Futur imparfait (Fear Agent)

Fear Agent par Rick Remender et collectif

1ère publication le 11/11/15- Mise à jour le 13/07/18 puis le 01/12/19

Article de TORNADO

VO : Dark Horse

VF : Akileos

Ce comics est disponible chez Attilan Comics juste ICI

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Pistolaser et fusée cyclopéenne : De la SF à l’ancienne ? ©Dark Horse/Akiléos

Cet article portera sur l’intégralité de la série Fear Agent écrite par le scénariste Rick Remender. Soit les trente épisodes initialement publiés sous la forme de six tomes de quatre à six épisodes entre 2005 et 2011, puis réédités en deux grosses intégrales de type omnibus (autour de 400 pages chacune). Il s’agit donc d’une série limitée de 30 épisodes (des épisodes bonus ont été écrits par d’autres auteurs mais n’ont pas été regroupés dans ces pages).

Le dessin est principalement l’œuvre de deux artistes, respectivement Tony Moore et Jerome Opeña, qui réalisent en alternance les différents arcs narratifs (trois tomes chacun, la série étant à la base composée de six tomes). Mais d’autres dessinateurs sont venus leur prêter main forte afin que le travail soit bouclé en temps et en heure, notamment Mike Hawthorne, John Lucas, Kieron Dwyer et Rick Remender lui-même, obligé d’effectuer l’encrage sur certains épisodes afin de respecter les délais !
A l’arrivée, l’identité graphique de la série est néanmoins d’une harmonie visuelle remarquable.

Robots et laser vintage ! De la SF à la papa ?

Robots et laser vintage ! De la SF à la papa ? ©Dark Horse/Akiléos

J’adore le travail de Rick Remender.
J’aime quasiment tout ce qu’il fait et je trouve que ses récits sont épatants, uniques en leur genre tout en étant blindés de clichés usés jusqu’à la corde.
C’est ça qui est incroyable chez cet auteur : Il mélange les pires éléments fantaisistes et criards, old-school et obsolètes, voire infantiles, en les intégrant sans complexes dans des récits à la verve moderne, adulte et inspirée.
Regardez les deux images disposées plus haut : Tous les clichés moisis de la vieille science-fiction démodée y sont regroupés. Normal, puisque le projet à la base de la série Fear Agent est de rendre hommage aux comics des années 50 publiés dans les pages de l’éditeur EC Comics, et notamment de ses séries phares Weird Science et Weird Fantasy, qui mettaient en scène de petits récits de SF dans le plus pur esprit de l’époque consacrée (en gros, l’âge d’or de la science-fiction moderne, tout medium confondu).
Seulement voilà, dans la mise en forme narrative, Fear Agent ne ressemble pas à un vieil épisode rétro naïf et ampoulé. Il ressemble plutôt à Preacher, la série folle et furieuse de Garth Ennis !

L’hommage aux EC Comics en ligne de mire !

L’hommage aux EC Comics en ligne de mire ! ©Dark Horse/Akiléos

Nous reviendrons plus loin sur cette histoire de lien avec l’univers de Garth Ennis. Pour le moment, nous allons continuer de nous intéresser à la source d’inspiration principale de Remender pour son Fear Agent : EC Comics.
Nous savons aujourd’hui que cet éditeur, qui nous avait offert, durant les années 50, la crème de la BD américaine, avait été censuré assez rapidement au point de générer l’affreux « Comic Code Authority » (après que le tristement célèbre psychiatre Fredric Weltham ait publié son maudit bouquin intitulé Seduction of the Innocents, dans lequel il prétendait que ces comics étaient à la base de la délinquance juvénile !), qui gangrènera le monde de la BD américaine durant plusieurs décennies.

Les EC Comics, que l’on surnommait alors la « New Trend » (nouvelle tendance) s’étaient avant tout épanoui dans trois genres en particulier : L’Horreur (avec évidemment les anthologies Tales From The Crypt, Vault Of Horror et Haunt of Fear), la SF (avec les publications citées plus haut) et les récits de guerre (publiés dans les pages de Two-Fisted Tales et Frontline Combats). Ce sont ces trois genres que nous allons ainsi retrouver dans la série Fear Agent, mais fusionnés de manière iconoclaste…

Ça c’est du monstre alien !

Ça c’est du monstre alien ! ©Dark Horse/Akiléos

Comme dit plus haut, toute l’originalité de l’écriture de Rick Remender va se jouer dans sa manière d’intégrer ces références démodées, aujourd’hui passablement surannées et parfois enfantines.
Le décorum rétro de Fear Agent n’est, comme indiqué, rien d’autre qu’un décor, un état d’esprit référentiel. Ce dernier est assumé, et Heath Hudson, le héros de la série, combat toutes sortes de créatures extraterrestres et autres robots déments dans une atmosphère vintage immédiatement contrebalancée par un style narratif moderne, percutant et parfaitement adulte !

C’est fou mais c’est vrai : rien dans le décor ni dans la toile de fond de la série n’est réaliste. Aucune créature (il y a des poissons qui volent dans le ciel sans ailes !), aucune situation (on remonte le temps avec une facilité déconcertante, mais on ne le fait pas quand il le faudrait !), aucun état de fait scientifique (on passe d’un univers parallèle à l’autre sans aucune logique !), aucun lien affectif (on s’aime et on se quitte sans la moindre explication cohérente !), aucune cohérence de script (on abandonne un arc narratif soudainement pour enchaîner sur un autre !) ; bref, rien ne tient debout si l’on essaie d’aborder la chose de manière réaliste ! Et pourtant, ça marche ! On tremble pour nos personnages, on éprouve viscéralement leur tragique destin, et l’on dévore la saga d’une traite…

La fusée du héros. Une blague ? Non, un personnage à part entière nommé Annie !

La fusée du héros. Une blague ? Non, un personnage à part entière nommé Annie ! ©Dark Horse/Akiléos

Mais alors, c’est quoi l’histoire de Fear Agent ?
Les Fear Agents sont des mercenaires humains dont l’activité principale consiste à tuer des aliens. Heath Huston est le dernier des Fear Agents. Désinvolte, arrogant, insolent, roublard, complètement alcoolique, il loue ses services au plus offrant et parcourt l’espace à bord de sa fusée nommée Annie en exécutant diverses missions périlleuses entre deux gueules de bois…
Mais, alors que l’on commence la lecture de la série en imaginant une transposition américaine de l’animé (ou du manga, c’est selon) Cobra Space Adventures (les aventures d’un flibustier de l’espace solitaire et audacieux, badass avant l’heure), Fear Agent entame rapidement un virage à cent quatre-vingts degrés et opère une montée en puissance vertigineuse vers la saga cosmique universelle. On pense alors à la série L’Incal , où un pauvre détective de l’espace, loser comme pas deux, se retrouve impliqué dans une vaste conspiration cosmique aux répercutions touchant à l’échelle de l’univers et à sa structure, au point d’en devenir l’élément déclencheur et, en définitive, sa seule et unique source d’espoir…

Heath Huston : Prêt à tout pour sauver… une bonne vieille caisse de whisky !!!

Heath Huston : Prêt à tout pour sauver… une bonne vieille caisse de whisky !!! ©Dark Horse/Akiléos

Heath Huston est donc le point névralgique d’une saga à l’échelle du cosmos. Mais pas seulement. Car avant tout cela, Heath est l’un des seuls survivants de notre espèce. Et l’histoire de Fear Agent parle avant tout de notre humanité…
Effectivement, dans cette histoire, la Terre a été envahie par une race d’aliens robotiques à la conquête de l’univers (les Tétaldiens : le cerveau d’une espèce humanoïde placé dans un bocal au sommet d’un robot afin d’accéder à la vie éternelle !). Ceux-ci ont commis un génocide et exterminé la quasi-totalité de notre espèce. Ils combattent les Dressins (des aliens gélatineux informes enfermés dans une combinaison humanoïde !), eux aussi à la base de notre extinction dans la mesure où notre planète a servi de terrain à ces deux clans pour se faire la guerre (ouais, bon… en vérité c’est vachement plus compliqué que ça…)…

Les survivants de l’humanité, d’abord cachés sous des abris anti-nucléaires, ont apprit à survivre et à se battre. Ils se sont réfugiés sur la lune et ont formé peu à peu une élite de combat : Les Fear Agents !
Parmi eux, Heath Huston est l’un des plus redoutables. Car il a vu mourir son père et son petit garçon sous ses yeux. Il a réussi à survivre avec sa femme Charlotte mais, par la suite, sa relation avec cette dernière s’est détériorée, au point qu’il finisse par errer dans l’espace en solitaire, rongé par la mort de ses proches et un terrible secret sur sa conscience…
Très vite, Rick Remender va nous emmener dans le passé de Heath et de ses acolytes, nous faisant revivre, par intermittence, la vie entière et la tragédie sans commune mesure de notre héros…

Le passé de Heath Huston. Sur la page suivante, le drame absolu…

Le passé de Heath Huston. Sur la page suivante, le drame absolu… ©Dark Horse/Akiléos

C’est à partir de là que le parallèle avec l’écriture de Garth Ennis et de la série Preacher en particulier commence à s’imposer. Tout comme dans la saga de Jesse Custer, on suit celle de Heath Huston sur le même registre narratif, en découvrant médusé à quel point le passé tragique du héros l’a transformé, au point de lui procurer une existence désabusée, mais également une résistance peu commune.
L’ambiance salace et les « moments Ennis » en moins, Fear Agent suit complètement les traces de son ainé, jusqu’à cette déclaration d’intention émise par Remender en personne, lorsque l’on voit marqué le mot « Ennis » en gros, sur le panneau d’entrée du patelin texan où vit Heath et sa famille !

Tout comme dans Preacher, Remender nous présente peu à peu le passé de son héros et parfois de ses personnages secondaires. On découvre par étapes leur enfance, on rencontre d’abord un premier parent en se demandant où est l’autre, qui nous sera exposé plus tard quand on s’y attendra le moins… On suit peu à peu l’évolution de ces personnages dans un va et vient constant avec le présent et le futur, revenant sans cesse dans le Texas originel où le héros a grandi.
Ces éléments purement terrestres et parfois naturalistes contrastent avec les éléments fantaisistes et science-fictionnels se déroulant dans le reste du récit, mais leurs apportent paradoxalement une assise considérable. Un véritable point de repère pour le lecteur.

Le passé de Heath Huston. Sur la page précédente, le drame absolu…

Le passé de Heath Huston. Sur la page précédente, le drame absolu… ©Dark Horse/Akiléos

C’est ce parti-pris narratif qui propulse en définitive la saga Fear Agent dans la sphère du comic-book pour adulte, moderne et écorché vif. Dès lors, le destin de l’univers ne veut plus dire grand-chose pour le lecteur, quand celui de son héros désabusé prend une importance de premier plan. Fear Agent devient ainsi un drame humain de premier ordre, derrière lequel commence à s’étendre une toile de fond philosophique sur le sens de la vie, sur la destinée, sur les choix et les obstacles qui s’imposent à chacun.
Attention, Fear Agent n’est pas un pamphlet ou un quelconque pensum rébarbatif. C’est un divertissement pur. Mais un divertissement intelligent, qui n’oublie jamais d’étendre son sous-texte, lui procurant au final une véritable épaisseur littéraire.

Afin de ne jamais perdre de vue cet aspect méditatif, Rick Remender a opté pour un leitmotiv qui va traverser chaque épisode de la série : Tout comme le ferait un bon vieux détective privé issu d’un roman de Dashiel Hammett ou de Raymond Chandler, Heath Huston nous fait profiter de ses réflexions par le biais d’une série de soliloques (les monologues intérieurs). Mais ces derniers sont presque systématiquement mis en parallèle avec des citations signées Samuel Clemens (c’est-à-dire Mark Twain), dans lesquelles l’écrivain émet toute une série de constats amers et désabusés sur le sens de la vie. En plus d’apporter une note mélancolique et un brin dépressive à la série (on parle tout de même de récit apocalyptique et d’extinction de la race humaine dans laquelle les héros perdent tous leurs êtres chers), ces citations vont surtout permettre au scénariste de garder une constante et rigoureuse toile de fond quant aux thèmes sous-jacents initiés dès le départ, relatifs au sens de la vie et de ce qui définit l’humanité. Le constat est d’ailleurs surprenant, puisque le plus important en définitive, sera de mettre en lumière le thème de la « famille » comme l’aboutissement absolu de notre destinée…
Cet aspect mature du scénario demeure, au final, l’une des plus grandes réussites de la série.

Heath Huston, héros romantique désabusé…

Heath Huston, héros romantique désabusé… ©Dark Horse/Akiléos

Toutefois, cette étrange alchimie entre les univers bigarrés de la SF criarde et l’histoire tragique des personnages évoluant dans la série n’aurait nullement fonctionné sans un second degré effectif et une réelle dimension humoristique. Fear Agent, c’est donc aussi beaucoup d’humour et une distanciation constante prise avec les rouages du scénario. C’est la présence d’un héros à la gouaille pugnace, capable de sortir une blague salace en plein cliffhanger et de se moquer du look ringard de son ennemi robotique armé jusqu’aux dents…
C’est ainsi que Remender ne se soucie jamais de peaufiner ses récits avec une réelle cohérence. Comme relevé plus haut, la saga ne s’embarrasse pas de détails explicatifs scientifiques et accumule les incohérences de script en vrac ! C’est ce dernier élément qui risque fort de coincer par rapport à certains lecteurs exigeants (ahem, suis je visé ? Ndlr) et qui, en tout état de cause, prive la série de ses 5 étoiles.

Ainsi, la promesse de suivre les aventures d’un antihéros alcoolique de l’espace est évacuée dès le deuxième tome. Plus d’une intrigue est abandonnée en plein milieu, sans doute parce que le scénariste n’en a plus rien à foutre, et qu’il a eu d’autres idées en cours de route. Moult ressorts dramatiques n’aboutissent sur rien, Remender changeant l’orientation du récit en plein épisode, et enchainant sur un truc différent en oubliant le précédent. Et plus d’une situation arrive comme un cheveu sur la soupe, l’auteur ayant envie de se faire plaisir, comme lorsqu’il envoie son héros sur une planète western ! Parallèlement, les ennemis ne sont dotés d’aucune psychologie poussée, ou quasiment. Tandis que la tragédie humaine de Heath, en revanche, garde le cap !

Si le lecteur se focalise sur ces éléments, il n’aimera pas la série. Mais s’il passe outre ces parti-pris assumés et accepte les règles du jeu imposées par l’auteur, il profitera d’un trip science-fictionnel de fou, doublé d’une verve jubilatoire et d’une splendide histoire humaine.

Aspiré par un trou noir, voilà Heath Huston sur la planète western… ©Dark Horse/Akiléos

Ah là là… Je me rends compte que je viens d’accumuler les paragraphes et que j’ai encore un mal fou à saisir ce qui fait l’alchimie de cet auteur, ce mélange improbable entre décor rétro futuriste teinté de références culturelles, histoire à la façade enfantine pleine de combats irréalistes, et tragédie humaine racontée de manière adulte…
Ou la rencontre incroyable mais vraie entre les EC Comics, Preacher, L’Incal et Blueberry, ce dernier étant ouvertement cité comme une référence majeure par Tony Moore d’après ses recherches dans les pages de bonus (double référence donc, pour notre Jean Giraud/Moebius national) !

C’est pourtant cette alchimie hallucinante qui parcourt toutes les créations de Remender qu’il m’ait été donné de lire. Je pense notamment à ce run du Punisher qui commence dans un Dark Reign de pacotille avant de transformer Frank Castle en Frankenstein, dans une ambiance cartoon à la Universal Monsters, pour finalement le faire revenir dans un dernier arc réaliste n’ayant rien à envier aux histoires de Garth Ennis (encore lui !) dans son Punisher MAX ! On pouvait déjà y lire la rencontre improbable entre la débauche de bastons geeks avec des monstres, et le drame humain adulte et cruellement tragique avec certains éléments que même Ennis n’avait pas osé traiter !

Pour le reste, on peut demander aux copains : Uncanny X-Force, Uncanny Avengers ou encore Captain America boxent dans la même catégorie, et bientôt Black Science imposera probablement la quintessence du style Remender, avec un surplus de maitrise (mais aussi de complexité), et une meilleure gestion des éléments disparates.

Jentu, le grand méchant Tétaldien à la conquête de l’univers : Un crétin qui n’a même pas pensé à blinder son casque lui servant de bocal à cerveau…

Jentu, le grand méchant Tétaldien à la conquête de l’univers : Un crétin qui n’a même pas pensé à blinder son casque lui servant de bocal à cerveau… ©Dark Horse/Akiléos

C’est ainsi que s’achève ce tour d’horizon. Fear Agent a été pour votre serviteur une lecture géniale, parfois agaçante pour sa liberté de ton bottant le cul de toute vraisemblance.
Pour les défauts, on relèvera donc un nombre conséquent d’incohérences scénaristiques, une caractérisation pas toujours poussée selon certains personnages, et quelques orientations de l’intrigue capilotractées…
Pour les qualités, on retiendra un divertissement incroyablement généreux. Un pur trip de geek, enrobé d’une affection sans bornes pour les histoires de notre enfance, le tout mâtiné d’une dimension lyrique due à une narration adulte, talentueuse et inspirée, à la base d’une magnifique histoire d’homme. Une histoire d’homme désespérée et poignante comme un drame de Shakespeare, avec un final délicat et éthéré comme une chanson de geste.

Ainsi, je vous recommande chaleureusement cette série, en vous conseillant de mettre de côté vos à priori sur ce type d’alchimie improbable, et en vous demandant de faire un effort de distanciation. Vous goutterez alors à l’une des toutes meilleures séries de science-fiction de ces soixante dernières années…

Heath Huston, un héros qui en aura pris pour son grade…

Heath Huston, un héros qui en aura pris pour son grade… ©Dark Horse/Akiléos

21 comments

  • JP Nguyen  

    Merci Tornado pour ce joli tour d’horizon de cette série originale et attachante, avec une excellente mise en perspective (par rapport aux EC Comics) et un regard critique vis à vis des forces et des faiblesses de l’œuvre. Les images apportent un vrai plus par rapport à ta version sur la zone.
    En plus, pas de souci pour mon compte en banque sur ce coup là, on me les a offert l’an dernier !

    En ce qui me concerne, je la noterais 4 étoiles, pour un certain nombre de raisons, que tu as évoquées mais aussi pour les inégalités graphiques. Certes, les dessinateurs ont fait le maximum pour préserver une cohérence d’ensemble mais le style de Jérôme Opena est quand même plus fin et plus racé que celui de Tony Moore. Les changements dans l’apparence visuelle (qui ne frapperont pas forcément tout le monde avec la même force), ajoutés aux détours et impasses du script, m’ont souvent fait sortir du récit.

    La comparaison avec Ennis est pertinente et j’y pensais lorsque je l’ai lu (avec la référence explicite que tu cites sur le nom de la ville d’origine de Heath). Mais si on doit poursuivre le parallèle, je fais plutôt le constat de personnages beaucoup moins forts dans Fear Agent : pas d’équivalent à la relation Jesse-Tulip, pas de Cassidy, ni de Herr Starr. Les personnages ont une fonction dans l’intrigue mais on ne s’intéresse jamais vraiment à leur sort.

    J’aurais voulu davantage aimer cette série. La lecture des anecdotes de Remender sur les coulisses de sa publication m’ont marqué. On sent qu’il y avait mis ses tripes et consacré beaucoup d’énergie, faisant appel à des potes pour boucler les numéros. Ce côté bricolo et très indie, pour un résultat pourtant très professionnel, rend l’entreprise attachante. Mais peut-être que la fougue de la jeunesse qui a permis au projet d’aboutir a également desservi Remender pour ce qui concerne la maturité de l’œuvre. Ce n’est pas que l’histoire soit débile, loin de là, et les citations de Mark Twain ne sont pas là uniquement pour faire joli. Il y a de vraies réflexions de fond, amenées l’air de pas y toucher. Mais l’ensemble manque de cohérence (quoique la méta-intrigue qui relie les derniers épisodes aux premières scènes soit quand même très bien fichue).

    Au final, je reprendrais la formule du titre de l’article (avec juste un peu plus de sévérité car je suis une midinette exigeante) : Futur Imparfait.

    • Tornado  

      @JP : Tu vas rire, mais j’ai hésité entre ces deux titres !
      Au départ, le titre complet devait être « Rétro-futurisme et futur imparfait » !

      Merci pour ton commentaire détaillé, parfaitement complémentaire, pour une vision distincte mais tout à fait convaincante.

  • fred  

    Certainement un des meilleurs comics indies SF que j’ai lu Un must have ! Direct dans mon top 5 avec The Authority, Planetary, Lazarus et Saga !!

  • Présence  

    Jusqu’ici j’avais boudé cette première oeuvre de Rick Remender en estimant qu’elle devait être un cran en dessous des suivantes, puisqu’il l’avait écrite plus jeune, donc avec moins d’expérience (oui, je sais : la valeur n’attend pas le nombre des années).

    Mais après un tel exposé, je n’ai plus qu’à rajouter cette série à ma longue liste. Je salive d’avance à l’idée de ces détournements des conventions de genre.

    Actuellement, Rick Remender écrit 4 séries chez Image :

    – Black Science, avec Matteo Scalera
    – Deadly class, avec Wes Craig
    – Low, avec Greg Tocchini
    – Tokyo ghost, avec Sean Murphy

  • Bruce lit  

    Bon, ben merci pour le dilemme Tornado….
    D’une part, ces codes de scifi ne m’attirent pas, je n’insisterai pas là dessus.
    Mais d’autre part, le versant réaliste de l’entreprise semble passionnant, correspondre à ce que j’aime et -traître !-, tu utilises mon idolâtrie Custerienne pour attiser mon attention !
    Donc ! que faire ? D’un côté Remender a défié mes attentes de lecteurs en me permettant de m’intéresser à des séries avec Captain America et Thor dedans !
    Mais d’autre part, je n’ai pas apprécié son Punisher plus que ça !!!!!
    Donc….merci, pour la tempête sous un crâne…. Le meilleur moyen reste maintenant de trouver un pote qui ait investi là dedans et/ou de persuader ma médiathèque chérie d’investir dedans….
    Dernière chose : quid de la traduction ? Quelques publications Akiléos m’avaient semblées un peu Paninesque…

  • Tornado  

    @Présence : J’achète déjà deux de ces quatre séries (Black Science et Deadly Class). Et je réfléchi à la 3° (Low).

    @Bruce : Il me semble que cette trad était pas terrible. J’ai tout lu d’une traite l’été dernier et j’ai souvent pensé à toi et à JP parce qu’il ne faut pas être trop regardant sur les incohérences de script et sur le manque de caractérisation des méchants. Et pourtant il y a quelque chose de grandiose dans le scénario.
    Dans cette série je crois qu’il y a à la fois tout ce que tu aimes et tout ce que tu détestes. Si tu es gourmand, lis la. Si tu es sélectif, dis-toi que Preacher est mieux…

  • Bastien  

    Bonjour,
    Merci pour ce commentaire très intéressant.
    Pour ma part j’ai pas terminé cette série car les changements d’intrigues entre deux arcs m’a fait sortir du récit, je ne connais E-C Comics que de nom cela m’empêche aussi d’apprécier les références.
    J’étais allé voir cette série récemment suite à la lecture de Black Science que j’avais adoré et je trouve Black Science bien meilleur.
    Je comprends par contre ton avis car il est vrai que le personnage principal est charismatique.
    Je me pencherai peut être plus tard sur la fin de cette série mais pour l’instant elle reste en stand-by.
    J’ai lu les premiers tomes en VF et peut être que la traduction n’a pas non plus aidé.
    Bonne journée

  • Jyrille  

    Encore une fois, je n’en avais jamais entendu parler, mais te lire décortiquer et mettre des références partout est un vrai plaisir, Tornado. Bon, je note à l’occasion, mais pour l’instant, je découvre Remender grâce à Deadly Class et c’est un vrai bonheur.

  • Présence  

    Un grand merci à Tornado pour avoir su me convaincre de lire cette série. J’ai autant apprécié les dessins de Jerome Opena (plus racés comme le dit JP) que ceux de Tony Moore, plus goguenards.

    Ayant à l’esprit la nature de la série telle que décrite par Tornado, la lecture de Fear Agent prend une autre dimension. Les péripéties spatiales restent très divertissantes. Rick Remender donne également l’impression de se livrer à un exercice de style en s’interrogeant sur ce que peut être le caractère et l’histoire personnelle d’un héros stéréotypé de SF, passant son temps à exterminer des méchants extraterrestres, avec un pistolet laser.

    Puis, comme l’indique Tornado, l’histoire personnelle d’Heath Huston lui donne une incroyable épaisseur et constitue un regard pénétrant sur la valeur de la famille. Puis l’intrigue prend une envergure insoupçonnée. Puis la situation du personnage principal illustre avec sensibilité le caractère fini de l’individu, la manière dont notre vécu personnel et notre éducation modèlent notre compréhension du monde, nous définissent nos attentes, nos aspirations. Pour moi, cette série mérite 5 étoiles.

  • Tornado  

    Voilà qui va peut-être achever Bruce ! Lira-t-il ou ne lira-t-il pas cette superbe série en partie conçue comme un hommage à Garth Ennis ? 🙂

  • Matt  

    Bon, tu m’as convaincu. Je me suis jeté sur les 2 tomes.
    Un récit adulte qui prend aux tripes dans une ambiance retro futuriste de type « Weird Science » des EC comics…tu me prends par les sentiments là. J’ai le premier tome de « Weird Science » de chez Akileos et j’ai adoré. C’est kitsch, mais tellement « charmant » (faute de trouver un qualificatif plus approprié) C’est clairement inscrit dans une époque différente et on est d’accord que des récits comme ça qui sortiraient de nos jours feraient enfantins. Donc si comme à son habitude Remender arrive à concilier charme rétro avec récit plus adulte, ça semble génial.
    C’est vrai geek cet auteur non ? Il aime les gros monstres, la vieille SF…plein de trucs un peu naïfs et leur redonnent une nouvelle vie dans des récits qui transcendent cet aspect « vieux et dépassé ».

  • Tornado  

    Ouaip. Mais attention : Fear Agent n’offre pas un récit « maitrisé » comme « Black Science ». C’est beaucoup plus bordélique et improvisé. Mais si on passe le cap, c’est drôlement chouette. Présence a commenté chaque tome sur Ah ! Ma zone ! et c’est du 5 étoiles à chaque fois.

    • Matt  

      Ne t’en fais pas, j’ai bien relevé les défauts que tu lui trouves et c’est en connaissance de cause que je vais tenter^^
      Black Science a l’air pas mal mais j’attends que ça se termine. Je n’ai pas envie de me lancer dans une série si elle met encore 2 ans à s’achever.

  • Tornado  

    C’est vrai. Je me suis également fait avoir car j’avais lu quelque part que ce devait être bouclé en 2 tomes. Heureusement, chaque tome est meilleur que le précédent ! (pour le moment).

  • Matt  

    Tiens j’ai relu récemment le truc.
    Et une chose m’a choqué encore plus que la première fois ; la voix off qui fait du remplissage je trouve.
    On dirait que les auteurs de comics ont la phobie des scènes muettes. Moi je trouve ça chouette au contraire.
    Pas durant 20 pages évidemment, mais ces pavés de texte partout, tout le temps…pfiou…

  • Tornado  

    Et le Bruce, il a retenté Fear Agent ou pas ? 🙂

  • Matt  

    Bon…c’est moi ou Black Science a changé d’auteurs ? C’est plus Remender mais ça continue ?
    Si c’est le cas, j’ai bien fait de ne pas investir dedans hein…
    Si ça devient un machin ongoing interminable avec des auteurs qui se relaient, no thanks

    • Présence  

      Je ne suis pas sûr d’avoir compris ta question. J’ai lu les 9 tomes de Black Science (43 épisodes, un commentaire sur chaque tome VF chez amazon et babelio). L’histoire se termine dans le dernier tome, et tous ont été réalisés par Rick Remender & Matteao Scalera. Il n’y a que le coloriste qui a changé au bout de quelques épisodes.

  • Alchimie des mots  

    L’une des meilleures séries de science fiction ces 60 dernières années 👍🏾
    Du coup, je voulais encore plus la lire.
    Purée quel pied ! J’en suis encore tout retourné !
    Mais comment une telle mini série peut-être méconnu à ce point.
    Bon d’accord ! Elle est connu mais c’est clairement un récit extraordinaire, merci pour le retour!

    • Tornado  

      Merci à toi pour le tien (de retour 🙂 ). Bien content que cette série magnifique trouve son public, même tardivement !

      • Alchimie des mots  

        Avec plaisir!

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