Weapon H (Monstres)

Monstres de Barry Windsor-Smith

Un article de BRUCE LIT

VO : Fantasgraphics

VF : Delcourt

This is a bilingual article about Barry Windsor Smith’s MONSTERS. You can read it just below the french one.
Huge thanx to my A-Team : Cyrille, JB, Doop and Fetcher for the translation French-English asked by the Master himself !

Pitié pour les enfants
©Delcourt

French Version

Remisé lors de sa brouille avec Marvel, MONSTRES est le premier roman graphique de Barry Windsor-Smith en 13 ans. Il assure le dessin et le scénario d’une BD de plus de 300 pages et 4 kilos !
Il s’agit peu ou prou de sa version de HULK, un individu monstrueux poursuivi par plein d’hélicoptères et dont l’enfance malheureuse occupe une large place dans l’histoire.
Mais nous allons voir que MONSTRES, loin des affrontements de bac à sable propose bien plus qu’une nouvelle itération super-héroïque.

Tout bien considéré, MONSTRES est le dernier volet d’une trilogie de BWS consacrée aux héros Marvel après WEAPON X et ADASTRA IN AFRICA. Nous sommes en 1984 et BWS se lance dans une histoire consacrée à Hulk que Marvel lui refuse. 40 ans plus tard, BWS, tenace publie ce pavé en indépendant chez Fantasgraphics, loin, très loin de Marvel.

Autant le dire tout de suite : le lecteur venu chercher un Hulk invulnérable et torchant son monde à coups d’onomatopées façon WORLD WAR HULK pourra pleurer sa mère et des larmes de sang : le Hulk de BWS est une créature pathétique plus proche d’ELEPHANT MAN que du colosse de jade.
Pour ainsi dire, il n’apparait qu’à peine sur une cinquantaine de pages pendant tout le récit, n’accomplit rien de spectaculaire et la noirceur de l’écriture de BWS en fait une victime perpétuelle.

On pourrait pourtant croire que l’album sera construit comme WEAPON X tant BWS multiplie consciemment les similitudes : le jeune Bobby Bailey est embrigadé dans un programme d’expérimentations génétiques commencé par les nazis. Des voix-off désincarnées viennent froidement commenter la monstrueuse métamorphose dirigée par un scientifique dément manchot.
En s’échappant de ce complexe, Billy ère nu dans la neige comme Logan et…ça s’arrête là ; tout du moins les références avec WEAPON X, car une histoire commence quand finit celle de Billy.

L’errance dans la neige comme échappatoire/sanction à la cruauté humaine
©Marvel Comics
©Fantasgraphics

C’est là que BWS désarçonne son lecteur qui pensait être en terrain connu voire conquis. Non, il ne s’agit pas d’une nouvelle itération de FRANKENSTEIN d’un créateur revanchard de ne pas l’avoir racontée chez Marvel mais une incursion vertigineuse sur les effets d’une expérience démoniaque racontée sur une vingtaine d’années et à rebours.

Comme une pelure d’oignon, BWS décortique la source du malheur de Billy Bailey en changeant de style à chaque époque qu’il souhaite mettre en scène : le titre commence à la Marvel avant de devenir véritablement passionnant en empruntant les codes du roman épistolaire où la mère de Billy décrit en pointillé à quel point sa vie est devenue misérable depuis que son mari est revenu traumatisé de la guerre.

Le lecteur vit alors le calvaire du jeune Billy impitoyablement maltraité physiquement et moralement par son père, qui victime du nazisme est devenu un monstre à son tour. A chacune de de ses apparitions, BWS oppose la douceur, la bonté et la compassion féminine à l’égoïsme, à la brutalité et la rudesse masculine rendant la violence dont sont victimes Billy et sa maman souvent insoutenables.

Janet et Billy victimes du nazisme états-uniens
©Fantasgraphics
©Delcourt

MONSTRES se transforme alors en huis-clos d’un foyer dont le bonheur s’est échappé et qui, dans l’Amérique des années 50, est encore plus oppressant dans ce que cette femme merveilleuse de sensibilité et d’intelligence doit subir au nom du devoir conjugal. Dans MONSTRES, la moindre étincelle de bonheur est soufflée par le vent du désespoir qui emporte la bougie hors de portée de ses victimes.
Lorsque Billy et sa mère semblent rencontrer un échappatoire, le piège diabolique de la paranoïa se renferme sur eux et les dévore vivants.
Tout ceci est écrit sans sadisme de son auteur, bien au contraire il s’agit de ne rendre aucune violence acceptable, la montrer dans toute son horreur pour mieux la rejeter.
Les scènes sont souvent longues, brillamment dialoguées et rythmées d’une tension suffocante.

Le -S de MONSTRES se justifie ici : il y a certes le monstre qu’est devenu Billy, colosse couvert de tumeurs à l’intelligence inexistante qui ne possède plus qu’une mémoire émotionnelle mais surtout ceux du quotidien : les avares, les cupides, les cruels, les féminicides et surtout le nazisme. Car même la guerre terminée, BWS l’écrit comme un virus contre lequel aucun vaccin ne peut agir. Intangible, il détruit soldats, femmes et enfants jusqu’aux nazis eux-mêmes.

Par monstres et par vau(lverine)
©Fantasgraphics / ©Delcourt
©Marvel Comics

La dernière partie de MONSTRES se transforme en film d’horreur. Le lecteur pénètre véritablement au cœur des ténèbres. Il a assisté à la transformation d’un jeune garçon innocent en expérience génétique ratée, à la chute d’une femme exceptionnelle; il lui reste à découvrir ce qui a rendu fou Tom Bailey dans les entrailles puantes de l’expérience Prométhée.
Dans les ruines d’une Allemagne en déroute après la mort d’Hitler, des scientifiques nazis s’entretuent avant que les américains ne viennent s’emparer de ce projet terrifiant.

Au rythme des manipulations mentales et génétiques du Dr Friedich, le lecteur manque de suffoquer devant tant de violences et d’inhumanité. Les expériences décrites ici sont encore plus insoutenables lorsque l’on sait que BWS ajoute du réel à son fantastique : le supplice que subissent les cobayes du projet Prométhée rappelant bien évidemment les abjections commises par le Dr Mengele à Auschwitz.

La vie parvient tout de même à exister dans ce magnum opus. L’amour inconditionnel de Janet pour son fils, des séquences d’une poésie souvent bouleversante et une multitude de références littéraires (DES SOURIS ET DES HOMMES), picturales (LE MONDE DE CHRISTINA d’Andrew Wyeth) ou cinématographiques allant de THE SHINING au SIXIEME SENS en passant par ELEPHANT MAN.

Emotion maximale lorsque le lecteur comprend l’épure de ce dessin dans une histoire éprouvante.

Très inspiré pour écrire les enfants, BWS parvient à tirer quelques sourires en restituant leur fantaisie ainsi que des scènes d’intimité d’une belle justesse. La fin qui voit une enfant tenter de secourir Billy boucle la boucle quand on se rappelle que déjà, la petite Katie Powers sauvait Wolverine d’une nuit en enfer chez les Xmen.

Porté par un dessin monumental, particulièrement dans sa dernière partie, doté d’une narration à la fois complexe et accessible, MONSTRES se hisse haut la main au côté des comics les plus impressionnants du siècle dernier : WATCHMEN, FROM HELL ou DKR. Son tour de force est d’explorer tour à tour les traumas d’un individu, d’une famille, d’un pays et d’une époque.

Fort d’une carrière prestigieuse, BWS se surclasse lui-même ; il donne à l’humanité un précis d’inhumanité qui fera date et une mise à jour de l’adjectif génial. Et monstrueux, bien entendu.

©Fantasgraphics / ©Delcourt

English Version

MONSTERS By Barry-Windsor-Smith

A review by BRUCE LIT

OV: Fantagraphics

FV: Delcourt

Mercy for the children
©Delcourt

Put on hold after the fall-out between its creator and Marvel, MONSTERS is Barry Windsor-Smith’s first graphic novel in thirteen years. He writes and illustrates a 300-page and 4-kilogram book!

It’s about a thinly veiled version of The Hulk, a monstrous creature chased by multiple choppers and whose miserable childhood is the main subject. However, as we will see, MONSTERS, far from childish fights, offers more than yet another superhero story.

All things considered, MONSTERS is the last part of BWS’ trilogy about Marvel heroes, after WEAPON X and ADASTRA IN AFRICA. It’s 1984, BWS writes a proposition for a Hulk story that Marvel refuses. Forty years later, BWS’ tenacity results in the indy publication of this door stopper by Fantagraphics, very far from the Marvel universe.

Be prepared: if you are looking for an invulnerable Hulk, destroying everyone at the sound of crushing onomatopoeias, you will cry tears of blood: BWS’ Hulk is a pathetic creature, closer to ELEPHANT MAN than Marvel’s Jade Giant. To be clear, he barely appears on fifty pages, doesn’t accomplish anything spectacular, and BWS’ somber writing turns him into a perpetual victim.

One could think this graphic novel would use the same structure as WEAPON X, seeing how many parallels BWS draws between them. Young Bobby Bailey is enlisted in a genetic experimentation program started by nazis. Disembodied voices comment on the horrible transformation led by a one-armed mad scientist. When he escapes the complex, a naked Billy walks in a snowy landscape and… that’s about it for WEAPON X references. Another story starts when Billy one’s ends.

Wandering in the snow as an escape / penalty for human cruelty
©Marvel Comics
©Fantasgraphics

That’s when BWS baffles the reader who thought he was in familiar territory. MONSTERS is not another variation on FRANKENSTEIN by a vengeful creator who wanted to tell it for Marvel, but a staggering incursion of the effects of a devilish experience for twenty years, told in reverse order.

BWS peals the origin of Billy Bailey’s doom like an onion, with a different style for each era he wishes to describe. MONSTERS starts like a Marvel comic book before becoming truly fascinating by using the codes from epistolary novels. Billy’s mother details in letters how her life turned miserable after her husband returned from war in an emotional wreck.

The reader then lives through young Billy’s ordeal, relentlessly physically and emotionally abused by his father. Billy’s father, victimized by Nazism, became a monster himself. Each time he appears, BWS opposes female tenderness, kindness and compassion with male egoism, brutality and rudeness, making the violence suffered by Billy and his mother unbearable.

Janet and Billy, victims of American Nazism
©Fantagraphics
©Delcourt

MONSTERS then turns into a closed-door home story from where happiness vanished. This situation becomes far more oppressive for a wonderfully sensitive and intelligent woman in 50’s America and what she has to bear in the name of marital duty.

In MONSTERS, the slightest spark of happiness is blown out by the wind of despair, taking it away from its victims. When Billy and his mother seem to find a way out, paranoïa traps them and eats them alive. Without a hint of sadism, the author condemns any kind of violence by exposing its awfulness, in order to better reject it. The scenes are often long with brilliant dialogues and paced by a suffocating tension.

The plural form of the MONSTERS title is fully justified: there is certainly the monster that Billy has become, a colossus covered in tumors with non-existent intelligence that only possesses an emotional memory, but above all those of everyday life: misers, the greedy, the cruel, feminicides and especially nazism. Because even after the war is over, BWS describes it like a virus against which no vaccine can act. Intangible, it destroys soldiers, women and children, even the nazis themselves.

Of mice and (X)men
©Fantagraphics / ©Delcourt
©Marvel Comics

The last part of MONSTERS turns into a horror movie. The reader truly enters the heart of darkness. He has witnessed the transformation of an innocent young boy into a failed genetic experiment, the collapse of an exceptional woman; he has yet to discover what drove Tom Bailey insane in the stinking guts of the Prometheus experiment.
In the ruins of a Germany in disarray after Hitler’s death, Nazi scientists kill each other before the Americans Soldiers come to take over this fearful project.

At the rhythm of Dr. Friedich’s mental and genetic manipulations, the reader almost chokes in the face of such violence and inhumanity. The experiments described here are even more unbearable when one knows that BWS adds reality to his fiction: the torture that the guinea pigs of the Prometheus project endured is obviously reminiscent of the abjections committed by Dr. Mengele at Auschwitz.

Life still manages to exist in this magnum opus. Janet’s unconditional love for her son, sequences of an often overwhelming poetry and a multitude of literary (Of Mice and Men), pictorial (Andrew Wyeth’s CHRISTINA’S WORLD) or cinematographic references ranging from THE SHINING to SIXTH SENSE through ELEPHANT MAN.

Emotions peak at their max when the reader understands the purity of drawings in a trying story.

Very inspired to describe children, BWS manages to bring smiles out of the reader by restoring their fantasy as well as scenes of intimacy with beautiful accuracy. The end, which sees a child trying to rescue Billy, comes full circle when we remember that little Katie Powers saved Wolverine from a night in hell with the X-Men.

Carried by a monumental drawing, especially in its last part, provided with a narrative which is complex and accessible at the same time, MONSTERS easily rises next to the most amazing comics of the last century: WATCHMEN, FROM HELL or TDKR. Its tour de force is to explore in turn the traumas of one individual, a family, a country and an era.

Even with his prestigious career, BWS outdoes himself ; he gives humanity a landmark digest of inhumanity and an update of the word “genius”. As well as “monstrous”, obviously.

©Fantagraphics / ©Delcourt

Song of the day: MONSTERS is primarily the story of the mother’s love for her child.



52 comments

  • Présence  

    Tant pis pour moi : ce tome est bien sûr dans mes piles car je l’attendais de longue date, mais je ne l’ai pas encore lu ce qui ne m’empêche pas de lire l’article.

    Total respect pour t’être lancé dans le commentaire d’un ouvrage aussi intimidant, à la fois pour sa pagination, à la fois pour la hauteur de vue de son auteur.

    Tout ceci est écrit sans sadisme de son auteur, bien au contraire il s’agit de ne rendre aucune violence acceptable, la montrer dans toute son horreur pour mieux la rejeter. – Une remarque qui rejoint le traitement de ce thème par Taro Nogizaka dans Pour le pire. J’en déduis que Barry Windsor Smith s’en sort plus élégamment pour produire l’écœurement de la maltraitance, la révolte face aux souffrances infligées aux plus faibles.

    • Bruce lit  

      Il faudrait pour ça que je lise POUR LE PIRE. C’est prévu.

  • Tornado  

    « MONSTRES se hisse haut la main au côté des comics les plus impressionnants du siècle dernier : WATCHMEN, FROM HELL ou DKR« . Et MAUS ?
    La vache. Jusqu’ici je m’étais tenu éloigné de ce pavé. Plus de place, plus de grosse envie de BD ces temps-ci. Et une très grosse méfiance envers les sorties hyppées.
    Mais bon, avec une telle chronique, je ne vois pas comment je vais faire pour passer à côté désormais, surtout que je le vois à chaque fois à la médiathèque.

    La BO : Superbe. Je n’ai quasiment jamais rien écouté de cet artiste qui peut faire des trucs hyper zarbis (je me souviens d’une chanson qu’on écoutait au lycée mais c’était au 15° degré : « J’aime les filles, j’aime les garçons, et comme j’ai déjà dit, j’aime les zizis (rif de guitare)…« . On était loin de cette chanson au piano…

    • Bruce lit  

      MAUS : oui bien entendu, tu as raison de le rappeler, j’étais resté sur la dimension Comics. Maus décrit aussi l’impact du nazisme sur la vie d’un homme qui ne l’a pas connu. En cela, effectivement, des rapprochements peuvent se faire avec MONSTRES.

    • Jyrille  

      La chanson que tu cites Tornado est du groupe de Arno avant qu’il ne se lance en solo, T.C. Matic. C’est leur tube Putain Putain, un truc que j’adore.

      youtube.com/watch?v=TomY2_r8P1k&t=5s

      • Tornado  

        Oui, c’est ça. Exactement. Je m’en souviens bien à présent. Ça nous faisait bien marrer !

  • Glen Runciter  

    J’en suis au premier tiers. C’est une œuvre très riche thématiquement, et surtout, BWS évite toute les facilités. J’en lis une vingtaine de pages chaque soir, pas plus, pour faire, d’une part durer le plaisir mais surtout pour ne pas passer à côté de l’œuvre.
    Pour l’instant (une bonne centaine de pages), un sans-faute. De fortes chances pour qu’on ait enfin une bonne œuvre de SF dans un genre qui ronronne un peu. Je parle de la SF américaine.

    • Bruce lit  

      Bonjour Glen.
      Je n’ai pas du tout vu cette histoire comme une oeuvre de SF. Sinon, je n’en serais pas venu à bout.

      • Glen Runciter  

        Pas la SF cinématographique mais je vois plutôt des auteurs comme Théodore Sturgeon, Thomas Disch, Christopher Priest, le haut du panier en quelque sorte.
        Et quand on ne voit pas une œuvre de SF pour de la SF, c’est que c’est gagné.
        (D’un autre côté, je n’ai jamais vu « Le bon, la brute et le truand » comme un western mais comme un film d’aventure à la Corto Maltese. D’où le sérieux relatif de ma façon d’étiqueter des œuvres.)
        J’ai bien aimé le clin d’œil à « Akira » dans Monstres d’ailleurs.

  • Matt  

    Ah ouais quand même.
    ça a l’air top.
    Et pour le coup je trouve le dessin superbe et je préfère BWS en noir et blanc. J’ai souvent quelques problèmes avec son dessin (les visages tous identiques) mais c’est quand même la couleur que je n’apprécie pas trop en général. Dans WEAPON X je trouve que ça « clignote » partout avec plein de points de couleurs et de lumières qui surchargent le dessin (évidemment Logan dans la neige ça passe mieux)
    Mais souvent trop de surcharge de couleurs variées je trouve.

    Bon mais sinon…on peut avoir des BD formidables ou de purs chef d’oeuvre qui ne soient pas systématiquement déprimant et parlant de la misère humaine ? Non parce que…voilà quoi.
    C’est bien d’en parler mais j’ai l’impression qu’il n’y a plus que ça pour se hisser au dessus du reste. Un peu triste comme constat.

    • Bruce lit  

      Ce n’est pas un album qui peut te réconcilier avec la nature humaine certes. Mais en même temps, si, tu as des figures de gens biens mais ils perdent.
      La couleur dans WX est légendaire. Elle participe pour moi à l’oppression totale de l’album.
      JB a déjà répondu : le tableau est Christina’s World qui montre une femme paralysée face à sa maison.
      Selon ton interprétation, tu peux y voir un simple moment bucolique ou le fait que l’on ne revient jamais chez soi. C’est un tableau magnifique à la fois simple et étrange. Il est silencieux.

      • Matt  

        « La couleur dans WX est légendaire. Elle participe pour moi à l’oppression totale de l’album. »

        Ah ouais…bah peut être que je trouve ça trop oppressant et que ça me gâche le plaisir visuel. Et dans une BD c’est pénible. J’aime beaucou plus les planches en noir et blanc de BWS.

        Tout le film L’ENFANT MIROIR est dans ce décor bucolique de champs de blé mais qui cache un isolement et une perte de repères face au monde extérieur terrifiants.

        • PierreN  

          « L’ENFANT MIROIR »

          Assez réputé puisqu’il a eu droit à une sortie dvd dans la prestigieuse Criterion Collection (ça se voit pas mal que le réalisateur est un peintre à la base).

  • Matt  

    C’est de qui au fait ce tableau d’une femme dans l’herbe qui regarde une maison au loin ?

    Le décor de l’amérique profonde isolée me fait penser au film L’ENFANT MIROIR. Tu devrais y jeter un oeil Bruce. ça parle d’enfance et d’innocence perdue aussi, de manière bien glauque. Et c’est un peintre, Philip Ridley, qui a fait le film.

    • JB  

      Il s’agit de Christina’s World de Andrew Wyeth. Selon Wikipedia, la femme du tableau est inspiré d’une voisine de l’artiste, paralysée des 2 jambes

      • zen arcade  

        La peinture est très souvent citée dans de nombreux comics.
        J’ai eu la chance de la voir au MoMa à New-York et c’est vraiment très beau.
        Il y avait même quand j’ai visité le MoMa une exposition temporaire dédié à l’ensemble de l’oeuvre d’Andrew Wyeth.

        • Tornado  

          Elle ne serait pas plutôt au Metropolitan ?

          • zen arcade  

            Non, au MoMa.

          • Tornado  

            J’aurais juré l’inverse. Mais ma visite date de 2006… Et j’avais fait le MoMa, le Metropolitan et le Gugheneim (et le Natural History) ! Ça doit se mélanger dans ma tête…

  • JB  

    Merci pour cet article. Je dois dire que j’hésite à me lancer, pris entre les avis très souvent laudatifs, et la noirceur du propos que je crains d’être étouffante.
    Belles variations de style, notamment l’image représentant le jeune Billy (?) seul, au trait presque infantile, qui montre bien que le style de BWS n’est pas uniforme.
    Sur la planche où Janet tente de protéger son fils, je me demande si sa position sur la dernière case ne fait pas elle aussi référence à CHRISTINA’S WORLD

    • Bruce lit  

      Tu as bien fait l’analogie. La maltraitance de Janet ouvre l’album, le style est élaboré puisque c’est la vision d’un adulte.
      La version Billy’s World est celle qui clôt l’histoire avec la vision d’un petit garçon qui voit les mêmes évènements d’un point de vue moins travaillé. j’en ai eu les larmes aux yeux.

  • Matt  

    Petit aparté donc :

    ://www.horreur.com/enfant-miroir-l-reflecting-skin-1990-film

    • Bruce lit  

      Ah merci pour ce lien Matt, j’ai envie de voir ça. Bien vu.

      • Matt  

        Y’a moyen que ça te plaise. C’est un peu Lynchien aussi. Sauf que j’ai compris le thème, donc ça m’a plu^^

        Lynch je comprends jamais rien…

  • Jyrille  

    Super article boss. L’image de Weapon X avec Wolverine dans la neige fait partie de mes fonds d’écran favoris pour mon téléphone (et j’en ai plus de 1200). Par contre, j’ai gracieusement eu un ex-libris avec le dessin du « monstre » attaché à la chaise qu’on peut voir dans l’article.

    J’ai longtemps hésité à la prendre, ne serait-ce que pour les dessins, mais ma bibli est pleine alors que certaines séries ne sont pas finies et puis, surtout, j’ai un peu peur que ce soit trop pour moi. Mais j’adorerais la lire en fait. Même si ça a l’air vraiment lourd, comme peut l’être MAUS par exemple. Bref je suis partagé mais je suis certain que c’est de haut vol.

    La BO : chef d’oeuvre. Je n’ai jamais assez écouté Arno, je ne connais pas ces albums, mais pour sûr, je l’aimais beaucoup et sa mort m’a beaucoup attristé.

    • Matt  

      « j’ai un peu peur que ce soit trop pour moi »

      J’avoue que je ressens ça aussi.

      Punaise j’ai lu ADABANA (le manga) dont parlait Zen sur l’article d’Eddy. Pfiou…je suis traumatisé.
      Histoire d’une lycéenne manipulée par sa propre famille pour faire des trucs pervers jusqu’à la conduire à la mort, et la lutte de son amie qui s’est auto-accusée de son meurtre pour forcer une enquête contre les vrais coupables. Mais d’un réalisme horrible.
      C’est très bien mais ça ne reconcilie pas non plus avec la nature humaine.
      Et je sature en fait niveau histoires noires et sordides^^

      Je vais retourner lire une couillonnade enfantine et me sentir mieux. ça a sa place aussi les lectures anodines je pense.

      • zen arcade  

        Oui, Adabana, c’est très prenant.
        Pas de fascination complaisante et une histoire qui épouse le point de vue de la violence faite aux victimes. On n’est pas dans le divertissement crétin et artificiel à la Pour le pire.

        • Matt  

          Ouais mais bonjour la déprime !
          C’est épouvantable ce que subit Mako.
          Et ça fait penser que ça existe quoi.
          Des fois on n’est pas prêt pour ce genre de récit…

          Je ne peux pas me prononcer sur POUR LE PIRE (Eddy n’a pas réagi d’ailleurs), mais peut être qu’un divertissement plus exagéré est moins lourd moralement non ?

  • zen arcade  

    Monstres de BWS, c’est certainement une de mes lectures les plus marquantes de l’an dernier.
    Le mot chef d’oeuvre est souvent galvaudé mais il me semble parfaitement s’appliquer à cette oeuvre qui est sans aucun doute le couronnement définitif de la carrière de son auteur.
    Désolé, pas le temps de lire l’article ce matin, je me le réserve bien au chaud et je suis impatient de le lire ce soir à tête reposée.

    • Bruce lit  

      Merci pour ce retour.
      Oui, un chef d’oeuvre, le mot n’est pas de trop. Ou un 5 étoiles venant de moi, c’est selon….

      • Matt  

        Et sinon tu fais comment pour ne pas déprimer avec tous les trucs tristes que tu lis en plus de ton job pas toujours rigolo ?^^
        ça te fait relativiser ?

        Mon frère est aide-soignant et il me dit que soit c’est dur mais du coup tu relativises tes propres emmerdes, soit c’est juste trop dur pour certains et c’est pas fait pour eux et les gens arrêtent.

        Curieusement j’avais vu passer en stage de reconversion informatique un mec qui bossait aux pompes funèbres et qui rafistolait des gens morts…qui me disait qu’en fait il était beaucoup plus mal à l’aise avec les gens malades dans les hopitaux qu’avec des cadavres.
        Je sais pas pourquoi je pense à ça mais bref…

        • Bruce lit  

          Ben disons que ce que je vois est pire en vrai…
          Je ne compare jamais les emmerdes des autres aux miens. Je fais en sorte de créer une barrière qui est tient la route depuis 25 ans. Il est rare que j’emporte les soucis de mes usagers à la maison. Par contre inversement, lorsque j’amène mes soucis personnels au travail, là c’est difficile, oui. Il faut donc avoir un certain équilibre pour faire ce travail et quand même un niveau d’altruisme intact. Parfois, un travailleur social peut péter les plombs et détester ceux qui viennent le solliciter. Un peu comme un flic en fait.

          • Matt  

            Pire ? Argh…
            Enfin je pense que tu n’as pas du voir des gens transformés en Hulk par des nazis^^
            Même si j’imagine que dans le comics c’est même pas ça le pire. Plutôt tout le parcours du gamin qui l’a amené à finir comme ça entre les mains de n’importe qui, avec ses maltraitances, etc.

            Peut être que tu aimerais le manga ADABANA que conseille Zen. 3 tomes, vite lus, histoire horrible de maltraitance sexuelle sur mineure…et histoire d’amitié tragique.

          • Bruce lit  

            Alors, non je n’ai pas eu de nazis mais parfois des Fichés S et des sortants de prison ça oui.
            Mais la lecture est finalement moins pénible : dans la vraie vie, on peut tenter d’agir.

  • PierreN  

    « histoire consacrée à Hulk que Marvel lui refuse »

    Et recyclée par Mantlo dans l’avant dernier numéro de son run (BWS l’a accusé de plagiat, comme Harlan Ellison auparavant pour un autre numéro), surtout pour l’enfance traumatique (un apport pris en compte par la plupart de ses successeurs, de Peter David jusqu’à Al Ewing, en passant par Ang Lee & Greg Pak).

    • Bruce lit  

      Connait-on les raisons du refus de Marvel ?

      • Matt  

        Trop violent ? Enfin si c’était prévu comme ça dès le départ, avec une telle noirceur, ce ne serait pas étonnant.

      • Fletcher Arrowsmith  

        un début d’explication :
        https://bleedingcool.com/comics/multiple-publisher-disorder-history-barry-windsor-smiths-hulk-big-red-monster-monsters/

        En fait BWS avait travaillé sur un numéro spécial Halloween-Hulk en 1984 où il mettait en avant les multiples personnalités de Hulk/Banner. Mantlo alors scénariste de la série régulière, et dans la continuité de son run, utilise également cet angle croyant que le numéro de BWS allait être publié avant. Problème de timing. BWS furieux emporte ses planches et son projets avec lui (que Marvel comptait bien publier en fait, quand il serait terminé). On y a gagné au change.

        Pour info il le proposera également à DARK HORSE et DC sous le nom de BIG RED avant de s’installer chez Fantagraphics chez qui il avait finalement publié son AD ASTRA (http://www.brucetringale.com/out-of-africa-ad-astra-in-africa/)

        • Bruce lit  

          Oui on y gagne au change même si j’aime beaucoup Bill Mantlo par ailleurs.

          • Fletcher Arrowsmith  

            J’adore Bill Mantlo. Il a proposé le meilleur run sur ALPHA FLIGHT. Et son Hulk est très bon. Déception éternelle de pas pouvoir lire son ROM.

            On y gagne surtout au change car à l’arrivée on a un chef d’œuvre de près de 300 pages (et pas un truc de 22 ou 30 pages) et débarrassé de toute continuité et cahier des charges éditoriales (DC n’en a pas voulu à cause du langage chatié)

  • Fletcher Arrowsmith  

    Bonjour Bruce,

    MONSTERS est resté presque 1an sur ma pile à lire. J’ai repoussé sans cesse sa lecture. Et puis ce fut le choc dès les premières pages. On est face à un véritable roman graphique (oui je sais je fais une Alex N.) clairement monstrueux dans tous les sens du terme.

    J’aime beaucoup ton analyse, notamment les similitudes et parallèles car je n’ose croire vu l’ambition assumé que cela ne soit que hasard et coïncidence de la part de BWS.

    J’avais écris ceci sur ton mur :
    J’avais l’article en moi après la lecture. Mais impossible de poser les mots.
    ….
    C’est une lecture tellement puissante. Tu as raison de parler de déconstruction, de mise en abyme même. On regarde au tréfond de la monstruosité humaine. Il faut profiter des rares moments de gaité car ils sont rares. Un noir et blanc extraordinaire. Une œuvre qui mérite tous les éloges reçus. Elle aura assurément marqué mon année

    La BO : écouté tôt ce matin. J’en avais presque les larmes aux yeux. Elle est parfaite. Cette voix roque, caverneuse. Merci pour ce moment.

  • Surfer  

    J’essaie de suivre BWS depuis ses débuts.😉

    Je me souviens de mon premier contact avec cet artiste. C’était lors de la lecture d’un épisode de Dardevil dans un vieux Strange. Dans cet épisode il y avait Black Panther en gest star. Les premières vignettes où il apparaissait ont impressionné le gamin que j’étais. Des images fortes avec des dessins qui semblaient en mouvement et qui magnifiaient l’agilité et la puissance du personnage.👍

    Seul KIRBY m’avait fait cette impression jusqu’à lors.
    Manifestement, on avait là un clone du maître. Probablement du au du cahier des charges de Marvel.
    Pourtant, au fur et à mesure le dessinateur s’est émancipé. Il a trouvé son propre style dans la série Conan. L’évolution est phénoménale jusqu’à son summum : Les clous rouges !❤️
    John Romita Jr a eu aussi une évolution semblable. Il a, lui aussi réussi, à imposer un style qui lui est propre.

    BWS s’est ensuite improvisé scénariste, pour notre grand bonheur car il a aussi du talent dans l’écriture. En délivrant bien sûr toujours des dessins exceptionnels L’ARME X par exemple.

    Monstres me fait de l’œil depuis un certain temps déjà. Je ne comprends pas pourquoi, il ne trône pas encore sur mes étagères.
    Ton article ne fait que me rappeler à l’ordre.

    La BO: Je peux comprendre que cette chanson puisse émouvoir… je n’ai pas cette sensibilité….
    Les humains ne sont pas tous fait pareil et heureusement d’ailleurs.
    C’est un extra terrestre qui vous le dit 😉

  • Doop  

    Un des meilleurs bouquins de ces dernières années..Son Magnum opus. une lecture difficile pour moi. j’ai du prendre une pause à un moment. superbe article. On a de la chance quand même.

    • Bruce lit  

      On a de la chance quand même
      C’est à dire ?

  • JP Nguyen  

    Ah mince, ça a vraiment l’air très bien ! En tous cas, ça se voit que tu as bien accroché.

    C’est juste que… je ne crois pas que ce soit le genre de récit que je recherche en ce moment… Avec des phrases comme :
    « Dans MONSTRES, la moindre étincelle de bonheur est soufflée par le vent du désespoir qui emporte la bougie hors de portée de ses victimes. »
    c’est un peu dissuasif pour moi.
    C’est pas que je sois dans un trip total bisounours en ce moment, mais j’ai moyen-bof envie de broyer du noir suite à mes lectures…

    • Bruce lit  

      Je n’ai pas la même grille de lecture.
      Peu m’importe le sujet, ce qui m’importe c’est ce que la lecture éveille en moi. Chaque livre est une mise à jour de ce que je ressens, un repas dont je sors contenté ou non.
      A la fin de MONSTRES j’étais extatique d’avoir ressenti autant d’émotions fortes, de savoir que je pouvais encore ressentir malgré mon parcours de serial reader et d’avoir la certitude que je me rappellerai encore de MONSTRES dans des années.

  • Michel  

    La BD d’un maître commentée d’une main de maître. Bravo.

  • Matt  

    C’est un très bon comics qui se lit de manière très fluide. Et ça c’est bien.
    Je le dis pas souvent pour ne pas lancer des débats interminables, mais Alan Moore…c’est pas fluide…chut…ne le répétez pas.

    Pas trop bavard, des planches aérées.
    Bon c’est évidemment pas jojo ce qui se passe. Du tout.
    Un truc qui m’a interpellé c’est vers la fin, la façon dont le père a vrillé quand il était à la guerre. Je me demande si c’est fait exprès pour qu’on n’ait pas trop d’empathie pour lui et qu’on continue de le trouver odieux. Parce que c’est bizarre de vriller si vite non ? ça a existé des cas pareils de gens qui ont pété les plombs en 2min devant un spectable horrible sans jamais redevenir ce qu’ils étaient avant ?

    J’ai trouvé la fin un peu expédiée aussi, et moins bien dessinée sur les 10 dernières pages (la tronche de la petite fille, que s’est-il passé ??)
    Petit bémol pour une lecture qui a part ça était très bien.

    • Bruce lit  

      Hello Matt.
      BWS se réfère directement aux traumatismes des soldats américains qui ont découvert (le terme de Libération m’exaspère) Dachau. Tu as une vaste littérature là-dessus et BWS décide de montrer la déshumanisation comme un virus qui survit au nazisme.

      • Matt  

        Ok.
        Ouais ça bascule dans la folie à ce moment là.
        En tous cas il est clair que le monstre (physiquement parlant) n’est pas le centre du récit, le pauvre s’en est pris plein la gueule toute sa vie…pour finir comme ça.
        J’imagine mal ce comics comme une histoire de Hulk^^ Même en label Max pour adulte. Pas étonnant que Marvel ait refusé.
        Non pas que ce ne soit pas bien, mais si tu fais un truc pareil pour un public enfant/ado avec un perso comme Hulk…trauma de lecture de fou.

        • Bruce lit  

          Je pense que la fin a été écrite après le refus Marvel. Il faudrait vérifier.

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