Everything de Christopher Cantwell et I.N.J. Culbard
Une brochure élaborée par CYRILLE M1ère publication le 29/08/23 – MAJ le 29/08/23
VO Dark Horse Comics
VF 404 Editions
EVERYTHING est une bande dessinée publiée originellement en 2020 et 2021 « sous la houlette de l’immense et mythique Karen Berger ».
Cet article n’a PAS été rédigé par ChatGPT. Il n’explicite donc rien du tout.
Bien le bonjour mesdames et messieurs, soyez les bienvenus dans le plus grand centre commercial jamais construit ! Ici vous trouverez absolument tout ce que vous cherchez, ce dont vous avez besoin, ce qui vous ferait plaisir, les dernières innovations dont vous ne connaissiez pas l’existence, les produits rares et anciens que vous désespériez de revoir un jour, ce qui ne vous manquait pas mais semble vital, ce qui vous permettra de satisfaire vos proches, ou votre boss, ou vos beaux-parents, ou même les gens que vous ne connaissez pas qui vous invitent chez eux ! Ici tous les âges, tous les genres, toutes les obédiences et toutes les modes, qu’elles soient vestimentaires, culinaires, technologiques, sportives, musicales ou sociales, seront com-blés ! Oui, je vous l’affirme : c’est le paradis. Alors, comment puis-je vous aider ?
Une bande dessinée ? Aucun souci, suivez-moi je vous prie. J’ai justement un énorme arrivage d’œuvres pour tous les goûts, du manga bien sûr, du franco-belge évidemment, mais également des comics, indépendants ou non ! Absolument toutes les dernières sorties se trouvent dans nos rayons, ce qui constitue un véritable tour de force, mais sachez qu’ici, rien n’est impossible. Voilà, nous y sommes, je vous laisse admirer notre étage consacré. Regardez : vous pourriez y passer des heures, des journées entières !
Que je vous conseille ? Mais bien sûr, je suis tout à fait au fait des tendances, autrices, auteurs et nouveautés : toutes nos vendeuses et tous nos vendeurs sont triés sur le volet et formés pour le meilleur service qui soit. Auriez-vous des appétences particulières ? Non ? Alors, commençons si vous le voulez bien avec un livre que je trouve particulièrement bien conçu, un objet que je qualifierais de splendide. Un comics, justement, de format classique, à savoir vingt-huit centimètres de hauteur pour dix-huit centimètres de large environ. Il ne s’agit pas d’une publication mensuelle d’une vingtaine de pages, non, cette bande dessinée propose deux-cent-soixante-quatre planches ! Le poids s’élève donc à plus d’un kilo, mille cent quatre-vingt quatre grammes précisément, autant vous dire que vous en avez pour votre argent !
Surtout que je ne vous ai pas encore parlé de la qualité de l’édition de la version française, celle de la maison 404 Editions : couverture cartonnée en toile Geltex Blanco Nieva Seda de cent-quinze grammes, dos rond, papier offset MC Selena sans bois et d’une main de 1,25, ce livre est un bonheur pour les yeux mais aussi pour les autres sens. Tenez, touchez. N’est-ce pas merveilleux de douceur ? Et sentez donc cette odeur due à l’impression des presses de Pollina et à ces produits soigneusement choisis : n’inspire-t-elle pas l’attraction de l’aventure ? L’excitation de la découverte ?
Ouvrons-la, si vous le voulez bien, que vous vous fassiez une idée du contenu. Comme vous pouvez le constater, les planches ressemblent à de la bande dessinée classique, avec des cases parfaitement délimitées, un trait clair et lisible, proche du franco-belge, des couleurs douces, voire passées, sans agressivité. Il y a bien quelques effets lumineux et des contrastes parfois inconfortables mais ils participent activement à la narration et à l’ambiance. Le seul reproche que je pourrais personnellement adresser au dessin réside dans le dynamisme des mouvements, qui semble parfois bancal, manquer de naturel. Le dessinateur et coloriste de cette publication est I.N.J. Culbard, un Anglais ayant une affection particulière pour la culture française. Ah, je vois que vous avez remarqué les en-têtes de chapitre. En effet, ils rappellent les prospectus des années soixante-dix, que ce soient dans les couleurs, l’agencement ou les polices de caractères. Cela n’est pas du remplissage, mais participe à l’humour sous-jacent, tout comme dans d’autres œuvres comme par exemple, je cite, IL FAUT FLINGUER RAMIREZ. Mais contrairement à cette dernière bd, celle-ci utilise également ce côté suranné pour instaurer un certain malaise.
Steve Wands s’est occupé du lettrage de la version originale et la traduction est de Laurent Queyssi. Enfin, outre sept pages d’essais graphiques, le recueil en version française comporte également une postface de sept pages écrites par Aurélien Lemant. Une postface absolument remarquable, qui me donne envie de lire les essais de ce monsieur avec lequel je partage quelques obsessions comme WATCHMEN et Philip K. Dick.
L’histoire ? Je ne voudrais pas vous gâcher la surprise en la dénudant de trop, mais je peux vous dire qu’elle a été écrite et scénarisée par Christopher Cantwell, qu’elle est déroulée en deux parties, découpée en dix chapitres et que l’action se passe à Holland, dans le Michigan, Etats-Unis d’Amérique, en 1980. Si vous lisez la lodiciquarte, autrement nommée la quatrième de couverture, vous y verrez des références prestigieuses : David Lynch, THE LEFTOVERS ou LE PRISONNIER. Vous comprendrez alors qu’on cite en filigrane TWIN PEAKS, la référence ultime en termes de série télévisuelle étrange qui prend place dans une petite ville, ayant les atours du soap opera pour dénoncer les secrets honteux. Peut-être allez-vous même en conclure qu’il s’agirait d’une sorte de STRANGER THINGS, avec la nostalgie inhérente.
Pour ma part, je pencherais plutôt pour le John Carpenter de THE FOG ou INVASION LOS ANGELES. Sans que ce soit non plus littéralement cela. Sachez simplement que nous y suivons quatre personnages qui rappellent les membres du Scooby Gang, vous savez, l’équipe de détectives du dessin animé Scooby-Doo : Vera, Daphné, Fred et Sammy. Après l’ouverture d’un nouveau centre commercial où l’on trouve tout, des événements étranges se manifestent à Holland. Chaque chapitre semble être un épisode hebdomadaire, ce qui n’est pas étonnant lorsque l’on sait que M. Cantwell est également showrunner de plusieurs séries télévisées, ce qui explique également les références précédentes et mises en exergue par les éditeurs. Le centre commercial n’est pas au cœur de l’action, on le voit d’ailleurs très peu. Ce qui prime, ce sont les relations entre les personnages, leurs découvertes mutuelles, tant dans leur personnalité que dans les révélations qu’ils exhument petit à petit. Je pourrais encore aligner les références, continuer à faire du name dropping mais cela ne ferait pas honneur à ce petit bijou, certes un peu déjà vu, mais totalement maîtrisé : une fois commencé, vous aurez du mal à ne pas terminer ce livre, on peut parler d’un véritable page turner !
Permettez-moi un dernier conseil : achetez-en deux, un pour vous, un autre pour l’offrir. Son titre ? Il correspond bien au fantastique environnement dans lequel nous nous trouvons actuellement, il se nomme EVERYTHING.
La BO du jour vous est fortement conseillée par Cantwell et Culbard
Clap clap : quelle verve et quel humour ! Tu nous l’as très bien vendu en en faisant l’article…
Merci beaucoup JP ! Venant de toi c’est un honneur, ton jeu de mot est parfait. Il illustre bien ce que j’ai voulu faire : partir de la forme pour arriver au fond, ce qu’on fait habituellement dans l’autre sens. Et comme tu dis on dit souvent ici qu’on « vend » alors c’était facile vu le thème 😉
Très curieux et intrigant, WANT ! Merci pour cette découverte tout en humour et sans spoiler, qui laisse entendre juste assez pour mettre en appétit. Je ne sais pas pourquoi, je visualise le sourire de l’acteur Ray Wise derrière ce discours vendeur.
Merci beaucoup JB ! Si tu as visualisé quelqu’un et que tu es intrigué, alors j’ai réussi mon coup. J’ai aussi pensé à un vendeur masculin, mais je ne vois plus qui est Ray Wise je vais aller voir ça, merci pour la référence !
Ah ben oui, Twin Peaks évidemment, bien vu JB pour ce sourire !
Très sympa comme article, plein de verve et de style !
Mais mais mais… Ce centre commercial où l’on trouve absolument tout c’est… c’est… Harrods !!! non ? Non ? Ils ont piqué l’idée à Mohamed Al-Fayed alors !
Le moins que l’on puisse dire avec ce Ian Culbard, c’est qu’il ne chôme pas ! C’est marrant, il se réclame de la ligne claire et de l’école franco-belge s’y j’ai bien tout suivi, mais au final, ça reste quand même bien du « comics » avec un trait plein de nuances et des ombres partout.
En tout cas, il est clair que ma curiosité est piquée ! L’idée va faire son chemin si je croise la chose, notamment en médiathèque.
La BO : Bof. Je m’ennuie. Et Radiohead ???
Merci beaucoup Tornado ! Oui on pourrait penser à Harrods mais graphiquement ce n’est pas du tout ça ! C’est bien plus moche, le mall américain des années 80 quoi.
Pour le trait je suis assez d’accord, par contre cela se ressent bien dans la narration, pas trop comics pour le coup : des cases à n’en plus finir.
Vivement ton retour si tu lis ça !
La BO : comme le titre elle est directement tirée de la BD. Pourquoi Radiohead ? Sinon, Genesis arrive…
Everything in the right place.
Ah ah ben oui suis-je con…
Mince, nous voilà revenu au temps de la réclame. 😀
Couverture cartonnée en toile Geltex Blanco Nieva Seda de cent-quinze grammes, dos rond, papier offset MC Selena sans bois et d’une main de 1,25 : ça, c’est de la précision.
C’est toujours un plaisir de découvrir un article de Cyrille M, avec cette attention portée à la forme.
J’avais beaucoup aimé cette histoire écrire comme si Twin Peaks est un genre littéraire spécifique avec ses conventions de genre, jouer la notion de contentement qui pourrait venir d’une expérience consumériste où tout est disponible en magasin, ou peut-être plutôt la frustration et l’insatisfaction qui viendrait de tout avoir à portée de main.
Puis changer un peu l’orientation thématique en abandonnant le thème du consumérisme qui pour revenir au consommateur qui veut rester libre.
Ah ah mais oui ! C’est tout à fait de la réclame !
La précision physique provient directement des pages de garde (ou plus loin) de l’édition VF. Tu n’as pas ça en VO, too bad non ?
Alors oui, c’est tout à fait ce que tu décris, puisque c’est ce que dit le scénariste dans son introduction très joliment écrite d’ailleurs) : on a presque accès à tout, et pourtant, on se sent frustré.
Merci beaucoup pour les compliments !
Bonjour Cyrille.
déjà je salue la forme de l’article. Tu aurais pu vendre du sable dans le désert avec une telle prose.
David Lynch, THE LEFTOVERS ou LE PRISONNIER. Vous comprendrez alors qu’on cite en filigrane TWIN PEAKS, la référence ultime en termes de série télévisuelle étrange qui prend place dans une petite ville, ayant les atours du soap opera pour dénoncer les secrets honteux Des références qui me parlent, surtout THE LEFTOVERS et LE PRISONNIER.
Chaque chapitre semble être un épisode hebdomadaire, ce qui n’est pas étonnant lorsque l’on sait que M. Cantwell est également showrunner de plusieurs séries télévisées, ce qui explique également les références précédentes et mises en exergue par les éditeurs Je ne savais pas. Un passage télé – comics réussi donc. Ce n’est pas toujours le cas.
Si j’ai bien saisi on est dans des tranches de vie, ou bien Cantwell introduit un élément fantastique dans son récit ?
Par manque de temps, et aussi finance, j’ai n’ai pas pris ce EVERYTHING qui m’intéressait pourtant beaucoup. Qui sait peut être bientôt…
La BO : très bon choix d’accompagnement.
Merci beaucoup Fletcher ! En prose seulement alors car à l’oral je suis un vendeur incroyablement mauvais…
Pour le scénariste, d’après la quatrième de couverture, il a dirigé la saison 1 de l’adaptation de PAPER GIRLS mais je ne sais pas ce qu’il a fait d’autres. Je pense qu’il navigue entre télé et comics car ses anciens travaux remonte. Mais je ne suis pas sûr il faudrait vérifier.
Alors pas du tout des chroniques mais bien une histoire fantastique de longue haleine, mais en forme d’épisodes. Par exemple, l’épisode 8 ou 9 de la bd revient sur l’histoire passée d’un des personnages, il se passe intégralement hors du présent, un peu comme le troisième de la saison 1 de LEFTOVERS (ou le 9ème je sais plus).
La BO : je connais peu Schumann alors que j’habite pas loin de sa maison. Mais je m’y mettrai (j’ai plus tenté Strauss avec ses 4 dernières chansons et Mahler). Je n’y suis pour rien dans le choix (enfin presque), ce titre est citée plusieurs fois dans la bd (mystère, chut)
J’ai un très bon souvenir de la lecture en VO de cette série. Bonne idée de la mettre en avant.
La BO : j’ai une grande affection pour ces petites pièces pour alto de Schumann. Et jouées par Tabea Zimmermann, c’est juste parfait.Elles les a enregistrées pour un très beau disque en compagnie des sonates pour alto de Brahms. Ca se trouve facilement sur spotify.
Merci Zen ! Je lis moins de comics, ou disons que si j’en lis, c’est à cause de ce site et que donc les articles existent en amont. Mais en indé, on a un peu plus de marge 😀
La BO : merci beaucoup pour les conseils, je connais peu (cf. réponse à Fletcher), je vais aller voir ça !
Et bien tu es élu haut la main Commercial de la semaine ^^
Le titre d’employé de l’année est désormais a ta portée ^^
Alors évidemment avec une référence au Prisonnier bien placée, tu ne peux qu’attiser ma curiosité ! Au final je me demande comment on peut faire tenir toutes les références que tu as énuméré dans le cadre d’un supermarché ! (Et Zombie non ? ^^)
Bref je vais me pencher dessus asap ! Merci à toi.
Pour la BO on aurait pu mettre également Lost in a supermarket de Clash, mais pourquoi pas 😉
Merci Mister Six ! Va falloir taffer pour le reste de l’année quand même… qualité mais pas quantité quoi ^^
La référence au Prisonnier n’est pas de mon fait mais bien des éditeurs, c’est sur la quatrième de couverture. Et figure-toi que pareil, j’ai hésité à mettre le Romero ! Et là je me suis dit que ça faisait trop. Je te laisse regarder par toi-même si tu la lis pour tous ces noms…
Bien vu pour la BO ! Je l’aurai bien mise aussi tiens, mais dès que j’ai commencé l’article j’ai choisi de prendre le titre cité dans le comics, donc mon esprit s’est fermé.
Cyrille ne choisit jamais la facilité et chacun de ses articles ont toujours un angle d’attaque original.
Rien que le titre…
Il est dans ma PAL en file active. Je lis et on en reparle.
Merci chef ! Mais si en fait je choisis la simplicité : prendre la forme d’un aspect de la bd chroniquée pour embarquer les lecteurs dans une ambiance, exprimer des émotions ou les provoquer, comme j’ai pu les avoir en la lisant. La preuve : le titre, les détails techniques de l’éditeur (qui a lui-même insisté sur la partie matérielle) et la BO proviennent directement des pages de la bd. Ca m’évite d’essayer de me lancer dans une analyse qui ne sera jamais satisfaisante à mes yeux (car je ne vois pas tout loin de là) et de créer des petits textes que j’espère divertissants (c’est ma seule ambition, que vous trouviez ça divertissant et informatif. Et que ça lance un débat aussi quand même).
Un indice : md5decrypt.net/Outils-conversion/
A titre perso, je trouve que cantwell comem souvent reste en surface. Certes on voit bien les références à Lynch ou Leftovers, Le prisonnier ou Carpenter mais aussi les Body Snatychers.. mais ca reste à la surface.
Je l ai lu, j ai trouvé sympathique (c est heureusement bien meilleur que les Iron man du scenariste) mais ca reste à la surface.
Merci Fred le Mallrat ! Pourrais-tu expliciter ce que tu entends pas « rester à la surface » s’il te plaît ?
Je vais essayer même si j ai lu le bouquin l’été dernier et que donc on parle de souvenir.
Dans mon souvenir, donc, l’étrangeté est certes intéressantes mais à un moment et vers la fin, je trouve que le propos et la forme reste quand même à un niveau qui n’arrive pas au niveau des références.
On est justement plus dans la référence que dans la portée en elle même et du discours ni de la forme.
C’est une chouette BD et la forme que donne 404 est largement un plus. D’autant que pour ceux qui connaissent Cantwell sur Marvel, on est à un meilleur niveau.
Cependant Cantwell me semble toujours faiblir sur ses fins et manquer de raconter vraiment quelque chose.
Et là j en suis resorti avec une bonne lecture mais pas l’envie ni de m y replonger ni de garder la BD.
Je sais pas si je suis clair..
Pas super clair mais je vois où tu veux en venir. Je n’ai pas pensé un seul moment que cette bd serait au même niveau que ses références, mais je ne pense pas que cela reste en surface, l’histoire va au bout de son univers, comme je le dis c’est un peu déjà vu mais rien n’est laissé à l’abandon en cours de route. Une lecture satisfaisante très sympathique et formellement plutôt soignée, c’est déjà pas mal non ?
J’avais déjà lu ça en VO en fait, je m’en suis rappelé, c’était il y a quelques années.
Je l’ai relu cette semaine. Et je n’ai rien compris. L’écriture est trop hachée pour moi.
Par contre, ruez-vous sur THE BLUE FLAME qui vient de sortir chez 404 cette semaine, les gars.
C’est aussi de Cantwell et c’ets formidable. Je vais tenter l’interview.
C’est pourtant simple je trouve… tu aides pas pour The Blue Flame !
Franchement, je n’étais nullement intéressé par ce récit jusqu’à ce beau descriptif.
Merci du partage !
Merci à toi Alchimie des mots, j’espère que tu ne seras pas déçu si tu la lis !