Course contre le monstre !

Sabretooth par Larry Hama et Mark Texeira

Accrochez vous, cest parti !

Accrochez vous, c’est parti ! © Marvel Comics

Première publication le 22/01/15. Mise à jour le 02/08/2016.

Par :  BRUCE LIT

VO : Marvel

VF: Semic

Il s’agit d’une minisérie de quatre épisodes publiée par Marvel en 1993. Parue chez Semic en VF, elle n’a jamais été réeditée depuis ni par Panini, ni par Marvel.

Retour aux 90’s. Des crossovers à foison, des reboots, des events, la création d’Image mais paradoxalement une certaine harmonie entre les scénaristes qui prolongeaient en bonne intelligence les histoires des copains.

Alors qu’au numéro 50 de la série Wolverine, Larry Hama nous apprenait que tous les souvenirs de Wolverine étaient des implants, le même décidait de mettre en scène sa Nemesis Dents de Sabre dans sa mini série. Il s’agit du premier véritable focus sur le personnage.

C’était le bon vieux temps du Comic Code, un truc révolu aujourd’hui où le sang était noir, où les coupures de griffes de nos super félins faisaient de petites égratignures et où les scènes les plus violentes étaient masquées en ombre chinoise.

Où jai foutu mes clés moi ?

Où j’ai foutu mes clés moi ? © Marvel Comics

Dans cette arc mémorable Sabretooth est victime d’un super vilain lui implantant une bombe à retardement près du coeur. Il a 48 heures pour rapporter la tête de Mystique avant  que l’explosion ne repeigne les murs. Notre super vilain à l’haleine fétide va découvrir qu’il est manipulé et que des liens étroits l’unissent à Mystique : un fils qui souhaite la mort de ses parents ! Il n’ y a pas de spoilers pour une histoire vieille de 20 ans. C’est ici que l’on apprend la parenté unissant le fasciste Craydon Creed à Mystique et Sabretooth.

Évidement la série a mal vieilli. Hama excellait dans des récits d’actions extrêmes jouant parfois avec les clichés, parfois en créant des situations cocasses. On n’ attendait pas de Victor Creed des monuments de finesse, mais effectivement le voir jurer que par ses bagnoles et ses motos, jouer les gros bras en donnant des coups de poings à une femme qui voulait l’aider est parfois embarrassant …

Les années 90 dans toute leur splendeur....Restez, cest  vraiment bien !

Les années 90 dans toute leur splendeur…. © Marvel Comics

Tout comme les scènes d’actions où sa copine Birdy inonde à la sulfateuse des kms de Ninjas de La Main avec une tonne de douilles à ses pieds. Ou des dialogues de Séries Z du style Gaijin , nous ferons de ta tête un vase de nuit.…Et puis mieux vaut ne pas demander pourquoi Creed attend la fin de l’histoire pour s’ouvrir le thorax, arracher la bombe et laisser son healing factor faire le reste …

Et pourtant cette série a gardé un charme indéniable dans le sous texte . Hama réussit à faire d’une pourriture de la pire espèce le héros d’une mini série avec de vrais enjeux dramatiques . A aucun moment le lecteur n’éprouve de l’empathie pour Victor Creed, sa cruauté, son côté rustre et sa violence. Pourtant le personnage non dénué de courage , d’intelligence et d’intensité allait ouvrir la voie à des personnages comme Lono de 100 Bullets : des ruffians de la pire espèce capables de vous assassiner en rigolant et au pouvoir de séduction / répulsion fascinant.

Crucifié par la bombe

Crucifié par la bombe © Marvel Comics

Outre l’action ultra classique mais tellement efficace ( la bombe à retardement à la New York 1997  désamorcée à dernière minute) , Sabretooth propose des flashabacks captivants sur la jeunesse du tueur, la relation amoureuse sincère qu’il semble avoir noué avec Mystique et la jeunesse perturbée de Graydon Creed avec deux parents criminels. Évidemment les enchères augmentent lorsque le père et le fils vont essayer de s’entretuer.

Et écrire un récit sur un tueur entravé par le Comic Code de l’époque n’était pas la portée de tous …. Plein de bonnes idées quand même : l’enfance de Victor Creed dont on ne sait s’il est coupable ou victime de ses pulsions, l’explication à la jeunesse éternelle de Mystique, une apparition gratuite mais irrésistible de Wolverine qui dîne avec son ennemi au sommet de la tour Eiffel et l’addiction de Creed au shoot télépathique qui lui permet de calmer ses pulsions meurtrières.

Encore une soirée foutue....

Encore une soirée foutue…. © Marvel Comics

Torturé par son père, responsable de la mort de sa mère et d’un cycle de haine qui se perpétue, Creed renoue ici avec la figure du tueur en série à la fois repoussante ( Hama ne fait aucun effort pour dissimuler la violence du personnage) et pathétique : le vilain a été martyrisé dès son enfance qu’il retrouve par intermittence grâce à Birdy.

Birdy est en effet une télépathe qui donne une dose à Sabretooth de souvenirs d’enfance qui calment la bête.  C’est très malin et permet de créer une forme d’empathie pour l’un des pires vilains de Marvel. Il est souvent dit que Creed est le miroir inversé de Logan, comme Magnéto celui de Xavier…Pour la première fois depuis sa création, Sabretooth prenait une vraie aura dramatique et très inquiétante. Hama écrit ici un récit proche de Sin City dont le premier volume était publié deux ans plus tôt. Un récit de durs à cuire où les vilains étaient les moins pourris dans la faune environnante.

L’enfance tragique d’une ordure © Marvel Comics

Victor Creed lutte contre son amie Birdy qui le trahit, contre Mystique qui lui a caché l’existence d’un enfant et son propre fils qui veut le tuer. Traqué de part et d’autres, Sabretooth ne cherche pas à fuir, accepte et embrasse sa nature violente sans tricher avec lui-même ni les autres. Face aux ordures qu’il affronte, il représente paradoxalement un refuge de sécurité face à cette violence qui se déchaîne. Car Creed sans le savoir a engendré un cycle de haine qui le dépasse en donnant naissance à un Hitler en puissance, traumatisé par ses parents.

La fin, impitoyable de haine et de violence allait ouvrir une ère où Sabretooth ira chercher à sa manière une forme de rédemption chez Charles Xavier. S’ensuivra une période passionnante mise en scène par Lobdell et Nicieza où il jouera Hannibal Lecter coincé dans la cave des X-Men. Comme si le destin de cet homme était de retourner dans la cave où il était enfermé petit.  Le temps d’Age of Apocalypse, il deviendra même un héros avant de mutiler gravement les Xmen de retour sur terre 616.

Un vilain ! Un vrai !

Un vilain ! Un vrai ! © Marvel Comics

Les illustrations de Texeira viennent appuyer la violence de l’histoire. Les silhouettes y sont esquissées dans toute leur brutalité, l’impression de danger décuplée par les exagérations anatomiques assumées (les griffes de Wolvie doivent bien faire un mètre de long bien plus que ses avants bras ! ). Les couvertures sont superbes et on n’aimerait vraiment pas avoir à faire à ce mutant en face de nous !

Malgré des stéréotypes parfois gênants et macho, Sabretooth : Death Hunt est un grand classique des 90’s plein d’action, de fureur, de testostérone et de conflits oedipien. Alors que les illustrations pourraient laisser croire à un récit burné garanti sans neurone, Hama écrit une histoire surprenante oscillant constamment entre la souffrance, la violence et la peine.

Mon fils, tu vas crever !

Mon fils, tu vas crever ! © Marvel Comics

Malgré toute la haine entre le père et le fils, Sabretooth, un vilain dont on sait qu’il a déjà tué des enfants, est rattrapé par un zeste d’humanité et ne se résout pas à tuer son bambin…

Il ne s’agit pas d’une mini série lambda prétexte à exploiter le filon des Xmen, mais bien d’un focus pertinent sur un vilain fascinant, le seul, le vrai tueur en série de l’univers Marvel  ! Pour les fans du griffu blond, c’est la bible du personnage même si Frank Tieri pondra par la suite un récit encore plus effrayant, débarrassé du comic code et précurseur de Marvel Max : Sabretooth: Back to Nature. Bien loin du bouffon qu’il est devenu aujourd’hui…

Nowhere to Hide : Creed se parle à lui-même ?

Nowhere to Hide : Creed se parle à lui-même ? © Marvel Comics

41 comments

  • Matt  

    A propos du run de Bendis sur Daredevil (ouais, reprise du débat un an après !) je suis en train de me procurer les rééditions en marvel select. Je n’ai jamais lu la suite après « the widow » puisque les bouquins étaient devenus hors de prix.
    J’avoue que j’aime bien ce run, même si je ne le déclarerais pas comme un chef d’œuvre. Et pour l’instant ça me plaît. Mais je n’ai pas encore lu le fameux Murdock papers. Il me manque golgen age, le decalogue aussi. Sortie en septembre du tome qui contient tout ça.

    Puisqu’on parle de rééditon et pour rebondir vers le sujet de l’article (dont j’avais déjà parlé), je trouve vraiment dommage que certains runs soient réédités 30 fois mais que la période Semic soit aussi pauvre en rééditions. Encore ce Sabretooth ça va, le papier est correct, la revue Top BD n’a pas trop vieillie. Mais la période fin Lug/début Semic contient pas mal de revues dont le papier ne demande qu’à tomber en miettes.
    J’ai pas mal hésité à me procurer justement le run de Nocenti sur Daredevil via les revues Semic mais même si le net c’est super pour trouver tout ce qu’on veut, je bloque à cause de mon ignorance totale de la qualité du papier de ces revues. Autant Semic a parfois utilisé un papier qui tient très bien dans le temps (genre les revues Semic sur les épisodes de Spidey de la saga du clone) autant il y a aussi des « récits complet marvel » tout jaunis et fragiles…

    S’il faut attendre les intégrales VF pour avoir des récits des années 90…on n’a pas fini d’attendre.
    Et je dis ça alors que je ne suis pas un grand fan des années 90. Mais par principe, il faudrait que ce soit réédité.

  • Nicolas Giard  

    Brillante mini-série des années 90, captivante, et un bon souvenir des albums TOP BD made in Sémic.

    Merci pour ce bel article, une madeleine de Proust franchement hardcore.

    A propos, il y aurait un procès de Grant Morrison en préparation sur ce site ? Je vais venir avec du pop corn et m’assoir au premier rang. J’attend le remier roudn avec impatience !

    • Bruce lit  

      @Matt : je te confirme que le papier des VI de DD est pourri. C’est du papier buvard qui était déjà jaunâtre il y a 25 ans. Il ne reste plus qu’à miser sur une nouvelle recette de la sandwicherie. Concernant le run de Bendis sur DD, il est réussi jusqu’à Hardcore. Après il contient son lot de trucs inachevés: The décalogue ou totalement WTF: The murdock papers justement, ou Golden Age. Sais tu que JP a pondu tout un papier là dessus ?
      @Nicolas: tu ne seras pas déçu, prends toi un grand sceau….

      • Matt  

        Diante ! Dois-je renoncer à mon achat du tome 4 qui contient précisément Golden age, le decalogue et murdock papers ?
        L’ennui c’est que j’aime le début du run de Brubaker et pour le coup c’est vraiment une suite directe. ça ferait un trou.

        Merci pour l’info sur les revues Semic de Daredevil. C’est le genre de choses que j’aimerais trouver en magasin plutôt que sur le net pour pouvoir juger de l’état.

        • Bruce lit  

          Hélas si tu veux connaître la fin de l’histoire de Bendis et enchaîner avec le run de Brubaker, le volume 4 est indispensable.
          Le papier de la VI est le même que ceux de l’époque pour thor, Xfactor etc.

          • Matt  

            Oui, mais ce qui perturbe c’est qu’à côté de ça la revue X-men de la même époque (qui publiait…ben…X-men…sans aucun adjectif devant) a un bon papier qui a bien supporté les années. J’ai l’équivalent de « a skinning of souls » et l’épisode central de « fatal attractions » (qui se suffit à lui-même je trouve, puisque j’avais tout compris sans savoir que c’était un crossover à l’époque) dans ces revues.

            ça donne de faux espoirs pour d’autres revues et je me suis déjà fait avoir à choper du X-factor tout abimé.

          • Tornado  

            @Matt :Fais gaffe avec les copains, ils sont hyper sévères avec le run de Bendis sur DD. Pour ma part j’ai tout aimé, notamment « Golden Age » que j’ai adoré. Le soucis c’est que les copains regardent avant tout les incohérences de script et ce que dit ou fait le personnage « in continuité », ce dont Bendis se foutait un peu, afin de raconter ce qu’il voulait. Et le fait est qu’il racontait ça vachement bien (à l’époque). C’est de la très bonne BD, au delà des incohérences en question.

          • Jyrille  

            Pareil que Tornado j’aime tout le run de Bendis. Faut dire que je ne connaissais pas DD avant ce run, ou disons que le seul que j’avais vraiment lu (et non pas une connaissance superficielle du perso) c’était Elektra lives again de Miller. Depuis je me suis payé les trois intégrales de Miller sur DD en VO + Born again. J’hésite toujours à acheter les dernières rééditions VF chez Panini…

          • Bruce lit  

            De quelles éditions parles tu Jyrille ?

          • Matt  

            @Tornado et Jyrille : Je note, je me ferai mon propre avis sur cette fin du run de Bendis.

            Sinon qui est fan d’Elektra ici ? Des recommandations de lecture ? Et par quoi commencer ? Je ne connais RIEN du personnage et je ne sais même pas si elle est intéressante comme perso.

  • JP Nguyen  

    @Matt : pour Elektra, il faut (à mon avis) absolument lire ses débuts dans la série Daredevil, par Frank Miller. C’est en soi un run d’anthologie et quasiment toutes les autres itérations du personnage font référence à ce run initial.
    Après, Elektra est pour moi un chouette perso mais qui a du mal à fonctionner sur le long terme. Tu peux trouver assez facilement des reviews d’Elektra sur le blog, j’ai chroniqué Elektra Lives Again (Bruce aussi, mais il n’avait pas aimé du tout) et Roots of Evil. Il y a aussi Assassin, par Miller et Sienkewicz qui a été chroniqué par Présence.
    La dernière série Marvel Now, illustrée par Mike Del Mundo, était graphiquement remarquable.

    • Matt  

      Ah ouais, mais ça fait mal les 3 énormes volumes de DD par Miller « juste » pour connaitre les débuts d’Elektra…
      Bon tu vas me dire que c’est surement génial le DD de Miller^^ mais bon…
      La série Marvel Now est magnifique en effet et j’ai pas mal hésité à l’acheter avant de me rendre compte que je connais tellement rien d’Elektra que je n’arrive pas à me motiver à la lire.
      Je vais lire quelques reviews.

      • Tornado  

        Matt : Le DD de Miller, c’est le top…

  • Nikolavitch  

    Oh, cette mini sur Dents de Sabres avait été l’objet d’un de mes tout premiers articles, y a déjà un quart de siècles (dans la première demi-douzaine, je dirais). faut que j’essaie de retrouver ça et d’en faire un scan, tiens (j’ai pas d’archives numérisées, je tapais ces trucs à la machine, à l’époque).

  • Eddy Vanleffe  

    Mini assez sympa dans sa modestie en fait…
    La première fois que j’appréciais le graphisme de Mark Texeira qui au même titre que Ingres rajoutait pas mal de vertèbres à ces personnages. quand j’ai vu les couvertures peintes je me suis pris à rêver d’un One shot de Conan peint comme ça (Frazetta sous amphét’)

    Tout est cliché mais délicieusement exagéré pour en être amusant. L »auteur de l’article met en exergue justement l’habileté des scénaristes de l’époque pour contourner le CCA pour rédiger des récits bien glauque, bien malsain et puis putain qu’est-ce que j’ai rigolé avec cette réplique sur les vases de nuit…

  • Bruno. :)  

    Pour le trash du graphisme ( et du découpage ! ), qui donne une ambiance très perso: les héros ont vraiment leur costume peint sur la peau, pour le coup !
    C’est énorme, encré avec un bâton et, si j’ai complètement zappé le nœud de l’intrigue ( ?! ), j’ai trouvé que la relation maitre-esclave entre Dents De sabre ( son patronyme est trop fun et efficace, en Français ! ) et la jeune Birdy avait tout pour l’exposition d’une relation sado-masochiste au pays des super-héros ! Les scènes de lit manquent cruellement à cette histoire, alors qu’elles sont fortement suggérées…
    Quel dommage que, justement parce qu’on s’y trouve bel et bien, au pays du Comic Code ( l’hypocrite ! ), on doive se contenter des habituels ressorts bien rouillés de ce vieux matelas à bonne conscience.
    Pour les curieux, surtout.

    • Bruce Lit  

      Il y a une sortie de lit très explicite entre Victor et Mystique.

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