Midnighter Hour (Midnighter)

Midnighter, par Garth Ennis & Chris Sprouse

Par TORNADO

VO : Image Comics

VF : Panini Comics

Est-ce une chauve-souris ? Est-ce Batman ??? Non, c’est Midnighter ! © Image Comics

Est-ce une chauve-souris ? Est-ce Batman ??? Non, c’est Midnighter !
© Image Comics

En 2006, Garth Ennis écrit six épisodes sur un personnage du groupe de super-héros THE AUTHORITY (une création de Warren Ellis), nommé Midnighter. Les cinq premiers épisodes forment une histoire complète, tandis que le sixième est un one-shot réinterprétant le personnage dans le japon médiéval.
L’essentiel des épisodes est dessiné par l’excellent Chris Sprouse. L’épisode #4 est l’œuvre de Peter Snejbjerg, alors que Glenn Fabry se charge de mettre le dernier en images…

L’histoire principale, intitulée MACHINE A TUER, nous conte les malheurs de Midnighter, capturé par un riche scientifique allemand dont la famille a été massacrée en 1945 dans les camps de la mort. Ce dernier implante une bombe dans le cœur de notre héros, le sommant de remonter dans le passé grâce à une machine à voyager dans le temps, afin d’assassiner le plus grand dictateur de l’histoire et ainsi changer le cours des événements les plus tragiques du 20° siècle !

Ce qu’il y a de bien avec les auteurs de la trempe de Garth Ennis, c’est que quel que soit le type de récit, on y retrouve les mêmes thématiques, mais explorées sans cesse sous un angle différent. La Guerre et l’Histoire sont donc au centre de cette aventure science-fictionnelle, avec pour centre névralgique la question que tout le monde s’est un jour posée : Que se passerait-il si nous avions le pouvoir de changer le cours de l’histoire ? Pour aborder cette problématique, le scénariste a la brillante idée d’opposer au chef du nazisme, le plus emblématique des super-héros gays apparu dans le monde des comics au début des années 2000. Sachant que Midnighter est gay, mais qu’il est également violent, expéditif et sans concessions, on s’attend évidemment à ce qu’il trucide sans plus attendre l’instigateur des camps de concentrations, dans lesquels furent envoyés et exterminés des milliers d’homosexuels pendant la seconde guerre mondiale. Seulement voilà, malgré cette aptitude à la violence extrême, Midnighter n’en est pas moins un héros, avec son sens de la justice et de l’ordre des choses, le tout inféodé à un solide code de l’honneur. Inutile de dire que les événements ne vont pas se dérouler de manière aussi simple que dans d’autres récits naïfs et manichéens…

Tuer Hitler ! Comment n’y avons-nous pas pensé ! © Image Comics

Tuer Hitler ! Comment n’y avons-nous pas pensé !
© Image Comics

La question de l’homophobie est également au centre de cette mini-série. Ennis a toujours entretenu un rapport ambigu avec cette notion. Mais il est clair qu’il essaie de combattre ses préjugés à travers son œuvre. Il le fait ici avec humour et subtilité, notamment en confrontant les orientations sexuelles de chacun et leur image dans la société à travers le temps.

Bizarrement, alors qu’il est notoire que notre auteur déteste les super-héros, il soigne le personnage de Midnighter beaucoup mieux qu’il ne l’a fait avec d’autres. Il apparaît alors comme une évidence que, à l’instar de Daredevil et surtout du PUNISHER , il respecte ce surhomme plus ambigu et plus intelligent que la moyenne. Jusqu’ici, Ennis n’avait approché l’univers de the AUTHORITY que par la petite porte, en utilisant un personnage interférant de loin avec la série, un certain Kev (deux mini-séries assez jouissives, à commencer par : THE AUTHORITY : KEV ). Les super-héros n’y faisaient alors que de courtes apparitions.
Aujourd’hui, Midnighter, sorte de Batman new-âge, tient le haut de l’affiche !

Des méthodes de persuasion simples et efficaces… © Image Comics

Des méthodes de persuasion simples et efficaces…
© Image Comics

Parmi les passages les plus convaincants de cette parabole historique, il y a notamment cette scène où Midnighter se retrouve confronté à des jeunes soldats nazis de… 7 à 12 ans ! Mine de rien, derrière son côté Grand-Guignol, cette séquence est riche de sens, dans la mesure où le lecteur sait pertinemment que personne, parmi les êtres humains normalement constitués, ne se sentirait capable de tuer ni même d’enfermer de jeunes enfants, aussi fanatisés soient-ils. C’est bien là toute la sensibilité d’un auteur faussement bourrin, de nous semer ici et là, derrière des airs de farce extrême, une solide réflexion sur notre vision relative des choses.

Le problème de cette mini-série est son manque de densité. Elle est un peu trop compressée et ne fait finalement qu’effleurer les choses. Il est évident qu’avec davantage d’épisodes, elle aurait pu gagner en profondeur et largement mériter ses 5 étoiles !
Le dessin de Chris Sprouse est, comme d’habitude, un régal. Il n’est malheureusement encré par son compère Karl Story que sur quelques planches, ce qui ne fait que souligner le talent de ce dernier.

 Ah ! elle est belle la jeunesse ! © Image Comics

Ah ! elle est belle la jeunesse !
© Image Comics

Le one-shot imaginant la figure de Midnighter incarnant un puissant samouraï dans le Japon féodal, intitulée DES FLEURS POUR LE SOLEIL, est une perle absolue. Humaniste, lyrique et poétique, cette courte histoire s’impose immédiatement comme le manifeste de Garth Ennis pour la cause contre l’homophobie. Magnifique.
Le dessin de Glenn Fabry, porté sur les excès gores, mais sachant également faire preuve d’élégance, passe à la perfection.

Ainsi, s’il ne s’agit pas du chef d’œuvre de Garth Ennis, voilà tout de même l’une de ses créations les plus touchantes dans le registre -qu’il a tellement malmené- des super-héros. Rarement, sous sa plume, un super-héros aura été si noble et intègre (tout en restant violent et vachard, on est quand même chez le créateur de THE BOYS , faut pas déconner). Si vous ajoutez à ce constat le fait que l’on retrouve ici les thèmes principaux de l’auteur, et qu’en plus on peut déceler dans le sous-texte comme un commentaire méta à travers lequel Ennis semble sincèrement chercher à combattre ses propres démons homophobes, vous pouvez alors percevoir que nous tenons, au final, l’une des perles de son œuvre dans le registre du super-slip…

Ne réveillez pas un couple de super-héros qui dort… © Image Comics

Ne réveillez pas un couple de super-héros qui dort…
© Image Comics

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Minuit : L’heure de faire des confessions. Et Garth Ennis, de nous confesser qu’il est capable d’aimer un super-héros dans son Midnighter !

22 comments

  • Bruce lit  

    Malgré la présence de Ennis et cette histoire de voyage dans le temps, je ne suis pas plus intéressé que ça. Mon intérêt pour Batman est encore trop jeune pour aller voir sa déclinaison dans un costume que je trouve vraiment très moche. La réflexion sur les jeunesses radicalisées aurait pu retenir mon attention, mais je ne reviendrais pas sur l’antipathie que m’inspire THE AUTHORITY.
    Je vous laisse débattre entre passionnés ;).

  • Présence  

    Il s’agit d’un des rares récits de Garth Ennis que je n’ai pas lus, ce qui me fait saliver devant mon écran. Je ne suis pas entièrement convaincu par la thèse de l’homophobie même latente de l’auteur. J’ai plus l’impression qu’il utilisait des termes homophobes comme insulte prête à l’emploi, sans avoir jamais réfléchi aux implications d’utiliser une catégorie de la population humaine comme un exemple de dégénérés, un peu comme les enfants se lançant des insultes qu’ils ne comprennent pas dans la cour de récréation, et pour lesquelles il leur faut du temps avant de ce rendre compte de leur sens et de ce qu’implique une utilisation comme insulte.

    • Nikolavitch  

      Il y avait un arc de The Boys où il met en scène justement l’homophobie ordinaire et développe un discours dessus, et c’est très intéressant, je trouve.

  • Eddy Vanleffe  

    J’ai totalement zappé cette série et donc Merci à toi Tornado…
    je l’aurais lu à l’époque parce que je suis assez fan de Midnighter…
    Ennis fait sans doute un truc assez alimentaire mais il lui arrive d’en faire aussi comme tout le monde comme le truc sur Spider-Man avec John Mac Crea où le mini Hulk Smash qui se paie le luxe d’être très scolaire malgré la signature (mais un bonne lecture quand même…)

    il parait que Ennis aime Superman contre toute attente et il le dit dansun oneshot sur Hitman je crois

    • Présence  

      Justement, un certain Alex Nikolavitch a écrit un article sur Hulk smash pour un site bien connu :

      brucetringale.com/smashing/

    • Présence  

      En cherchant un peu, on trouve sur le même site, un article de Tornado évoquant les épisodes de Spider-Man écrits par Garth Ennis :

      brucetringale.com/super-vilains/

    • Présence  

      Tommy Monaghan a taillé le bout de gras avec Superman pour lui remonter le moral dans Hitman #34, épisode qui a remporté l’Eisner Award du meilleur numéro de 1999.

  • Tornado  

    @Bruce : Tiens, je suis étonné. J’aurais cru que les thématiques ennisiennes te pousseraient à te ruer sur la chose. Mais comme indiqué dans l’article : Attention, le tout est très « effleuré » en trop peu d’épisodes.

    @Présence : Ah mais je suis d’accord avec toi. Et justement, comme un enfant qui souhaiterait grandir, on a l’impression qu’Ennis travaille ces « réflexes » d’insultes à caractères homophobes pour « se laver l’âme », comme le disait Louis de Funès à l’issue du tournage de Rabbi Jacob. On est tous un peu racistes ou homophobes par distraction parfois. On ne se rend pas compte que ce que l’on dit pour rigoler peut blesser certaines personnes. C’est ça que je voulais dire en fait ^^

    @Eddy : Oui c’est alimentaire. Mais Ennis reste un auteur et, même dans ces trucs alimentaires, il y injecte ses thématiques récurrentes, ce qui rend la chose intéressante dans le fond malgré tout. Mais encore une fois, la mini-série est trop courte pour réellement bien développer les thèmes en question.

  • Matt  

    Il a des démons homophobes Ennis ?
    Bon…ça semble moins bêtement parodique et vulgaire que d’habitude cette mini.
    Mais bon…je sais pas.
    Je ne suis pas plus intéressé que ça par des histoires annexes tirées de l’univers de The Authority.
    J’en ai marre des univers en fait^^

  • Matt  

    C’est marrant parce que le Ennis avec ses amitiés viriles de bar, ses « héros » costauds et durs plein de testostérone, on aurait pu le croire homo^^

    Ceci était une blagounette en aucun cas homophobe.^^

  • Kaori  

    Y a que moi que ça intéresse, en fait ?

    Je n’ai jamais lu de Ennis et pour une fois, avec un héros que j’aime bien et des thèmes qui me touchent, ça semble être parfait comme découverte !
    M’en fous si c’est alimentaire, tant que c’est bien fait !

    Merci Tornado 🙂

    • Matt  

      Un héros que tu aimes bien ?
      Aurais-tu lu the Authority ? C’est pourtant pas joyeux^^ Et ça finit pas très bien^^

      • Kaori  

        Non, pas lu The Authority, mais on retrouve Midnighter dans l’univers DC. Et notamment dans la série Grayson de 2014 :p

        • Matt  

          Ah je me disais aussi…
          Je te vois pas trop lire du Warren Ellis^^

          • Eddy Vanleffe  

            Midnighter c’est Authority ou rien du tout… ou en tout cas dans l’univers Wildstorm… quand tout cet univers original a été fondu dans le New 52, j’a su que c’était foutu…

  • Patrick 6  

    Le voyage temporel est un sujet éminemment casse gueule et je me demande bien comment Ennis a pu éviter les ornières habituelles. Je dois confesser n’avoir jamais été fan, même à l’époque, de The Autority (à part les numéros dessinés par Quitely) donc une série dérivée j’ai un doute, mais si l’occasion s’en présente pourquoi pas…
    En tous cas cette histoire de voyage temporel pour tuer Hitler me fait penser à l’un des seuls bon épisodes de la saison 3 de Misfits : un vieux juifs acquiert le pouvoir de remonter dans le temps il se retrouve à Berlin pour le tuer, une lutte s’engage et… le führer tue le vielle homme ! Au final garce à la technologie du téléphone portable trouvé sur le cadavre les Nazis gagnent la guerre ! Ohlala ^^

  • nico  

    Merci pour cet article Tornado.

    Fan absolu d Ennis (merci Bruce), et inconditionnel de the authority, je n avait pas d autre choix que de lire cette bd.
    Elle aurait mérité plus de développement mais c était sympa à lire.
    J ai préféré les épisodes sur Kev, beaucoup plus drôle.

    • Tornado  

      Voilà : Pas assez développé (par rapport aux thèmes abordés) mais sympa. C’est ça ! 🙂

  • Jyrille  

    Comme JP : ça fait plaisir de te lire ! Beaucoup de noms me plaisent ici : Midnighter, Ennis, Fabry, Sprouse… tu me donnerais bien envie en fait ! Je note dans un coin, sachant que cela fait bien longtemps que je cours après les KEV.

    La BO : je ne connais pas du tout. Première fois que j’entends ce morceau. Swmpa, entre The Zombies et Sugar Baby Love…

    • Tornado  

      Cette chanson tu l’as déjà forcément entendue si tu as vu JACKIE BROWN de Tarantino !

      • Jyrille  

        Ah ok… je l’ai vu une fois, au ciné, à sa sortie… Merci !

  • JP Nguyen  

    Bon, je démarre ma session de commentaires en retard, ma dernière semaine de boulot était… Euh, elle était, quoi…

    Le personnage de Midnighter m’avait marqué lors de ses premières apparitions dans Stormwatch puis Authority. Le twist de faire d’Apollo et Midnighter un couple gay miroir de Superman et Batman était assez bien vu. Du coup, le voir en solo, ça me tente bizarrement moins, puisque ma mémoire l’a associé à son compagnon solaire…

    Chris Sprouse, je n’ai pas lu des masses de comics dessinés par lui… J’avais acheté les Judgement Day de Awesome comics, où Alan Moore scénarisait le truc et il me semble vaguement qu’il avait dessiné des bons passages (qui juraient avec les pages de Rob Liefeld).
    Garth Ennis : j’ai adoré certaines de ses séries, mais je ne suis pas un complétiste.

    Alors du coup… euh… désolé, je crois que je passe, je n’ai pas assez d’intérêt pour le personnage ou pour les auteurs…

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