Le coup de soleil de minuit (Batman Beyond the White Knight)

Batman Beyond the White Knight de Sean Murphy et collectif

Une série-bédé streamée par CYRILLE M
 ©DC Comics Black Label, Urban

VO DC Comics Black Label

VF Urban

BATMAN BEYOND THE WHITE KNIGHT est une bande dessinée déroulée en huit chapitres et publiée originellement en 2022 et 2023 sur le label remplaçant partiellement Vertigo, le Black Label. Ils sont écrits et dessinés par Sean Murphy et colorisés par Dave Stewart. L’édition française d’Urban inclut les deux premiers numéros de BATMAN WHITE KNIGHT PRESENTS – RED HOOD sous les titres d’Interlude 1 et 2.

Ces épisodes sont co-écrits par Sean Murphy et Clay MacCormack, dessinés par George Kambadais et Simone Di Meo et également colorisés par Dave Stewart. En tout, la version française fournit donc dix épisodes en deux cent trente et une planches.

Ma page ne sera pas blanche, elle comporte donc quelques informations pas encore totalement connues de toutes et tous.

Intro

Dans un futur proche, Bruce Wayne vieillit tout en purgeant une peine de prison de dix ans après avoir légué toute sa fortune à Gotham. Il a abandonné l’idée de redevenir Batman. Il a vu mourir des amis comme des ennemis. Mais une nouvelle menace, qui prend la forme d’un prototype de costume d’homme chauve-souris, va l’obliger à reprendre du service… (quel teasing non ?) Pendant ce temps, Harleen Quinzel (plus connue sous son nom de super-vilaine Harley Quinn) a bien du mal à gérer les deux enfants devenus adolescents qu’elle a eu avec le Joker.

Les événements de BEYOND THE WHITE KNIGHT se situent deux ans après ceux de BATMAN WHITE KNIGHT : HARLEY QUINN qui eux-mêmes se déroulent dix ans après ceux de CURSE OF THE WHITE KNIGHT qui elle est la suite directe de BATMAN WHITE KNIGHT. Deux épisodes nous présentent une nouvelle version de Red Hood, dessinés par George Kambadais et Simone Di Meo, et une nouvelle série spin-off est en cours, cette fois-ci sur les enfants de Jack Napier.

Introducing Jackie
 ©©DC Comics Black Label, Urban

Alors ?

Si cela n’était pas forcément clair lors des huit premiers épisodes de WHITE KNIGHT, cela l’est devenu dès la lecture de CURSE : les personnages connus de la mythologie de Batman sont présents mais différents, que ce soient dans leur origine ou leur évolution. Bruce Wayne lui-même a un caractère inédit : d’abord proche de celui du Dark Knight de Miller, il devient en vieillissant l’inverse de cette version, plus sage, prêt à abandonner son alias, cherchant des solutions dans la négociation plutôt que par la violence. Jason Todd est le premier Robin alors que Dick Grayson est le second, le Joker n’est pas totalement fou et sanguinaire, Harley Quinn présente une profondeur inédite très bien utilisée dans le troisième tome de cet univers, bref, on peut parler d’un Murphyverse, d’un elseworld avec le même bestiaire, les mêmes antagonistes et la même bat family.

Je n’avais pas saisi toutes les références du premier volume (et c’est sans doute encore le cas) car à l’époque je n’avais pas encore lu MAD LOVE, et je n’ai toujours pas vu BATMAN THE ANIMATED SERIES à part quelques épisodes épars. Je ne suis donc pas totalement légitime pour parler de ce nouveau tome, car il s’agit d’un hommage à une autre série animée que je ne connais que trop peu, créée par Bruce Timm et Paul Dini, BATMAN BEYOND.

L’influence majeure

Pourtant, j’ai adoré tous les tomes de cette itération de Batman. Le second, CURSE, est sans doute le meilleur des quatre, mais ce BEYOND ne déroge pas au plaisir de lecture constant sur cette série. Evidemment, il y a le dessin de Sean Murphy, qui a toute la place requise pour faire des planches iconiques, soient minimalistes dans leur composition, soient agencées pour être à la fois spectaculaires et informatives : il n’hésite pas par exemple à broder autour de deux super-héros bondissants sur une splash-page complète. Le mouvement des personnages ne fait aucun doute et malgré ses traits de visage anguleux, l’impression reste au semi-réalisme plus qu’à du dessin animé ou de la parodie. Depuis CURSE, la couleur est exécutée par Dave Stewart et se révèle être un atout majeur.

Ensuite il y a le découpage sans faille de l’histoire. Le scénario use toutes les astuces pour nous captiver et nous pousse à tourner les pages, amusés que nous sommes par les situations, les dialogues et l’inventivité graphique de Murphy. En reformulant le passé et les caractères de ces personnages, Murphy nous intrigue, sa vision d’auteur n’étant ni irrespectueuse ni moqueuse, mais amoureuse. Car Bruce Wayne n’est pas le personnage principal même s’il reste le moteur de l’histoire, c’est l’ensemble du casting qui motive Murphy, surtout qu’il manque un élément de taille, le nez au milieu du visage : ni Selina Kyle ni Catwoman n’apparaissent.

Le trauma de Jason laisse sans voix
 © DC Comics Black Label, Urban

Sean Murphy nous régale ainsi de nouvelles relations et de nouvelles dynamiques entre les protagonistes. Il s’amuse à distiller le passé cinématographique ou bédéique du chevalier noir, que ce soit dans les clins d’œil graphiques ou les batmobiles, toutes présentes, y compris celle du dernier THE BATMAN de Matt Reeves. Il étend même ses références au manga : on jure y croiser la moto de Kaneda, sortie tout droit de AKIRA.

Enfin ce BEYOND tranche avec les tomes précédents : alors que le premier semblait nous affirmer que les super-héros n’étaient plus valeureux mais imposaient une loi injuste, inversant les rôles entre héros et vilains, tandis que CURSE s’attachait au Batman enquêteur tout en lui opposant un ennemi impitoyable, nous renvoyant aux origines de Gotham, et que HARLEY QUINN offrait un polar ludique, BEYOND rend hommage aux buddy movies des années quatre-vingt, à leur rythme et leur humour. Après la disparition de figures canoniques, le tragique n’a plus droit de cité. Les rebondissements ne sont pas vraiment étonnants et le tout a un cachet de blockbuster balisé comportant des scènes de série B un peu ridicules mais qui prennent naturellement place dans le récit. La gestion des ombres s’inscrit également dans cette optique : elles ne sont jamais celle de leur propriétaire, mais celle de leur personnalité, de leur double héroïque. Cette touche fantastique finit de rendre hommage aux dessins animés en général.

Musique

Comme il s’agit d’un comics, vous pouvez choisir celle que vous voulez : les auteurs ne font aucune recommandation à ce sujet ni même référence à quelque musique que ce soit, alors que cela arrive tout de même de plus en plus souvent (un exemple, DEADLY CLASS). Donc, si vous êtes d’humeur paillarde ou parodique, je vous conseille la chanson du seul, vrai et unique Chevalier Blanc.

Mais l’ambiance un peu cyberpunk me ferait plutôt pencher pour une BO de Reznor & Ross ou celle du dessin animé adapté d’un jeu vidéo et de rôle. Les possibilités sont infinies, votre bande-son sera la bonne, même s’il s’agit d’un silence presque total.

Outro

Les épisodes sur Red Hood, un peu trop linéaires et graphiquement moins marquants, ne m’ont pas totalement convaincu (surtout comparés à la fantastique mini-série dessinée par Klaus Janson publiée dans l’édition française de CURSE), mais cette nouvelle mythologie d’un super-héros rendu plus humain, enrobé dans une forme de divertissement presque inoffensif bourré de références à la pop culture, mélange tous les ingrédients attendus : action, aventure, mystère, romance, humour. Avec pour résultat un Batman maladroit, amoureux et grincheux, nous voici devant un univers plus solaire au milieu de la nuit de Gotham.

Place à l’action !
 ©DC Comics Black Label, Urban

La BO du jour, parce que la ville, elle attend que vous vous bougiez

17 comments

  • Tornado  

    Je ne me suis pas encore penché sur l’univers du Murphyverse et je ne sais pas encore si je le ferai, mais incontestablement ton article (d’une fraicheur manifeste puisqu’il ne ressemble à aucun autre) est un gros plus pour me pousser à le tenter. De toute manière je suis très client de Sean Murphy, dont le style et la narration m’ont toujours enporté, et dont la patte d’auteur m’a également convaincu avec PUNK ROCK JESUS.
    J’ai revu toute la série animée classique (ANIMATED SERIE) avec mes enfants. C’est vraiment très bon. Mais je n’ai jamais essayé BEYOND à part le long métrage initial, essayé à l’époque de sa sortie, dont je ne garde aucun souvenir malgré sa qualité (je me souviens avoir trouvé ça bon, mais je ne me rappelle pas de quoi ça racontait…). Ça fait partie de ce genre de projet auquel on renonce, pour gagner des points de vie et se consacrer à autre chose.

    La BO : Dès les premières notes de basse, je sais que ce n’est pas pour moi.
    J’en profite pour te remercier de m’avoir rappelé que je recherchais Jonas Hellborg, parce que j’écoute ses albums de la période des années 90 en ce moment… (et c’est cool).

    • Jyrille  

      Merci beaucoup Tornado ! En fait mon article ressemble à ceux que je fais pour les séries télé 🙂

      Depuis l’écriture de cet article, j’ai pu voir, grâce à Bruce et aussi Netflix, 23 épisodes de la BATMAN THE ANIMATED SERIE. Je compte bien voir ceux dispos sur Netflix, mais a priori ils ne couvrent pas tout (65 dispos pour un peu plus de 80 en tout). J’aime beaucoup sans être convaincu par tout. Mais j’en parlerais une fois les épisodes visionnés sur l’article idoine par JP.

      Content de savoir que certains se souviennent de BEYOND, l’anime ! Pour la BO je le savais aussi que ce n’était pas pour toi. Je n’ai pas retenté Hellborg (je me souviens surtout d’un album uniquement à la basse acoustique, avec 13 courts morceaux si je me souviens bien), des conseils à prodiguer ?

      • Tornado  

        BATMAN THE ANIMATED SERIE : Il y a 65 épisodes à la base. Les 15 ou 20 suivants ont été faits après, pour poursuivre le succès. Ils sont un peu moins bons et c’est davantage du « BATMAN & ROBIN ». Tu peux t’arrêter au N°65. Sinon, effectivement, tout n’est pas aussi bon dans la série selon les épisodes, mais il y a de véritables perles au milieu. Il y a aussi plusieurs longs métrages, dont le premier, MASK OF THE PHANTASM, est pour moi le chef d’oeuvre de cette franchise et qui revient sur les origines de Batman dans le cadre de la série. J’ai toujours envisagé d’en faire l’article, mais je ne l’ai toujours pas fait…
        Il y a également les séries SUPERMAN et JLA (TAS) qui ont été réalisées à la même époque. On devait commencer à les regarder avec mes enfants, puis finalement on a choisi de changer d’univers pour l’instant (TOM SAWYER et CLONE WARS, un épisode de chaque tous les mardi soirs…).

        • Tornado  

          Pour Jonas Hellborg, l’album dont tu parles est certainement THE SILENT LIFE. j’égraine en ce moment les albums des années 90, qui correspondent au concert que j’avais vu à l’époque (où il était seul à la basse). Je ne me suis pas encore focalisé sur un album en particulier mais ça va venir. Je te tiens au courant.

          • Jyrille  

            Merci pour toutes ces infos Tornado ! En effet, pour ceux que j’ai vus, il y a des épisodes incroyables et plutôt marquants. Mais j’en reparlerai.

  • JB  

    La chanson du chevalier blanc, immortelle !
    J’aime bien l’univers de Beyond, mais j’ai l’impression que l’univers de White Knight ne se prête pas à une adaptation ne fusse que ressemblante (dans Beyond, un Bruce Wayne vieilli sert de mentor et guide à un jeune homme qui reprend le costume). Néanmoins, la jeune Jackie semble aller vers une adaptation des Jokerz, l’histoire de Jason Todd qui a servi de trame secondaire aux 3 tomes précédents évoquent « Le retour du Joker ».

    • Jyrille  

      Merci JB ! Mais de quelle adaptation parles-tu ? Pour moi, c’en est une, c’est une des nombreuses variations du Bat. J’ai le Batman Année 100 de Paul Pope, le Man-Bat de je ne sais plus qui (Doug Moench ?) qui est marrant, le Batman de Miller, le Batman de Jeff Loeb, de Snyder, de Morrison, de King, de Darwyn Cooke… ils sont tous pareils mais différents. Tu veux parler de la série régulière ?

      • JB  

        Je pensais à une adaptation reconnaissable de Batman Beyond, comme les différents comics ainsi nommés (dont un où Tim Drake reprend le flambeau après la série hebdo Future’s end).

        • Jyrille  

          Merci JB, je ne savais pas que le dessin anime BEYOND avait généré des comics !

  • Eddy Vanleffe  

    Le Murphyverse constitue une agréable lecture où l’on sent que l’auteur s’éclate. Hommage vibrant à l’animé des 90’s, c’est assez galvanisant.
    Le dessin est très agréable, dynamique.
    Donc ce troisième volume m’intéresse (j’ai les deux premiers en opération été d’Urban…j’aime pas me ruiner…^^)

    • Jyrille  

      Merci Eddy ! Le dessin de Murphy pour moi, c’est plutôt une tuerie. Tu as raison pour les petits formats Urban, ils sont très bien. Par contre il te manque un tome, celui sur Harley Quinn, et il est nécessaire de le lire, je pense, avant d’attaquer ce BEYOND.

  • Fletcher Arrowsmith  

    Bonjour Cyrille.

    je rejoins l’ami Tornado sur la fraicheur de ton article, rondement mené et entrainant. Tu m’as presque convaincu de jeter un coup d’oeil à tout cela mais je n’ai pas aimé du tout le premier récit du Murphyverse, BATMAN WHITE KNIGHT.

    J’ai coupé les ponts avec l’overdose de Batman depuis longtemps et même si je reconnais des qualités indéniables à ces récits et surtout aux dessins de Sean Murphy (quoi que finalement il m’a lassé également en revenant sans cesse sur Batman) je ne prends plus de plaisir à lire cela. Et je ne suis pas du tout DA super-héros (que je vais donc découvrir avec le reste de la semaine)

    Peut être m’y remettre un jour si je trouve cela d’occasion ou en collection nomad, mais aurais je du temps à y consacrer ? Je ne suis pas certains.

    Merci pour le moment proposé à te lire.

    • Jyrille  

      Merci beaucoup Fletcher ! Je comprends tout à fait, mais sache que dès la seconde histoire (CURSE), que tu peux apparemment trouver en collection Nomad pour pas trop cher, je trouve que Murphy assoit son univers, ça devient bien plus amusant et solide, on saisit mieux ses intentions. Et on s’éloigne du Batman classique pour une vision d’auteur qui s’amuse avec nombre de personnages connus tout en les transformant. Tiens-nous au courant si jamais 😉

  • Bruce lit  

    L’enthousiasme communicatif de Cyrille va peut-être me donne renvie de donner une seconde chance au Batman de Murphy.
    J’avais bien aimé WHITE KNIGHT (mais n’en ai plus aucun souvenir) et avais embrayé sur le deuxième volume que j’avais trouvé chiant à mourir. J’avais retenté avec une édition prestige en N&B que j’avais trouvé illisible. Globalement Murphy, je le préfère en couleurs.
    Mais voilà : si tout est connecté dans le Murphyverse, je n’ai absolument pas envie de passer par ce deuxième album.

    La BO : sympa mais je préfère le premier single.

    • Jyrille  

      Merci chef ! Ce n’est pas faux pour le noir et blacn : j’ai son TOKYO GHOST ainsi et c’est bien plus ardu à lire qu’habituellement. Tiens-nous au courant si tu arrives à passer le CURSE !

      La BO : je ne me souviens plus, c’était quoi le premier single ? Voilà un des rares disques que j’ai écouté en boucle depuis trois ans.

  • Présence  

    Murphyverse : j’ignorais l’existence de ce terme, et je n’aurais jamais soupçonné qu’il ait même donné lieu à un article wikipedia (merci pour le lien).

    Murphy n’hésite pas par exemple à broder autour de deux super-héros bondissants sur une splash-page complète : je reconnais bien là un ingrédient significatif dans sa narration visuelle, une partie significative du plaisir de lecture du Musphyverse.

    Début 2022, j’avais repéré cette série et j’avais une forte envie de la lire. Une pause inopinée dans la lecture des comics m’a détourné de cette intention, et c’est donc avec un grand plaisir que je la découvre par le biais de cet article, si bien troussé.

    Merci beaucoup pour les différentes liens.

    • Jyrille  

      Merci Présence ! Je me souviens t’avoir demandé ce que tu en avais pensé. Je n’imagine pas une seconde que tu ne le lises pas un jour puisque tu as lu les trois précédents. J’attends donc impatiemment ton retour là-dessus 🙂

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