A eux de vous faire préférer le train (Transperceneige)

Transperceneige: Terminus par Olivier Bocquet et Jean Marc Rochette

Terminus: tout le monde descend (en varappe)

Terminus: tout le monde descend (en varappe)©Casterman

1ère publication le 27/05/16- Mise à jour le 22/08/17

Par BRUCE LIT

VF: Casterman

Transperceneige: Terminus est le troisième volume issu de Transperceneige originalement imaginé par Jacques Lob et Jean Marc Rochette.  Après la mort de Lob, d’autres histoires sont parues avec Jean Marc Rochette aux dessins et Benjamin Legrand au scénario.

Ce volume est scénarisé par Olivier Bocquet 15 ans après la parution du dernier volume. A noter que si Terminus  conclut les intrigues précédentes, il est tout de même possible d’apprécier cette histoire indépendamment du reste.

L’univers du Transperceneige a été brillamment porté à l’écran par le Coréen Bong Joon Ho qui a remis à jour cet univers et à qui ce volume est dédié. Pour ma part, c’est à Jord Ar Meur que je dédie affectueusement cet article.

Attention: cet article comporte des spoilers qui défileront ici façon Train d’enfer….

Pour son dernier article pour Bruce Lit, Jord nous causait du Snowpiercer, le film adapté du Transperceneige de Rochette et Lob.  Etant donné que j’essaie de me rencarder sur (presque) tout ce que me proposent mes contributeurs, je découvrais alors un film époustouflant, bénéficiant d’une rare alchimie entre grand spectacle, intégrité artistique, action et commentaire sociale. Et puis ? plus rien….Jord se mit en retraite anticipée du blog (libre de corps, d’esprit et de tout engagement), et je continuais mes lectures échevelées pour alimenter cet effroyable blog jusqu’au jour où je tombais sur le dernier volume de la série en bibliothèque… L’ironie du sort voudra que Terminus, dont l’action se passe dans un train d’enfer, fut ma lecture principale pour oublier un jour de grève de la SNCF…

La découverte du paradis ? (avec le chiffre 42, date de la solution finale, c'est louche...)

La découverte du paradis ? (avec le chiffre #42, date de la solution finale, c’est louche…)©Casterman

Mon humeur maussade allait bientôt être modifiée durablement et ce d’autant plus que je n’attendais pas à grand chose de cet opus sorti en 2015, n’étant pas le fan le plus hardcore de la reprise en main de franchises. Mais au fil de la lecture, mon petit coeur de lecteur allait s’emballer crescendo comme une locomotive pour ce récit survivaliste de haute volée !
C’est un fait ! La simplicité du concept de Transperceneige en fait sa force. Il suffit de savoir que la série parle d’un train qui transporte les derniers survivants de l’humanité après une glaciation ayant anéanti la vie sur la planète et l’embarquement est immédiat pour une série de métaphore brillantes dans la métaphore.

Lorsque commence cet opus, le train parvient à une étrange destination: un parc d’attraction ! Accueillis par d’autres survivants recouverts de masques de souris en carton, les passagers du Transperceneige abandonnent leur tonnerre mécanique pour la première fois en cent ans !
Alors que le train reproduisait la distinction sociale entre première et seconde classe, que le quotidien était basé sur le confinement d’une surpopulation dans un huis-clos exigu, que la lutte était constante pour manger et boire, nos amis arrivent en un lieu où les fruits et légumes sont énormes, les logements individuels et l’égalité sociale acquise !
Bien entendu, le paradis n’est que de façade et l’envers du décor, comme il se doit dans tout parc d’attractions, dénote d’une inhumanité criminelle qui va bientôt faire regretter aux rescapés la vie à bord du train.

Un accueil sur un tapis de souris

Un accueil sur un tapis de souris©Casterman

Les raisons d’admirer ce récit sont aussi multiples que ses couches de lectures.
Tout d’abord le lieu de l’action: le parc d’attraction comme dernier havre de paix de l’humanité rappelle le pénitencier de Walking Dead: une inadéquation entre la conception du lieu et son utilisation factuelle. Chez Kirkman, la prison, synonyme d’espoir, protégeait les survivants de la dévoration zombie. Ici le parc d’attraction offre aux réfugiés un cadre infantile dans un monde sans enfants, dont l’héritage est le culte de la fausseté, et où les meilleures intentions du monde dissimulent des expériences à la Mengele !

Car Terminus ne fait ni plus ni moins que raconter à la sauce futuriste le déroulement de la Shoah: une humanité en voie d’extinction passe d’une catastrophe à une autre en regrettant la précédente. Lorsque on lit les récits des survivants de cette époque,  la vie dans le Ghetto de Varsovie était préférable après coup aux baraquements d’Auschwitz. Tout comme les marches de la mort encore plus épuisantes que la vie en camp d’extermination.  La survie oblige à penser au moins pire: vivre enfermés sans nourriture, ni eau, sans compassion, dépossédé de ses biens était préférable à dormir dans des étables, séparés à jamais de sa famille et voué à une mort lente et certaine.

Comme un air de Maus

Comme un air de Maus©Casterman

Terminus évoque sans ambages ce cauchemar: les bourreaux s’empressent de rassurer leurs victimes à la descente du train pour mieux les soumettre et les conduire dans d’étranges blocus d’où nul ne ressort jamais. On leur fait miroiter une vie meilleure où les enfants seraient enfin choyés et la nourriture garantie après une étape de quarantaine. Outre leur obsession délirante pour l’hygiène, on se rappelle que les officiers nazis s’excusaient poliment auprès des déportés pour le voyage inconfortable en train et leur promettaient une douche chaude en compensation; la perversion allant jusqu’à installer dans les chambres à gaz de faux pommeaux de douches pour éviter les mouvements de panique et être plus efficace dans l’anéantissement des unités.

Si vous trouverez que votre serviteur y va de son couplet obsessionnel sur le sujet, feuilletez attentivement cet album et vous y verrez que les tortionnaires vantent le travail qui rend libre (le sinistre Arbeit Macht Frei à l’entrée d’Auschwitz), que la traversée du train dans la neige rappelle bien évidemment le no man’s land polonais. Et enfin, impossible de ne pas rapprocher les visages de souris issues de la plus célèbre BD portant sur le sujet Maus. Les souris passant ici du statut de victimes à celui de complice de l’épuration sur rail….

Il en a pas l'air, mais c'est le héros....

Il en a pas l’air, mais c’est le héros….©Casterman

Il m’a fallu du temps pour apprécier les dessins de Rochette. Les décors y sont pratiquement inexistants, l’identité visuelle des personnages n’est pas des plus évidentes mais force est de constater que le trait charbonneux du dessinateur servent à merveille la sainte loco !  Lorsque l’humanité disparaît, le vaste blanc menace d’engloutir les corps meurtris des héros. Leurs réactions n’en devient que plus intéressante. Pour les amateurs de Comics, le style de Rochette peut parfois donner un métissage inédit entre Bill Sienkiewicz, David Lloyd (V pour Vendetta, qui, tiens ! parle aussi d’un rescapé de camps….) et Bilal. Une urgence dans le dessin allant souvent à l’épure totalement adaptée au récit. A noter que la postface émouvante d’Olivier Bocquet signale que cette urgence fut bien réelle puisque Rochette continua à dessiner cette histoire le coude cassé !

Terminus évoque aussi parfois la franchise videoludique Fallout où l’humanité décimée par une guerre atomique trouve refuge dans des endroits les plus ubuesques et doit lutter contre l’omniprésence de radiations dans l’eau et la nourriture. Les expériences des aiguilleurs (les deux scientifiques à l’origine de la purification de la race humaine) ne semblent pas dénuées de mauvaises intentions. Pour sauver et perpétuer la race humaine des radiations, il s’agit d’encourager la reproduction. Sauf que les méthodes pour arriver à une cellule pure sont dignes du IIIe Reich: sélections des individus bien portants, expérience sur les enfants, suppression du libre arbitre dans une scène insensée d’orgie organisée.

Une orgie déclenchée par Phéromones qui rappelle celle du Parfum

Une orgie déclenchée par Phéromones qui rappelle celle du Parfum©Casterman

Rien qu’avec tout ça, Terminus aurait mérité son ticket pour l’immortalité, mais ce qui aurait pu tourner au survival sanglant et déprimant s’avère finalement une belle oeuvre pétrie d’humanisme, d’espoir…et de pacifisme ! Face à des génocidaires en puissance, à des conditions de vies réduites au zéro absolu , Terminus met en scène un couple, Puig et Val (déjà héros des deux derniers opus) qui refusent de se soumettre, qui sentent confusément que les valeurs doivent prendre à un moment le dessus sur la survie animale et que la vengeance est une perte d’énergie inutile dans un monde au bord du gouffre.

Terminus se termine sans un coup de feu, de manière fluide à la fois poétique et réaliste avec une belle illustration de la main tendue en place et lieu du poing fermé. Il ne s’agit pas de réciter son catéchisme mais d’une logique brutale: la survie de l’espèce humaine ne peut se perpétrer sur fond de Vendetta. Terminus se…termine sur cette prise de conscience et sur le rapprochement entre bourreaux et victimes. Montent dans ce train de Noë monstres et malades, tout ce qui pourrait lester la progression humaine, pour le grand saut vers l’inconnu.

Les aiguilleurs...Où est Elektra ?

Les aiguilleurs…Où est Elektra ?©Casterman

Les héros de Terminus réalisent que la vie est un mouvement qui ne peut rester figé dans la glace,  un mouvement inconfortable, périlleux,  où se forge la solidarité et l’esprit d’appartenance à la communauté humaine quand bien même les vivres viennent à manquer. Une allusion tout à fait assumée à la crise des réfugiés actuelle qui nous ramène 70 ans en arrière à l’heure des justes et de l’égoïsme criminel. Nos humanistes associés donnent ici, sans jamais choisir la facilité, une formidable leçon de dignité  totalement déserté par nos héros Marvel qui incarnent désormais les crispations d’une société succombant aux démons de la guerre civile et trop préoccupée de conserver ses (supers) pouvoirs.

Métaphore du progrès social, de la liberté (Runaway Train), de l’industrialisation criminelle (Il était une fois dans l’Ouest) et de génocides, le train a toujours filé droit la métaphore dans l’imaginaire collectif. Celui de Rochette et Bocquet réussit la gageure d’être tour à tour; tout ça à la fois.  Et lorsque l’exode de Puig et Val se termine avec un habile clin d’oeil à celui de Moïse et une belle note d’espoir,  ce Terminus là semble être bien proche de la porte du Paradis.

 

19 comments

  • Olivier Bocquet  

    Merci pour cette lecture si attentive, et pour ce texte si enthousiaste. Il est rare de lire des compte-rendus aussi poussés sur des BD. D’avoir de vrais lecteurs, qui ne font pas que consommer mais digèrent, et tentent de comprendre en profondeur les intentions des auteurs. Être lu comme ça oblige à garder le cap ! Merci encore.

  • Patrick 6  

    Mince ! J’avais vu le film (Coréen) et je n’imaginais pas du tout que la BD originelle puisse être Française !
    J’avais été carrément bluffé par le film dans son ensemble, mais un peu déçu par sa fin qui me semblait un brin téléphonée…
    Quoi qu’il en soit le graphisme est ici intriguant et minimaliste, l’histoire telle que tu l’as décrit semble captivante… bref tu nous l’a une fois de plus bien vendu, je vais me renseigner de ce pas !
    Well done.

  • Jyrille  

    Une amie m’a prêté la trilogie l’an passée : la première histoire est terrible, de loin la meilleure des trois, mais le dessin est totalement daté de l’indé noir et blanc de (A suivre) le magazine. Les deux histoires suivantes sont très complémentaires mais moins intéressantes, un peu téléphonés. Par contre, le dessin est superbe. Rochette fait énormément de peinture. Je le suis sur FB, ses partages sont fantastiques. Après, c’est un style qu’il faut aimer, personnellement, j’adore ce style expressionniste. Je vais peut-être craquer pour Terminus, car je dois avouer que je tournai autour mais que je n’avais pas cherché d’avis sur le net : je préfère savoir quand les copains s’expriment ! Et là, tu le vends très bien. Ton article coule de source et tout s’emboîte bien. Je note.

  • Tornado  

    C’est un très bel article Bruce !
    C’est incroyable de remarquer à quel point tes goûts convergent (Walking Dead = Transperceneige) et comme certains thèmes sont récurrents dans tes chroniques. Et ma foi, on ne s’en lasse pas ! 🙂

    • Bruce lit  

      Le FB du soir:
      « Nous aussi, on sait faire » ! 5/6
      Transperceneige: Terminus par Olivier Bocquet et Jean-marc Rochette – L’humanité à bord d’un train arrive à destination. Une utopie ? Une métaphore ? Un leurre ? Quoi qu’il en soit, un récit d’aventure, un suspense haletant, et une belle réflexion

      @Jyrille: je suis d’accord sur le côté daté du premier opus. Entre temps j’ai pris le volume 2 et 3 que je me suis refusé de lire en écrivant cet article de peur de devoir tout recommencer à zéro. Je suis très heureux de continuer de trouver des lectures à mes goûts et ce Transperceneige en restera une marquante.
      @Tornado: //la redondance; j’vous jure, j’ai pas fait exprès ! La plupart du temps, je prends un bouquin pour son titre ou sa couverture. Je promets: ceci est le dernier titre Marvel=gros nazes. L’article Mutant Massacre a été ma gros oeuvre cette année et il est temps que je change de disque, parce que moi je finis par me lasser d’écrire les mêmes arguments autrement. Nous avons finalement tous nos obsessions : toi, le fond et la forme, moi, éternel Rousseauiste, qu’est ce qu’un homme….
      @Patrick: La fin du film est très réussie je trouve et terriblement pessimiste. Olivier Bouquet se permet une astuce scénaristique audacieuse: il existe plusieurs transperceneige sur la planète. Je suis prêt à poursuivre cette passionnante aventure dans d’autres wagons et d’autres générations.

  • JP Nguyen  

    Bon, je commente un peu tard, mais puisqu’il s’agissait de train…
    Contrairement à Cyrille, le dessin ne me séduit pas du tout (en tous cas, sur les images montrées dans l’article). Et la thématique ne me tente pas du tout (je suis dans une phase un peu bisounours).
    Je crois que je resterai à quai sur ce coup-là.

    Et sinon, pour les marottes voire les tics d’écriture de chacun, on pourrait s’en amuser dans la future présentation de la team sur le blog…

  • Présence  

    Ton article m’a convaincu qu’il faut que je feuillette ce tome, que j’en achète au moins un exemplaire pour l’offrir. Je serais très curieux d’une explication du scénariste sur le choix des masques de souris (où j’y également vu une référence à Maus), alors que sa signification semble en être inversée par rapport à celle donnée par d’Art Spiegelman.

    La gentille remarque d’Olivier Bocquet donne effectivement à réfléchir à ce que peut apporter un article sur une oeuvre, fait chaud au cœur et incite également à se montrer exigeant envers soi-même quand on écrit un article.

    • Jyrille  

      C’est d’ailleurs bien la première fois que cet état de fait est exprimé : souvent, je me dis qu’écrire un article est vraiment très simple à côté de la création (et c’est celui qui a le plus de difficultés pour écrire qui vous le dit). Je dois avouer que ça m’étonne venant de la part d’un auteur. Ce qui est certain, c’est que nous cherchons tous ici une certaine excellence, un refus de la facilité. Mais pour le moment, je n’ai pas l’impression d’avoir réussi – même si je suis souvent content, au final, avec le recul, de ce que j’écris – à l’exception peut-être de mon article sur Donjon.

  • Rochette  

    Bonjour, merci pour cet article. Pour mon dessin, il est évident que je tend de plus en plus vers la peinture et l’abstraction, et votre remarque sur l’absence de paysage est partiellement vraie, je dessine comme je vois, et pour moi les décors sont souvent des masses abstraites que notre cerveau seul recompose en objets signifiants, la narration passe avant, si vous regardez quelqu’un dans les yeux vous êtes incapable de donner la marque de la voiture qui passe en second plan. Je ne dessine que ce qui sert à la narration, le reste et inutile et ralenti la progression narrative, et pour mon style, mon expressionnisme exprime clairement ma vision du monde, je me sens plus proche d’un Otto Dix que d’un Moebius, faire sentir que l’humanité pousse la tragédie devant elle, comme le bousier sa boule de crotte… et je continuerai, même si ça me fait perdre quelques lecteurs. Merci encore pour cette excellente et rare analyse de Terminus.

    • Bruce lit  

      @Monsieur Rochette:
      C’est un honneur de vous accueillir ici et plus de savoir que mon travail vous sied. Concernant l’absence de décors, le côté droit à l’essentiel me convient amplement.
      Et puisque on y est Transperceneige, c’est vraiment terminé ?

      • Rochette  

        Terminé? Pas forcément… on a une idée qui nous trotte dans la tête à Olivier et moi, mais on verra où ça nous mène. En attendant je me concentre sur une auto-biographie, mes années de jeunesse, pleines de peintures et de montagnes.

  • Olivier Bocquet  

    Pour répondre à la question concernant les masques de souris : l’idée est née quand j’ai pensé à faire de la ville souterraine un parc d’attraction (je détaille le processus qui m’a amené à cette idée dans la postface du bouquin). Quand on pense parc d’attraction, on pense Disney, et donc Mickey. Il y avait quelque chose de puissant dans cette juxtaposition Mickey/Apocalypse, que j’ai d’abord rejeté comme étant un peu « too much « . Mais les bonnes idées ont ceci de particulier qu’elles s’accrochent. Plus j’y pensais, plus je réalisais que ce masque de souris était porteur de sens. D’abord en ce qu’il permet de montrer une société uniformisée de manière très littérale mais aussi symbolique (Disney est aujourd’hui le principal rabot de la culture grand public : tout passe part lui, et tout doit s’inspirer où se démarquer de lui. Que ce soit pour les films d’animation, les adaptations de comics, Star Wars… Le monde entier se disneyise malgré lui). Plus prosaïquement, le masque donnait une identité forte aux « autres », qui ne passait pas par les traditionnels uniformes ou masques à oxygene, et autres invariants de la BD de SF. Quelque chose d’impénetrable.

    Et puis quand je me suis attelé au design du masque pour voir si l’idée pouvait marcher graphiquement sans être ridicule, j’ai fait un modèle grandeur nature en carton pour Jean-Marc Rochette. Un modèle plein d’angles, que Jean-Marc a pu retravailler à sa manière, avec les ombres et les lumières. Et c’est lui qui a posé la touche finale : les oreilles, que je n’avais pas faites. Si les oreilles avaient été des oreilles de Mickey, jamais on n’aurait pensé à Maus. Mais Jean-Marc tenait à cette forme, et je l’ai trouvée parfaite. Car en effet, la référence graphique à Maus saute aux yeux, et pourtant le rôle des souris semble être l’inverse de celui qu’on connaît. pour le lecteur, ça renforce le trouble, le mystère, l’incapacité à s’identifier, l’incapacité à savoir qui sont vraiment ces souris. Victimes ou bourreaux ? Ou les deux ? Et bien entendu, avec les références à la Shoah qui sont semées partout dans le livre, ce n’était pas du tout un hasard de se fixer finalement sur cette forme.
    Au final, alors que ces masques ont d’abord été pensés presque comme un « accessoire », on est obligés de constater que le même album sans les souris perdrait énormément d’impact. En tout cas, pour Jean-Marc et moi, il est inimaginable aujourd’hui.

    • Présence  

      Merci beaucoup pour ces explications très détaillées sur vos intentions et sur le processus créatif qui a abouti à ce choix singulier des masques de souris. Je n’aurais jamais imaginé que vous étiez passé par la réalisation d’un véritable masque en grandeur nature pour vérifier que ce dispositif pouvait passer la page.

      J’ai également été fasciné par l’explicitation et la logique du parti pris graphique : ne dessiner que ce qui sert à la narration, découlant d’une perception par blocs, ce qui conduit vers le chemin de l’abstraction et l’expressionnisme, avec le risque de perdre des lecteurs plus friands de « jolis dessins ».

      • Bruce lit  

        Présence: tu valides les influences anglo-saxonnes du dessin citées dans l’article ?

        • Présence  

          Je ne risque pas de valider quoi que ce soit sans avoir lu cette bande dessinée auparavant. Au vu des images contenues dans cet article, je « vois » une démarche qui m’évoque celle de David Lloyd dans l’image légendée par Une orgie déclenchée par Phéromones qui rappelle celle du Parfum.

          Je partage ta remarque sur les décors, tout en prenant conscience que j’aurais sûrement fait la même, à cause de notre déformation provenant des comics, où l’absence de décors est une forme de raccourci pour gagner du temps, plus qu’un choix esthétique. De ce point de vue, la démarche de Jean-Marc Rochette (telle qu’il l’a explicitée dans sa réponse) n’a rien à voir, et participe d’un point de vue artistique s’inscrivant dans une évolution de l’artiste.

      • Olivier Bocquet  

        Deuxième classe, c’est bien ! On n’a jamais vu de Golden Ticket, encore, mais au moins c’est une place assise.

    • Bruce lit  

      Disney est aujourd’hui le principal rabot de la culture grand public : tout passe part lui, et tout doit s’inspirer où se démarquer de lui. Que ce soit pour les films d’animation, les adaptations de comics, Star Wars… Le monde entier se disneyise malgré lui): c’est le piège dans lequel est tombé la culture populaire. Une centralisation très effrayante pour la suite et fabricant d’un nouveau conformisme sous couvert de divertissement….Merci de ces explications Olivier.

  • Jyrille  

    Comme je suis super à la bourre, je me suis offert Transperceneige, l’édition intégrale des trois tomes. Après je pourrai choper ce Terminus et peut-être les Extinctions dont le premier tome vient de sortir. Il s’agit de la préquelle de Transperceneige.

  • Présence  

    Je ne sais pas s’il sera si facile que ça de distinguer entre les tics, les marottes et les choix faits sciemment dans la conception et la construction d’un article. Comment ça, je me sens visé ?

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