Totally Spies ! (BLACK WIDOW de Devin Grayson et Greg Rucka)

Totally Spies ! (les séries BLACK WIDOW de Devin Grayson et Greg Rucka)

Un article de JB VU VAN

VO : Marvel Comics

VF : Panini Comics

Choisis ton camp, camarade !
© Marvel Comics

Cet article portera sur plusieurs mini-séries BLACK WIDOW, chacune en 3 numéros. La première, publiée en 1999, est écrite par Devin Grayson, illustrée et encrée par JG Jones, mise en couleur par Dave Kemp. La seconde est cosignée par Devin Grayson et Greg Rucka, alors que toute la partie graphique est assurée par Scott Hampton. La troisième série, intitulée BLACK WIDOW : PALE LITTLE SPIDER, est de Greg Rucka, Igor Kordey et Chris Chuckris.

Ces séries ont connu plusieurs publications. BLACK WIDOW Vol 1 a été initialement publiée en VF dans la revue MARVEL KNIGHTS n°5 à 7, BLACK WIDOW Vol 2 dans un unique numéro du magazine BLACK WIDOW, et la série BLACK WIDOW: PALE LITTLE SPIDER dans l’album VEUVE NOIRE (MAX). Le tout a été réédité dans l’album BLACK WIDOW: MARVEL KNIGHTS de la collection Best of Marvel.

BLACK WIDOW Vol 1 de Devin Grayson et JG Jones
Conflit de générations
© Marvel Comics

Lorsqu’une arme bactériologique nommée la Frénésie Immortelle fait son apparition au Moyen Orient, les Etats-Unis et la Russie envoient leur meilleure agente, Natasha Romanoff. Une course entre les 2 nations s’engage non pour empêcher l’utilisation de l’arme, mais pour se l’approprier. Dans ce but, le Colonel Stalyenko dépêche sa propre espionne, Yelena Belova, qui revendique le titre de Black Widow. Et la nouvelle Veuve Noire est prête à tout pour surpasser et remplacer Romanoff.

En 1999, le personnage de la Veuve Noire obtient sa première série dédiée 35 ans après sa création. Pour l’occasion, Devin Grayson fait ressentir son âge à Natasha Romanova. Dès sa première scène, l’héroïne espionne parcours physiquement ses souvenirs en retrouvant dans ses affaires des rappels des jalons de sa vie : une photo de son mari, une autre de sa période Avengers, des médailles soviétiques, une première page de tabloïd l’affichant avec Daredevil. Dans le numéro suivant, le lecteur apprend que l’action se déroule lors de l’anniversaire de notre héroïne. Désabusée, Romanova se déclare lasse des jeux de guerre qu’elle doit contrecarrer. Elle verse même une larme lorsqu’elle apprend que l’arme bactériologique est un sérum qui entraîne une frénésie meurtrière chez ses victimes avant de les consumer : symbole d’une vie entièrement consacrée à la lutte. Le ressenti du lecteur est d’autant plus fort que la narration parvient à retranscrire ses émotions en évitant les monologues intérieurs des personnages.

C’est durant cette période de réminiscence que Natasha est confrontée à sa remplaçante, une jeune femme passionnée et motivée. Si je trouve le portrait de l’espionne vétérante réussi, je trouve que Devin Grayson (déjà responsable du viol de Nightwing…) rate celui de Yelena Belova. Si le personnage est présenté comme sans expérience, elle est également censée être extrêmement entraînée au point de dépasser (sur le papier) les performances de Natasha. Dans les faits, Yelena se fait repérer alors qu’elle suit Natasha, oublie de prévoir des portes de sorties, se fait capturer lorsqu’elle tente une mission d’infiltration. Des échecs qui collent mal avec la conclusion de l’histoire, qui laisse entendre qu’elle est prête à voler de ses propres ailes.

Une scène d’intense violence… je suppose ?
© Marvel Comics

Pour la partie graphique, le trait de JG Jones est beau. Très beau. Trop beau ? Entendons-nous bien, les dessins sont splendides. Mais je trouve que l’artiste de WONDER WOMAN: THE HIKETEIA a ici un style beaucoup trop statique. Dans la dernière scène du premier numéro, Yelena prend la pose debout sur le toit d’une jeep alors qu’elle est censée s’approcher discrètement de Natasha pour mieux la surprendre. Mais pourquoi ?! La position est tellement absurde que le numéro suivant la montre penchée et prête à fondre sur sa proie. De manière générale, les affrontements entre les 2 femmes ressemblent davantage à une chorégraphie qu’à un combat. Le dialogue tente de le justifier en évoquant le passé de ballerine de Natasha… Ailleurs, une scène de fusillade montre simplement Yelena une arme automatique à la main et un arrière-plan tâché de sang, sans aucun ressenti de recul de l’arme ou de l’impact des balles sur les corps.

Pour les fans de Natasha, la série permet de donner une dimension différente au personnage, discrètement introspective. Ceux qui veulent découvrir Yelena resteront à mon avis sur leur fin.. jusqu’à la série suivante.

BLACK WIDOW Vol 2 de Devin Grayson, Greg Rucka et Scott Hampton
Volte-face
© Marvel Comics

Natasha Romanoff fait enlever Yelena Belova et, avec l’appui du SHIELD et de Nick Fury, échange son apparence avec la sienne. La jeune espionne se réveille donc dans le corps de sa rivale sans comprendre la situation, et reçoit l’ordre d’éliminer “Yelena Belova”. Alors que Yelena est traquée pour son propre meurtre, Natacha infiltre l’entourage de Stalyenko. Mais quel est le but de ces jeux d’espions ?

Cette seconde série est écrite à 4 mains, Greg Rucka venant rejoindre Devin Grayson. Sans connaître les coulisses de la série, j’ai l’impression que les auteurs se sont répartis les personnages. En effet, lorsque le récit suit Natasha, on retrouve plusieurs éléments de la précédente minisérie de Devin Grayson (le pays du Moyen Orient, le supérieur de Yelena) alors que l’histoire de Yelena Belova renvoie à des thèmes régulier de Greg Rucka, tel que la persécution subie par Sasha Bordeau lors de BATMAN: FUGITIF ou un espionnage sale et peu glamour déjà vu dans QUEEN AND COUNTRY.

Une cruauté bienveillante ?
© Marvel Comics

C’est d’ailleurs la partie sur Yelena Belova qui retiendra l’attention. Si l’idée globale d’échange chirurgical de visages et les couvertures renvoient à VOLTE FACE. cette histoire m’a surtout rappelé l’un de mes épisodes préférés du PRISONNIER, “The Schizoid Man” (“Double personnalité” en VF). Dans cet épisode, le protagoniste se réveille dans la peau du N°12, un agent chargé de faire douter le N°6 de sa réalité. Le parallèle est intéressant : Natasha Romanov est ici placée dans la position du tortionnaire – Yelena et Daredevil n’auront d’ailleurs de cesse d’évoquer le sadisme de sa méthode. L’objectif sous-jacent de la Veuve Noire est de montrer à Yelena ce qu’est la réalité de l’espionnage :un monde où l’espion perd son individualité dans un jeu dont il ignore les règles. Un choc pour Yelena, qui revendique le statut d’héroïne russe mais réalise qu’elle n’est qu’un pion remplaçable.

Les peintures de Scott Hampton paraîtront fades à ceux qui ne jurent que par Alex Ross. Pourtant, l’artiste propose un graphisme varié. Ses planches peuvent faire preuve d’un réalisme saisissant lors de scènes intimistes entre les 2 Veuves Noires ou renvoyer au style expressionniste du Sienkiewcz de ELEKTRA: ASSASSIN, montrant les antagonistes comme des figures grotesques. L’artiste fait également des références directes au DAREDEVIL: BORN AGAIN de Frank Miller et David Mazuchelli lorsqu’il décrit une Yelena fugitive errant dans les rues et finissant prostrée dans une ruelle. Scott Hampton parvient à retranscrire les émotions de Yelena : sa désorientation puis sa détermination lors de son éveil dans le corps de son ennemie, sa perte de repère quand elle doit tuer son double, son désespoir et le sentiment de trahison lorsqu’elle retrouve Natasha.

Cette série fait donc la part belle à la russe blonde, en faisant de la Veuve Noire traditionnelle l’antagoniste manipulatrice face à la jeune héroïne idéaliste. De fait, le héros Marvel Daredevil veille comme un ange gardien sur Yelena et agit comme la conscience de Natasha. Si la conclusion du récit va vers une retraite anticipée de la jeune Veuve Noire (ce que confirment les suites de Richard K. Morgan), Brian Bendis, jamais avare de contresens, ramènera Yelena dans les pages des NEW AVENGERS en tant qu’espionne travaillant pour une branche corrompue du SHIELD, puis comme supervilaine… Mais avant cela, en 2002, Greg Rucka va s’intéresser aux débuts de cette éphémère Veuve Noire.

BLACK WIDOW: PALE LITTLE SPIDER de Greg Rucka et Igor Kordey
Ne vous fiez pas à la couverture !
© Marvel Comics

Retour sur le passé de Yelena. Obsédée à l’idée de dépasser les records de Romanoff, Yelena arrive au bout de son entraînement de Black Widow lorsqu’elle apprend la mort soudaine de son mentor, abattu d’une balle dans la tête. Sa première mission en tant que Black Widow : enquêter sur son assassinat. Yelena se rend dans la boîte fétichiste où sa dépouille a été retrouvée. Alors qu’elle doit assumer son nouveau rôle, la jeune femme découvre alors la face cachée de celui qui l’a formé.

La série BLACK WIDOW: PALE LITTLE SPIDER paraît sous le label adulte de Marvel, MAX, qui a également vu émerger des titres comme ALIAS ou le PUNISHERMAX de Jason Aaron. Contrairement à la plupart des autres séries MAX, cette minisérie se déroule en continuité et propose les origines de Yelena Belova. L’utilisation du label MAX est presque inutile : si les couloirs du club SM qui sert de décor au récit montrent des scènes fétichistes, tout lecteur des séries de Chris Claremont aura déjà vu des personnages tout de cuirs et de chaînes vêtus. Côté sexe et violence, on est également loin du FURY de Garth Ennis et Darick Robertson et ses orgies de prostituées ou déluges de tripes. Serait-ce donc la seule imagerie fétichiste ? Greg Rucka tente de dédiaboliser le BDSM, d’effacer son image de perversion en parlant de consentement mutuel des participants. Le problème, c’est que Rucka se tire une balle dans le pied en donnant des désirs éphébophiles à la victime et en faisant du dominant un psychopathe. Oups…

Un entraînement innocent ?
© Marvel Comics

Yelena occupe maintenant le devant de la scène sans la présence de Natasha. Pourtant, l’ombre de Romanov plane sur la jeune femme : on la découvre en plein entraînement, le visage fermé, déterminée à battre le record de la Veuve Noire. Lorsqu’on lui décerne le titre de Veuve Noire, Yelena est encore sous le choc du deuil de son mentor et ne prend pas encore la mesure de son rang – lorsqu’elle reprend l’affaire à la police locale, elle se réclame du GRU (le service de renseignement Russe) plutôt que de son titre. Et face à la tenancière de la boîte SM, bien entendue dominatrice, Yelena reste interdite, effacée. Ce n’est que face à la personne responsable de la mort de son mentor que Yelena parviendra enfin à s’imposer en tant que Veuve Noire, justifiant a posteriori son insistance quant à son statut de Black Widow dans les séries précédentes.

Bon, parlons d’Igor Kordey… Si le responsable éditorial voulait donner une image sordide du BDSM, Kordey est l’auteur parfait. Difficile de trouver des cases “sexy” ou aguichantes, l’artiste décrit des corps défigurés et grimaçant sous l’effort, le deuil, l’extase ou la douleur. Le contraste avec les couvertures de Greg Horn est d’autant plus choquant ou hilarant, selon l’humeur. Les couvertures du peintre donnent dans le style pin-up racoleur, souvent très éloigné de l’intérieur des comics – les lecteurs de la série EMMA FROST en savent quelque chose… Malgré le peu d’attrait qu’ont pour moi les cases de Kordey, je reconnais cependant qu’il parvient, comme Scott Hampton avant lui, à faire ressentir les différentes émotions conflictuelles de sa protagoniste.

Les 3 séries permettent de suivre l’évolution de la nouvelle Veuve Noire, initialement apparue en tant qu’antagoniste dans le titre THE INHUMANS de Paul Jenkins et Jae Lee. Devin Grayson et Greg Rucka ont pris soin d’éviter de faire de Yelena une figure monolithique. Débutante en quête d’identité, jeune prétendante ayant l’œil du tigre face à une Natasha désabusée, héroïne traquée découvrant le véritable visage de l’espionnage en perdant le sien. Dommage après ce bel effort qu’un certain Brian B. ait ruiné le personnage pour plusieurs années…


BO :

39 comments

  • doop  

    J’ai bien aimé ces mini-séries. Mais la lus intéressante graphiquement reste celle de Kordey, que je défendrai toujours.

  • Kaori  

    Bon, je dois avouer que Yelena ne fait pas partie des personnages qui m’intéressent. J’apprécie plus sa version MCU pour le coup.
    Cependant, à lire le résumé de la deuxième série, elle pourrait m’attirer un peu de sympathie.
    Quant au personnage de Natasha, je suis trop attachée à son couple avec le Winter Soldier pour disposer d’une quelconque objectivité !!!

    @Jyrille : je ne me rappelais pas de cet épisode de Buffy !! C’est l’échange Faith/Buffy, c’est ça ?? J’avais adoré le jeu des deux actrices, tellement bien fait !

    @JB : ah, le « viol » de Nightwing. Devin Grayson a mis du temps à accepter que cela puisse être considéré comme un viol, et a fini par l’admettre, une dizaine d’années après, je crois ?
    Pour ma part, j’aurais été à la place de Tarantula, je ne serais certainement pas allée aussi loin, mais je ne l’aurais pas laissé comme ça en plein désespoir, le petit Nightwing. Donc oui, Tarantula a clairement abusé de l’état de faiblesse de Nightwing pour obtenir ses faveurs alors qu’il était dans un état psychologique anormal, allant même jusqu’au projet de mariage. Mais qui suis-je pour reprocher à Tarantula d’avoir voulu tenter sa chance 😀 ?
    Pour en revenir à Devin Grayson, à mon avis, elle n’a pas pensé cette scène comme un viol mais comme une tentative de réconfort un peu extrême. Sauf que ça, effectivement, dans la vie réelle, c’est un abus sexuel.
    D’ailleurs, merci pour le lien vers mon article 🙂 .

    • Eddy Vanleffe  

      @Kaori
      Ce truc qu’ont les comics de nous faire « aimer » des couples… Il va de soi que pour moi Black Widow, c’est la partenaire de Daredevil…la résurrection bizarre étant un truc que je n’apprécie modérément dans les comics, j’ai donc en toute logique très peu suivi les histoires de Bucky…
      Nightwing, c’est Bab’s même si je suis conscient que Starfire ne mérite pas d’être éjectée….

      Du fait que ces personnages ont eu une trèèèèèès looooonnnguue vie, je me suis dit qu’ils avaient désormais souvent DEUX love interests qui ressortaient du lot
      Nathasha: Matt et Bucky
      Spider-man: Black Cat et MJ
      Scott: Jean et Emma
      Wolvie: Jean et Mariko
      DD:……………..heu non lui c’est un queutard^^
      Harley Quinn: Joker et Poison Ivy
      Même Superman avec Lois et Lana Lang si on y réfléchit
      Nightwing Kory et Bab’s même si il a des facilités pour les rencontres le salopiot!
      Je crois qu’on peut faire l’exercie pour bon nombre d’entre eux………….

      • Kaori  

        Ha ha, tu m’as bien fait rire avec DD le queutard…

        DD, malheureusement, je n’ai que très peu suivi ces histoires, je crois que j’ai dû commencer ma lecture au départ de Natasha dans les années 80. Ils allaient bien ensemble, mais ça ne ressemblait pas à l’amour fou pour moi, vu qu’elle partait…

        Sinon, oui c’est vrai qu’on trouve souvent deux love interest majeurs.

        Doop m’a envoyé 3 articles qu’il a écrit sur les amours de Nightwing, Cyclope et DD. J’ai lu les deux premiers, c’est assez mouvementé, on pourrait vite l’oublier…

        • Eddy Vanleffe  

          Les premiers articles de Doop sur Buzz je crois…
          des articles importants parce que pour la petite histoire sur Comics VF il y avait des liens vers d’autres sites notamment vers ce topic et c’est comme ça que j’ai connu Buzz.
          j’ai écrit sur le forum, puis…..puis…puis…. ^^

          • Kaori  

            Oui absolument, j’avais oublié de préciser que c’était sur Buzz ^^

  • Eddy Vanleffe  

    J’ai remis la main sur un volume Carrefour à 3 euros qui comprends les deux premiers récits de l’article.
    j’ai donc pu les lire
    ça va vite à faire en fait!
    Le premier est une sorte de gros film d’action avec une rivalité/soromance assez téléphonée mais le graphisme de JG Jones est quand même très beau. c’est très sympa à lire
    j’ai plus de mal avec la peinture de Hampton et l’aspect femme forte sous prozac typique de Greg Rucka, mais il faut bien reconnaître que l’échange entre les deux widow est bien sadique avec un Daredevil un peu à contre-emploi. L’histoire est prenante et surtout la mise en scène est à la fois épurée et efficace. Je la préfère finalement.
    Dans ce volume Carrefour, on trouve aussi deadly origins. J’y aime bien l’humour plus « blockbuster », certaines trouvailles mais je souffle un peu en voyant un énième personnage débarrassé de sa bienveillance. Comme Moira Mac taggert, Microship, et d’autres le fait de transformer un allié en traître de longue date, ne me satisfait pas. Surtout cet usage régulier de flashbacks suppose une maîtrise de la continuité et je crois que c’est un peu aux fraises à ce niveau là.
    Finalement, je disais dans un précédent commentaires que je ne suivais pas vraiment ce personnages et c’est totalement faux. puis que moins de 100 épisodes ont été publié sous son nom, quelques recueils suffisent pour en faire le tour et je me retrouve avec la quasi intégralité de Black Widow (j’aimerais lire les récits du double titre qu’elle partageait avec les Inhumains dans les années 70 ou les numéros de Marvel comics presents qui pouvaient parfois donner de petites pépites-Typhoid trilogy par exemple)

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