaine de dessinateurs différents, à raison d’une page par dessinateur. Chad Hardin a dessiné et encré les épisodes 1, 2 (en partie), 3, 5 à 8. Stéphane Roux a dessiné et encré une partie de l’épisode 2 et l’épisode 4 en entier.
Cette histoire à ce jour n’a pas été publiée en français.
Dans l’épisode zéro, Harley Quinn (en costume) passe d’une situation loufoque à une autre, d’une page à l’autre, chacune étant dessinée par un dessinateur différent, avec un prologue et un épilogue dessiné par Chad Hardin. Elle finit par apprendre qu’elle a hérité d’un building à Coney Island, dans le Bronx à New York. Elle se rend sur place et prend possession des lieux, avec un étage réservé pour elle, des commerces au rez-de-chaussée, un étage vide (le troisième), et 8 locataires au premier étage. Elle a également accès à la terrasse.
Au cours des 8 épisodes, le docteur Dr. Harleen Frances Quinzel va devoir faire face à des tentatives récurrentes d’assassinat sur sa personne (car un contrat a été passé sur sa tête). Elle va s’engager une équipe féminine de course à roller (un peu violente), elle va postuler pour un emploi de psychologue dans une maison de retraite (car il faut qu’elle paye les frais d’entretien et les charges de son building).
Avec l’aide de Poison Ivy (Pamela Isley), elle va libérer des animaux de compagnie promis à l’euthanasie. Elle va aider une vieille dame dont les enfants et petits-enfants ne lui rendent jamais visite à la maison de retraite. Enfin, elle va aider Sy Borgman (un autre pensionnaire en fauteuil roulant, ex espion) à assassiner 4 espions russes, pour clore une affaire remontant à la guerre froide.
Harley Quinn fait partie des personnages gravitant autour de Batman, à Gotham, mais d’assez loin. Sa première apparition à eu lieu dans la série de dessins animés télévisés (supervisée par Bruce Timm) dans un épisode de 1992. En 1999, elle a été transposée en comics dans No man’s land (un long crossover des séries Batman). Puis, elle a bénéficié d’une très belle histoire réalisée par Paul Dini et Bruce Timm lui-même ( Mad Love, and other stories), puis de sa propre série en 2000 ( Preludes and knock-knock jokes).
L’entrée en matière déstabilise le lecteur. Pour créer l’événement autour du lancement de cette nouvelle série, les scénaristes et les responsables éditoriaux ont choisi de faire appel à un maximum de dessinateurs de renom. C’est ainsi que l’épisode zéro est dessiné à tour de rôle (à raison d’une page par artiste) par Amanda Conner, Becky Cloonan, Tony S. Daniel (encré par Sandu Flora), Stéphane Roux, Dan Panosian, Walter Simonson, Jim Lee (encré par Scott Williams), Bruce Timm, Charlie Adlard, Adam Hughes, Art Balthazar, Trad Moore, Dave Johnson, Jeremy Roberts, Sam Kieth et Darwyn Cooke.
Le résultat de cet épisode zéro est très drôle, très décousu, car les pages ne sont raccord l’une avec l’autre que par le biais des phylactères. Par exemple, Quinn ne porte pas le même costume d’une page sur l’autre, ne se trouve pas au même endroit, et la situation de la dernière case d’une page, est oubliée dans la première case de la suivante. Il s’agit donc d’une suite de saynètes mêlant action et humour grâce aux dialogues.
En effet, Conner et Palmiotti embrassent pleinement l’absurde de cette construction artificielle, en n’hésitant pas à briser le quatrième mur. Par exemple pour la page dessinée par Stéphane Roux, les cellules de texte indiquent qu’au vu de la qualité de dessins, il reviendra pour dessiner une partie de l’épisode 2 (ce qui fut dit, fut fait). Lorsque Chad Hardin dessine quelques pages, les commentaires commencent par faire observer qu’il serait parfait pour dessiner la série régulière, puis soulignent le fait qu’il ne réussira pas à tenir le rythme mensuel (ce qui ne l’a pas empêché d’avoir le poste).
Cet épisode zéro est ébouriffant à condition d’accepter de ne pas le prendre au premier degré, et de voir cet exercice de style comme une forme de persiflage enlevé et drôle, sans une once de méchanceté. Certaines pages sont absolument magnifiques en capturant parfaitement un aspect iconique des superhéros ou des récits d’aventure.
Cela va de l’évocation des robots géants japonais (Tony S. Daniel), à un hommage au film Thelma & Louise (Tradd Moore), en passant par une imitation du superhéros Manhunter (Walt Simonson), ou des pages très représentatives des forces d’Adam Hughes (où Conner et Palmiotti se moquent de son incapacité à réaliser un comics mensuel), ou de Bruce Timm (et ses images très dessin animé).
C’est sûr qu’après un épisode pareil, la suite risque de paraître un peu fade et sage. En fait Conner et Palmiotti profitent pleinement du positionnement du personnage du côté des criminels à tendance psychotique. Le lecteur ne sait donc pas trop à quoi s’attendre d’un épisode à l’autre quant à la nature des actions d’Harley Quinn. Elle peut aussi bien aider une petite vieille délaissée, qu’estropier les membres de l’équipe adversaire de roller.
Les scénaristes servent donc des scénarios frappés du sceau de l’humour noir. Harley Quinn est fofolle et armée (avec son énorme marteau). Elle n’hésite pas à tuer et à assassiner quand elle en a envie ; elle se montre une copine attachante et frapadingue avec Pamela Isley. Elle a un cœur gros comme ça avec les animaux maltraités. Elle accepte les ordres de Sy Borgman (dont les propos sont émaillés de termes yiddish), sans broncher. De scène en scène, Conner et Palmiotti font apparaître en creux sa personnalité troublée, à la fois meurtrière, enjouée et sympathique, décidée et constructive, sans être à l’abri des erreurs et de grosses bourdes.
L’humour noir est présent tout au long des épisodes, sans devenir la principale source d’intérêt, et sans prendre le pas sur les intrigues (qui ne sont pas toutes renversantes). Harley Quinn échappe au juste châtiment qui devrait être le sien pour ses actes criminels, mais elle est vraiment dérangée (son meilleur confident est une peluche de castor, un peu calciné sur les bords, qu’elle entend parler dans sa tête).
Sans être très sophistiquée ou raffinée, la densité humoristique est assez élevée et enjouée pour générer un sourire sur le visage du lecteur, tout au long du tome. Certes, à quelques reprises, Conner et Palmiotti ne refusent pas de faire dans le crade. Le moins politiquement correct est atteint quand les occupants du building utilisent une catapulte pour se débarrasser de sacs poubelles remplis des excréments des animaux domestiques occupant le troisième étage.
Un de ces sacs s’écrase et éclate contre la vitre d’un immeuble, au niveau d’une salle de réunion où Dan Didio et Jim Lee (et quelques responsables éditoriaux) sont en train d’évoquer une nouvelle remise à zéro satirique et délirante de l’univers partagé DC.
Chad Hardin et Stéphane Roux se montrent à la hauteur de la démesure du personnage principal et de ses aventures rocambolesques, allant de la violence extrême au loufoque. Il dessine dans un registre plutôt réaliste avec un petit degré de simplification. Ils s’émancipent de dessiner des arrières plans régulièrement (comme c’est la norme dans les comics), mais avec une fréquence raisonnable, et avec un savoir-faire qui permet que ça ne se voit pas trop. Les cadrages ne donnent jamais l’impression de regarder des acteurs gesticuler sur une scène vide.
Hardin et Roux prennent le temps de personnaliser chaque décor, de manière à ce qu’ils ne soient pas génériques. Les dessins reflètent de manière chronique les spécificités urbaines de Brooklyn, mais sans que le lecteur puisse avoir l’impression de faire du tourisme. Les scènes d’action respirent un dynamisme satisfaisant pour un comics de superhéros, avec le niveau d’exagération voulu pour les actions délirantes ou loufoques.
Chad Hardin se révèle très compétent pour croquer des expressions de visages normales ou exagérées à souhait pour les emportements émotionnels d’Harley Quinn, ou les réactions affolées de son entourage. Stéphane Roux réussit des expressions plus justes empreintes d’un second degré savoureux.
Un personnage comme Harley Quinn représente un vrai défi pour les créateurs qui doivent à la fois rendre compte de son comportement relevant de graves troubles psychiatriques, de ses actes criminels et meurtriers, tout en la rendant sympathique, sans oublier son côté humoristique.
Contre toute probabilité, Amanda Conner, Jimmy Palmiotti et Chad Hardin (avec Stéphane Roux) réussissent à combiner tous ces aspects dans une incarnation à craquer (grâce à un côté un peu fofolle), avec des scénarios bien construits qui ne sont pas noyés ou déstructurés par l’humour ou la personnalité de Quinn. Les auteurs se payent même le luxe d’un épisode zéro, fait de bric et de broc, totalement absurde et complètement divertissant, avec une forme de commentaire sur la nature industrielle des comics, et sur le rythme infernale de l’industrie du divertissement.
The « Gnu 52 » !!! J’aime cette touche d’auto-dérision ! Et Jim Lee tout sourire sous sa casquette est super bien rendu en peu de traits (pour l’avoir vu à Angoulème, il a exactement ce genre d’attitude…)
Celui-là, je le mets dans ma liste de trucs à essayer. En plus, j’ai l’impression que vu la nature des histoires, même en cas de chambardement éditorial, les épisodes déjà parus seront suffisants…
Merci pour cette « découverte » Présence !
Ca a l’air bien déjanté mais je n’achète rien de chez DC. Harley Quinn, je la connais essentiellement via les jeux vidéo de Batman. Avec le Joker, elle me faisait réellement mourir de rires ! Ce côté sexy et borderline peut être effectivement très attractif !
Je suis incapable de savoir si ça me plairait ! Toutefois, je déteste Deapool et l’un des seuls Deadpool que j’ai aimé, c’était celui de Jimmy Palmiotti…
Palmiotti m’a déjà fait rire avec Deadpool justement !
Sinon c’est facile, il y a deux scénaristes qui me font rire à tous les coups : Alan Moore et Garth Ennis !
Les expressions de visage de la Cover sont irrésistibles !
Bonjour,
Merci pour cet article qui donne très envie de se pencher sur cette oeuvre.
Bonne journée
Je connais peu ce personnage (vue chez Morrison avec son run sur Batman, copine du Joker) mais cela donne envie. Le peu que je connais de Adam Hugues et de Amanda Conner me plaît énormément. Et puis, Bruce le souligne bien, cela fait plaisir de lire des histoires avec des personnages féminins comme rôle principal.
Lu le premier épisode de Preacher : pour l’instant c’est bien sympa et pas du tout dérangeant ou provocant je trouve.
Ca y est je l’ai lue. J’ai beaucoup aimé. Tu résumes tout ça parfaitement, les intrigues ne sont pas super intéressantes mais c’est toujours drôle et enjoué, jamais chiant, l’épisode 0 à lui seul vaut le détour. J’ai adoré tous les dessins, je trouve que Hardin et Roux se rapprochent beaucoup du style de Amanda Conner que j’aime beaucoup, c’est vraiment très chouette et bien réalisé. Je ne connais vraiment pas beaucoup le personnage mais je garde précieusement ces petites histoires loufoques car les personnages sont attachants et les dessins très bons.
Je crois que finalement je vais me prendre Mad Love.
Merci pour ton retour.
J’ai eu le plaisir de découvrir que Conner et Palmiotti été revenu au personnage pour une histoire Black Label que j’ai également bien aimée. En outre, c’est Amanda Conner qui dessine.
https://www.amazon.fr/gp/customer-reviews/R3TY9LLBXONPXL/ref=cm_cr_dp_d_rvw_ttl?ie=UTF8&ASIN=B08W6QD84V
J’avais d’ailleurs soumis l’article à Bruce.
J’hésite à me le prendre celui-là
Merci Présence ! J’ai eu peur que tu ne voies pas mon commentaire… Tu ne m’aides pas là, parce que tout de suite ça donne envie, Conner + Palmiotti. Après avoir lu cette série légère et très agréable, en mode détente, j’ai l’impression que ces deux-là ont bien saisi le personnage. Du coup je suis comme Eddy.
Une autre itération va sortir en VF bientôt, celle de Sean Murphy. Il faut toujours que je lise le second tome du White Knight, mais d’ores et déjà, je sais que je ne résisterai pas, même si Murphy ne dessine pas : https://www.urban-comics.com/batman-white-knight-harley-quinn/
moui là…Sean Murphy…j’ai trouvé ça très oubliable en fait… pas mal mais pas inoubliable…quand je vois qu’on le met à coté des year One…etc.. je suis étonné quand même…
Mon avis sur le Harley Quinn version White Knight, coécrit par Sean Murphy et Katana Collins, dessiné et encré par Matteo Scalera, avec une mise en couleurs réalisée par Dave Stewart. La version courte :
Les auteurs réalisent un récit focalisé sur Harley Quinn, version White Knight, avec un niveau de qualité quasi similaire à celui des deux premiers récits. La narration visuelle de Matteo Scalera est dans la continuité de celle de Murphy, avec un peu moins d’énergie esthétique dans les scènes d’action. La mise en couleurs est d’une qualité extraordinaire, un travail d’orfèvre. L’intrigue est consistante, avec de beaux moments consacrés à Harley Quinn, tout en ne réussissant pas tout à fait à s’émanciper des clichés superhéros, ni à les mettre totalement à profit pour le portrait de cette jeune femme.
La version longue :
https://www.amazon.fr/gp/customer-reviews/RQR97E0IR1KG9/ref=cm_cr_dp_d_rvw_ttl?ie=UTF8&ASIN=1779510144
Merci Présence ! Je lirai la version longue plus tard, quand je l’aurai lue sans doute.
Pour le White Knight, ce n’est pas du niveau de YEAR ONE en effet, mais cela faisait tellement longtemps que Batman n’avait pas eu un concept un peu original que les réactions ont été décuplées. Personnellement j’ai bien aimé, surtout à cause du dessin mais aussi pour ce revirement du Joker et de toutes les conséquences, plus malignes au final que ce que présageait le début. Ce n’est pas non plus Morrison qui relit les vieilles histoires de Batman pour les mettre à nouveau en plein jour, même si lui aussi a poussé un concept original avec le BATMAN INCORPORATED.
Ah tu fais bien de me le rappeler.
Je l’ai lu la semaine dernière. C’est sympathique. Les séquences avec le réveil et le pied-de-nez et celle avec Poison Ivy sont rigolotes.
Pour le reste c’est du bas-du front assumé et décomplexé avec plein de grimaces tordantes.