The Drugs Dont Work ! (La mort de Rahan)

Focus: La mort de Rahan par Roger Lécureux et André Cheret

Première publication le 27 novembre 2014. Mise à jour le 05  août 2017 + le 12/05/19

Dernière mise à jour le 05/03/20 en hommage à Chéret décédé ce jour.

par BRUCE LIT

VF : Soleil

L'image qui choqua une génération !

L’image qui choqua une génération ! ©Soleil

Publiée en 1977 puis en 1981, La Mort de Rahan couvre les épisodes 101-102 de la série préhistorique. Parue aux éditions Vaillant et dans l’hebdomadaire Pif Gadget l »intégralité de la saga a été rééditée aux éditions Soleil.

Les scans étant plutôt rares, je les ai empruntés au site www.rahan.org.  Aucun Mammouth n’a été blessé pour la rédaction de cet article

La première fois qu’une bande dessinée m’ a traumatisé, donné des sueurs froides, de la tristesse et de l’excitation à la fois, c’était Rahan ! Plus spécifiquement, la mort de Rahan ! Ouais, pas la mort de Jean Grey, de Gwen Stacy ou d’Elektra, mais celle du fils de Crao !

Chaque mercredi, chez ma nourrice, je passais des matinées à lire les Bd de son fils, essentiellement les Spidey avec les premiers X-Men mais surtout Pif Gadget que je dévorais pour Rahan. Un de mes grands bonheurs enfant, c’était d’avoir eu tout fier son coutelas en plastoc , une arme quand même capable de terrasser T-Rex et Buffles à cornes noires !

Mon premier orgasme… ©Soleil

Comme beaucoup de séries de cette époque, il n’était pas nécessaire de lire les épisodes dans l’ordre pour y comprendre quoique ce soit. Rahan, c’était la routine pépère : il arrivait toujours dans le feu de l’action en sauvant de pauvres nazes incapables de tenir un arc contre un mammouth. En remerciement il était invité/capturé dans un villages d’ignares à peine fichus d’allumer un feu. Sans qu’on ne lui demande rien et au péril de sa vie, Rahan  leur inventait le tourne-broche (véridique ! ), découvrait le caoutchouc ou mettait au point des systèmes d’irrigation.

Et puis un jour, comme ça à la fin de Rahan 100, Pif affichait une image atroce pour un gamin de 6 ans : Rahan pissant le sang, transpercé par des flèches. Et annonçait fièrement  La Mort de Rahan  !  Cette semaine fut la plus longue de ma vie d’enfant ! Mon héros allait mourir ! Assassiné ! Brutalement ! Pour la première fois, le petit d’homme que j’étais sentit l’impuissance et la rage de n’y pouvoir rien changer ! Et alors vint cette couverture noire, sans aucune lustration qui me confirmait l’horreur : cette histoire était le faire-part de décès du héros fort, beau, intelligent et généreux que j’admirais.

Cest pas bien de faire souffrir le jeune Bruce...

C’est pas bien de faire souffrir le jeune Bruce… 

Rahan c’était le Christ des enfants : un type dont l’altruisme le mettait en danger, qui luttait contre l’obscurantisme, infatigable pèlerin qui apportait la bonne parole et le progrès. Lorsque l’on relit La Mort de Rahan, le message est limpide : les enfants ne touchez pas à la drogue !

Pour sa dernière aventure Rahan commence pépère : il sauve un gringalet de deux Dents de Sabre ( oui, le méchant de Wolverine ! Un crossover avant l’heure !). Le type a l’air un peu jeté du ciboulot mais Rahan va pas s’arrêter à ça, il en a vu d’autres et pour l’instant le combat lui a donné la dalle.

Mon premier récit qui commence par la fin !

Mon premier récit qui commence par la fin ! ©Soleil

Il est accueilli à Woodstock-Magnon  avec des types ornés de colliers de fleurs partout qui passent leur temps à tripper grâce aux hallucinogènes que le sorcier Handdak leur prépare généreusement. Rahan tente de leur expliquer les dangers des paradis artificiels mais les proto-hippies s’en fichent comme de leur premier bison. Indigné par le spectacle d’enfants qui crèvent la dalle pendant que leurs parents s’envoient en l’air, Rahan va peinard chasser le buffle. Lorsqu’il en revient victorieux, c’en est trop pour le sorcier-dealer qui ne peut plus fourguer sa came.

Rahan défié en duel pense en venir à bout les flèches dans le nez. Sauf qu’il a été drogué et le voilà donc empalé par ce pauvre junkie, sans efforts. Le grand guerrier à terre, Handdak l’achève d’une lance en plein coeur ! Le petit garçon que j’étais apprenait le mot « médusé » utilisé par Lécureux pour décrire la réaction de l’assistance face au spectacle de la mort du héros, les yeux hagards, ses beaux cheveux baignant dans son sang…

Stop ! Stop ! Y a dla triche !

Stop ! Stop ! Y a d’la triche ! ©Soleil

Oh comme je l’ai lue et relue cette histoire dans la même journée, chaque fois en scrutant le détail qui pouvait sauver le destin de Rahan quelques pages plus tard….Qui finissait par rencontrer sa fin inéluctable avec une mise en scène grandiloquente : la mort de Rahant était annoncée partout dans le monde et Lécureux nous rassurant en affirmant que la légende de Cheveux de feu vivrait jusqu’à la fin des temps. Je ne me rappelle pas avoir pleuré. Ce qui est sûr, c’est que je passais ma semaine fasciné par les dessins de mon héros mort. Je tentais de dessiner ces derniers instants, ses mains crispées par la douleur,  tentais de saisir le mouvement de sa chute… Je remarquais aussi le teaser de Pif annonçant Pour Venger Rahan pour la semaine d’après.

En préparant cet article, j’ai lu que toute une génération s’arrêta à la mort de Rahan sans savoir qu’il ressuscitait comme le Christ et 90 % des Super-Héros dans l’épisode d’après. Handdak avait drogué son village pour asseoir son autorité et Rahan se réveille sans un bleu. A peine remis qu’il sauve le village-Woodstock accusé d’avoir laissé mourir Rahan. Il empêche in extremis la vendetta en son nom qui allait brûler vifs  hommes, femmes et enfants. Il y va de son couplet la Vengeance c’est pas bien  et assiste satisfait à la destruction de drogues du village.

Que quelquun appelle une ambulance !!

Stop ! Une ambulance ! (Nb le jeune Bruce ne sait pas que même au Portugal, les ambulances n’ont pas encore été inventées….). ©Soleil

Le croirez vous ? Après cette histoire, j’arrêtais complètement la série. Rien ne pourrait me faire ressentir ce que je ressentis cette semaine là si ce n’est le vocabulaire commun des Super Héros : de l’action, des grandes intentions, de la noblesse, de l’altruisme et le refus de tuer son prochain, même la pire ordure….Et la résurrection et le retour au statu quo…

Aujourd’hui je relis ça un peu embarrassé mais en me rappelant qu’il était impossible pour un gamin des 70’s de ne pas aimer Rahan : des dessins extraordinaires (Chéret a commencé par dessiner des affiches de cinéma de quartier), des dinosaures et beaucoup d’anachronismes. Et ce gimmick qui n’est pas sans rappeler l’Homme Dé, un roman de Luke Rinehart où un type décide de sa vie en fonction des statistiques de son dé. Rahan lui, suivait le chemin que son coutelas lui indiquait tout en sachant qu’il allait au devant des pires emmerdes.

Ce qui me traumatisa enfant, me demande maintenant une lecture goguenarde 15 minutes à tout casser. Et les autres Rahan sont difficilement lisibles malgré la meilleure volonté du monde. Il est très embarrassant pour moi aujourd’hui de voir cet Aryen qui passe sa vie à éduquer des arriérés bruns simiesques.  Pourtant, trois décennies plus tard, je n’ai jamais touché aux drogues !  Merci Rahan ? Allez savoir !

Moi aussi quand je serai mort, je veux être réveillé par la pluie ! ©Soleil

26 comments

  • Tornado  

    Belle déclaration d’amour à un souvenir d’enfance vibrant !

    Encore une fois, cet aryen diaphane qui inculque le savoir aux crèves-la-fin basanés ne me choque pas du tout dans la mesure où je remets les choses dans leur contexte. C’était une époque naïve et les auteurs faisaient ce qu’on leur disait pour gagner leur croûte (oui, tout comme Hergé envoyait Tintin éduquer les p’tits nègres pour l’abbé Valez).
    Plus tard, Coluche et quelques autres sensibiliseront les français sur le racisme latent et les éditeurs feront attention au sous-texte de leurs productions dès qu’il s’agira de confronter les ethnies, les cultures, etc.
    Lorsqu’on voit que, quarante ans plus tard, le Front national est en bonne lice pour gouverner le pays, comment en vouloir à ces jeunes auteurs influençables qui travaillaient dans une atmosphère où personne n’était encore sensibilisé à ce genre de contre-valeur ?

    Aujourd’hui, cette série n’intéresse que les anciens lecteurs de Pif et ne représente guère un danger pour les nouvelles générations. Et puis, comme le dit Bruce, elle n’a pas fait de nous des communistes en herbe (je n’ai jamais non plus voté pour les faux cils et le marre tôt).

    N’empêche ! Quel souvenir que ce numéro de Pif Gadget ! Je me souviens que le lendemain de sa parution en kiosque, tous les gamins (dont moi), ne parlaient que de ça dans la cours de l’école !
    Plus personne n’avait le moral et les jeux de billes et de colin-maillard étaient suspendus pour cause de deuil virtuel…
    J’ai vérifié ma collection de Pif Gadget : J’ai tous les numéro depuis le 401 jusqu’au 550. Avec, donc, ceux de la « Mort de Rahan »…

  • Jyrille  

    Bruce, superbe article, très drôle, très enlevé et très intéressant. Tu condenses beaucoup de choses importantes (la jeunesse, la vision enfantine, les valeurs, la vision adulte, l’intérêt de la bd et de l’art en général) dans un article léger et très nostalgique. Je me souviens bien de la couverture, mais pas du tout de l’histoire. En fait j’ai perdu beaucoup de souvenirs de cette période, et ai pratiquement tout jeté de l’époque. Je n’ai plus aucun Pif, par contre j’ai gardé tous mes Spirou.

    J’aime beaucoup ton analyse qui te conduit à donner des points communs à tous ces héros de bd, et comme tu le dis, le dessin de Rahan ne peut que plaire. Merci.

  • Bruce lit  

    Merci Cyrille,
    Je me suis beaucoup amusé à l’écrire, si cela se ressent tant mieux ! Nostalgique….je ne sais pas….C’est chouette de garder des souvenirs précis de ces instants de lecture enfant. Et de faire un lien entre cet enfant et l’adulte devenu. Mais pour ma part, je suis beaucoup plus heureux à 40 ans qu’à 20.

  • Jyrille  

    Pareil que vous les gars, bien mieux à 40 qu’à 20. Et tu as raison Leo, souvent, le héros est plus beau. Mais avec le temps, le beau va avoir d’autres canons, et ce sera mieux.

  • Bruce le squateur  

    J’ai toujours bien aimé les héros laids : Gaston, Tintin , Asterix, Obelix ne sont pas forcément des sex symbols. C’était intéressant dans les années 80 de découvrir Wolverine. Je me rappelle de mon cousin qui me disait : « Tu as vu lui, il est tout poilu ! » C’est vrai que Logan n’avait rien d’un super héros : petit, laid, poilu, une musculature de camionneur plutôt que de body builder, une haleine pas fraîche et des aisselles pareilles.
    Dommage que même Logan soit rentré dans le moule via Hugh Jackman ! Qui aurait cru que Wolvie, un peu le gainsbourg des super héros deviendrait un jour un sex symbol ?
    On joue ? Qui serait le héros le plus beau physiquement ?
    Question comics j’ai toujours hésité entre Scott Summers et Matt Murdock : deux adeptes de lunettes teintées.
    En BD Je dirais Thorgal avec sa cicatrice classe juste sous la joue.
    En Manga, euh …Shun d’andromède pour le volet androgyne ?

    • Bruce lit  

      Mangas : Shun d’Andromède ! Je plaisante, j’aime bien le côté femme enfant d’Ayako . On a tout de suite envie de la réparer.
      BD…..Mlle Jeanne ? Je cale…Kriss de Valnor mais ce n’est pas mon style….
      Comics Jean Grey of course. Lorna Dane. Kitty Pryde pour son intelligence et sa joie de vivre. Raina de BLankets pour sa vulnérabilité. Dans un autre genre Dizzy de 100 bullets pour sa sensualité latine.

  • Jyrille  

    Corto Maltese. Matt Murdock. Pour les mangas et les filles, c’est trop. Androgynes et les filles bien faites sont légions, c’est d’ailleurs un des critères qui font que la bd est considérée encore de nos jours pour les ados attardés.

  • Matt & Maticien  

    Génial cet article spécial origine de Bruce. Je rejoins Présence sur ce point. J’ai beaucoup souri à la lecture de cet article. Je me suis souvenu avec plaisir de mes lectures de ce héros un peu scientifique. J’ai toujours apprécié son côté mac gyver;) très bien écrit. Bravo

  • Matt & Maticien  

    Je regrette de ne pas avoir lu cette histoire en mode séquencé pour expérimenter ce frisson de lecteur bien des années après. C’est bien la première fois que je vois un avantage à la publication en feuilleton; )

  • Marti  

    La couverture du Pif annonçant la mort de Rahan fait quand même très « une de journal », je suis sûr d’en avoir déjà vu du même type mais je suis incapable de remettre la main sur un exemple concret.

    Je me rappelle d’un épisode, une mini-série Wolverine/Elektra il me semble, où la bele ninja grecque disait quelque chose comme « Il est petit, poilu, pue, mais il m’attire tellement ! », tout le Wolverine d’avant quoi, avec poil sur et sous les bras.

  • stevich  

    Mais à se trimballer à moitié à poil, Rahan n attrape jamais froid?

    • Bruce lit  

      Hello Stevich,
      Tu as dû louper l’épisode où Rahan invente le Fervex….

  • Kaori  

    J’adore cet article ! On y ressent totalement l’émotion que tu as ressenti en le lisant, ça m’a même émue alors que je n’ai jamais lu aucun Rahan !
    Mais je me suis dit « Non ?! Vraiment ?? Ils ont tué Rahan ?? Quelle horreur ! »
    Je comprends que toute une génération se soit arrêtée à ce numéro.
    Il serait intéressant de savoir quelles ont été les répercussions sur les ventes de l’époque.
    À te lire, ils ont mal joué leur coup !!

    Concernant le look hippie, mon père a eu le même vécu que Jord : contrôles, surnommé Jésus-Christ, et surtout interdiction de pénétrer le domicile de mes grands-parents maternels ! Mon grand-père refusera d’aller au mariage de sa fille…

    Enfin pour la beauté, je dirais bien évidemment Jean Grey pour les filles chez Marvel, Barbara Gordon chez DC.
    Garçons : Scott Summers, Matt Murdock et Johnny Storm, Vega chez Marvel.
    Dick Grayson, Bruce Wayne chez DC.

    Manga… En fille je dirais Madoka d’ORANGE ROAD, et pour les garçons… Toya de CARD CAPTOR SAKURA.
    En shonen… Quand j’étais petite (genre 6 ans), j’étais amoureuse de Seiya et Olivier Atone… Ado j’étais plus Hyoga et Thomas Price…

  • Kaori  

    Ah, j’oubliais le titre… The Verve est un truc bizarre… Je trouve le chanteur particulièrement antipathique, j’ai détesté BITTER SWEET SYMPHONY, mais j’aime beaucoup THE DRUGS DON’T WORK et SONNET…

    • Bruce lit  

      Ah oui quelle tête de con Ashcroft. Je préfère encore les frères Gallagher.
      Merci pour ce retour Kaori.
      L’avantage des rediffs est d’avoir de nouveaux lecteurs.
      L’inconvénient est d’en relire des âneries écrites il y a 5 ans comme ma conclusion sur les aryens et surtout la relecture de la série. Pour les relire depuis quelques mois, je prends bcp de plaisir à suivre les pérégrinations de Rahan.

      • Kaori  

        Eh bien c’est l’occasion pour toi de voir ton évolution 😉

        De rien pour le retour, j’ai vraiment pris plaisir à lire ton article 🙂

  • Nikolavitch  

    la mort de Gosciny m’avait pas mal secoué.

    et plus encore maintenant que j’ai compris la vanne « le dessinateur d’Asterix collectionne les Ferrari, son scénariste, lui est mort sur un vélo qui n’était même pas à lui. c’est la différence entre dessinateur et scénariste »

    • Eddy Vanleffe  

      il faisait pas un test d’effort chez le docteur?
      J’ai un oncle qui est mort de cette manière…

      • Nikolavitch  

        oui, sur un, vélo d’appartement.

  • Jyrille  

    Je me souviens de Doc Justice ! Le même genre de dessin, mais moins bien. Et des histoires assez ridicules il me semble. C’était pas italien ?

  • nolino  

    A moitié Italien
    Docteur Justice a été créé par Jean Ollivier (scénariste Français) et Rafaelle Marcello (Dessinateur Italien)

    Et sa reprise, à la relance de Pif (j’ai dans un coin … ) toujours Jean Ollivier au scénario avec François Cortegianni (qui signe les histoires seul après la mort de Ollivier) et Emanuele Barrison au dessin (Italien)
    Mais des conflit avec la Famille de Marcello fait que la relance s’arrête.

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