Interview Richard GUERINEAU

Richard Guerineau sort du silence

1ère publication le 22/04/22 – MAJ le 27/07/22

Un entretien entre voisins par FLETCHER ARROWSMITH
Richard Guérineau brise la loi du silence
©Richard Guérineau

J’ai rencontré pour la première fois Richard Guérineau à l’occasion de la sortie de SEUL LE SILENCE à l’automne dernier, à la librairie du Contretemps. Je n’avais pas encore terminé de réellement digérer son adaptation en bande dessinée du roman de RJ Ellory. Au départ j’étais plus excité de discuter autour de CHARLY 9 (que je trouve meilleur que le roman) d’après Jean Teulé, cadeau d’un précédent anniversaire. Le courant est immédiatement passé, surtout que je venais d’apprendre via ma libraire que Richard Guérineau, en plus d’être très accessible, habite dans la même ville que moi.

Depuis la force graphique et narrative de SEUL LE SILENCE a fait du chemin. J’ai pu juger de la qualité de l’adaptation à travers les nombreuses réminiscences qui me sont venues à l’esprit longtemps après avoir tourné la dernière page, mais surtout la proposition de Fabrice Colin et Richard Guérineau m’a à nouveau cueilli. En effet, au départ, j’avais de gros doute d’avoir lu ce roman de RJ Ellory, ayant plus en mémoire LES ANONYMES ou les ANGES DE NEW YORK. Et puis au fur et à mesure que je suivais les mésaventures de Joseph, le personnage principal de SEUL LE SILENCE, je me rappelais la puissance d’une histoire terrible au milieu d’Amérique qui pansait encore ses plaies de la grande dépression dans des paysages de dust bowl ou bassin de poussière.

Depuis l’automne dernier, Bruce m’a fait confiance et intégré à l’équipe de Bruce Lit. A l’occasion d’un de nos échanges, la possibilité de faire un papier sur SEUL LE SILENCE c’est imposé à nous, en complément d’une précédente interview de RJ Ellory himself. Une rencontre avec Richard Guérineau, s’est donc naturellement dessinée.

Plus de 2 heures d’échange sans silence ni tabou, où les masques tombent autour de quelques bières, ont eu lieu le 2 février dernier dans un bar béglais. Actualité oblige, SEUL LE SILENCE nous a bien occupé mais cette interview fut également l’occasion d’échanger sur les précédents travaux de Richard, notamment CROKE PARK, l’autre Bloody Sunday Irlandais, celui de 1920.

Je remercie Marina de la librairie du Contretemps et ma voisine Juliette, pour avoir créé les conditions de cette rencontre.

Œuvres (toutes dessinées par Richard Guérineau) évoquées pendant l’entretien :
SEUL LE SILENCE, scénario de Fabrice Colin, édition Philéas
CROKE PARK, scénario de Sylvain Gâche, édition Delcourt
CHARLY 9, scénario de Richard Guérineau d’après Jean Teulé, édition Delcourt
PAROLES DE SOURD, collectif sur un scénario de Eric Corbeyran, édition Delcourt
LE CHANT DES STRYGES, 18 albums, scénario de Eric Corbeyran, édition Delcourt

Après CHICAGOLAND, SEUL LE SILENCE, un autre roman de RJ Ellory adapté en bd
© Philéas
Seul le silence

Pouvez-vous nous raconter la genèse de votre dernier album, l’adaptation du roman de RJ ELLORY, SEUL LE SILENCE. Aviez-vous lu le roman avant de vous consacrer à son adaptation graphique ?

C’est une ex-éditrice de Delcourt que je connaissais, qui travaille pour Phileas, qui m’a contacté. Je lui ai demandé de m’envoyer le roman. Je n’avais jamais lu Ellory jusqu’alors, je le connaissais de nom uniquement. Je partais donc avec un à priori. Ayant lu beaucoup de polar américain je pensais que cela n’allait pas trop me surprendre puis je me suis laissé embarqué dans le roman. L’ambiance, l’époque, l’atmosphère un peu poisseuse de chaleur m’ont énormément séduit. Je l’ai très vite terminé et cerise sur le gâteau, l’intrigue policière m’a cueilli sur la fin. Cela faisait de bons points. L’éditeur et Fabrice Colin (LA BRIGADE CHIMERIQUE), en charge de l’adaptation, avaient également très vite pensé à moi pour cet ouvrage-là.

Sur SEUL LE SILENCE l’action se déroule essentiellement en Géorgie puis à New York, dans les années 40 puis sur quelques décennies. Alors la Géorgie c’est comment ?

Aller sur place, en l’occurrence je ne suis pas certain que cela aurait servi à grand-chose. La Géorgie je n’y suis jamais allé mais je connais un peu le Texas et la Louisiane, une partie du vieux Sud plus vers le Texas. A part pour les paysages éventuellement, et encore on arrive aujourd’hui à se documenter avec Internet, il faut bien chercher. Aller sur place oui, pour bien s’imprégner d’une ambiance mais comme là on est dans les années 40, l’atmosphère n’est plus du tout la même. Quand on travaille sur un récit dans le passé on ne peut trouver que des vestiges si on se déplace sur les lieux. Je préfère me nourrir avec des romans, des films, des séries et avec des images, photos, peintures … pour faire mes recherches documentaires.

Sur les traces du tueur d’ange
©Philéas

RJ. Ellory a une particularité, il n’est pas adapté au cinéma ou en série. Souvent les auteurs n’aiment pas voir ce qui adapté à l’écran pour ne pas être influencé.

C’est toujours un peu casse gueule d’aller voir les adaptations télé ou au cinéma. On a peur de retomber sur le même genre d’idée. Comme le récit est déjà là il n’y a pas beaucoup de danger que cela se ressemble trop. En revanche c’est plus sur des idées de mise en scène que l’on peut souffrir de la comparaison. En même temps je n’ai jamais dessiné de roman déjà lui-même adapté au cinéma. Donc je n’ai jamais eu ce problème.

C’est donc un territoire vierge en termes d’image. Quelle furent vos sources d’inspiration pour mettre en image ces différentes atmosphères en collant à l’époque ?

Deux inspirations me reviennent en tête, un film et une série. Le film s’appelle MUDBOUND, un super film qui se passe à peu près à la même époque ; retour de guerre, vieux sud, ambiance poisseuse. Une belle source visuelle de documentation pour m’immerger dans cet univers rural américain des années 40. L’autre c’est une série, qui se passe un peu plus tôt, dans les années 30, DAMNATION. Une espèce de western avec des ouvriers grévistes dans un bled paumé qui proteste contre la banque locale. Il y a un espèce de prêtre qui en réalité n’en est pas un, tendance casseur de grève En termes d’ambiance les deux sont hyper soignés, cela m’a nourrit. Je les regarde pendant que je suis dans l’album mais je laisse aussi décanter après, cela ne me sert pas forcément tout de suite. Je ne me fais pas des arrêts sur images. C’est une immersion dans une époque.

D’où vient ton choix d’un traitement de type sépia dans la colorisation de SEUL LE SILENCE. On aurait pu imaginer des nuances de gris ou bleu à la lecture du roman.

Pour les gris, l’ambiance noir et blanc sur tout un bouquin c’est un peu casse gueule et j’avais envie de me réserver des passages en gris pour certaines scènes de flashbacks. Mais je voulais quelque chose de très monochrome, j’étais sûr de cela dès le départ et avant même de commencer la bd. Partir dans des ocres jaunes, du sépia, des couleurs qui retranscrivent cette ambiance de chaleur moite du vieux sud. C’est la base qui allait constituer l’essentiel du récit. Et puis cela me permet de créer des ruptures à certains moment où la violence et l’horreur apparaissent dans le récit. Il y a des images qui sont assez crues. Je voulais les traiter avec des teintes plus contractées : des rouges, des couleurs plus violentes.

Mais New York est un peu plus gris et coloré. La couleur est donc une façon de répondre à l’évolution dans le temps du récit ?

C’est exactement cela. Au fil du récit, on avance dans le temps, on arrive dans les années 60. Je me suis dit qu’il fallait que je fasse évoluer les couleurs. Et pour retranscrire l’ambiance un peu plus pop, entre guillemets, j’ai intégré plus de teintes tout en restant en cohérence avec la colorisation du début.

Case rouge sang encadrant le jeune Joseph
© Philéas

Il y a une violence qui est suggérée mais également une violence visuelle.

C’était l’idée. Pas sur tous les meurtres car il ne fallait pas répéter le même procédé à chaque fois. Et Fabrice Colin, le scénariste, a été assez malin en amenant chaque meurtre d’une manière différente. Il fallait, au moins à une ou deux reprises, montrer l’étendu de l’horreur, de l’abomination que ce tueur fait subir à ces petites filles. Il fallait mettre les pieds dans le plat, les mains dans le cambouis. Le lecteur devait se dire ‘Quelle horreur ».

La colère ou la violence directe interviennent par des éclats de rouge, brusquement, comme pour souligner l’horreur brutale du passage à l’acte.

La couleur rouge c’est quelque chose de brutal et violent. C’est aussi montrer l’horreur d’une manière assez frontale. Une fillette découpée en morceaux, je le montre. Je fais ce choix là parce que c’est important et c’est ce que j’ai ressenti en lisant le roman. J’essaye de retrouver un équivalent en bd des émotions et sentiments que j’ai ressenti en tant que lecteur du roman.

Joseph par Richard Guerineau
©Fletcher Arrowsmith

Si je fais un parallèle avec une autre de vos séries, assez violente, LE CHANT DES STRYGES, on navigue également dans l’horreur mais du fait de son côté fantastique, il y a une distanciation pour le lecteur. Là on est presque dans le réel. A-t-il été difficile de mettre en image les meurtres, cette violence crue qui peut nous concerner notamment à cause des enfants ?

C’est un sentiment qui apparait de manière assez régulière quand on dessine des scènes d’horreur ou de violence. Cette question-là vient toujours à un moment donné. « Mon vieux mais qu’est-ce que je suis en train de dessiner, pourvu que ma fille ne voit pas cela ». Et en même temps j’ai toujours éprouvé une fascination, non pas pour la violence, mais pour sa représentation en image. C’est une thématique qui me fascine depuis très longtemps, que l’on retrouve dans énormément de mes livres. Tu citais le CHANT DES STRYGES, c’est un très bon exemple, car selon les bouquins il y a plus ou moins de distance face à cette violence. Et cela concerne le lecteur cette distance-là. Dans LE CHANT DES STRYGES on est dans un récit de genre à l’américaine où on se dit que c’est du cinéma, que ce n’est pas la réalité. On a tous des codes sur le fantastique, le thriller, des conventions qui nous permettent de représenter la violence en mettant la distance nécessaire. En revanche que je dessine une scène de massacre, que ce soit dans CHANT DES STRYGES ou dans CROKE PARK ou CHARLY 9 je suis toujours à la même distance. Si je dois mettre le nez dedans, je le mets, comme si c’était la réalité en sachant qu’en vrai je ne pourrais pas supporter des horreurs pareilles.

Autre exemple de la distanciation, le sexe. Dans le CHANT DES STRYGES, il y a un côté érotique plutôt soft alors que dans SEUL LE SILENCE, les rares scènes de sexe présentes sont plus crues et naturelles.

Dans la scène de sexe dans SEUL LE SILENCE j’y suis allé tranquillement. Je n’ai pas voulu quand même être trop cru dans la représentation. Ce n’était pas le but. Je voulais montrer qu’il tombait réellement amoureux donc pas uniquement une scène de cul.

On aurait même pu l’éviter !

C’est vrai mais c’était un choix de Fabrice Colin de mettre cette scène-là. Cela permettait aussi de raccourcir l’histoire. Le roman est très long. Et tous ces passages où on voit qu’il est amoureux, où le personnage se met en couple il s’en passe du temps dans le roman. Il fallait condenser tout cela. Et on clôt également une phase de l’histoire par cette scène-là. Le rapport sexuel est important pour ce gamin à cette époque-là, pour elle aussi. La montrer de manière pas trop crue cela permettait de ne pas focaliser uniquement sur cet aspect sexuel mais montrer que si on arrive là c’est qu’ils sont très amoureux.

Un ange passe…
© Philéas

108 pages pour adapter en bd SEUL LE SILENCE, c’est à la fois beaucoup et peu quand on connait le livre.

Pour moi on est quasiment dans le roman graphique. La longueur c’est une question que je me suis beaucoup posée. Très honnêtement au départ je pensais le faire tout seul. Puis j’ai appris que cela serait sur un script de Fabrice Colin, l’adaptateur officiel de RJ Ellory. Ils se connaissent bien Il a déjà adapté CHICAGOLAND. Ellory a accepté cette adaptation car il y avait Fabrice Colin, avec qui il a noué une relation de confiance. J’ai été décontenancé, puis j’ai réfléchi. Finalement cela m’arrangeait car une des grosses difficultés allait être de condenser le roman. J’aurais fait cela tout seul, je n’aurais pas réussi à le faire en une centaine de pages. Finalement j’étais assez content que Fabrice s’en charge.

As-tu discuté des choix d’adaptations avec Fabrice Colin ?

Quelle scène il va privilégier, quel passage il va éjecter, ce sont des interrogations que l’on a. Il me vient un exemple d’un passage, où on voit le jeune Joseph observant de sa fenêtre une silhouette avec un grand manteau cheminant entre sa maison et celle de ses voisins allemands. J’avais trouvé ce moment, court, très évocateur et puissant. Fabrice, lui a décidé de ne pas le retenir. On en a discuté, cela ne l’avait pas marqué. C’est donc totalement subjectif et puis c’est aussi un choix pour des questions de place car cela aurait pris 1 ou 2 pages de plus.

Donc une collaboration fondée sur l’échange.

En revanche ce qui était plus difficile pour moi, c’est que Fabrice ne m’a pas envoyé le script d’un bloc. Il me l’a transmis scène par scène. On a dealé entre nous : tu condenses le roman, tu fais les choix que tu souhaites mais tu me laisses toute liberté quant à la mise en scène et en page. Le script était très bavard et j’ai pu couper certains moments, parfois dans les textes où s’il fallait ajouter une page à un moment donné je lui disais : « là ça va être trop court pour le faire en 4 pages je vais en ajouter une ».  Voilà c’étaient des discussions de cet ordre-là. Mais comme le bouquin se faisait au fur et à mesure je n’avais aucune vision globale de ce qu’allait être le récit. Heureusement il avait prévu et fait un petit plan des 5 parties du roman et il prévoyait à peu près 30 pages sur chacune. Mais plus on avançait dans le récit et plus je me disais que cela allait être très court pour terminer. Et en effet plus on approche du dénouement plus les pages se densifient. Je ne sais pas si tu l’as remarqué ?

Oui et j’ai trouvé que ça fonctionnait très bien notamment parce que dans le roman et à peu près tous les livres de RJ Ellory, la fin est souvent rushée.

Oui, finalement cela marche. J’étais rassuré. Cela ne s’est joué à pas grand-chose. J’aurais eu quelques pages de plus j’aurais pu faire moins d’images par page. Ce qui était important c’était de retrouver cette accélération que l’on a à la fin du roman. Tout d’un coup tout s’emballe, tout se dénoue, dans le dernier chapitre quasiment. C’est quelque chose qui m’avait cueilli dans SEUL LE SILENCE. Classe, car pour arriver à me surprendre il en faut, car j’en ai lu des romans policiers.

C’est également un peu une marque de fabrique de RJ Ellory.

Je n’en ai lu que deux et l’autre, dont j’ai oublié le titre, n’est pas construit de la même façon. Il y a quand même un côté un peu cinéma dans ce type de roman. Il ne faut pas non plus se donner trop le loisir de réfléchir à postériori.

Le risque c’est quand même de s’attacher aux personnages. Dans SEUL LE SILENCE on a envie de continuer à faire un bout de chemin avec Joseph, de savoir ce qu’il devient et on est peiné de ce qui lui arrive. On oublie presque l’enquête en fait.

C’est exactement cela qui m’a séduit dans SEUL LE SILENCE, tu l’as très bien résumé. A un moment donné finalement on oublie les meurtres. On s’en fiche presque tellement l’ambiance et l’atmosphère du livre et les personnages sont attachants.  On a envie de rester avec eux. C’est pour moi la marque des bons romans. Ce n’est pas uniquement un petit roman policier.

New York à la tombée de la nuit dans les années 60 : plus de couleurs, de chaleur
© Philéas

J’aime bien cette définition

Il y en a plein de ce que j’appelle des faux polars. Des romans d’ambiance et d’atmosphère avant tout et accessoirement on utilise une intrigue policière. Joe LANSDALE par exemple qui a écrit pas mal de romans se déroulant dans le même coin, dans le sud des États-Unis avec les marais et le bayou. Il n’a pas son pareil pour raconter une histoire policière avec une atmosphère propre et des personnages attachants.

On a discuté tout à l’heure du travail sur la couleur et le temps qui passe. Mais comment arriver à faire vieillir des personnages, notamment l’évolution physique? En littérature c’est forcément plus simple avec parfois une simple description ou même aucune. Le lecteur n’aura pas de mal à se faire une image d’un personnage avec 30 ans de plus.

En dessin ce n’est pas si facile parce que finalement il y a toujours le risque de perdre le lecteur. On a tous nos trucs mais le lecteur a aussi envie de continuer à avoir des repaires sur les personnages. Pour moi c’est surtout plus difficile sur les personnages féminins. Elles sont hyper délicates à dessiner. Il faut en général qu’elles soient jolies mais en même temps pas trop. Il y a un truc complexe autour du personnage féminin plus que pour les personnages masculins.

Tu as vu IRISHMAN de Martin Scorsese ?

Oui et c’est un très bon exemple. En dessin, je trouve cela plus facile de faire vieillir un personnage masculin qu’au cinéma. Et IRISHMAN c’est un parfait exemple de ratage total sur le vieillissement et le rajeunissement. Scorsese a testé avec un logiciel mais cela ne marche pas. Et pourquoi cela ne marche pas ? Car on sait à quoi ressemblait De Niro jeune. Et vieux, rajeuni par un logiciel cela ne donne pas la même chose. Il semble toujours aussi vieux en fait. C’est une mauvaise idée. C’est artificiel, un gadget comme l’a été la 3D au cinéma. Je préfère à l’ancienne quand on prend d’autres acteurs pour interpréter le même rôle.

Pour en revenir à cette difficulté sur les personnages féminins…

C’est le fameux syndrome du vieillissement du personnage féminin. Il y a cette espèce d’âge un peu maudit notamment au cinéma avec par exemple des rides qui se voient. Une espèce de zone grise, 40 – 50 ans, que l’on ne veut pas voir, pas facile à appréhender. C’est un peu pareil en dessin, pas pour les mêmes raisons. Dessiner une jolie petite nana de 20-25 ans, ok très bien on peut le faire. Dessiner une femme d’âge mur, une sénior, pareil. Mais dessiner une femme entre ces deux âges, la quarantaine ou la cinquantaine sans la faire comme si elle avait 20 ans, ce n’est pas simple. En dessin c’est délicat, cela tient à 2mm en trop, une fossette, un cerne, les joues creusées c’est rapidement de suite trop. L’équilibre est compliqué à trouver.

Donc Avec SEUL LE SILENCE ce fut donc aisé, car ce ne sont pas les personnages féminins qui vieillissent, malheureusement pour certaines.(Rires partagés avec Richard)

CROKE PARK

Bloody Sunday
©Delcourt

Le week end dernier (interview réalisé le mercredi 2 février) ce fut le triste anniversaire (30 janvier 1972) du Bloody Sunday, celui chanté par U2. Vous en avez dessiné un autre dans CROKE PARK sur un scénario de Sylvain Gâche. Qu’est-ce qui t’as intéressé sur ce projet ?

A priori il y a même un troisième en 1916 à Dublin. (ndr : l’insurrection de Pâques en 1916 en effet)

Oui ils y sont malheureusement abonnés.

Quand j’ai expliqué ce projet à mes potes, ils n’ont pas compris. Mais qu’est-ce que tu vas faire là-dedans. L’idée au départ vient de Christophe Goret (NOTRE MERE LA GUERRE) qui fait de la bd historique et en tant que fan de sport a proposé à DELCOURT de lancer une collection autour du sport et de l’histoire. A partir d’un évènement sportif, connaitre l’histoire, petite ou grande qu’il y a derrière. Comment des évènements sportifs se mêlent à la grande histoire. J’ai trouvé ce concept intrigant et intéressant. Il m’a proposé plusieurs scénarios dont un sur les frères Acariès avec la boxe et l’Algérie et un autre que j’ai oublié. Moyennement emballé car en plus je ne suis pas très sportif, pas très amateur d’évènements sportifs non plus. Je lui ai dit qu’à la rigueur j’aimais bien regarder le rugby à la télé. Et là bingo, il me sort le projet CROKE PARK.

Des images te sont venues immédiatement en tête ?

Exactement, Bloody Sunday, l’Irlande, 1920, IRA, l’indépendance. Cela me fait envie. Il m’envoie le scénario de Sylvain Gâche. L’idée de raconter le Bloody Sunday de 1920 en alternance avec le match de rugby du tournoi des 6 nations de 2007 sur le terrain du massacre entre l’Angleterre et l’Irlande, m’a convaincu d’y aller. Je n’imaginais pas ce match avec tous ces enjeux derrière. C’était un moment où j’étais un peu perdu dans ce que je voulais faire. J’ai même dit à Sylvain qu’il a eu du bol. On me l’aurait proposé à un autre moment j’aurais dit non, mais là j’y suis allé en me disant que c’est un genre, le sport en BD, que je n’avais jamais fait. Intéressé par ne pas redessiner la même chose. En termes de visuel, d’époque mais aussi de collaboration.

Faire la passe, marquer un essai : le défi de dessiner du rugby
©Delcourt

Si il y a bien un genre qui est compliqué pour parler du sport, c’est la bande dessiné. Cela a beau être un art séquentiel, c’est quand même immobile au départ, cela ne bouge pas au contraire du sport. Les gestes sportifs, l’intensité dans l’effort sont particulièrement bien représentés alors que c’est un genre à part.

Cela a été assez complexe et un véritable challenge personnel. Comment traduire le mouvement lié au sport avec de l’image fixe même si c’est un art séquentiel. On pourrait croire que c’est comme dessiner une bagarre ou une baston. Le dynamisme en image je sais faire. Sauf que là, il n’y a pas que cela. Le rugby est en plus un sport complexe, qui me fascine intellectuellement. Un sport où il faut avancer en reculant, en lançant la balle en arrière. La contradiction reste fascinante. Il faut montrer des joueurs qui avancent, avec un effet de mouvement arrière pour la passe. Les phases d’action sont très stratégiques, on avance en ligne, en gagnant du terrain. Il faut arriver à faire comprendre toute la phase d’action et je n’ai que 2 pages. Heureusement Sylvain Gâche m’a envoyé des captures d’écran du match, toute la documentation qu’il fallait, la vidéo du match même. Puis ce fut de la broderie pour sélectionner telle pauses, telles images, telles phases de jeu. Ce fut un casse-tête mais je me suis bien éclaté finalement.

Tu en as profité pour assister aux matchs de l’UBB par exemple (bien classé au TOP 14) ?

Non, je suis resté focalisé sur le match en question. Et puis cela ne joue pas pareil entre les matchs internationaux et le championnat national.

J’ai été bluffé par le soin apporté à la reconstitution historique de l’Irlande des années 20 ? As-tu appliqué la même méthode sur CROKE PARK que sur SEUL LE SILENCE ?

Le Dublin de 1920 a changé en un siècle. Néanmoins Dublin j’y suis allé. C’était l’occasion et pour le coup c’était intéressant car pour CROKE PARK j’ai pu voir la topographie de la ville. J’avais une idée ainsi plus précise de la ville. Et il y a quand même des rues, des lieux qui sont les mêmes et sont restés assez identiques bien que rénovés, qui n’ont pas beaucoup changés.

Dublin en 1920
© Delcourt

Et pour les références culturelles ?

Au départ j’ai pensé immédiatement aux CELTIQUES d’Hugo Pratt, CORTO MALTESE en Irlande. Mais en le relisant j’ai constaté qu’il n’y avait pas grand-chose dont je pouvais me servir si ce n’est une belle ambiance. Il y avait évidemment PEAKY BLINDERS, une série très classe, presque trop classe pour des petites frappes de gitans. Sur l’Irlande de 1920 il n’y a finalement pas grand-chose. En roman ou bd je n’ai pratiquement rien trouvé. En film j’ai regardé LE VENT SE LEVE de Ken Loach, MICHAEL COLLINS de Neil Jordan avec Liam Neeson qui ne m’a pas plus emballé que cela au passage.

Et sur l’IRA et l’Irlande, Neil Jordan a aussi réalisé le très bon THE CRYING GAME

Mais cela se passait plus tard. Sur MICHAEL COLLINS on sent trop le poids de la saga historique. Et en plus l’épisode de CROKE PARK dans le film, je l’ai trouvé complétement raté au niveau mise en scène. Cela ne s’est pas passé comme cela. Par exemple les autos-mitrailleuses ne sont pas rentrés dans Croke Park. Après je n’ai pas de problème avec la trahison de l’histoire au contraire de Sylvain Gâche. Le meilleur truc que j’ai vu, pas hasard en plus, c’est une série qui s’appelle REBELLION qui raconte en deux saisons l’insurrection de Pâques en 1916 puis la suite en 1920 et cela se termine sur l’épisode de CROKE PARK sans le montrer.

Comme un bruit de fond ?

C’est exactement cela. Deux des héros sont dans les escaliers pour accéder aux gradins et on entend la clameur du stade puis les coups de feu au loin. Le tout complété par toute la documentation que j’ai trouvé et surtout celle que l’on m’avait transmise.

Les événements de Croke Park (extrait du film MICHAEL COLLINS)
©Warner Bros

Je rebondis sur ta remarque sur la trahison de l’histoire. Qu’entends-tu par-là ?

La véracité globale historique il faut la conserver. Mais sur un truc du genre « ils sont rentrés dans Croke Park, ils ont défoncé les portes avec les autos-mitrailleuses blindés et ils ont flingué tout le monde avec », et bien ce n’est pas la réalité.  Il y avait bien une auto-mitrailleuse mais elle est restée à l’extérieur. Elle a bien tiré sur les gens mais ceux qui essayaient de s’enfuir. C’est pour moi de l’ordre du détail que l’on peut sacrifier pour du spectaculaire au cinéma ou en bd. C’est le propos qui reste intéressant. Comment on en arrive là et l’horreur qui en découle. C’est une trahison intelligente.

PAROLES DE SOURD
Une autre approche du silence
© Delcourt

J’ai retrouvé PAROLES DE SOURD à la maison. Tu y illustres un court récit qui fait également écho au monde du silence. La surdité est un sujet sensible auquel je suis particulièrement attaché. Tu peux m’en dire plus ?

Cela commence à devenir vieux cette participation. Ce fut via Eric Corbeyran avec lequel j’avais déjà participé dans le cadre de BOOM Blois à faire des dédicaces à la maison d’arrêt. Le festival a confié le projet PAROLES DE TAULARD à Corbeyran (3 tomes). Cela consistait à discuter avec des taulards mais également leur famille ou des amis et à partir des témoignages d’en faire des bouquins. Eric a proposé ensuite de décliner PAROLES DE sur les sourds parce que sa compagne travaillait avec des sourds-muets.

L’expérience t’a plu ?

Oui mais sur PAROLES DE SOURDS je n’ai pas été impliqué dans les rencontres. J’ai simplement adapté le scénario. Mais Eric m’a fait lire l’ensemble des témoignages et la plupart voire tous, étaient très émouvants.

LE CHANT DES STRYGES
Une bande dessinée française phare, inspirée des séries made in USA
© Delcourt

Où en est-on avec la saga fantastique culte ? En a-t-on terminé avec ces créatures qui remodèlent le monde depuis des temps ancestraux et à quand la suite des aventures de Kevin Nivek et Debrah Faith ?

Pour moi, c’est terminé. On avait décidé 3 saisons, 3 fois 6 albums. Ce fut un sacré challenge que j’ai mené sur à peu près 20 ans. Je ne m’imaginais pas à l’époque, j’étais jeune, travailler 20 ans sur une série. L’idée était d’arriver au bout de ce projet un peu fou. On y est arrivé sans baisse, à mon avis, de qualité. On a tenu notre idée de départ, bien qu’elle ait évoluée au fil du temps. Je suis très satisfait de cette série mais c’est fini pour moi désormais.

Tu ne souhaites pas faire l’album de trop

Exactement. On avait évoqué comme dans XIII de faire des one shot mais je n’ai pas forcément envie de retourner sur cet univers-là, de repartir pour une nouvelle saison.

Tu parles de saison pour les cycles du CHANT DES STRYGES ?

Je pense que l’on fut parmi les premiers en bd franco-belge à nommer cela « saison », car on voulait que cela soit dans la lignée de l’identité d’une série à l’américaine. Les ré-éditions en grand format chez Delcourt tombait en plus dans l’époque du renouveau des séries américaines. On avait envie de retranscrire cette dynamique là en bd avec LE CHANT DES STRYGES.

Un découpage digne des meilleurs blockbusters américains
© Delcourt

En plus le lecteur qui est aussi un spectateur et consommateur de série va retrouver ce parallèle.

Complétement. On était là-dedans. Mais aujourd’hui c’est plus compliqué. Mais maintenant que je viens d’enchainer un certain nombre d’album au format one shot, je peux te dire que les one shot c’est également un rythme qui est épuisant en tant qu’artiste, avec de grosses paginations. Et je me posais ce type de question depuis un moment, et là je saute le pas, j’ai envie de me remettre sur une série, plutôt courte. Et cela me fait du bien. Je travaille sur un projet avec Alain Ayrolles, une série qui se passe au XVIII siècle. C’est sur un scénario original d’Alain, une vieille idée qui traine depuis des années. Au départ on pensait faire un gros album puis finalement on fait cela en 3 albums qui faudra lire à la suite, avec une pagination moins importante. Puis surement des one shot pour continuer.

Tu y travailles dessus en ce moment ?

Oui on prend de l’avance pour pouvoir sortir les 2 premiers tomes à un rythme rapproché.

RICHARD GUERINEAU, STYLE ET METHODE DE TRAVAIL

On te connait d’abord pour LE CHANT DES STRYGES (scénario de Eric Corbeyran). Depuis ton style semble devenu moins nerveux, avec un encrage plus en rondeur, plus gras. Evolution ou simple adaptation aux récits proposés? On aurait pu imaginer SEUL LE SILENCE avec justement un style nerveux, comme un polar très sombre avec toute la violence derrière.

Une espèce d’évolution naturelle. Comme toi beaucoup de gens me l’ont fait remarquer. Quand j’y repense, la transition se fait avec CHARLY 9 où je pars dans une autre direction, une envie d’explorer d’autres choses, d’être plus caricaturale, d’utiliser d’autres techniques, des gris, du lavis, d’épurer mon trait et de jouer avec des volumes et des modelés. Du coup cela a amené cette rondeur, oui c’est exactement le terme. Il y a quelque chose de plus doux dans mon dessin et quand je suis revenu au CHANT DES STRYGES entre deux one shot, sur la dernière saison, on remarque cette influence venant de CHARLY 9. D’ailleurs cela a déplu à certains. Je trouve que je dessine mieux aujourd’hui que sur les premiers Stryges. Quand je les regarde, je trouve que j’en faisais trop, j’en mettais partout, beaucoup de hachures, je comblais mes lacunes en surchargeant. Je trouve cela étrange de voir des dessins qui n’évoluent pas. Naturellement ton trait il bouge. On ne réfléchit plus. On a une autre envie, on passe à autre chose et ton dessin il évolue naturellement.

Charly 9, un roi tourmenté croqué par Richard Guérineau
Source : Fletcher Arrowsmith

C’est quoi une journée type de travail de Richard Guerineau ?

Déjà il y a un avant et un après confinement qui a changé beaucoup de chose. Pendant une vingtaine d’année j’avais pris l’habitude de travailler dans un atelier que je partageais avec des collègues, des copains. Le confinement nous a tous envoyé à la maison. On a finalement arrêté de payer un loyer pour rien. Donc aujourd’hui je bosse à la maison, en ayant cette impression de me retrouver en début de carrière, sauf que j’ai plus de place pour moi désormais. Mon rythme a également changé par rapport à l’atelier. Je réserve ma matinée à bouquiner, en prenant mon café puis je me mets à ma table à dessin mais en étant à la maison je peux arrêter quand je veux et y retourner plus tard, notamment en soirée. La différence avec quand j’étais à l’atelier, c’est que je ne ramenais pas de travail à la maison où je coupais complètement. Là ce n’est plus possible.

Quel support utilises-tu pour dessiner ?

Pas de tablette graphique. Je travaille tout à la main, sur support papier, à l’ancienne. Pas contre je travaille la couleur sur Photoshop.

La musique a-t-elle une influence sur votre travail ?

C’est étonnant. J’ai toujours fait cela. A l’atelier on arrivait même à s’entendre sur un fond sonore avec des gouts musicaux parfois différents. Mais depuis 2 ans je n’écoute plus de musique en travaillant. J’ai même l’impression que cela va me sortir de mon immersion dans le dessin. Je travaille donc en silence et en sifflotant.

En termes de bande dessinée, quelles sont tes influences ?

Au départ c’est de la bd franco-belge. J’ai commencé avec Giraud-Moebius. Gamin j’étais fan de western donc c’était BLUEBERRY, le LUCKY LUKE de Morris.  Plus tard sont arrivés Tardi, Hugo Pratt,  l’école italienne, les Sergio Toppi. En illustration je n’ai pas d’auteur fétiche mais plus des registres et par période. En ce moment ce que faisait à l’époque Arthur Rackham, Edmond Dulac, des vieilles illustrations à l’ancienne avec des aquarelles bien chiadées, un dessin plus élégant. Puis cela me passe et je vais voir autre chose. Avec Instagram et les réseaux sociaux on a accès à plus de chose et je me rends compte que je picore facilement à droite et à gauche.

Et en comics ?

On a déjà discuté (ndr : en aparté, avant et pendant l’entretien) de Alan Moore. David Mazzucchelli je le suis partout. Bill Sienkiewicz est vraiment barré. Elektra c’est un chef d’œuvre. J’aime beaucoup également Dave McKean.

Tu lis quoi en ce moment ?

Je suis entre deux. Je viens de lire à nouveau un gros roman que l’on me propose d’adapter, un western. J’ai même dit oui d’ailleurs (le rédacteur de l’interview a eu la primeur du titre qui ne dévoilera pas).

Et en BD ?

Cela fait un moment que je n’en ai pas achetés. Je vais plutôt te donner mes envies. Le dernier Thierry Smolderen et Jorge Gonzales, CAUCHEMARS EX MACHINA. Un projet que j’ai failli faire aussi, UN GÉNÉRAL, DES GÉNÉRAUX de Juncker et Boucq qui va être un des cartons du début de l’année.

Derniers clients, nous quittons le bar, la nuit tombant dans les rues de Bègles. Mon exemplaire de CROKE PARK est resté vierge. Nous prenons acte d’un futur rendez-vous, plus informel, pour y remédier.


Simon & Garfunkel – THE SOUND OF SILENCE (from The Concert in Central Park)

22 comments

  • JB  

    Belle interview, c’est toujours fascinant de découvrir les coulisses de la réalisation d’œuvres graphiques. Je regrette de n’avoir pas lu les créations de Richard Guérineau pour mieux apprécier cet échange.
    Tiens, c’est marrant, j’ai surtout tendance à associer Joe Lansdale au genre horrifique.

    • Fletcher Arrowsmith  

      Merci JB

      J’ai passé un bon moment avec Richard qui est très accessible.

  • Bruce lit  

    Pour sa première interview, Fletch s’en tire comme un chef hein ?
    L’adaptation de Guerineau est dans ma PAL et je n’ai jamais eu de doute sur sa qualité tant je fais confiance à Fabrice Colin et à Ellory sur la supervision du projet.
    SEUL LE SILENCE est un livre tellement puissant….
    Comme toi, je m’étonne qu’il n’y ait jamais eu d’adaptation TV ou ciné. C’est incompréhensible. Mais j’imagine que ça ne serait tarder.
    Je découvre que Gerineau est novice dans l’univers de l’écrivain. C’est super intéressant toutes ces questions autour de son approche des décors, de l’ambiance et des couleurs.
    Je piocherai sur ses autres œuvres sociales, la scifi de STRYGES n’ayant pas grand chose pour m’intéresser. J’avais adoré son adaptation de Jean Teulé de ENTREZ DANS LA DANSE http://www.brucetringale.com/the-dancing-dead-entrez-dans-la-danse/
    Quelle chance d’avoir rencontré cet auteur !
    Merci pour ce partage.

    • Fletcher Arrowsmith  

      Bonjour Bruce

      Merci pour le commentaire. J’ai lu depuis ENtrez dans la danse et je confirme le plus grand bien que tu en as dit.

      Je conseille fortement CROKE PARK, superbe édition et moment d’histoire important .

  • Tornado  

    Beau boulot de passionné, Fletcher.

    Arf, je n’ai lu que le début du CHANT DES STRYGES et j’avais décidé de jeter l’éponge. La narration donnait l’impression que tout était fait pour durer le plus longtemps possible (à la fin du tome 1, il ne s’était rien passé)… C’était l’époque où j’avais décidé d’arrêter de me lancer dans des trucs longs, chers et chronophages. Et puis je dois dire que je n’avais pas non plus accroché plus que ça au bout de trois tomes.

    Bon mais n’empêche que c’est cool de pouvoir approcher et discuter comme ça avec des auteurs et des artistes. Et en plus avec de belles dédicaces à la clé !

    La BO : J’ai toujours aimé les ballades douces de S&G (mais pas leurs chansons pop). Ma préférée : Scarborough Fair Canticle.

    • Fletcher Arrowsmith  

      Bonjour Tornado

      Je me suis arrêté au deuxième cycle des Stryges.

      Autant que je me souvienne je crois que j’ai toujours écouté Simon et Garfunkel. Deux références musicales majeures de mon éducation musicale que j’écoute toujours autant quelques soient les formats. Le Sound of Silence c’est vite imposé comme une évidence.

      • JB  

        J’adore cette chanson, avec une utilisation parfaite dans LE LAUREAT. Par contre, pour moi, la cover de Disturbed est un contresens total…

  • Présence  

    Whouaaah ! Ça, c’est de l’interview.

    Très intéressant de pouvoir ainsi découvrir le processus d’adaptation, la répartition du travail entre scénariste et dessinateur, la façon de définir la liberté de et de l’autre pour le découpage et la mise en scène, et même l’avantage de travailler avec un scénariste.

    Tout aussi passionnant de pouvoir comprendre les choix à faire et les enjeux à être explicite visuellement ou suggéré. Également édifiant de comprendre les risques d’être influencé par une adaptation préexistante, et la liberté à ce qu’il n’y en ait pas.

    Je n’ai pas lu Croke Park. J’avais lu le début du Chant des Stryges que j’avais emprunté à la bibliothèque municipale, mais je n’ai pas suivi sur les vingt ans de parutions.

    Style et méthode de travail : surprenant cette anecdote sur le fait d’arrêter de travailler en musique. Alan Moore, David Mazzucchelli, Bill Sienkiewicz, Dave McKean : que de l’exceptionnel. Un généra, des généraux : je l’ai offert à ma mère le week-end dernier.

    • Fletcher Arrowsmith  

      Bonjour Présence,

      et encore j’ai du faire des choix dans la retranscription de notre échange. On a facilement digresser sur les comics, le cinéma, le monde de la bd. Pour un peu j’y passais la nuit.

  • Eddy Vanleffe  

    superbe interview pour un auteur que je ne connais pas vraiment puisqu’il adapte beaucoup que malheureusement son nom s’efface derrière la marque parfois…Ainsi je note qu’il adapte CHARLY 9. je suis moi même en pleine découverte de Jean Teulé et j’adore.
    Le chant des Stryges j’ai lu, mais je n’en ai pas retenu grand chose.
    Je note également à retenir son Croke Park puisque le « bloody sunday » est un évènement passionnant à lire.
    On reconnait les passionnés, après l’analyse, on passe à des question d’ordre techniques… c’est toujours intéressant à lire.

    • Fletcher Arrowsmith  

      Bonjour Eddy,

      CHARLY 9, CROKE PARK : clairement des récits intéressant, qui permette chacun dans leur style d’avoir une ouverture sur l’histoire différente.

      Pour Charly 9, comme signalé dans l’introduction, j’ai trouvé que Richard Guérineau avait rendu le roman encore plus intéressant. Ayant lu les deux j’ai pu comparer. Si tu découvres Jean Teulé, penches toi vite sur CHARLY 9 et ENTREZ DANS LA DANSE.

  • Fletcher Arrowsmith  

    @Tous : l’interview est clairement un exercice qui me plait. Je ne suis pas farouche, je prépare mon sujet (et encore avec le recul j’ai trouvé cela imparfait) mais surtout j’aime discuter, déserter, échanger, débattre de vive voix (je pense que Bruce et JB peuvent en convenir).

    J’en avais fait trois pour Top Comics (dont deux en Anglais), à chaque fois en face à face. Oui j’adore cela. J’en espère une prochaine pour le blog pour juin et si vous avez des idées, des contacts, je suis preneur.

  • Patrick 6  

    Et bien voilà une interview fluide et rondement menée !
    Je ne connaissais ce dessinateur que de nom, merci de parfaire ma connaissance sur le sujet 😉 De prime abord je pensais que Seul le silence allait le plus m’intéresser mais, contre toute attente, c’est Croke Park qui me parle plus ! Je me pencherai donc sur celui-ci en premier 😉

    Concernant la BO autant S&G ne m’intéressent généralement pas, pourtant j’adore ce morceau ! « Hello darkness, my old friend » la vache c’est presque du Goth ^^

    • Fletcher Arrowsmith  

      Bonsoir Patrick,

      merci pour ton retour. Oui CROKE PARK mérite le détour. En plus du récit, il y a un cahier rédactionnel passionnant qui revient sur l’évènement mais aussi la genèse du projet, les recherches et même les résultats du tournoi des 6 nations. Bref, un bel objet, bien complet.

      • Sylvain Gâche  

        Merci tout d’abord pour cette très belle interview, passionnante à lire, d’un très grand dessinateur.
        En plus, Richard est aussi sympathique que talentueux. J’ai toujours eu une profonde admiration pour son travail, et j’ai eu le bonheur de le voir mettre en image mon scénario sur le 2e Bloody Sunday irlandais, ce qui a donné naissance à l’album Croke Park (Delcourt).
        Enfin, merci « Fletch » de tes mots très agréables sur notre bande dessinée.

        • Fletcher Arrowsmith  

          Bonjour Sylvain et merci de ton retour,

          tu peux m’appeler « Fletch » on est presque intime maintenant 🙂

          Un grand merci à toi pour ton superbe scénario. J’ai été happé par ce moment d’histoire et j’ai surtout apprécié l’équilibre entre l’histoire avec un grand H et les évènements sportifs,

          Dans le même genre coup de cœur également pour LA PATRIE DES FRERES WERNER de Philippe Collin et Sébastien Goethals.

          Au plaisir d’un rencontre

  • Jyrille  

    Respect et bravo Fletcher pour cette très belle interview, informative et passionnante. Comment as-tu fait concrètement, tu avais un enregistreur sonore ?

    C’est terrible car je me suis immédiatement rendu compte que je n’ai rien lu ni vu de tout ce qui est cité ici (à part THE IRISHMAN, PEAKY BLINDERS et LES CELTIQUES). Je n’ai jamais lu un seul roman de Ellory, ni de Teulé, ni aucun Chant des Stryges, et j’ai même loupé MUDBOUND qui a très bonne presse. Il va donc falloir que je me résolve à élargir ma culture encore… déjà qu’elle est en attente de plein de trucs…

    Je connais au moins une autre bd qui parle de Dust Bowl : http://www.brucetringale.com/noubliez-pas-le-guide-review-dark-museum/

    Les faux polars : c’est aussi la marque de fabrique de Simenon (mais je n’en ai lu qu’un seul personnellement).

    La BO : bah chef d’oeuvre.

    • Fletcher Arrowsmith  

      Salut Jyrille,

      Comment as-tu fait concrètement, tu avais un enregistreur sonore ? : j’avais préparé une série de question. Je prends des notes pendant l’interview que j’enregistre en effet avec un dictaphone (ou mon smartphone). Gros travail ensuite de re transcription avec coupe nécessaire mais également écriture et construction de l’article (certains propos présenté au début par exemple n’ont été évoqué qu’à la fin par exemple).

      C’est très intéressant comme exercice.

      • Bruce lit  

        Je confirme.
        Retranscrire une interview est un exercice rigoureux de déconstruction puis de reconstruction où tu dois compléter, finir des phrases, rester fidèle à l’entretien et l’intelligence de ton interlocuteur tout en fluidifiant ou synthétisant certains propos sans le trahir.

  • Kaori  

    Merci pour cette interview qui présente un artiste et des œuvres que je ne connaissais pas du tout mais qu’on a envie de lire !

    Bravo pour la réalisation, on sent que tu es à l’aise dans l’exercice !

    Très joli choix de BO 🙂

  • Bruce lit  

    C’était très bien.
    Forcément moins bon que le livre mais très bien quand même.
    On perd en intensité, le personnage principal manque d’envergure et semble condamné à subir les événements mais la faible pagination ne permettait pas de faire autrement.

    • Fletcher Arrowsmith  

      Choix de Fabrice Colin (et surement de l’éditeur) car Richard Guerineau aurait été plus prolixe et consommateur de planches si il avait été seul aux manettes.

      J’ai trouvé également que le personnage principal avait du mal à se défaire de son allure de victime. Je l’ai relu depuis l’interview et cela reste quand même une bd marquante, de fort belle facture et in fine une adaptation qui tient la route.

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