Vengeance par Joe Casey et Nick Dragotta
Un article de PRÉSENCE
VO: Marvel
VF: Panini
1ère publication le 11/05/15- MAJ le 29/07/19
Il s’agit d’un récit complet en 6 épisodes, initialement parus en 2011, écrits par Joe Casey, dessinés et encrés par Nick Dragotta, mis en couleurs par Brad Simpson, avec des couvertures de Gabriele Dell’Otto.
C’est à la fois très simple et très compliqué. La version simple : 2 nouveaux groupes composés de jeunes dotés de superpouvoirs souhaitent se tailler une place sous le soleil de l’univers partagé Marvel : la Teen Brigade et les Young Masters. La version qui exige un peu plus d’attention : du côté des superhéros, la Teen Brigade est composée d’Ultimate Nullifier, Miss America (America Chavez), Angel (Angel Salvatore), Barnell Bohusk (Beak). Cette équipe bénéficie d’un informateur qui est Larry Young (Jack Truman, ex agent 18) un ex agent du SHIELD leur indiquant où aller récupérer des armes ou des prisonniers devant être neutralisés. C’est ainsi qu’ils libèrent une version adolescente de l’In-Betweener.
Du mauvais côté de la loi, il y a les Young Masters (of Evil) composés d’Executionner (Danny Dubois), Egghead, Radioactive Kid, Black Knight et Mako. Premier objectif : s’approprier le cadavre de Bullseye. Mais il y a aussi cette histoire de projet de modification moléculaire sur des êtres humains, mené sous l’autorité du Red Skull (Crâne Rouge, Johann Schmidt) en 1944.
Il y a aussi l’intervention d’un autre groupe de superhéros (les Defenders, même si ce nom n’est jamais prononcé), sous l’autorité de Kyle Richmond, comprenant Son of Satan (Daimon Hellstrom), She-Hulk (Jennifer Walters), Nighthawk (Joaquin Pennysworth) et Krang (un atlante). Enfin le parcours de quelques-uns de ces personnages va croiser celui de 5 supercriminels majeurs de l’univers partagé Marvel.
Dans la courte postface (1 paragraphe), Tom Brennan (le responsable éditorial) explique que cette curieuse histoire trouve son origine dans un point de départ inhabituel. Gabrielle Dell’Otto avait réalisé 6 peintures à l’effigie de Magneto, Bullseye, Doctor Octopus, Loki, Red Skull et Doctor Doom et que Brennan a demandé à Joe Casey une proposition d’histoire lui permettant d’utiliser ces 6 portraits comme couverture de chacun des épisodes.
Joe Casey est aussi bien connu pour ses comics pour Marvel et DC, que pour ses créations plus débridées : X-Men, Wildcats, Butcher Baker, le redresseur de torts, SEX, The Bounce. Dès les premières séquences, il est visible qu’il a pris un grand plaisir avec les jouets Marvel, pour un récit regorgeant de références obscures, et d’une énergie qui n’appartient qu’à la jeunesse. Il est certain que la forme rebutera les lecteurs occasionnels de l’univers Marvel.
D’un côté, Casey s’amuse comme un petit fou à retranscrire l’ébullition propre à la jeunesse, surtout dans l’action, le mouvement et l’instantanéité (il reprend même le dispositif des tweets entre personnage, avec pseudos, qu’il avait auparavant utilisé dans Final Crisis aftermath – Dance en VO). D’entrée de jeu, il insuffle un rythme narratif très soutenu, avec une première page consacré à un personnage non identifié prenant un verre dans un bar, puis une double page dans une discothèque avec des tweets de personnages non identifiés, puis une page consacrée à un entretien sibyllin entre Red Skull et Adolf Hitler, et enfin une séquence (relativement) longue (4 pages d’affilée) relatant une intervention de Miss America.
Autant dire que l’attention du lecteur est fortement sollicitée pour enregistrer les informations au fur et à mesure, sous une forme loin d’être prémâchée. Évidemment, la compréhension du récit s’améliore petit à petit, dans la mesure où le lecteur finit par discerner les personnages principaux et les retrouver d’une séquence à une autre.
En fonction du lecteur, cette forme de narration pour le rebuter, ou au contraire il pourra le voir comme une transposition habile d’un quotidien dans lequel l’individu est sans cesse abreuvé de flux continus et denses d’informations.
Deuxième caractéristique prononcée de la narration : les références très pointues à l’univers partagé Marvel. À l’évidence, ce dispositif destine cette histoire à des férus de cet univers. Il suffit de prendre comme exemple une conversation entre 3 personnages dans un bar dans l’épisode 4. Il s’agit de Kyle Richmond (premier Nighthawk du nom, membre fondateur du Squadron Supreme, et membre historique des Defenders), de Joaquin Pennysworth (cinquième individu à avoir endossé le costume de Nighthawk), et de Larry Truman, un agent du SHIELD apparu une seule fois dans l’épisode 60 de la série « Cable » en novembre 1998. Rien que l’identité de ces individus fait comprendre qu’il s’agit d’un récit pour connaisseurs.
Alors qu’ils échangent quelques paroles, ils évoquent un technique tibétaine de permutation d’esprit (qui évoque un tour de passe-passe réalisé par Elektra dans Elektra, assassin), la transplantation d’esprit (épreuve subie par Kyle Richmond dans la série Defenders), la division ExTechOp du SHIELD (toujours dans « Elektra assassin »), et une version encore plus obscure de Deathlok. Il est facile de comprendre que pour un lecteur occasionnel, ou même simplement régulier de comics Marvel, ces propos plein de sous-entendus finissent par agacer, à ce point abscons qu’ils s’apparentent à un amphigouri ( Tiens ! j’ai appris un nouveau mot Ndlr).
Pour le lecteur chevronné de l’univers Marvel, il s’immerge dans un environnement d’une richesse inouïe, où l’auteur lui rappelle des souvenirs à moitié oubliés, des recoins rarement visités, des facettes laissées de côté. Chaque épisode regorge de ces éléments piochés à toutes les époques de l’histoire de Marvel, depuis l’époque des monstres avant l’avènement des superhéros (Tiboro – la Screaming Idol – contre laquelle se bat Miss America évoque les monstres créés par Steve Ditko et Jack Kirby) aux créations plus récentes (Lady Bullseye ou Kid Loki en VO), en passant par des personnages perdus de vue (Kristoff Vernard).
Attention, Joe Casey ne fait pas dans le superficiel, il va chercher des personnages ayant marqué différentes générations de lecteurs, de Beak & Angel (nouveaux personnages apparus dans les épisodes des New X-Men de Grant Morrison) à l’In-Betweener (personnage créé par Jim Starlin et apparu pour la première fois dans la série mythique consacrée à Adam Warlock). Plus fort encore, il est aussi bien capable de retrouver le ton juste pour l’apparition de Lady Bullseye (telle que mise en scène par Ed Brubaker dans ses épisodes de Daredevil), que la dimension métaphysique d’In-Betweener, ou encore le caractère franchement inquiétant du Fils de Satan. C’est du grand art.
Pour mettre en images ces aventures référentielles, Joe Casey peut se reposer sur Nick Dragotta (dessinateur de la série East of West de Jonathan Hickman), dans une veine réaliste simplifiée. Dragotta sait rendre compte de la vitalité et de l’énergie, mais aussi de la morgue et de l’assurance de tous ces jeunes, chacun avec un registre de langage corporel qui lui est propre.
Ultimate Nullifier (un nom emprunté par dérision à une arme ultime employée par Reed Richards contre Galactus) se tient comme un chef né, dégageant à la fois charisme et autorité, Miss America se conduit comme une personne invulnérable n’éprouvant aucun doute sur le fait qu’elle peut triompher de toute épreuve physique. Dragotta en fait une jeune femme pleine d’assurance, très séduisante avec un large décolleté, impossible à réduire à un objet sexuel tellement elle pulvérise ses ennemis (en particulier sur le monde de Screaming Idol). Ainsi chaque personnage dispose de sa morphologie propre, de sa coupe de cheveux stylée ou pleine de gel. Black Knight est une frêle jeune femme, avec un goût des plus douteux en termes de chic vestimentaire.
Dragotta réussit un mélange improbable de premier degré et de dérision pour les conventions superhéroïques. En prenant Daimon Hellstrom comme exemple, il est à la fois inquiétant lorsque la moitié de son visage se recouvre de symboles cabalistiques sur fond d’espace infini, signifiant sans ambigüité sa connexion avec des dimensions inhospitalières. Il est à la fois ridicule avec son casque idiot (avec des cornes) et son costume moulant rouge pourvu d’une grande cape.
À la fois Dragotta semble dire au lecteur qu’il ne faut pas prendre ces gugusses au sérieux, mais aussi il reste premier degré dans sa façon de dépeindre leurs exploits, le déploiement de leur force physique, etc. À la fois, il n’a pas la prétention de faire croire à une réalité plausible (le lecteur est bien face à des concepts merveilleux et fantastique totalement imaginaires, à destination des enfants petits et grands), à la fois il présente des visions d’une grande cohérence entre elles formant un monde logique. Régulièrement Dragotta épate le lecteur par une mise en page inventive et pertinente à commencer par les lumières de la discothèque jusqu’à la représentation conceptuelle de l’In-Betweener et de la notion qu’il incarne, en passant par les couloirs monumentaux du QG d’Hitler ou la progression irrésistible de Tiboro.
« Vengeance » est une ode à la jeunesse prenant pied dans le monde des adultes et se faisant sa place avec la fougue qui lui est propre. C’est un récit étendant ses racines très loin dans l’histoire et la mythologie de l’univers partagé Marvel, au point d’en devenir un met raffiné pour le lecteur baignant dans ces références, et une histoire absconse et vaine pour le lecteur de passage.
C’est un récit conceptuel sur l’entrée dans la vie active, racontée en respectant toutes les conventions les plus absurdes des récits de superhéros, une gageure aussi idiote que réussie, aussi absurde que signifiante, un véritable paradoxe. Joe Casey et Nick Dragotta parlent avec éloquence d’un âge de la vie, dans un langage compréhensible de quelques initiés.
J’étais totalement passé à côté de l’existence de cette mini-série. Le coup des couvertures qui n’ont rien à voir avec la choucroute n’aide pas non plus… Je suis appâté par les références à la continuité (ouais, c’est un truc de vieux…) mais je ne sais pas trop si le fun sera vraiment au rendez-vous… Je me commanderai peut-être ça un de ces jours (je peux bien attendre, la vengeance est un plat qui se mange froid, non ?).
Petit à petit je découvre les œuvres de Joe Casey, petit à petit je l’apprécie en tant qu’auteur. Je viens de finir les 6 tomes de Godland : c’est à la fois unique, très personnel, et très hermétique pour qui n’a jamais de lu de comics de Jack Kirby en mode cosmique.
Oh purée !!! J’ai détestééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééééé !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Un des pires trucs Marvel que j’ai lu de ma vie. Je n’y ai rien compris et j’ai trouvé ça hystérique. Je me suis forcé jusqu’à la torture pour le finir !
Il y a quand même quelque chose de l’ordre du foutage de gueule complètement cynique dans cette manière de ne pas intégrer les couvertures pour ce qu’elles sont. Un bien étrange projet, qu’on doit trouver ou génial, ou atroce (moi c’est la catégorie B).
La seule raison pour laquelle je ne l’ai pas balancé à l’autre bout de la pièce, c’est parce que je voulais le revendre.
Par contre, j’avais bien conscience, en le lisant, que ça s’adressait aux férus de la continuité. Et j’étais sûr que ça plairait à Présence !
Ayant lu le commentaire de Tornado (sur un autre site) avant de lire ce comics, je savais que je devais me préparer à une lecture très particulière. Les commentaires sur amazon US m’avaient conforté dans cette idée. Avec un peu de recul, je pense qu’il y a à la fois la composante « continuité » indispensable pour apprécier toute la saveur du récit, mais aussi la thématique choisie (une nouvelle génération issue des précédentes, d’où l’importance de cette continuité), la volonté de faire du neuf (d’où le recours à des éléments de continuité plutôt obscurs), et le mode narratif retenu, très syncopé.
Présence, merci pour m’avoir appris un nouveau mot, et bravo pour ton analyse toujours profonde et réfléchie. Je passe bien évidemment mon tour, n’ayant aucune connaissance de la continuité Marvel ou presque aucune. Mais c’est un peu dommage car tu donnes vraiment envie.
Joe Casey est un auteur que j’ai du mal à apréhender…
Je ne crois pas avoir « adoré »l’un de ses travaux. mais à chaque fois je discerne le talent, l’imagination et l’envie de rendre hommage en modernisant…
C’est l’un des acteurs du comics vivant, pas un pondeur de pitch pour Hollywood, pas non plus un thanatopracteur s’esquintant à rendre vie à des concepts depuis longtemps froids et rigides sans le moindre atome d’une idée originales…
Non il oeuvre à faire avancer les choses, mais…
il manque un truc pour que je saute au plaffond à chaque fois…
J’ai bien aimé GODLAND pour son coté décomplexé…
The Bounce fut une honorable tentative…
En mainstream, je le place au même rang qu’un Paul Jenkins, toujours pro, toujours soigné, toujours intéressant mais pas génial… sauf sur un truc ou deux…
J’ai pas lu cette mini mais elle me tente bien pour son côté tentative de »Marvel 2.0 » fidèle à l’esprit des origines mais en 2010…
J’ai découvert Joe Casey sur le tard, sur les recommandations de Tornado pour les 2 miniséries Earth’s Mightiest Heroes, sorte de Year One pour les Avengers. Du coup, je n’ai lu ni ses épisodes des séries Cable, Deathlok ou Superman.
A ajouter à la très courte liste de trucs que Tornado a aimé avec les Avengers alors^^
Pour ma part je n’ai jamais pu lire ce truc. Les dessins de Kolins sont atroces pour mes yeux. Dommage parce que des bons récits avec les Avengers, ça me dirait bien.
Tiens par contre je vois que Casey a aussi fait un « avengers origin » en 5 épisodes avec Phil Noto. Quelqu’un connait ?
Non, je ne l’ai pas lu. Je ne voyais pas ce que cette version pouvait apporter de plus aux 2 miniséries (2005 et 2006/2007).
un dessin moins laid peut être^^
Lu et commentaire mamazon. C’est nul. Zéro.
Ok merci.
J’ai lu le commentaire. Eh ben ça tacle^^
Et je crois que ma façon préférée de moderniser c’est celle poétique de Loeb et Sale plutôt que celle provocatrice et démythifiante de Millar dans Ultimates^^
Mais c’est vrai que ça ne doit pas être facile. On ne se rend pas forcément compte quand c’est bien fait mais quand c’est mal fait ça se voit^^ Et on apprécie alors le boulot de Loeb/Sale
Par contre, je suis tombé sous le charme de sa créativité débridée avec Godland (excellent récit à la manière de Jack Kirby en mode cosmique, avec une fibre métacommentaire), The Bounce que j’ai beaucoup aimé (Bruce a un article dans ses réserves), WildCats 3.0, et ses récits courts pour Image Comics Nixon’s Pal; Butcher Baker (extraordinaire), Sex (un article sur le présent site, excellente série), Valhalla Mad (anecdotique), MCMLXXV (une hommage au film Warriors), et pour Dark Horse The Milkman Murders (génial), Catlyst Comix (très bon).
Joe Casey est également un des co-créateurs du dessin animé Ben 10.
Oui…
J’oubliais que Casey fut aussi l’un des piliers d’un Wildstorm hyper boosté par Ellis-Lobdell-Adam Warren…il a fait du bon boulot recyclé plus tard dans Uncanny X-Men avec les X-corps…
La période de Superman chapeauté par Jeph Loeb a pas mal de bonnes choses aussi…
ce qui me gène toutefois c’est la tutelle de Eddie Berganza qui outre ses démêlés judiciaire (un genre de Weinstein du comics) met un accent ouvertement misogyne en faisant de Superman le tombeur malgré lui avec des pseudo conquêtes tous les deux épisodes, ce qui est complètement con puisque sa fidélité à Lois fait parti du paradigme de Superman
J’ai lu les épisodes X-Corps et je n’ai pas aimé (commentaire sur amazon). Il a également écrit X-men: Children Of The Atom, dessiné par Steve Rude pour les 3 premiers épisodes qui ne m’a pas laissé de souvenir impérissable.
Oui, ça existe en VF, publié par Panini en juillet 2012.
amazon.fr/VENGEANCE-Nick-Dragotta/dp/2809424993/ref=cm_cr_srp_d_product_top?ie=UTF8
Casey, j’avais traduit pas mal de ses Wildcats, et c’était très bon, ça renouvelait le concept du super-héros proactif en le prenant par l’autre bout, par rapport à Authority.
j’avais bien aimé aussi ce qu’il avait fait sur les FF, avec First Family
First Family : damned, je ne l’ai pas lu ! Merci pour la recommandation.
c’est pas le truc dessiné par Winslade? c’était dispo en graphic novel chez Panini…
@Eddy : Non, c’est Chris Weston qui dessine First Family. Je l’ai lu (commentaire à ma zone). C’est bien (les planches de Weston sont incroyables), mais le dernier épisode, complètement bâclé (scénario et dessin), gâche l’ensemble. C’est reparti au bac à solde…
Winslade je le confonds toujours avec Weston… Je ne suis pas sûr de les dissocier.