RIEN DE PERSONNEL… (Interview Tornado)

Interview de Tornado

Une torture lente et raffinée de BRUCE LIT

N’ayez pas peur, ça va bien se passer !
© Tornado

C’est lui, l’affreux jojo du blog qui accompagne les amateurs de la saga du Phénix Noir vers la porte du ressentiment, dézingue le punk rock et l’élitisme de sa presse : il était temps de lui poser les questions qui fâchent pour des réponses qui tachent !

Yo ! Tornado, Présence a déjà eu droit aux honneurs d’une interview. Il était temps de rétablir l’équilibre de la force en présentant à nos lecteurs le troisième membre du Triumvirat Amazonien. Tu nous fais un reboot et te présente ?

Ah. Vraiment ? Je ne suis personne. Je ne suis rien. Je suis un men in black Non je déconne… Mais vraiment je ne vois pas ce qui peut intéresser les lecteurs dans cette présentation…

Dans la vie je suis un prof d’arts plastiques. Je vis dans le Sud. Je passe l’essentiel de mon temps dans mon jardin, à cultiver des plantes exotiques et à créer un décor pittoresque. C’est une manière d’exprimer ma créativité maintenant que je ne dessine plus beaucoup et que je ne joue plus de musique. Mais chaque jour je vais sur le blog. C’est la connexion avec le monde que j’ai choisi.

« Tornado », c’est un pseudo à la noix et le fruit du hasard : Un jour, j’ai perdu ma carte bancaire. A cette époque, Amazon m’avait obligé à changer de compte et de pseudo. J’ai donc modifié mon vrai nom (italien), à une lettre près…

Te rappelles-tu de notre 1ère rencontre ?

Une rencontre en deux temps :
D’abord virtuelle sur Amazon, via les « avis » qui allaient former un jour des articles. Le premier message que j’ai posté, c’était sur un « commentaire client » de Présence à propos d’un album de Batman (me rappelle plus lequel). Je l’invitais à préciser les dates, je m’en souviens ! Le premier te concernant, c’était pour THE BOYS je crois. Je te disais ne pas être d’accord avec toi. Le courant est passé tout de suite ! Et puis il y a eu la review de Présence sur ONE MORE DAY, où on a commencé à avoir une discussion quotidienne à trois (avec parfois Cyrille M et JP Nguyen !).

Ensuite physique chez Album, à Paris. Une chouette journée à écumer les boutiques de comics ! J’ai aussi pu rencontrer Présence et Patrick 6 (ainsi que JP, de passage dans ma région). On s’est tout de suite très bien entendus et les soirées dans le bistrot de ton frangin étaient assez mémorables dans leur genre.

La rencontre…
© Dynamite

Quelles sont tes lectures fondatrices ?

On commence par du classique : PIF, RAHAN, TITI (avec TARZAN), MICKEY PARADE, PICSOU, les publications LUG et la trinité incontournable ASTERIX/TINTIN/LUCKY LUKE. Une période de transition avec BLAKE & MORTIMER puis, arrivé au lycée, les lectures plus adultes de Fluide Glacial (Gotlib, Maester, Binet, Edika), avant de plonger dans les œuvres de Jean Van-Hamme (à commencer par THORGAL), d’Alejandro Jodorowsky (en commençant par L’INCAL), d’Hugo Pratt et Manara, et des révolutionnaires qui viennent de débarquer au rayon comics : Alan Moore dont THE KILLING JOKE est une immense révélation pour moi, Frank Miller et son DARK KNIGHT RETURN, Grant Morrison avec ARKHAM ASYLUM où Dave McKean fait sensation, comme dans BLACK ORCHID de Neil Gaiman, sur lequel tout le monde se penche dans mon internat, sans que personne ne comprenne de quoi ça raconte…

Cette liste montre bien qu’il y a un avant et un après. Dans l’avant, il n’y a que TINTIN vers lequel je reviens sans cesse.

Quand les comics grandissent avec le lecteur, peut-on encore revenir en arrière ?
© DC Comics

En préparant cette interview je me suis rendu compte que, de l’équipe, tu ne proposais quasiment jamais de comics contemporains. Que s’est-il passé depuis nos premières années où tu semblais encore impliqué dans les nouveautés comics ?

Facile : Je reviens aux comics au milieu des années 2000, au moment de CIVIL WAR et des librairies pleines de créations estampillées Marvel Knights. Un véritable âge d’or et une mine pour un lecteur adulte relativement exigeant. J’ai la naïveté de croire que la mort de Captain America (dont le rôle à contre-emploi m’a vraiment impressionné) est définitive. Alors je me dis, en découvrant des perles comme SENTRY et INHUMANS de Paul Jenkins & Jae Lee, les œuvres de Jeph Loeb & Tim Sale, que les super-héros sont passés dans une ère adulte et artistique totale. Je me mets à lire quasiment tout ce qui me tombe sous la main, avec la volonté de voir ce que ça fait d’être un lecteur complétiste, chez Marvel et chez DC, tant qu’à faire…

Cela n’a duré qu’un temps : C’était un leurre. Les super-héros sont rapidement retombés dans une sphère adolescente plombée par une politique éditoriale exaspérante (connexion/events/crossovers, morts/résurrections, origines/reboot/relaunch, etc.). Aujourd’hui, via l’overdose des adaptations ciné/télé, je deviens allergique aux superslips. Sauf exception.

J’ai également arrêté d’acheter compulsivement des comics indépendants. J’ai une poisse insensée avec mes séries coup de cœur. Soit elles sont annulées en cours de publication par leur maison d’édition (je pense notamment à BEDLAM de Nick Spencer (série exceptionnelle mélangeant super-héros et serial killers, mille fois supérieure à NAILBITER), soit, et c’est le plus fréquent, abandonnées en VF (HARROW COUNTY au moment du naufrage de Glénat Comics, par exemple). Je n’accorde plus aucune confiance aux éditeurs. Je préfère attendre une éventuelle réédition définitive en intégrale…

BEDLAM : Deux tomes et va t’faire foutre…
© Image Comics

Au fil des années, tu as façonné auprès de nos lecteurs une image de Comics-Grincheux, ce que tu n’es pas dans la vie. Pourquoi ce contraste entre l’écrit et la réalité ?

Pourquoi écrit-on des critiques ? Parce qu’on est des artistes frustrés (le rock-critique un musicien raté, le blogueur de BD un dessinateur ou un scénariste qui n’a pas réussi à en faire son métier…) ? Ce postulat, s’il est un tant soi-peu fondé, ne fait-il pas du critique un grincheux potentiel ?

Pour moi, il est clair que l’écriture est un exutoire. Une antichambre. Dans la vie je suis un vrai gentil, fêtard, protecteur, tolérant et bienveillant. Un peu râleur (un homme du sud) mais c’est tout. J’ai même un égo très raisonnable. Avoir tort ne me dérange pas (je trouve le contraire idiot) et être chambré, c’est rigolo. J’ai appris ça à l’internat et au service militaire !

Mais j’ai grandi dans les années 70/80, enfant de Coluche, Desproges et Cie. Gainsbourg, dont l’œuvre et le personnage m’ont marqué dès l’enfance, disait que la provocation est une dynamique et qu’on est cernés par les cons. Cette philosophie basique constitue mon ADN. Le problème est que je ne sais pas vraiment la canaliser dans mon écriture. Surtout à l’époque actuelle de la Cancel Culture où, la provocation, jadis symbole de liberté, est devenue ennemi public N°1 d’une nouvelle chasse aux sorcières…

Cette interview sert à clarifier certaines de tes marottes. On y va ?
Tu as souvent recherché une adéquation entre le fond et la forme dans la bande dessinée.

J’ai une formation de plasticien. J’ai fait des études universitaires d’arts plastiques, à une époque où cette discipline cherchait à s’intellectualiser pour asseoir sa crédibilité (et briser le stéréotype « étudiant en art = grosse feignasse inutile » ou « hippie périmé »). C’était la même chose avec d’autres disciplines comme l’EPS et son « référentiel bondissant », une assez pathétique tentative d’intellectualiser le mot « ballon », par exemple ! J’ai passé des années à analyser des œuvres, à étudier les artistes, leurs thèmes, leurs concepts. C’est devenu une sorte de déformation intellectuelle. Pour moi, une œuvre d’arts plastiques s’articule principalement dans son rapport entre la Forme et le Fond. Une œuvre littéraire entre le Texte et le Sous-texte. Un médium qui fusionne ces deux formes d’expression, comme le cinéma et la bande-dessinée, regroupe ces quatre notions. Je ne peux pas m’empêcher de les analyser. C’est épuisant, j’avoue (rires).

Ces critères esthétiques ne te ferment pas des portes ?

C’est compliqué. Parce qu’en plus je suis comme tout le monde pétri de contradictions. En littérature (et donc aussi en BD, parce que j’ai envie que la BD soit au niveau de la littérature), je suis élitiste. Un vrai connard. En musique, c’est l’inverse : J’aime le fun, voire le kitsch. Je déteste le bruit, la musique expérimentale prétentieuse et les approches élitistes qui cloisonnent les genres. Du coup, j’ai l’impression d’être une sorte de progressiste démontant les mêmes approches que j’ai en littérature ! Au cinéma c’est encore différent : Je suis plus cool. J’aime les deux (le cinéma d’auteur et le cinéma pop-corn). C’est là où je suis le plus ouvert !

Tu as souvent vilipendé les élites dans ces colonnes, notamment dans les articles musique en y mettant un peu tout le monde. Peux-tu nous clarifier tout ça ?

J’ai passé une grande partie de ma vie avec des musiciens. Dans les années 90 et 2000, à l’époque où la planète était rock, je jouais de la batterie et je passais l’essentiel de mon temps libre à écumer les concerts de toute sorte, rock, jazz, blues, fusion, world music, dans les bistrots, les salles de concert, les stades, les caves, les festivals des quatre coins de la France, les docs marseillais, les happenings lillois, la Rue de la Soif de Rennes, chez les copains…
Dès que quelqu’un se passionne pour la musique, on dirait qu’il faut qu’il choisisse son camp et ça devient très vite extrêmement sérieux.
Point 1 : Je trouve qu’en musique, les spécialistes se prennent beaucoup trop au sérieux. Franchement la presse musicale et ceux qui la lisent assidument ressortent souvent les mêmes litanies. Je ne supporte pas cette messe. J’ai envie de rester un électron libre et je suis allergique à toute forme de pensée unique. Quand je lis une phrase dans une revue ou une bible rock, puis que je l’entends reprise telle quelle par un quidam qui vient réciter sa leçon comme s’il avait inventé lui-même la formule (et j’ai malheureusement le don de repérer ça à des km), ça me rend gaga.

Point 2 : Je ne supporte ni les litanies, ni la sensation que les gens « récitent » une pensée unique. Régulièrement, notamment dans les articles et les ITWs rock, tu peux lire que le rock « SE DOIT » d’être une attitude, voire un look. Ça m’exaspère. Le rock est un genre de musique riche et protéiforme, qui est libre d’évoluer comme toute forme d’expression. Résultat : Le rock est en train de mourir à petit feu quand certains s’accrochent à cette doctrine sclérosée. Il n’y a pas plus mauvais passeurs que les élites. Le rock ne se doit de rien. Du coup, ça a gonflé les jeunes qui se sont tournés vers le rap.

J’aime autant écouter de la musique de genre que de la variété. Mes héros viennent de tous les horizons sans que je sois dupe sur le fait que leurs genres respectifs ne se valent pas : Marvin Gaye, Pink Floyd, Burt Baccarach, Julio Iglesias, Gil Scott-Heron, Henry Mancini, Jeff Buckley, Chet Baker, John Barry, Led Zeppelin, Pat Metheny, Serge Gainsbourg, Gene Clark, Dead Can Dance, Miles Davis, Rage Against the Machine, James Brown, Antonio Carlos Jobim, Stephen Stills, Jacques Brel, Donny Hathaway, Stan Getz, Barry White, ACDC, Frank Sinatra, Santana, Michel Polnareff, David Crosby, Aretha Franklin, Henry Salvador, Nick Drake, Paul Williams, les Doors, les Bee Gees, Léo Ferré, Neil Young, Adriano Celentano, David Sylvian, Magma, Robbie Williams, Michel Jonasz, Anathema, Mozart…

Point 3 : Je refuse de renoncer à des musiques sous prétexte qu’elles ne rentrent pas dans le canon du « bon goût » dicté par des musicologues autoproclamés. C’est ce que j’appelle « l’oligarchie rock ». Mais ça peut marcher aussi avec les autres genres (le jazz n’est pas mal non plus niveau élitisme…).

A chacun son best-of.

Tiens, je me suis inspiré d’Isaac Asimov pour ma formule musicale :
Loi 1 : La musique doit plaire à mes oreilles.
Loi 2 : J’ai le droit d’écouter de la musique facile et commerciale si elle correspond à la loi 1.
Loi 3 : La valeur artistique de la musique est un plus, sauf si elle rentre en conflit avec la loi 1.

Cette formule explique par exemple pourquoi ma période préférée de Bowie est celle des années 70 (plaisir d’écoute + valeur artistique), pourquoi j’écoute quand même LET’S DANCE et TONIGHT (valeur artistique faible, mais plaisir), et pourquoi je n’écoute pas la période berlinoise (valeur artistique certaine, mais aucun plaisir d’écoute).

Dans le domaine des comics on retrouve ce type de réflexes, certains modèles étant dictés par une forme de communautarisme : Combien de fois ai-je pu lire « chef d’œuvre ! » sur les RS, à propos d’un comicbook pas encore publié, mais fortement hypé, posté par un internaute n’ayant certainement pas encore lu la chose…

Tes critères esthétiques, justement sur le fond et la forme, ne te feraient pas entrer dans les critères que tu dénonces par ailleurs : ceux du bon et du mauvais goût ? Tu as souvent écrit qu’un nivellement entre les œuvres était impossible.

Dans certains cas, je peux être une teignasse. Je ne supporte pas l’arrogance et en même temps je peux être arrogant moi-même. En musique, ceux qui pensent être des connaisseurs toisent souvent les autres de haut. Mais le fait-est que dans le domaine de la littérature et de la BD, où je suis un vrai connard, je toise aussi les autres de haut. On en revient aux contradictions. Aujourd’hui j’essaie d’être comme Pierre Richard : Je suis teignasse mais je me soigne…

Les lectures marquantes de l’enfance.
© Lug/Marvel Comics

Tu t’es souvent aussi révolté contre les comics Old-School infantilisants…

A force d’y réfléchir, je pense savoir pourquoi. Quand, en 2000, sort le premier X-MEN de Bryan Singer, c’est le monde entier qui redécouvre un intérêt pour les super-héros, et moi avec. Je me souviens avoir lu un dossier dans le magazine Mad Movies (LE canard qui m’a le plus marqué depuis l’adolescence, auquel je suis resté longtemps fidèle). Le chroniqueur ne tarissait pas d’éloges sur les comics mutants, la richesse de leur univers et leur toile de fond sur le droit à la différence. Je me suis alors souvenu avec nostalgie du temps où je lisais DIEU CREE, L’HOMME DETRUIT, BELASCO et la rencontre entre Xavier & Magneto dans UNCANNY X-MEN #161. J’ai donc couru acheter la première intégrale dédiée aux X-men de l’ère Claremont. Les bras m’en sont tombés : J’ai trouvé ça très mauvais et daté.

J’ai commencé à fréquenter les réseaux sociaux dédiés aux comics, et notamment le Facebook de Panini qui, à l’époque, possédait encore la licence DC Comics. En posant des questions du genre « Quand sortirez-vous tel truc d’Alan Moore ? », je me suis pris des réflexions hautaines, voire agressives pour me dire que c’était surfait et prétentieux, et qu’il valait mieux que je lise LE DIABLE EN BOUTEILLE, par exemple, qui n’avait pas attendu le Dark Age pour s’adresser aux adultes. Plein de bonne volonté, je suis allé acheter et j’ai lu ces comics old-school, soi-disant la panacée. Les bras m’en sont encore tombés : Voir Iron man se bastonner façon bac à sable contre des vilains complètement débiles en balançant des phrases moyenâgeuses, c’était ça la référence adulte ? Encore un truc qui m’a mis en colère (rires) !

Mais pourquoi donc cette allergie aux comics old-school et leur style enfantin ? (je ne dis plus « infantile » aujourd’hui, parce que ça vexe des gens très bien).
Au collège, je dessinais énormément en rêvant de devenir auteur de bande-dessinée et on se tirait la bourre avec un copain. Alors que j’étais attiré par le Fantastique, lui ne dessinait que des trucs hip hop, des skaters, des surfers, ce genre de truc. Je suis ensuite parti pour d’autres horizons, d’autres endroits. Un jour, en revenant chez moi, j’ai croisé ce copain d’école devenu adulte. Il décorait des devantures, des enseignes et des bagnoles. Et il dessinait exactement les mêmes trucs qu’au collège, une époque que j’avais détestée (j’ai viscéralement détesté l’adolescence). Ça m’a fait un choc. Une sorte de déclic ! J’avais changé, évolué, évacué le passé. Mais pas lui. J’ai exprimé un très fort sentiment d’allergie. Je pense que cet événement a défini, de manière plus ou moins inconsciente, mon rejet de tout ce qui a attrait à l’adolescence. Non pas les ados eux-mêmes (j’adore les teen movies des années 80, j’ai adoré les RUNAWAYS de Brian K. Vaughan et les YOUNG AVENGERS d’Alan Heinberg), mais leur univers. Les comics old-school (et certains actuels racoleurs – Coucou Skottie Young !) sont pensés, écrits et calibrés pour plaire à des adolescents. Je suis convaincu que cet état d’esprit (la Forme, encore !) est une des raisons majeures de mon rejet. Parce que s’ils étaient fondamentalement mauvais, vous les trouveriez tous mauvais, non ?

Mais non, mais non, rien de personnel je vous dis…
© Guillaume Prevost

Tu es également l’auteur du Bullshit Detector le plus controversé de l’histoire du blog : celui sur la SAGA DU PHENIX NOIR. Si c’était à refaire ?

Je le referais. A ceci près que j’essaierais d’affiner mon approche, pour que ce soit beaucoup plus drôle, et beaucoup moins méprisant pour les fans.

Ecrire des articles n’est pas mon métier. Lorsque j’écris celui sur le PHENIX NOIR, je suis un amateur qui ne maitrise pas l’exercice périlleux et subtil de la critique à charge, menée avec humour. On a vu le résultat. Je m’en suis beaucoup mieux sorti avec mes articles sur les vieux téléfilms Marvel.

Bon et c’est quoi ton problème avec le Punk Rock, c’est de l’ordre du trauma, non ?

Mon rapport au punk démarre au lycée. J’étais inscrit à l’internat à Antibes, en section Arts Appliqués. Pendant trois ans, j’ai partagé le quotidien d’une bande de punks et me suis lié d’amitié avec eux. Pour s’endormir (on partageait la chambre), ces crapules écoutaient du Clash, du Buzzcocks, du Boomtoom Rats, du Dead Kennedys ! Je ne supportais pas cette musique basique et moche (excepté les Clash). C’est aujourd’hui encore du bruit inécoutable pour moi. Il a fallu trouver des compromis et on a évolué ensemble : Pink Floyd, Bowie, Hendrix, les Doors… L’aventure musicale avait commencé.

C’est ma croix : Je ne m’entends bien qu’avec les gens qui ont des goûts opposés aux miens. On a appris à jouer de la musique tous ensemble. On a commencé par des compromis puis, lorsqu‘en 1990 a débarqué le rock fusion avec Red Hot Chili Peppers et Rage Against the Machine, on s’est mis à jouer ça. Mes années fac qui ont suivi, entre Toulon, Marseille et Aix en Provence, me manquent beaucoup aujourd’hui. J’ai adoré cette époque.

Lorsque j’ai eu mon CAPES et que j’ai été affecté à Lille, un de mes meilleurs potes (qui jouait de la basse avec moi) m’a suivi et on a été colocataires pendant mes trois années lilloises. C’est un fan ultime des Ramones. C’était reparti pour trois ans à subir du punk (rires) ! J’ai donc encore fréquenté ce milieu, et ces mecs me trainaient bien malgré moi dans tous les concerts garage du Nord et de la Belgique, en passant par la Bretagne et la Normandie. Bref, j’en ai bouffé du punk !
Un traumatisme ? Oui, on peut dire ça ! Mais uniquement musical, parce que la vie en rock, c’était rigolo.

Pour terminer, je dirais que ce qui m’insupporte avec le punk c’est comme avec certains auteurs de comics old-school (comme si c’était mieux avant, au bon vieux temps du rock’n roll) : Entendre sempiternellement, et au mépris du reste de la part de musicologues autoproclamés d’un côté, et de docteurs es-comics de l’autre, que c’est le plus pur, le plus intègre, le plus… je ne sais quoi ; le top du top, les deux formant une sorte de communauté semblant vouloir écraser le reste de l’humanité de sa pensée unique. Alors que je trouve ça pourri. Sauf votre respect. Rien de personnel.

Motherfucker !!!

Qu’est-ce que les échanges avec la Team t’apportent ?

De l’amitié. Essentiellement virtuelle, peut-être, mais… importante. C’est cool d’échanger avec des cop(a)in(e)s qui, même en ayant des goûts différents (encore une fois, le fait que les gens ne pensent pas comme moi ne m’empêche pas de les aimer), partagent les mêmes loisirs. Ça rappelle justement l’époque où je jouais de la musique avec mes potes, qui hélas habitent tous aux quatre coins de la France aujourd’hui…

Dans mon entourage professionnel, la plupart des gens méprisent la culture geek. Echanges avec la team = bulle d’oxygène.

Tes projets d’articles pour la saison 10 ?

On ne s’étonnera pas si je propose de moins en moins d’articles sur les super-héros… à part des articles rigolos sur les films les plus kitsch !
J’ai envie d’écrire sur la musique. De plus en plus. S’il y a une fenêtre pour ça au sein du blog, je la prendrai bien volontiers.

Je poursuivrais également mon exploration de l’œuvre d’Hergé, et celle des auteurs que j’adore, que ce soit en BD ou au cinéma. J’ai encore envie d’écrire sur Miyasaki par exemple. Et de poursuivre cette formule d’articles « crossover », qui mélangent les médiums, comme ceux sur la chute du mouvement hippie. Que diriez-vous d’un article sur l’œuvre commune de Sergio Leone et Ennio Morricone par exemple ?

En tout cas je te remercie Bruce, pour la liberté totale que tu m’accordes en ces lieux. Merci aussi à la team de m’aimer quand même pour ce que je suis. Et merci aux quelques lecteurs qui continuent de lire mes articles…

Mes amis. Ma famille …
© Hergé-Moulinsart 2022

Un dernier mot ?

Je déplore régulièrement que les lecteurs réagissent systématiquement à quelques petites provocations inoffensives. Or, il se trouve que cette provocation est dans ma nature. Sachez donc qu’il n’y a là rien de personnel (sourire) !


La BO : Des Rocs : NOTHING PERSONNAL

56 comments

  • Tornado  

    Si je ne lis jamais la presse rock de l’actualité, dont je n’ai jamais supporté le clivage, je lis toujours avec plaisir les hors-série à thèmes. Ces derniers temps, plusieurs HS de Rock’n Folk par exemple, ont fourni quelques passages qui abondent dans mon sens et que j’ai envie de recopier ici.
    J’ai souvent regretté, dans les discussions ici-même avec les copains, que le rocker moyen se prend trop au sérieux et que je trouve ça exaspérant.

    Dans le HS ROCK & CINÉMA, le passage sur les films parodiques cite, à l’occasion de la review sur SPINAL TAP, la phrase suivante :
    « Aimer le rock consiste à croire en une fable mythologique où sarcasme et second degré n’ont pas leur place car sinon, plus rien ne tient debout. (…) À lépoque, même si le film (SPINAL TAP, donc) ne rencontre pas le succès, certains demi-dieux du rock rient jaune devant la justesse du pastiche : Aerosmith Van Halen, Foghat (entre autres qui ont préféré vivre leur vexation en silence)>/em> ».

    Dans le HS UNE HISTOIRE DU ROCK’N ROLL EN PLUS DE 650 DISQUES, le journaliste Léonard Haddad sélectionne l’album RAM de McCartney et écrit ceci :
    « 
    À son corps défendant, voici l’un des disques les plus clivants de l’histoire du rock. L’objet du drame : Nous sommes en 1971 ; (…) les ex-Beatles s’entredéchirent devant les tribunaux. (…) dans Rolling Stone, Jon Landau décrit RAM comme le « Nadir de la décomposition du rock sixties », l’envoyant ainsi à la poubelle de l’histoire. (…) McCartney est accusé d’être un rock’n roll traitre, osant chanter l’herbe fraiche, (HEART OF THE COUNTRY), le cunnilingus (EAT AT HOME), et la mauvaise haleine (SMILE AWAY) quand les temps sont à la révolution. Salaud de Paul !
    Longtemps après, la vérité éclatera au sujet de cette opération punitive téléguidée par le rédac’ chef Jan Wenner, accessoirement membre du premier cercle de John Lennon, ce dernier ayant décrété que le rock serait « relevant » ou ne serait pas. Le mal était fait. Du jour où cet article a été publié, il a été gravé dans le marbre que le rock devait se prendre au sérieux pour être jugé valide culturellement. Près de 50 ans après, Jon Landau a beau avoir présenté ses plus plates excuses et le miracle pop de RAM été à peu-près réhabilité, cette tarte à la crème nous empoisonne toujours la vie »
    .

    Voilà. Tout à fait le genre de discours qui illustre bien ma conviction que dans le monde du rock, il y a une forme de pensée unique relayée en boucle, qui impose une forme d’olligarchie complètement grotesque (« le rock se doit d’être comme ci et pas comme ça »), faite de suiveurs qui s’entêtent à s’engouffrer dans une seule et unique impasse.
    Attention : Je ne dis pas que j’ai raison et que tout le monde a tort. C’est juste pour développer la discussion et l’argumenter un peu plus.
    Cette « prise au sérieux » et cet aspect « pensée unique » m’est toujours sorti par les trous de nez. C’est juste mon avis, et j’aime bien le partager ! 🙂

    • zen arcade  

      Le rock est pluriel et chacun l’écoute et l’apprécie pour des raisons qui lui sont propres.
      Tout le reste, c’est du verbiage.
      Mais c’est chouette le verbiage. 🙂
      Message écrit en écoutant une sonate de Schubert. 🙂

      • Tornado  

        Je suis d’accord. Comme quoi on y arrive (à être d’accord) ! 🥳 😀

  • Tornado  

    Quelques passages des livres respectifs d’Aymeric Leroy et de Frédéric Delâge sur le rock progressif :

    « La mythologie du rock, arc-boutée sur le concept idéalisé du groupe vu comme une bande de copains partageant une passion désintéressée , a poussé cette logique jusqu’à décréter que tout, absolument tout, y compris des musiciens exécrables, est préférable à la notion de rockers « professionnels », l’essentiel étant qu’on ne puisse les soupçonner de n’être là « que pour le fric« .

    Ce cliché m’a toujours fait hurler de rire : Il est parfaitement évident que la plupart des rockers n’ont qu’une seule ambition en tête : devenir des stars.

    « (…) la presse musicale développe une allergie tenace au rock progressif, détestation érigée au rang de réflexe pavlovien, devenant pour une large part l’obligatoire curseur du « bon goût rock ». La convertion quasi dogmatique à l’esprit punk, réclamant l’éradication des groupes installés, devient dès lors l’un des traits les mieux partagés dans les rangs de la presse rock« .

    Voilà, tout est dit. Je ne dis pas que tous ceux qui suivent ce shéma sont des « suiveurs » décérébrés, évidemment, mais il n’empêche qu’il y a forcément une grande partie de cette frange radicale du purisme rock qui s’est laissé influencer par une certaine presse rock du tournant des 70’s.

  • zen arcade  

    Je me trompe peut-être mais je pense que tu donnes une importance largement exagérée aux effets de la presse rock que tu conspues.
    Je pense qu’à l’époque du punk et des années qui ont suivi, c’était avant tout une histoire de clash de générations. Dès ses débuts, le rock s’est construit sur une remise en cause des modèles établis. L’esprit punk, ce n’est rien d’autre que la réactualisation de cette remise en cause dans un contexte dans lequel le rock s’était établi, « adultisé », notamment dans le prog et le country rock. La British invasion du milieu des années 60, avec sa vénération des origines blues du rock en réaction à la dilution du rock dans une espèce de variété, n’avait déjà rien fait d’autre.
    Ce sont des mouvements de réappropriation.
    La presse rock s’est faite l’écho de tels mouvements mais elle n’en est ni à l’origine ni, surtout, le coeur vibrant.
    Quand j’ai commencé à écouter du punk, du post-punk,… , je n’écoutais pas ça parce que la presse rock disait que c’était ce qu’il fallait écouter (de toute façon, je ne lisais pas la presse rock. les trucs comme Best, Rock & folk et autres, je trouvais ça sans intérêt). J’écoutais du punk, du post-punk parce qu’à 15 ans, c’était la musique qui correspondait à mon état d’esprit. Le prog, on trouvait ça nul parce que c’était une musique de vieux. Et le rock, quand j’avais 15 ans, c’était n’importe quoi mais surtout pas une musique de vieux.
    Par ailleurs, ce qui a beaucoup joué aussi, c’est que les artistes phares des années 60 et 70, sauf rares exceptions, ont artistiquement très mal traversé les années 80. Pour un ado dans les années 80, les productions contemporaines de ces artistes donnaient avant tout une impression de grosse ringardise. Ca n’a pas aidé à ce que leurs productions antérieures puissent être évaluées objectivement. Les années 80 appartiennent aux groupes des années 80.

    • Tornado  

      Encore une fois d’accord. Mais pour un gros consommateur de musique comme je le suis et je ne suis pas le seul dans ce cas, ces querelles d’état d’esprit n’ont plus lieu d’être aujourd’hui. C’est un peu comme si, en arts plastiques, je n’aimais qu’un ou deux mouvements artistiques et que je n’aille visiter que les musées où ils sont exposés, plutôt que de m’ouvrir à tous les genres et à trouver des choses intéressantes partout. Et ce jusqu’à la fin de ma vie.
      La détestation du punk pour le prog et l’AC (country et soft-rock), pour le disco et tout le toutim, c’est du passé aussi. C’était il y 45 ans. Il n’y a aucune raison pour que ça perdure aujourd’hui.
      Je ne dis pas qu’il faut tout aimer (je n’aime ni le punk/post-punk, ni le hip-hop, et ça ne changera jamais), mais s’accrocher à une version de puriste au dépends de tout le reste, à un seul et unique état d’esprit, c’est pas non plus très constructif.

      • zen arcade  

        Mais si tu continues à n’aimer ni le punk ni le post-punk, tu dois pouvoir comprendre que d’autres continuent à ne pas aimer le prog. 😉
        Pour revenir sur mon cas personnel, quand j’ai voulu trouver autre chose que ce que je trouvais dans le rock que j’aimais, je me suis ouvert à des tas d’autres styles musicaux. Jazz, soul, électro, hip-hop, classique,… A peu près tout. Mais je n’ai pas cherché à trouver autre chose au sein du rock. Le rock que je n’aimais pas quand j’avais 15 ans, je ne l’aime toujours pas aujourd’hui.
        C’est peut-être dommage mais c’est comme ça.
        C’est pas par purisme. Le purisme, je m’en tape. Je crois juste qu’il y a des choses tellement fortes qui se définissent à l’adolescence qu’on ne peut jamais réellement s’y soustraire. On peut aller de l’avant, évidemment, et exercer sa curiosité le plus largement possible. Et je pense que c’est ce que j’ai fait et ce que je continue à faire. Mais certaines choses sont imprimées d’une manière telle qu’elles sont indélébiles.

        • Tornado  

          « Le rock que je n’aimais pas quand j’avais 15 ans, je ne l’aime toujours pas aujourd’hui » : Idem.
          J’ai aussi dû batailler (pour ne pas pas juste passer pour un trouduc) pour continuer à aimer ce que j’aimais ado et qui ne correspndait pas, quand j’ai commencé à trainer avec des rockers, à leurs goûts élitistes. C’est depuis que je répète toujours que je ne m’entends bien, dans la quasi-totalité des cas, avec des gens qui ont des goûts opposés aux miens… 😉

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