VERTIGES DE L’AMOUR

SUEURS FROIDES (VERTIGO), par Alfred Hitchcock

Par TORNADO

Alfred Hitchcock réalise SUEURS FROIDES (appelons-le VERTIGO, comme son titre original, c’est quand même plus classe) en 1958, d’après le roman D’ENTRE LES MORTS, de Boileau-Narcejac (il a d’ailleurs été rebaptisé « SUEURS FROIDES », celui-là aussi…).

Ne soyez pas pris de vertige face aux quelques menus-spoliers qui pimenteront cet article…

Le pitch : Scottie (James Stewart) est un ancien policier, retiré du métier pour cause de vertige pathologique et traumatisé par la chute mortelle d’un collègue, tombé du toit d’un immeuble tandis qu’il essayait de sauver le pauvre acrophobe (Scottie est donc sujet au vertige (soyez donc attentifs, mon article donne à fond dans le détail et le suspense (j’en vois deux qui s’ennuient au fond, sans doute habitués aux blockbusters (j’ai les noms)…

Il retrouve Gavin Elster, un ami d’enfance désespéré, qui lui demande une faveur : Espionner son épouse Madeleine (Kim Novak), chez qui il suspecte un cas de possession. En effet ! cette dernière adopte depuis peu une étrange attitude et son mari est formel : elle est possédée par son aïeule, une certaine Carlotta Valdès, ancienne légende tragique de San Francisco !
En suivant Madeleine, Scottie, d’abord incrédule, finit par douter lui aussi du comportement de la jeune femme. Mais après l’avoir sauvée d’une tentative de suicide près du pont de San-Francisco, il tombe éperdument amoureux de la belle. Hélas, dans sa folie, Madeleine finit quand-même par se jeter dans le vide de la même manière que Carlotta, et Scottie, pris de vertige en la suivant dans le clocher d’une église, ne parvient pas à la sauver. Nouveau traumatisme…

Plusieurs mois plus tard, alors qu’il tente en vain de se remettre des événements, Scottie rencontre Lucie. Elle ne ressemble pas du tout à Madeleine mais, malgré tout, Scottie est de nouveau envoûté…

Une autre affiche, plus vendeuse, selon les producteurs…

1955 : Henri-Georges Clouzot, cinéaste phare de l’hexagone, gagne le surnom de « l’Hitchcock français » (c’est mérité) en réalisant un film à suspense : LES DIABOLIQUES.
Hitchcock, interpelé, regarde le thriller en question (ça a eu l’air de lui plaire) et se met, dès lors, à surveiller les auteurs du roman dont le film de Clouzot est l’adaptation : Pierre Boileau et Thomas Narcejac. Il est en première ligne lorsque le duo d’écrivains sort son nouveau livre, intitulé D’ENTRE LES MORTS. S’ensuit un très long travail d’adaptation pour Hitchcock, qui va épuiser quatre scénaristes successifs !

Dans la version finale, Hitchcock et son scénariste Samuel Taylor n’hésitent pas à remanier le récit. Si aujourd’hui notre cinéaste est considéré comme un metteur en scène d’exception, c’est surtout par rapport aux défis et aux contraintes qu’il s’impose dans chacun de ses projets de long-métrage (un seul plan-séquence dans LA CORDE, un seul lieu en huis-clos dans FENÊTRE SUR COUR, par exemple). Ici, le maître du suspense décide de ne pas attendre la fin, au contraire du roman, pour révéler la diabolique machination mise en scène par Gavin Elster, l’ancien camarade de Scottie. Il utilise donc le procédé du « twist », retournement de situation qui oblige le spectateur à reconsidérer toute l’histoire qu’il vient de suivre d’un point de vue radicalement différent, aux ¾  du film. Mais il le fait par le biais d’un flashback de Lucie ! Ainsi, le spectateur sait ce que le héros ne sait pas, et le suspense se déplace alors d’un personnage vers l’autre. Il n’est désormais plus placé sur Madeleine/Lucie, mais sur Scottie ! C’est un procédé inédit pour le spectateur, obligé de changer son point de vue au cours du film. Non mais quelle invention ! Quelle révolution ! Le réalisateur ira plus loin encore avec PSYCHOSE (1960), en faisant mourir son héroïne dans le premier tiers du film !

Lors de son caméo, au début de VERTIGO, Hitchcock apparait furtivement devant le lieu où travaille Gavin Elster. Ce plan est d’une malice à toute épreuve puisque, ce faisant, le réalisateur marque le lieu depuis lequel le « metteur en scène » de la diabolique machination est en train de préparer tous les événements à venir !
La notion de « vertige » est ici clairement dédoublée, puisqu’elle illustre à la fois la peur du vide pour le héros de l’histoire, mais également le vertige d’un amour impossible et cruellement dramatique.

La « meilleure amie » de Scottie, interprétée par Barbara Bel Geddes (future matriarche de la série TV DALLAS !), avec laquelle il flirte sans conviction, sert surtout à informer le spectateur que Scottie n’avait jusque-là jamais rencontré le grand amour.

Difficile, aujourd’hui, de parler d’un film culte considéré par l’intelligentsia comme l’un des plus grands films de tous les temps (on a même pu lire -via un sondage publié en 2012 dans un journal anglais- qu’il aurait détrôné le CITIZEN KANE d’Orson Welles de la première place, alors que VERTIGO fut lui aussi un échec au box-office à l’époque de sa sortie originelle !).

Ainsi vais-je rester… subjectif ! Car je n’ai pas attendu le goût des autres pour tomber amoureux de ce film, un jour ancien, quand j’étais encore un enfant (rappelons qu’Alfred Hitchcock a été longtemps boudé par l’intelligentsia américaine, qui voyait en lui un cinéaste populaire).
Je le découvrais un soir en famille, puisqu’il était de coutume de « regarder un Hitchcock » comme on regardait le journal télévisé ou les JEUX DE 20 HEURES, c’est-à-dire « l’événement à ne pas manquer« . J’avais déjà été fortement impressionné et envoûté par LA MAIN AU COLLET et surtout par LA MORT AUX TROUSSES. Mais rien ne m’avait préparé au choc de cette rencontre avec le cinéma onirique, dont je découvrirai plus tard les autres perles, avec PETER IBBETSON, LA MALÉDICTION DES HOMMES CHATS, LE PORTRAIT DE JENNIE ou encore PANDORA et LES INNOCENTS. Et j’entends d’ici les critiques prout-prout contester cette comparaison entre le chef d’œuvre d’Hitchcock et quelques films de « genre »…
Et pourtant : « film de genre », VERTIGO en est…

Un roman, renommé…
© Gallimard

Voyez (plus haut) ce générique avec les yeux écarquillés de Kim Novak : Cette esthétique expressionniste aux couleurs criardes et aux gros plans -bien glauques- n’annonce rien de moins que le giallo et le cinéma d’épouvante des trois décennies à venir. Il est d’ailleurs admis que LA FILLE QUI EN SAVAIT TROP, l’acte de naissance du Giallo réalisé en 1963 par Mario Bava, est à la base un « thriller hitchcockien » (vu le parallèle avec le titre L’HOMME QUI EN SAVAIT TROP, un autre film d’Hitchcock sorti en 1956, on l’aurait deviné tout seul…).
Effectivement, toute la première partie de VERTIGO flirte constamment avec l’épouvante. Et le spectateur de se retrouver dans la même position que le héros, à douter si la belle jeune femme, énigmatique, mystérieuse, inquiétante, est belle et bien possédée par l’esprit tourmenté de son aïeule…

Et que dire de la bande-son composée par le grand Bernard Herrmann (compositeur attitré d’Hitchcock mais aussi de Ray Harryhausen !) ? À la fois puissante et envoûtante, la musique souligne également toute l’angoisse qui s’installe dans le récit et agit comme un trait d’union, reliant le héros du film au spectateur. Essayons d’écouter le titre principal séparément et on entend bien que nous ne sommes pas là pour rigoler.
Tout l’esprit de VERTIGO est là : Dans cette ambivalence et cette frontière sans cesse remise en question entre le réel et le surnaturel, un peu comme si l’ombre de Maupassant planait sur le long métrage…

Le fameux effet du transtrav ! (lequel n’a strictement rien avoir, ni avec un transsexuel, ni même avec un quelconque travelo)…

Il faudra attendre les ¾ du film avant que le voile ne se lève mais, jusque-là, Hitchcock va user de tous les artifices cinématographiques propres au cinéma fantastique (musique angoissante, zooms dérangeants, suspense, non-dits, hors-champ, peur suggérée, couleurs saturées et complémentaires (Madeleine, habillée d’une robe vert émeraude se détachant sur une salle rouge rubis dans la scène du restaurant qui marque sa première apparition)), inventant au passage le fameux « travelling contrarié » (également appelé « travelling compensé » ou encore « transtrav »), comme un effet spécial supplémentaire afin d’illustrer l’angoisse de son héros (et sa phobie liée au vertige), qui devient celle du spectateur par procuration, et qui décrit de manière particulièrement forte cette plongée dans la folie et cet amour schizophrène, où les sentiments opposés viennent s’entremêler (notons également le motif de la spirale (infernale), décliné depuis l’affiche et le générique sur le chignon de Madeleine et de Carlotta, sur les escaliers en colimaçon et même sur le tronc coupé d’un séquoia !).

Ainsi, lors de la scène finale, les effets de transtrav soulignent autant la peur du vide ressentie par Scottie que ses sentiments contrastés pour Madeleine/Lucie, partagés entre l’amour et la haine, l’attirance et la répulsion…

La magnifique et totalement onirique scène des Red Hood (les plus grands arbres du monde).

Tel est le sujet du film qui, comme chez Maupassant (encore lui !), fait de la « folie » un corolaire au fantastique. Car ces deux zones d’ombre partagent le même point commun : celui de nous déstabiliser en nous plongeant dans le doute, dans la frayeur pure, dans l’abîme, dans le puits d’une noirceur sans fond né de l’angoisse de cet inconnu délétère qui vient s’insinuer dans notre esprit, lorsque les événements échappent à notre compréhension cartésienne. L’angoisse de voir monter en nous le vertige de la terreur…

Ce postulat est heureusement contrebalancé par une atmosphère onirique d’une puissance d’envoûtement rarement égalée. Grâce à ce dernier élément, le réalisateur parvient à mystifier le spectateur, comme s’il le prenait par la main et l’entraînait dans le domaine de la peur et de la folie en son âme et conscience, en toute intimité. Et l’on suit James Stewart de notre plein gré, tombant peu à peu avec lui dans les tréfonds du malaise et de la folie…

Du très grand art. Qu’une esthétique datée assez kitsch (pour ceux qui ont du mal à contextualiser les films anciens) ne devrait pas suffire à minimiser.

VERTIGO marquera durablement l’histoire du cinéma et traumatisera bien des générations de cinéastes, qui lui rendront un hommage vibrant. Le cas le plus notable reste celui de Brian De Palma, qui déclinera le pitch du film à plusieurs reprises, pour en proposer quasiment des remakes avec BODY DOUBLE (1984) et surtout le troublant OBSESSION (1976).

Dans la grande époque de la révolution du milieu du comic book, au début des années 80, l’éditeur DC Comics (SUPERMAN, BATMAN), décida, par l’intermédiaire d’une éditorialiste hors-pair, Karen Berger, de créer le label Vertigo, un label adulte extrêmement exigeant en termes de créativité. Facile : C’est là que purent s’épanouir, par exemple, le scénariste Alan Moore avec SWAMP THING, V FOR VENDETTA et WATCHMEN, Neil Gaiman avec SANDMAN , Garth Ennis avec PREACHER ou encore Brian Azzarello avec 100 BULLETS. Il est évident, avec le recul, que le niveau d’élégance, de profondeur et d’aura onirique, qui restera l’apanage du label jusqu’au bout (jusqu’au moment du départ de Karen Berger, preuve de son rôle majeur dans le projet), a été influencé par un film qui, disons-le en ces termes, n’était pas rien dans l’histoire de la culture populaire…

Le vertige des chefs d’œuvre ! Mariage entre l’art et la culture populaire.
Les enfants d’Hitchcock ?

BO : Timber Timbre – HOT DREAMS

25 comments

  • JB  

    Merci pour cette présentation !

    J’ai vu ce film trop tôt. Jeune ado, j’aimais bien Hitchcock, dont j’avais vu L’HOMME QUI EN SAVAIT TROP (2e version), LE RIDEAU DECHIRE, LA MORT AU TROUSSE, L’INCONNU DU NORD EXPRESS ou encore STAGE FRIGHT.

    Le problème, c’est que ces thrillers (ou la comédie MAIS QUI A TUE HARRY) ne m’avaient pas préparé à l’approche plus psychologique, voire fantastique comme tu l’indique, de VERTIGO. Et le côté kitsch n’avait pas aidé (un défaut que je n’avais pas non plus surmonté lors de mon visionnage du CRIME ETAIT PRESQUE PARFAIT, également vu trop jeune)

    Je n’avais jamais fait le rapprochement avec les DIABOLIQUES, mais en y réfléchissant, c’est vrai que l’intrigue est extrêmement proche ! Jamais pensé à l’influence sur le label du même nom non plus (bon, en même temps, je le connaissais surtout sous le titre « Sueurs froides »).

    Bref, je vais retenter le film avec des yeux plus adultes (mon dernier contact avec le film doit être ses extraits dans l’Armée des 12 singes). Tiens, il existe aussi un jeu vidéo « Alfred Hitchcock – Vertigo »…

  • Fletcher Arrowsmith  

    Bonjour Tornado.

    Bien sympa cette analyse. Je me rappelle avoir vu ce film mais sans pour autant me remémorer des séquences précises. On a vécu la même expérience dans la découverte d’Hitchcock certain soir à la maison quand on avait le droit de regarder la télé. Du coup je pense que mon esprit s’embrouille souvent entre les différents films du maitre.

    Je pense que rien que sur l’iconographie de VERTIGO on pourrait en faire un livre.

    Tel est le sujet du film qui, comme chez Maupassant (encore lui !), fait de la « folie » un corolaire au fantastique joliment dit. J’adore Maupassant. Un grand parmi les grand. Je ne suis pas surpris de le voir citer ici, tant son écriture semblait faite pour inspirer le cinéma quelques décennies plus tard.

    La BO : cela fait un moment que je n’avais pas écouté un titre de Timber Timbre. Etonnant comme choix. Ce morceaux m’a fait penser à This Is Hardcore de Pulp.

  • zen arcade  

    Très grand film, très grand réalisateur, très grand chroniqueur.
    Tout est là. 🙂
    Sinon, pour être précis, si Karen Berger est bien à l’initiative du démarchage de nombreux auteurs britanniques dans les années 80, la création du label Vertigo ne date, elle, que de 1993.
    Alan Moore n’a donc par exemple jamais écrit pour Vertigo (en 1993, il avait coupé les ponts avec DC depuis longtemps déjà).

  • Ludovic  

    Bonne synthése, Tornado, tu fais bien de faire le lien avec le giallo, en fait, Hitchcock invente le cinéma du regard, celui dans lequel la mise en scène fait coïncider le regard du personnage et le regard du spectateur. Dans FENÊTRE SUR COUR, Stewart était déjà un spectateur, il regardait par la fenêtre de son appart et décodait les images, ce coup ci, il trouvait la vérité (le voisin qui avait tué sa femme), dans VERTIGO, il regarde mais ne voit rien, il se trompe sur toute la ligne.
    De tout cela découle Bava, Argento, De Palma, Lynch et tutti quanti… Lynch qui va pousser à la folie ces personnages qui se dédoublent dans des films eux même coupés en deux qui dérivent en cours d’intrigue…
    par contre, tu minimises pas mal l’importance du personnage de Midge, c’est vraiment un très beau personnage, elle aussi, amoureuse d’un être inaccessible qui ne la désire pas, c’est un personnage d’autant plus émouvant qu’elle aussi est vouée à un amour éternellement insatisfait mais qu’elle vit de manière absolument normale, c’est celle qui est la plus proche de nous spectateur alors que Scottie se perd dans un fantasme et poursuit une chimère…

  • Bruce lit  

    J’ai le souvenir d’avoir adoré VERTIGO lorsque j’avais investi dans tous les Hitch en DVD il y a une quinzaine d’années. Je me rappelle d’un film d’un romantisme absolu, qui -on ne le rappelle jamais assez- traduisait la quête et la peur du grand amour du gros Alfred. Son apparition fugitive dans L’ARMEE DES 12 SINGES m’avait beaucoup marqué. La musique d’ Hermann est d’ailleurs très sentimentale.
    J’attends que mes enfants soient assez grands pour le revoir à leurs côtés. Merci pour le chapitre autour du Traveling Compensé, j’ignorais tout de ça. Merci !
    Un reproche ? La conclusion qui ouvre sur les comics Vertigo était prometteur et s’achève bien trop vite !

  • Tornado  

    Merki pour les retours.
    Mon truc c’est la littérature comparée, la liaison entre les médiums et celle du cinéma d’auteur avec le cinéma de genre. Raison pour laquelle je reste parfois en dehors des thèmes qu’on peut lire ailleurs. Je ne cherche pas à être exhaustif sur ce genre d’article, mais au contraire à proposer une approche (humblement) originale.
    En relisant l’article ce matin je l’ai effectivement trouvé inachevé et parfois bizarre. Faut dire que c’est l’extension d’une vieille version de commentaire Amazon et que, je m’en rends compte, c’est souvent un peu bancal. D’accord sur le fait que l’ouverture sur les comics Vertigo est carrément à l’arrache. L’idée aurait mérité mieux.
    D’accord aussi pour dire que c’est un film sur la notion de fantasme, et c’est justement pour cette dernière raison que, plutôt que de développer le thème, j’ai juste choisi d’y coller un BO pour le faire (un titre que je trouve absolument sublimissime et totalement lynchéien pour rebondir sur les propos de Ludo).

  • Matt  

    Un des meilleurs si ce n’est LE meilleur Hitchcock. Et oui il a inspiré pas mal de cinéastes, notamment les italiens et leur gialli.
    PERVERSION STORY de Fulci emprunte/rend hommage à VERTIGO sans le moindre doute par exemple.
    Je dirais que le film met un peu de temps à démarrer, notamment les filatures de Scottie qui trainent un peu, mais bon c’était une autre époque, un autre rythme. On n’est plus aussi habitué.
    Mais c’est clairement un must see !

    Le Traveling Compensé, c’est un enfer à faire si t’as pas des rails. Surement qu’avec le truchement des retouches informatiques maintenant c’est plus simple (tu peux notamment juste reculer la caméra et faire le zoom en post prod) Mais à la mano, j’avais tenté durant mes années « on fait des courts métrages avec des potes » et c’est juste pas possible^^

  • JP Nguyen  

    Moi aussi, je ne l’ai vu que quand j’étais jeune, sans doute trop pour vraiment l’apprécier.
    Ces dernières années, je n’ai revu que deux Hitchcocks : LA MORT AUX TROUSSES et LES OISEAUX, avec une préférence pour le premier, plus fun.

  • Tornado  

    Quand on réalisait des courts métrages scolaires (avec des pros), on « simulait » les travellings avec un cady ! (parce que, effectivement, un VRAI travelling nécessite des rails ou des grues !) : Tu mets le caméraman dans le cady et tu le pousses, ou tu le tires, et pareil pour le transtrav ! Super rigolo à faire, surtout avec des gamins !
    Moi j’ai vu VERTIGO pour la première fois quand j’étais très jeune aussi, et contrairement à vous il m’avait totalement envoûté. Il fait clairement partie des films qui ont bâti ma cinéphilie. Dans le peloton de tête.

  • Présence  

    Incroyable : un film que j’ai vu.

    J’ignorais qu’il s’agissait d’une adaptation d’un roman de Pierre Boileau et Thomas Narcejac (je dois avoir lu un ou deux de leurs romans).

    Lors de son caméo, au début de Vertigo, Hitchcock apparait furtivement […] de la diabolique machination est en train de préparer tous les événements à venir ! – Quand j’avais regardé le film, je ne savais pas que Hitchock apparaissait dans ses films : très intéressant comme lecture de l’intention du réalisateur, ce que ça révèle de sa malice.

    Vertigo aurait détrôné le Citizen Kane d’Orson Welles de la première place : sacrilège !!! Je tiens le second en beaucoup plus haute estime, tout en sachant que c’est l’expression de mes goûts, et pas une vérité universelle.

    Remise en question entre le réel et le surnaturel, un peu comme si l’ombre de Maupassant planait sur le long métrage… – Mais oui !!! C’est tout à fait ça : merci de l’avoir exprimé, c’est tellement la sensation que j’en ai, sans avoir su le dire.

    Merci pour l’explication sur le Transtrav.

    Superbe article pour pouvoir entrevoir la richesse et la profondeur de cette œuvre.

    • zen arcade  

      « Vertigo aurait détrôné le Citizen Kane d’Orson Welles de la première place : sacrilège !!! »

      Depuis lors, c’est « Jeanne Dielman, 23 Quai du commerce, 1080 Bruxelles » de Chantal Akerman qui a pris la première place, devant Vertigo et Citizen Kane qui complètent le podium. 🙂

  • Tornado  

    La musique, c’est vraiment un gros trucs chez les grands cinéastes. D’où les célèbres « couples » de l’histoire (Hichcock/Herrmann, Edwards/Mancini, Spielberg/Williams). Je suis allé voir trois fois d’affilée E.T. au cinéma ces derniers jours pour accompagner mes classes (à chaque fois je me suis régalé à le redécouvrir sur grand écran dans sa version d’origine et en VO) : La musique y est particulièrement tonitruante. Le dernier quart du film, c’est un festival avec une armada de violons et de cuivres qui soulignent, surlignent, surexposent cent fois les moindres émotions. Ça m’a immédiatement fait penser à Hitchcock puisque j’ai récemment revu MARNIE (je pensais en faire l’article, mais finalement je passe parce que je m’y suis plutôt ennuyé alors que dans mon souvenir c’était un de mes préférés). La musique, plus encore que dans VERTIGO, y était également violemment romantique. Et je me suis fait la réflexion que plus personne ne fait ça aujourd’hui. On a reproché à John Williams de rater ses dernières BOs (STAR WARS et INDIANA JONES) mais peut-être que tout ça sera revu à la hausse, parce que les bandes-sons qui soulignent les émotions de manière agressive comme on les faisaient avant, ça ne se fait plus du tout aujourd’hui. Maintenant c’est plus discret et surtout plus subtil. Ça ne nous empêche pas d’aimer les anciennes BOs, mais je trouve que sa date encore plus les films maintenant que le procédé et la manière de penser la bande-son a évolué vers plus de retenue.

    • Ludovic  

      Subtil, ca reste à prouver quand on entend la BO d’OPPENHEIMER ! et en plus ce n’est pas juste la question de la musique, c’est aussi la manière dont on l’utilise ! Herrmann a vraiment introduit une vraie modernité dans la composition (c’est pas pour rien que De Palma et Scorsese iront le chercher dans les 70′) et la manière de penser le rapport image/musique par rapport à la première vague des grands compositeurs de musique de film de style symphonique à la Max Steiner.
      Mais surtout il y a la manière dont Hitchcock l’intègre au récit, en fait un personnage à part entiére qui révèle les émotions des personnages mais aussi fait partie intégrante de la manipulation exercée par la mise en scène, mise en scène qui est à la fois la machination dont Scottie est la victime mais aussi mise en scène du film qui nous manipule nous spectateur. Il y a là un niveau de sophistication et de subtilité que je peine à retrouver dans le cinéma actuel.

      • Jyrille  

        Plus j’y pense et plus je me dis que la musique est un élément intrinsèque extrêmement important d’un film ou d’un jeu vidéo, d’une série. J’ai vu le dernier Fincher hier (THE KILLER) et la BO de Trent Reznor et Atticus Ross ressemble plus à du sound design qu’à des morceaux, des compositions. Mais ça passe plutôt bien. Donc oui je trouve que l’utilisation de la musique a changé, mais pas toujours de manière heureuse, surtout dans les grosses productions.

        • Matt  

          Bien sûr que c’est super important.
          Et quand on s’intéresse au jeu vidéo on s’en rend d’autant plus compte. Parce que ce sont des musiques qui sont faites pour « looper » le plus souvent parce que le joueur prend le temps qu’il veut pour parcourir le niveau. Il ne faut pas que la musique s’arrête, puis silence, puis reprenne. Donc ce sont des musiques d’ambiance parfois pas toujours adaptées pour être écoutées sans support visuel puisque c’est répétitif et/ou plus proche du sound design comme tu dis, pour instaurer une ambiance.

          Il y a même la musique adaptative qui loop de manière pas trop détectable jusqu’à ce que tu arrives à un point précis du niveau. Exemple ici :

          ://www.youtube.com/watch?v=V8mMVg8SYlM&ab_channel=Kakuchopurei

          La partie musicale qui commence à 3min48 ne se déclenchera pas tant que tu ne rentres pas dans l’ascenceur.

          Pas de commentaire sur la musique qui est géniale et que tu vas surement trouver nulle parce que très 90s, etc^^
          C’est un jeu réalisé par des français, hommage aux 3 premiers jeux japonais Streets of rage sortis dans les années 90 sur megadrive. Les morceaux de musique de Olivier Derivière (et autres artistes dont Yuzo Koshiro, compositeur d’origine des viux jeux) sont dans la veine de la série. On aime ou pas, mais pour les fans c’est juste le top^^

          Bref, autre exemple ici :

          ://youtu.be/11VA653ISE8?list=PLGKJJhcJXlNz0bvhODyd-X6ZGHYIq_Etp&t=804

          La musique reste calme et tant que tu n’enclenches pas l’ascenseur (ah tiens encore un ascenseur^^) le thème plus épique ne se lancera pas.

          ça parait normal dans un film de coller une musique au bon moment, mais dans un jeu comme le joueur prend le temps qu’il veut, la musique doit s’adapter et se déclencher au bon moment sans non plus que ça se perçoive trop que le morceau change de manière abrupte. Donc il faut aussi que la musique ait eu le temps de se calmer par rapport au précédent moment d’action. Du coup souvent les décors que tu dois traverser et le temps que ça te prend, ça entre en compte dans la création de la musique.

          Au final les morceaux sont ensuite conçus en forme d’album avec une durée x que tu peux écouter, mais dans le jeu tu ne perçois pas la durée des morceaux, à quel moment ils loopent, etc.

        • Matt  

          Tiens l’interview intéressante :

          ://www.youtube.com/watch?v=vZ6sa88CLm4&t=96s&ab_channel=Dotemu

          Bon ce sont des français qui parlent en anglais^^ Mais à 8min on voit bien qu’ils expliquent que le sound design et le game design sont liés.

        • Bruce lit  

          Les musiques de Reznor sont aléatoires : la plupart du temps, elles fonctionnent super bien à l’écran, bcp moins sur disque. A l’exception de THE SOCIAL NETWORK, tout est souvent pareil. Sauf sur son ost pour les tORTUES NIJAS qui est fabuleuse et qui hélas n’existe pas en CD.

          • Jyrille  

            Alors oui j’ai écouté la BO de The Killer, c’est difficilement écoutable. Ca colle vraiment au film, c’est plus du sound designe, même la BO de Fight Club par les Dust Brothers était plus fun. Par contre je ne trouve pas qu’elles soient toutes ainsi : celle de Watchmen est celle que je préfère, avant The Social Network, et j’aime bien celle de Girl With The Dragon Tatoo. Par contre – bon je l’ai écoutée un fois – mais j’ai pas accroché à celle des Tortues Ninja.

  • Tornado  

    Je ne voulais pas parler de subtilité dans le même sens, je pense. Une « volonté » de faire plus subtil, plutôt, en étant plus discret, moins agressif, moins tapageur. Parce que, évidemment, il n’est pas question de minimiser le génie d’un Bernard Herrmann ou d’un Max Steiner dont je suis fan. Plutôt de mettre l’accent sur la tendance d’une époque. Savoir reconnaitre les évolutions, comprendre ce qu’il faut recontextualiser. Comprendre pourquoi la musique est hier plus démonstrative, notamment sur les émotions, aujourd’hui plus discrète. Et ce n’était qu’une impression ressentie récemment, en revoyant d’anciens films cultes.
    Je n’ai pas encore vu OPPENHEIMER. Ni FABELMANS, d’ailleurs. Ni même KILLERS OF THE FLOWER MOON.

    • Fletcher Arrowsmith  

      Je ne serais pas aussi catégorique sur les musiques de films et les compositeurs.

      Je pense que notre génération a vu et revu les films que tu cites. Ils ont façonné notre culture cinématographique. On en arrive à les connaitre par cœur et à les décortiquer donc à avoir un véritable avis sur la musiques et in fine se sont des compositeurs qui nous parlent.

      Récemment mon kid, est à fond musique de film et pas de surprise, se sont des films de sa génération : Harry Potter, Wes Anderson, les Ghibli et il sait me citer Joe Hisaichi mais Alexandre Desplat, que je n’avais pas identifié au premier abord mais qui finalement est bien dans la lignée d’un John williams par exemple. Exception : Du Morricone et du Danny Elfman bien que ce dernier avec Tim Burton rentre ben dans mon argumentaire en fait.

      Quand je fais des blind test avec mon fils, je me rends compte de la qualité de l’ensemble des morceaux, des émotions qu’ils peuvent provoquer mais surtout que je me sens fort sur avant les années 2000 et assez à la rue sur l’après….

  • Eddy Vanleffe  

    Fun fact perso: j’ai longtemps cherché à voir VERTIGO (film souvent cité sous ce nom là) en ignorant que c’était SUEURS FROIDES.
    Bon, te lire Tornado, sur du cinéma qui le passionne, c’est vraiment là où je te préfère.
    Tu me le vends bien.
    je ne sus pas un grand fan d’Hitchcock je dois le confesser. Tout simplement parce que ses thèmes de prédilection (le faux coupable, la psychanalyse) sont des trucs qui me font bailler.
    Pour autant, j’ai adoré FENETRE SUR COUR, PSYCHOSE, MAIS QUI A TUE HARRY?, LES OISEAUX.
    je salue la prouesse de LA CORDE mais je suis rebuté par les théories abracadabrantes des protagonistes,
    J’avais trouvé donc VERTIGO dans ma jeunesse assez évident à éventer inconscient que je passais à coté du but du réalisateur, j’étais trop formaté par Agatha Christie..
    en le considérant comme un proto-GIALLO, je vais lui redonner une chance.

    • Matt  

      Moi c’est plutôt MAIS QUI A TUE HARRY? qui m’a fait bailler^^

      Je comprends le concept de la comédie absurde avec tous ces gens qui parlent d’un mort comme d’une banale histoire qui arrive tous les jours, mais on va dire que le film tire en longueur avec d’interminables scènes de dialogue entre les protagonistes.
      ça aurait bien mieux fonctionné sur un format court, et le film fait quand même 1h40…

  • Jyrille  

    J’arrive après la bataille, merci Tornado pour ce bel article sur un film effectivement considéré comme un chef d’oeuvre et à raison. J’ai très envie de le revoir, mon dernier visionnage remonte, surtout que je l’ai en DVD. Ah tiens bonne idée, je vais proposer aux enfants de le mater pendant les vacances de Noël.

    Pour ce qui est de De Palma, je trouve que ses films sont aussi très proches du giallo, même si en effet je trouve que BODY DOUBLE est clairement un hommage à Hitchock. Ca me rappelle qu’un épisode de THAT 70’S SHOW est entièrement une reprise de plusieurs films de Hitchcock (et c’est très drôle).

    J’apprends des trucs cela dit, je ne savais pas du tout pour le roman de base ni le fait que Clouzot ait inspiré Hitchcock, finalement.

    Je n’ai encore regardé aucune vidéo ni écouté la BO, ça viendra et je reviendrais sans doute. Merci de m’apprendre le nom de l’effet de transition contrariée ou transtrav, je m’en souviens spécialement d’un dans SHOCKER car c’est à ce moment-là qu’un ami m’expliqua comment le réaliser : faire un travelling arrière tout en zoomant.

  • Jyrille  

    La BO : très bien cette chanson de crooner. Je n’ai jamais écouté ce groupe sérieusement, je note dans un coin (mais bon quel retard aussi là-dedans…)

    • Tornado  

      De grandes chances que ça te plaise. Surtout les titres bruitistes (y en a plein…) 😉

Leave a reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *