Ces Widows m’écœurent

Punisher MAX : Widowmakerpar Garth Ennis et Lan Medina

Vous les femmes…

Vous les femmes…©Marvel Comics

AUTEUR : JP NGUYEN

Cet article couvre les numéros 43 à 49 de la série Punisher MAX, soit l’arc intitulé Widowmaker.

Ce huitième et antépénultième récit du run Punisher MAX par Garth Ennis, paru en 2007, est dessiné par Lan Medina, avec un encrage de Bill Reinhold et des couleurs de Raul Trevino. 

Tout Punisher MAX est paru chez Panini avec une excellente traduction ( ce n’est pas ironique-Ndlr).

Garth Ennis approche de la fin de son cycle et met Frank Castle face aux conséquences des actes qu’il a commis dans les histoires précédentes.

D’une part, les veuves des mafieux victimes du Punisher décident de se liguer pour mener à bien leur vengeance. Annabella Gorrini, Barbara Barruci, Lorraine Zucca et Bonnie De Angelo font partie toutes les quatre du clan Cesare, qui avait été massacré dans le tout premier arc In the beginning. Elles font alliance avec Shauna Toomey, dont le mari a été refroidi au début de l’arc Man of Stone.

Desperate mob-wives

Desperate mob-wives©Marvel Comics

Outre cette menace extérieure, Frank est aussi en proie à un malaise intérieur lorsqu’il reconsidère certains actes extrêmes qu’il a perpétrés, notamment dans l’arc The Slavers. Le malaise de Frank, le lecteur le perçoit dès le départ et il est accentué par la première « punition » qui nous est contée : le Punisher rend visite à une famille semble-t-il sans histoire mais dont les parents réalisent des vidéos pédophiles mettant en scène leurs trois enfants.

Après avoir appliqué sa sanction aux parents dans la cave de la maison, Frank songe aux enfants et au sort qui les attend. Redoutant de recroiser un jour ces victimes dans le rôle des bourreaux, il a alors une pensée digne du « Saint of Killers » de Preacher.

Le Punisher : faiseur de veuves…et d'orphelins

Le Punisher : faiseur de veuves…et d’orphelins©Marvel Comics

Pendant qu’elles préparent leur vengeance contre le Punisher, les veuves mafieuses ignorent qu’elles sont elles-mêmes la cible d’une mystérieuse femme. Connaissant l’aversion particulière du Punisher pour la traite des femmes, les veuves attirent Castle dans un traquenard, par l’intermédiaire de Bonnie, qui se fait passer pour une prostituée.

Frank est sauvé in extremis par l’intervention de Jenny Cesare, une autre veuve du clan, mais pour qui le décès de son mari, Tim Buccato, fut une délivrance. C’était en effet un mari violent et totalement dépravé, ayant fait subir toutes sortes d’abus à son épouse.

Bonnie fait vibrer la corde sensible de Frank en se faisant passer pour une victime de prostitution forcée

Bonnie fait vibrer la corde sensible de Frank en se faisant passer pour une victime de prostitution forcée©Marvel Comics

Leur embuscade ayant échoué, les veuves doivent bonimenter la police arrivée sur les lieux pour s’esquiver et réfléchir à un nouveau plan. L’inspecteur Budiansky, un flic un peu plus opiniâtre que ses collègues, retrouve leurs traces et leur fait part de ses forts soupçons à leur égard. Cela lui vaudra des représailles et une blessure par balle pour son épouse.

Plein de colère, Budianski n’aura pas l’occasion d’étancher sa soif de vengeance, Jenny Cesare se chargeant d’exécuter le gang des veuves, qu’elle tient pour responsable de son sort : elles connaissaient la déviance de Tim mais elles l’ont gardée sous silence jusqu’au mariage de Tim et Jenny. Plus tard, elles ont tenté de se débarrasser d’elle alors qu’elle projetait d’aller voir le FBI. Une fois sa mission menée à bien, Jenny se livre à un dernier coït assez dérangeant avec un Frank Castle menotté à son lit, avant de se tirer une balle dans la tête…

La "Punisseuse" et les chieuses punies

La « Punisseuse » et les chieuses punies©Marvel Comics

Widowmaker est, à mon sens, un arc ambitieux mais un peu raté. Ambitieux car Garth Ennis explore les séquelles psychologiques des missions menées par Frank Castle. Séquelles causées par les horreurs auxquelles il se trouve confronté, mais aussi par la violence à laquelle il s’adonne pour administrer ses punitions. Tout cela ne lui a-t-il pas fait perdre son humanité ?

Pour tenter de répondre à la question, Ennis donne deux reflets à Frank : Jenny et l’inspecteur Budiansky. Ce dernier a été impliqué dans une fusillade de lycée, dans laquelle il a ignoré les ordres pour aller lui-même abattre un adolescent devenu tireur fou. Lorsque sa femme manque de se faire tuer par un assassin à la solde Shauna Toomey, Budiansky vide quasiment son chargeur sur le tireur. Suspendu, il va quand même chercher à retrouver les veuves du clan Cesare mais arrivera trop tard. Il croise quand même le Punisher en train de quitter les lieux et leur brève confrontation lui fait réaliser qu’il ne souhaite pas devenir comme l’homme à la tête de mort.

Un Budiansky en colère face à un Castle fatigué

Un Budiansky en colère face à un Castle fatigué©Marvel Comics

Jenny Cesare, elle, a franchi le pas, vu qu’elle revêt l’emblème pour accomplir sa vengeance. Ayant vécu son lot d’horreurs avec Tim mais aussi un cancer du sein, elle en garde des traces dans sa chair. Elle est déterminée à exécuter les veuves, doublement coupables à ses yeux : elles l’ont poussé dans les bras de Tim mais aussi, elles profitent du crime organisé et sont peu regardantes sur l’origine de l’argent leur payant leurs belles toilettes et leurs bijoux. Pourtant, quand tout est terminé, Jenny ne peut en supporter davantage et se suicide.

La conclusion d’Ennis est claire : il n’est pas donné à tout le monde de devenir le Punisher. Frank Castle est donc un être singulier, porteur d’une mission, d’un lourd fardeau, trop lourd pour quiconque d’autre. Il a sacrifié une grande part de son humanité pour devenir un monstre qui tue d’autres monstres. Cette vision diffère notablement de celle de Jason Aaron, qui succédera à Ennis et qui conclura son run par un effet d’émulation du Punisher…

La violence extrême laisse aussi des traces à celui qui l'inflige

La violence extrême laisse aussi des traces à celui qui l’inflige©Marvel Comics

Mais Widowmaker est plombé par plusieurs défauts. Tout d’abord, un problème de rythme : ses sept épisodes semblent très longuets, surtout que le Punisher passe une bonne partie du temps sur la touche. L’impératif éditorial de commencer un nouvel arc au numéro 50 a-t-il nui à la construction de l’intrigue ?

Ensuite, les personnages sont peu attachants. Ennis essaye bien de donner des personnalités distinctives à chaque veuve mais cela reste de l’ordre du gimmick, comme, par exemple, pour Barbara « Barbi » Barruci, illettrée et adepte frénétique du sexe oral. Cette légèreté ne s’accorde pas trop au ton du récit, surtout quand Jenny Cesare raconte par le menu toutes les horreurs qu’elle a subies. Comme souvent dans le Punisher MAX, les ennemis sont abjects et irrécupérables. Pourtant, s’agissant d’épouses de mafieux, on aurait pu s’attendre à plus de nuances.

Une histoire comme Widowmaker aurait pu creuser davantage l’ambiguïté et la justification des actes du Punisher. Certes, il punit les criminels mais il répand aussi le malheur. Ennis se ferme d’emblée cette piste, les mafieuses étant toutes dépeintes comme complices et solidaires des crimes de leurs maris. Enfin, le dessin de Lan Medina manque de personnalité. Techniquement, il est tout à fait correct mais il manque un supplément d’âme dans les planches. Les personnages sont parfois un peu raides (et pas parce qu’ils sont morts) et certains visages sont peu marquants.

Paradoxalement, Frank Castle ressort de cette histoire renforcé dans sa conviction de justicier solitaire, tandis que le lecteur aura vu sa foi en Garth Ennis quelque peu vaciller. Certaines scènes, certains dialogues, sont assez réussis et nous éclairent sur la personnalité et la psychologie de Frank Castle. Nonobstant, j’ai trouvé l’intrigue poussive et peinant à capter mon attention.

Jenny et Frank : des âmes sœurs…

Jenny et Frank : des âmes sœurs…©Marvel Comics

4 comments

  • Bruce lit  

    Le seul arc d’Ennis que j’ai revendu, tant je n’y trouvais rien d’important. Oui, tu as raison 7 épisodes pour en arriver là. Mais je suis jaloux de ce que tu soulèves : oui, il n’est pas donné à tout le monde de devenir Frank Castle. On avait déjà vu ça avec la trinité de Welcome Back Frank. Et je n’avais pas aimé les dessins non plus. Si Panini daigne publier ses Deluxe jusque là, j’y rejetterai un oeil.
    Pour info, je souhaitais faire l’impasse sur cet arc, mais Monsieur Nguyen a insisté pour l’écrire ! Bruce Liseurs, vous ne pouvez pas imaginer les couleuvres que votre rédacteur bien aimé doit parfois avaler !
    Sinon, très bon titre ! J’ai bien mis 20 secondes pour saisir ton franglais !

  • JP Nguyen  

    Effectivement, je n’avais pas repensé aux Copycats de Marvel Knights. Ceci dit, dans cet arc, l’incapacité à devenir le Punisher est plutôt sur le plan psychologique tandis que dans MK, c’était plutôt un problème de compétences (mais aussi de santé mentale, il est vrai…)

    Quand à mon insistance pour chroniquer cet arc, il faut bien un peu ré-équilibrer la balance ennisienne sur ce blog où on chante si souvent ses louanges…

    Sinon, quand je regarde tous mes articles écrits pour le blog, je constate avec effroi que les histoires noires et violentes dominent (même si dans les tuyaux, il y en a qui sont moins de cet acabit). Mon auto-défi sera donc de t’envoyer un article sur une BD sans baston ni crime ou violence (ce qui ne m’est plus arrivé depuis… Vietnamerica…)

    • Bruce lit  

      Défi accepté ! Je tenais quand même à dire que pour l’instant le seul à avoir chroniqué défavorablement du Ennis, c’est moi !!! Ici et ! On ne pourra pas dire que je ne fais QUE du Bendis Bashing !!

  • Jyrille  

    Pas très attirant et sans doute trop violent pour moi en ce moment. Mais j’aime bien la première légende « desperate mob wives »

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